PAGES
2,3,4,5,6,7,8,9,10,11,12,13,14,15,16,17,18,19,20,21,22,23,24,25,26,27,28,29,30,31,32,33,34,35,36,37,38,39,40,41,42,43,44,45,46,47,48,49,50,51 ,52,53,54,55,56,57,58,59,60,61,62,63,64,65,66,67,68,69,70,71,72,73,74,75,76,77,78,79,80,81,82,83,84,85,86,87,88,89,90,91,92,93,94,95,96,97 ,98,99,100,101,102,103,104,105,106,107,108,109,110,111,112,113,114,115,116,117,118,119,120,121,122,123,124,125,126,127,128,129,130,131, 132,133,134,135,136,137,138,139,140,141,142,143,144,145,146,147,148,149,150,151,152,153,154,155,156,157,158,159,160,161,162,163,164,165 166,167,168,169,170,171,172,,173,174,175,176,177,178,179,180,181,182,183,184,185,186,187,188,189,190,191,192,193,194,195,196,197,198 |
ALFRED SWAN
Qui n'a jamais rêvé au plus profond de son âme de pouvoir un jour s'exprimer avec clarté et limpidité sur un sujet qui lui tenait particulièrement à coeur? |
Cette pensée profonde que je vous livre telle qu'elle, mon cher lecteur, elle m'est venue tout à fait par hasard, alors que je m'apprêtais à faire mes premières recherches sur le thème de la créa-tion littéraire : thème souvent abordé par les amateurs d'art, mais rarement approfondit par ces derniers. Car il faut souligner que les écrivains laissent très peu de traces sur leurs créations et apparemment par superstition à l'égard de leur oeuvre où le mystère doit régner tels des sorcie-rs vaudous qui se taisent aussitôt qu'on leur parle de leurs pouvoirs magiques. Jamais, ils ne vous en parlerons de peur qu'on leur vole! Ce que je peux parfaitement comprendre en étant moi-même un écrivain dillétant, mais qui n'arrange vraiment pas nos affaires pour poursuivre notre récit, bien malheureusement. Mais restons optimiste, mon cher lecteur, et entrons dans le vif du sujet afin d'éclairer nos propos. Tout d'abord signalons à ceux qui ne le savent pas que la plupart de nos grandes découvertes ont été faites par hasard et non par ce qu'on pourrait appeler l'étude opiniâtre d'une chose précise.Ainsi, on pourrait dire sans bien se tromper qu'en cherchant une chose on en découvrait une autre, comme Christophe Colomb découvrant l'Amérique en croyant être arrivé aux Indes! Destin ô combien magnifique pour un homme et pour l'humanité, n'est-ce pas? Oui, j'en conviens que tout cela puisse vous paraître contradictoire voir trop beau pour être vrai. Mais c'est la vérité sur ce qu'on appelle les origines des grandes découvertes qui peuvent sceller définitivement le destin d'un homme ou d'une nation pour allez jusqu'au bout de ma pensée. |
1 |
LACRIUS 1500 av JC |
Durant ma jeunesse, une seule chose obsédait mes pensées, c'était de jouir de la vie et de cueillir ses plus beaux fruits dans le jardin des Espérides. Je ne vous cacherai pas que les jeunes filles et les jeunes garçons ont été mes fruits préférés, ce que je vous avouerai sans aucune honte dans cet écrit voué à la postérité. Mais ce qui me choque le plus aujourd'hui, ce n'est pas cela, mais plutôt d'avoir perdu le bien auquel je tenais le plus dans ma vie qui s'appelait ma jeunesse et que je croyais auparavant éternelle! Et si le poète que je suis, vous parle de cette façon si désarman-te, c'est qu'il sait de quoi il parle, croyez-le. Car lui seul peut raviver au fond de sa mémoire les passions de son coeur qui sont toujours vivaces. Une petite anecdote si rapportant pourra vous aider à mieux comprendre ce dont il sagit. La voici. |
Un soir de pleine lune, alors que je venais de terminer mon repas, j'entendis le vent se lever bru-talement au dessus de mon toit. Tout naturellement, ma curiosité me poussa à aller voir au de-hors comment les éléments étaient déchaînés. Connaissant mon tempérament téméraire, j'allai jusqu'au bord de la falaise pour voir les flots de la mer où je fus surpris par le spectacle gran-diose qu'elle m'offrait avec ses vagues énormes se fracassant contre les rochers ainsi que la vue de plusieurs bateaux en perdition à l'horizon où des marins étaient jetés dans les flots comme des fetus de paille! Que vous dire d'autre, mon ami, sinon que tous ces éléments déchaînés me rappelaient étrangement ceux de ma jeunesse avec ses passions tumultueuses où la raison fut souvent absente! Mais signalons au passage que sans cette ignorance des dangers, nous aurions été vieux avant l'âge, ne nous le cachons pas. Mais ô combien de jeunes gens morts à la fleur de l'âge par bravoure ou par naïveté? Je vous laisse imaginer le nombre, mon ami. |
2 |
Voilà, en voulant voir la tempête, notre vieux poète retrouvait le souvenir de sa jeunesse et en même temps faisait le triste constat de sa perte! Et nous pourrions aussi ajouter, pour notre plus grand bonheur, que notre vieux poète eut beaucoup de chance que quelqu'un l'attendait à la mai-son, en particulier, son chien, sinon on aurait rien su de son histoire. Voilà comment se font les histoires et arrivent jusqu'à nous par des chemins bien tortueux et disons-le clairement souvent par un heureux hasard. Car qui d'entre nous aurait eu l'idée de garder les écrits d'un vieux poète dans son placard durant 1500 ans? Reponse : personne. Et pourtant, ils sont arrivés jusqu'à nous dans un état de conservation qui nous permettent aujourd'hui de les étudier. Moi, j'appellerai ça la providence ou le destin, mais appelez-le comme vous voulez. Bien sûr, il y eut aussi dans leurs vies des mécènes et des protecteurs d'oeuvres d'arts, heureusement. Mais comment ont-ils fait ces écrits pour traverser les guerres, les révolutions, les famines et surtout le manque de pa-pier pour allumer un feu de cheminée? Ceci reste pour moi un grand mystère que seul le hasard ou la providence peut expliquer. A ce propos, cela me fait tout particulièrement sourire, quand je pense à tous ces auteurs de livres à succès ou bestsellers qui se croient éternels parce qu'ils vendent! Comme on les voit souvent à la télé, cela me fait éclater de rire à chaque fois et, en particulier, quand ils prennent cet air solennel en cette occasion, Ah!Ah!Ah! |
3 |
Je viens de faire lire ce premier chapitre à ma femme et elle m'a dit qu'elle le trouvait trop lourd et trop complexe pour être lu par le commun des mortels! Bien évidemment, j'ai été très gêné par sa remarque et on a faillit se disputer. Mais je crois que c'est elle qui a raison, car les femm-es savent si bien ce qui plait aux femmes en matière de lecture, n'est- ce pas? Et je pense que le prochain chapitre de mon livre sera plus léger, disons, comme une bulle de champagne! Oui, c' est cela que je lui est promis. Alors, elle m'a embrassé et m'a dit : Chéri, n'oublie pas que ce sont les femmes qui achètent tes livres! En me disant cela, elle m'a fait rougir, puis pour me venger, je l'ai prise par la taille et l'ai renversé sur le canapé. |
-Oh chéri, arrête, tu ne vois pas que tu me fais mal? me dit-elle trouvant mon geste trop brutal. Pourtant, je me sentais bien serré contre elle, contre son sein que je sentais palpiter sous mes doigts. |
Mais vas-tu me lâcher, petit vicieux! me lança-t-elle à la figure. |
-Mais chérie, tu ne veux pas? |
-Non, je te dis, parce que je ne pense pas que se soit le bon moment. Et puis, tu as ton livre à écrire. Tu n'as même pas fini le premier chapitre que tu veux déjà goûter au gâteau. Allez, bas les pattes! |
4 |
Angleterre, Château de Watergrown, propriété de Lord Bretjones, le 30 juillet 1853 |
Après qu'elle eut embrassé son mari, puis souhaité un bon voyage( où celui-ci devait se rendre à Londres pour une affaire d'une extrême importance), Josépha remonta aussitôt dans ses apparte- ments et s'y enferma à double tour. Mais impressionnée par l'obscurité qui y régnait, elle partit instinctivement vers la fenêtre où le rideau n'avait pas été tiré. En ouvrant celui-ci énergiqueme- nt, elle vit apparaître les premières gouttes de pluie s'abattre contre la vitre, puis quelques insta- nts plus tard, un torrent de pluie inonder le perron du château que son mari venait tout juste de quitter. Ca, c'est pas de chance pour lui! dit-elle à moitié navrée. Puis levant une dernière fois ses yeux vers cet horizon trempé, elle aperçut au loin le carrosse de son mari s'enfoncer dans la brume, puis disparaître tel un vaissau fantôme. Adieu, mon ami! dit-elle brutalement. |
Quelques jours plus tôt, un coursier de sa gracieuse majesté s'etait présenté à la propriété du Lord où, toquant contre le carreau de la fenêtre qui donnait sur la salle du rez-de-chaussée, un domestique était venu à sa rencontre. |
-Oui, c'est pourquoi? |
-J'ai une lettre pour sir amiral Bretjones! |
-Très bien, donnez la moi, je vais lui porter. |
-Désolé, mais je dois lui remettre en mains propres! |
-Très bien, veuillez me suivre.. |
Les deux hommes traversèrent la grande salle du rez-de-chaussée qui donnait sur les jardins pri- vés de Madame et Monsieur Bretjones. Ce matin, Josépha avait décidé d'y prendre son petit déj- euner avec son mari, car hier son jardinier lui avait prédit pour aujourd'hui une journée ensolei- llée et ne s'était pas trompé. Arrivé de l'autre côté, le domestique pria le coursier d'attendre. |
-Attendez-moi là, je vais prévenir Monsieur. |
Quelques minutes plus tard, le domestique revint et lui dit : Monsieur vous attend. Suivez la petite allée qu'il y a devant vous, celle-ci vous y ménera. |
5 |
-Merci, répondit le coursier. |
L'allée qui menait aux jardins privés de Monsieur et de Madame Bretjones était particulière étr- oite et luxuriante où de hautes herbes la bordaient, comme si la maîtresse de maison eut souhai- té en faire un passage secret pour protéger son intimité. Mais le coursier, habitué aux caprices des aristocrates, l'emprunta sans se poser de questions et arriva très rapidement à l'autre bout où ces derniers l'attendaient sans montrer en apparence une quelconque émotion où Josépha était restée assise et Moriss s'était levé par simple convenance. |
-Sir amiral Bretjones? |
-Oui, c'est moi. |
-J'ai une lettre pour vous de sa gracieuse majesté! Aussitôt, il l'a sortit d'un étui en cuir et lui re-mit en mains propres. Lord Bretjones, très surpris par cette lettre imprévue, venant de si haut, la saisie et la retourna aussitôt du côté où le sceau royal devait se trouver, afin de voir s'il n' avait pas été rompu( car la lettre serait alors considérée comme nulle). Mais voyant que tout était en ordre, il regarda le coursier dans les yeux et lui dit : Vous pouvez maintenant disposer! |
-A vos ordres, sir Amiral! répondit-il en repartant immédiatement par le même chemin. |
Assise de l'autre côté de la table, Josépha semblait très inquiète et regardait son mari avec gravi-té. Mais celui-ci étrangement s'écarta de la table et partit à quelques mètres pour la décacheter, ce qui fut considérée par Josépha comme du mépris à son égard et lâcha comme une plainte à peine dissimulée. Mais Moriss se retourna et lui dit : Chérie, je vous prie de m'excuser. Mais cette lettre est hautement confidentielle et je ne peux malheureusement pas vous en parler! Au-ssitôt Josépha vexée se leva et sortit du jardin. |
Mon cher lecteur, je ne sais pas comment vous expliquer la chose, mais il me faut interrompre momentanément cette histoire. Car ma femme, me lisant par dessus mon épaule, m'a arraché la feuille des mains et s'est emportée contre moi. Voilà ce qu'elle m'a dit. |
-Mais comment oses-tu traiter cette pauvre Madame Bretjones! Tu n'as pas honte, Alfred ? |
-Mais chérie? lui répondis-je comme surpris par sa réaction. |
6 |
-Ne joues pas l'hypocrite, veux-tu? |
-Mais je ne vois pas ce que tu veux dire par là! |
-Mon pauvre Alfred, je ne sais pas comment te le dire, mais je crois qu'il est temps pour toi d' arrêter ce petit jeu avec moi.. |
-Mais qu'est ce tu racontes là, mon petit sucre d'orge? |
-S'il te plait, ne m'appelle pas, mon petit sucre d'orge! |
-Bien, bien, mais alors expliques-toi.. |
Si je te parles ainsi, c'est parce que je pensais jusque-là que tu étais un homme différent des au-tres qui comprenait la douleur des femmes. Mais avec ce que tu viens d'écrire, je crois, mon pauvre ami, que tu es un homme comme tous les autres, c'est à dire lâche et pervers! Mais pou-rquoi prenez-vous un plaisir fou à faire souffrir les femmes? lui dit-elle brutalement. |
-Mais chérie, je n'y peux rien, car c'est l'histoire qui le veut! Et je dirai même que c'est la vie tout cours qui l'exige en ayant l'intime conviction qu'une femme digne de ce nom doit souffrir pour se sentir exister, non? je lui répondis un peu à l'emporte pièce. |
-Hum, hum, c'est bien ce que je pensais, vous n'êtes qu'un mufle! |
-Ah!Ah!Ah! Mais chérie, ce n'est qu'un roman! Et je n'arrive pas à comprends pourquoi tu t' em- portes comme ça, alors que tu ne connais pas la suite de l'histoire. |
-Oui, ça c'est vrai..lâcha Clotilde comme apaisée. |
-Peut-être que pour se venger, je lui ferai assassiner son mari par un de ses amants, hum? |
-Alors là, Alfred, tu exagères! |
-Ah oui? répondit-il en la regardant avec des yeux étonnés. |
-Mais bien sûr que oui. Car qui pourrait croire à de telles sornnettes qu'on assassine son pauvre mari parce qu'il à été impoli avec nous. Mais c'est absurde, aucune de tes lectrices le croirait et je connais trop les femmes pour savoir ce qu'elles pensent des hommes, mon ami. |
-Pourtant, c'est déjà arrivé dans la réalité! lança Alfred dont l'instinct du romancier refaisait sur-face. |
7 |
-Oui, je sais, mais ce sont des cas particuliers qui ne représentent en aucun cas la majorité des femmes qui, ne l'oubliez pas, forme la plupart de vos lectrices : lectrices qui, soit dit en passant, ne feraient jamais de mal à leur petit mari pour des futilités de ce genre, souligna-t-elle sûre de son instinct de femme d'affaire. |
-Certes, certes, répondit Alfred quelque peu embarrassé, mais si je vous disais maintenant que la reine d'Angleterre était l'amante de Lord Bretjones, me croiriez-vous? |
-Ah!Ah!Ah! mon ami, mais vous divaguer complètement en ce moment. Mon dieu, mais ce n'est pas du tout réaliste ce que vous dites là! |
-Et cette lettre alors qu'il a reçu de sa gracieuse majesté, hum? |
Après qu'il ait dit cela, un long silence apparut entre elle et lui( car cette lettre pouvait bien con-tenir la preuve de ce qu'il affirmait, bref, que la reine d'Angleterre fut bel et bien l'amante de Lord Bretjones!). Bien qu' ébranlé pendant un cours instant par le réalisme de sa femme, Alfred reprit très rapidement son assurance et la regardait maintenant avec un petit sourire en coin. |
-Mais tu veux parler de Victoria, Reine d'Angleterre et Impératrice des Indes? Mais c'est impos-sible, mon cher Alfred. |
-Comment impossible? dit-il médusé. |
-Je vais te le prouver maintenant, mon pauvre ami. |
-Ah oui, j'voudrais bien voir ça..lâcha-t-il interloqué. |
8 |
-Mais qui te dit, ma très chère Clotilde, que tous ses enfants soient réellement de son mari, le prince de Saxe? |
-Alors là, Alfred, tu dépasses les bornes! Veux-tu vraiment provoquer un incident diplomatique avec la couronne Britannique, hein, c'est que tu cherches en écrivant cela? Pense un peu au sca- ndale que cela provoquerait auprès de nos lectrices anglaises qui, par dessus tout, aiment tant leur monarchie dont la succès story ne peut pas être remise en question. Tu me déçois, Alfred, ah oui vraiment! |
Cette fois-ci, complètement désabusé par sa femme, il se tut. |
-Allez, dis-moi ce qu'il y a dans cette lettre? demanda-t-elle brutalement. |
-Mais moi, j'en sais rien! |
-Comment tu n'en sais rien? |
-Non, j'en sais rien de rien. Et puis désolé de te le dire, mais je crois que tu m'as coupé la chi- que, ma p'tite Clotilde. |
-Comment je t'ai coupé la chique? |
-Oui, oui, coupé, comme dirait mon grand père. |
-Mais j'vois pas ce que ton grand père à avoir avec ça? |
-Tout ça pour te dire que si t'as envie d'écrire le roman à ma place, dit le moi franchement. |
-Mais non, mon ami, c'est vous qui êtes le romancier et moi je ne fais que vous aider afin que nos lectrices puissent vous comprendre. Car sans cela, elles ne vous suivront pas là où vous voulez les emmener. N'oubliez pas, mon ami, que la grande préoccupation des femmes reste l' Amour avec un grand A. Et qu'un roman sans histoire d'amour serait voué à l'échec commerci-al! |
-Merci de me le rappeler! lâcha Alfred, une fois de plus désabusé par les propos de son épouse-femme-d'affaire. |
9 |
-Mais rassures-toi, mon chéri, je ne veux en aucune façon prendre ta place. Pour la simple rais-on que les hommes ont je crois beaucoup plus de talents que les femmes pour écrire des romans d'amour. |
-Ah oui, tu le crois vraiment ? lui demanda-t-il quelque peu étonné. |
-Oh oui, c'est certain; car les hommes en matière d'amour ont quant même le beau rôle, alors que les femmes restent passives malgré elles. |
-Tu veux dire quoi par passives? |
-Je veux dire qu'elles sont constamment en attente du bonheur et donc phantasment beaucoup plus qu'elles n'agissent. Pour résumer ma pensée, je dirai que les romans d'amour écrits par les femmes manque de virilité, si tu me permets cette expression, |
-Tu dis ça parce que tu es une femme! |
-Non, non, pas du tout. Mais parce que je trouve qu'un roman écrit par une femme ne m'appren-ds rien sur moi-même où il me semble bien que tout ce qu'elle raconte, je le sais déjà. Alors que de lire un roman d'amour écrit par un homme, ça, ça m'excite! |
-Ah vous les femmes, vous êtes toutes les mêmes! lâcha Alfred en regardant son épouse qui se croisait les jambes sur le sofa. |
Silence |
-Mon ami, je vois que nous parlons depuis tout à l'heure. Mais que comptez-vous faire au juste avec ce cher lord Bretjones? lui demanda-t-elle brutalement. |
-Moi? |
-Oui, toi. |
-J'en sais rien. |
-Mais pourquoi ne l'enverrais-tu pas à la guerre? |
-A la guerre? Mais quelle guerre? |
-J'sais pas, mais pourquoi ne pas regarder dans le livre d'Histoire pour le savoir, hum? |
-Hé ben, ma petite Clotilde, tu n'y vas pas avec le dos de la cuillère! |
10 |
-Allez, laisse-moi faire! dit-elle en s'emparant du gros livre qu'elle ouvrit sur ses genoux. |
Hum, hum, 1853, Histoire de la couronne Britannique, début de la guerre de Crimée. Hé ben, je sais maintenant où envoyer ton cher amiral Bretjones! |
Alfred, quelque peu embarrassé par les initiatives de son épouse en matière de roman, se mit à regarder au plafond. |
-Oh, tu m'écoutes, chéri? |
-Oui, oui, je t'écoute! |
-Écoute un peu, la guerre de Crimée commença par une simple querelle de moines à Béthléeme entre chrétiens latins et chrétiens orthodoxes. Ce conflit, selon les dires des observateurs de l'ép- oque, aurait pû être résolu très rapidement. Mais comme la Russie impériale avait des vues d' expansion du côté de la Méditerranée, elle profita de cet incident pour exiger du sultan Abdul Medjid des garanties pour assurer la protection des chrétiens orthodoxes qui vivaient sur son te-rritoire. Mais le sultan refusa et les troupes du tsar aussitôt envahirent les principautés moldo-valaques( Moldavie et Valachie). Ce qui fut considéré par les Ottomans comme une déclaration de guerre et nous étions alors en juillet 1853. |
-Bravo, chérie, bravo! lança tout à coup Alfred en applaudissant. |
Clotilde, gênée, reposa le livre sur le canapé et essayait de savoir pourquoi Alfred l'applaudiss- ait. |
-Mais qu'est-ce qui te prends, chéri? |
-Moi, rien, je voulais seulement applaudir ton sens inné de l'Histoire et plus particulièrement ton irréalisme. |
-Mon irréalisme? |
-Oui, celui de croire que je pourrai, en tant que romancier, suivre pas à pas l'Histoire pour raco-nter une histoire d'amour qui eut réellement lieu. Alors là, ma chère Clotilde, je crois que vous perdez la tête! |
11 |
-Oh oui et pour la simple raison qu'un romancier se sert de l'Histoire comme un pretexte où un cadre où ses personnages seront mis en scène par lui-même. Je suis désolé, ma p'tite Clotilde, mais je ne suis pas un historien et ne veut en aucune façon le devenir. Alain Decault, c'est pas mon trip, voilà tout! dit-il brutalement. |
Mais qu'est ce que vous dites là, mon ami? Je ne vous demande en aucune façon de devenir Al-ain Decault, mais uniquement de vous en inspirer. Car j'ai lu avant-hier dans la revue spécialis-ée "Éditeurs, chiffres à l'appui" que la tendance actuelle du roman était à l'épopée historique où se mêlait tragiquement l'amour, le sang et la gloire. Et montrait chiffres à l'appui que les lectric-es en étaient très friands pour des raisons qu'on ne pouvait malheureusement pas encore expliq-uer. Mais les spécialistes de la littérature et les sociologues avaient avancé que les femmes, dev-enant de plus en plus libres, souhaitèrent goûter elles aussi au pouvoir et surtout le prendre aux hommes! C'est ce qu'ils avaient dit en toute objectivité. |
-Quoi, qu'est ce tu racontes là? Les femmes veulent prendre le pouvoir maintenant? |
-Oui, je suis désolé de te le dire, mon pauvre Alfred, mais c'est la tendance actuelle et les chiff- res sont là pour le confirmer. Je te dirai même qu'elles veulent le prendre pas uniquement dans le Roman, mais aussi dans la réalité! |
-Alors là, on aura tout entendu! s'écria-t-il quelque peu sonné par les propos de sa femme. |
Silence |
12 |
-Alors qu'est-ce que tu décides ? lui demanda-t-elle d'une voix tranchée. |
-Bon, ben, si c'est la tendance, je suis bien obligé de te suivre, non? |
-Mais je crois que vous n'avez pas trop le choix, mon ami! dit-elle comme un couperet. |
Clotilde se leva et sortit du bureau d'Alfred. |
L'air pensif, il se demandait s'il devait continuer son travail ou bien sortir dehors pour se chang- er les idées. Mais le seul fait de devoir croiser sa femme dans le salon, cela le découragea et res-ta comme ça insensible devant sa feuille blanche où son écriture fine et délicate avait noirci à moitié le papier. Et la suite, bon dieu? semblait lui demander la feuille. Alfred entendait très bi-en cet appel, mais les nouvelles exigences de sa femme en matière de roman l'avait comme téta-nise. Il réfléchit un instant et se dit : De toute façon, c'est moi qui écrit le roman et pas elle. Mais c'est fou, comme les femmes elles sont en voulant être à la fois à l'intérieur et à l'extérieur du Roman, ce qui n'est pas possible! Car le créateur a nullement besoin de témoins pour créer son oeuvre. Mais je crois bien que ce sont tous ces médias avec leurs caméras et appareils pho-tos qui lui sont montés à la tête pour penser ainsi. Et tous les créateurs vous le diront mieux que moi, si l'on pouvait filmer ou raconter la vraie vie, ce serait quelque chose de formidable, mais malheureusement nous ne sommes pas tous des génies! En sachant bien que les génies étaient en fait des gens comme tout le monde, mais qui se permettaient des libertés hors du commun afin de dire à tous les Hommes la triste vérité. Mais lui, en tant que romancier de ces dames, il s'y re-fusait entièrement à la dire afin de ne pas choquer son public, qu'il gérait comme un magasin de sucreries et d'épices orientales où se trouvait forcément une caisse enregistreuse à la sortie! |
Retour aux jardins privés des Bretjones où Moriss se retrouvait maintenant seul suite à son atti-tude impardonnable qui avait humillié sa femme qu'on pouvait désormais comprendre entièrem-ent. |
13 |
Bien évidemment qu'il s'en voulait d'avoir été brutal avec elle. Mais bon dieu, comprendra-t-elle un jour que je suis aussi l'amiral Bretjones qui est au service de sa royale majesté, la reine Vict-oria? s'emportait-il contre lui-même. Mais pourquoi ne veut-elle pas comprendre que ma vie ne lui appartient pas uniquement, mais aussi à mon pays pour lequel je suis prêt à mourir s'il me le demandait! réitéra-t-il d'une façon poignante. Pendant un instant, il avait le sentiment d'être éca-rtelé entre ces deux femmes aux visages sévères qui s'appelaient Josépha et Victoria où chacu-ne semblait lui demander de mourir pour elle et Lord Bretjones souffrait, bien évidemment, de ne pouvoir satisfaire ce désir complètement fou! Mais du fait de son éducation rigide, faite à l' anglaise, il avait déjà fait son choix depuis tout jeune. Et s'il devait mourir un jour, ce serait en premier pour la couronne Britannique, puis en second pour sa future épouse! s'avoua-t-il en lançant une sorte de God Save the Queen silencieux. Après avoir décacheté la lettre, puis déplié l'unique feuille qu'elle contenait, le visage de l'amiral prit tout à coup un air grave et solennel. Conscient de son rang social et militaire plus rien ne semblait lui faire peur et lut posément cette lettre qui ressemblait en tout point à un ordre de mission. Voici le contenu de la lettre. |
Palais de Buckingham, le 15 Juillet 1853 |
14 |
En lisant ces toutes premières lignes, l'amiral fut en vérité à moitié surpris, sachant qu'il avait déjà entendu pas mal de bruits courir sur ce possible ce conflit dans les couloirs du ministère de la défense où bien évidemment tout le monde avait spéculé. Maintenant, on y était en plein ded-ans! constata-t-il comme soulagé de n'être plus dans le doute. Puis de toute façon, la Russie ne peut pas gagner cette guerre. Car si elle la gagne, ce serait la perte de tous nos intérêts économi-ques et politiques dans la région, ce qui serait inadmissible pour la couronne britannique! en conclua t-il d'un air martial. |
Suite de la lettre |
Mon cher amiral, voyez-vous, depuis que j'entretiens avec vous cette liaison épistolère qui est pour moi d'un grand soutient, je ne serai certainement pas là où je suis. C'est à dire assise sur mon trône à veiller sur l'avenir de l'Empire Brtiannique et sur ses 800 cents millions de sujets par le monde. Car sans vos conseils en matière de stratégie politique, je serai bien impuissante à gouverner avec raison dans ce monde peuplés d'insensés, n'est-ce pas? Et pour votre totale loya-uté envers votre reine, mon cher amiral Bretjones, je voudrais vous en remecier du fond du co-eur, car les mots me semblent bien dérisoires pour exprimer ce que je ressens en ce moment! A ce propos, peu de gens savent que mon destin est entre vos mains ; ma famille l'ignore et persis-te à croire qu'elle m'a tout donné, mais elle se trompe!" |
15 |
C'est fou comme je me surprends à vous faire des confidences, mon ami, vous qui m'avez app- ris à ne montrer aucune faiblesse à mes ennemis! Je dois très certainement vous décevoir en ce moment, non? Un petit sourire gagna aussitôt le visage de l'amiral qui comprenait par ces mots que son petit bébé politique avait lui aussi du coeur. Ce qui était assez rare de trouver parmi to-us ces gens qui occupaient le pouvoir qui, il faut le dire, préféraient plutôt s'envoyer des bou-lets de canons que des billets doux. Mais non, mais non, ma petite, tu n'es pas ridicule, tu es tout simplement délicieuse! dit-il du bout des lèvres. La suite de la lettre concernait les rumeurs sur la soi-disant sécheresse de coeur de sa femme. Mais l'amiral, emporté par cet ordre de mission, passa outre, comme on passe sur une chose tout à fait anecdotique et sans importance. Propos de femmes! pensa-t-il avec ironie. |
16 |
Où laissez les gens dans la misère n'était pas une bonne chose même si certains y trouvaient des intérêts, comme d'avoir une main d'oeuvre à bon marché pouvant servir aussi bien à cultiver les terres qu'à lever une armée sans y laisser sa fortune. Je suis parfaitement conscient que tout cela comporte beaucoup d'avantages pour notre pays. Mais en tant que royaliste, je n'ai pas le droit de m'y opposer sauf quand l'injustice sert la politique, ce dont j'ai toujours été un fervent opposant. En fait, peu de gens connaissent mes pensées sur ce sujet brûlant. La raison est simple, c'est que je ne veux froisser personne, ni mes amis ni ma famille qui m'ont tout donné. Suis-je un hypo-crite pour autant? Certainement pas. Car je vous avouerai sincèrement que ce n'est pas à moi de changer ce monde où il y a tant de malheureux. Je suis désolé de vous le dire, mais moi dans ce monde, j'y suis parfaitement heureux et comblé par mes pairs. Alors pourquoi irai-je contre mon bonheur, mes amis? Ce serait insensé, n'est-ce pas? C'est à ceux qui n'ont rien de se battre. Je sais que c'est dur de l'entendre, mais je pense qu'il faudra très certainement plusieurs générations d'hommes et de femmes pour changer les choses, afin que ce monde devienne plus juste. Tenez, à ce propos, Napoleon, qui avait essayé de changer le monde en voulant abattre toutes les mon-archies de la terre, en a refroidit plus d'un lorsqu'il s'est couronné empereur lui-même, Ah!Ah!Ah! Oh mon dieu, la nature humaine, quel despote! Personnellement, j'ai toujours pensé du fond du coeur que l'aristocratie existera toujours, car c'est la manière la plus simple d'organiser le po-uvoir. C'est à dire un pouvoir copié directement sur la nature où c'est souvent le plus fort ou le plus riche qui commande les autres et organise la société autour de lui grâce à ses fidèles com-pagnons de combat. |
18 |
Alfred Swan, proche de la crampe littéraire, lâcha son stylo et ferma les yeux quelques instants, puis les rouvrit pour relire ce dernier passage où, semble-t-il, son esprit de romancier s'était réconcilié avec lui-même. Oh merde, je l'a tiens enfin mon histoire! sécria-t-il d'une manière eu-phorique en pensant à Clotilde qui sera heureuse de le savoir. Flute, son idée d'envoyer Bre-tjones à la guerre, ah sincèrement, je n'y aurai pas pensé. Mais c'est là, je crois le point fort des femmes dans le roman où celles-ci ne semblent avoir aucun scrupule à jouer avec la vie des ho-mmes dont le courage doit servir à magnifier la grande histoire d'amour dont chacune rêve de vivre intensément. C'est ce qui sépare l'homme et la femme, me semble-t-il. Car la femme dans la vie est terriblement romantique, alors que l'homme est un parfait goujat prêt à tout pour sau-ver sa peau, Ah!Ah!Ah! C'est dire un véritable continent qui sépare nos deux protagonistes, n' est-ce pas? Et puis zut, si elles croient que l'homme est prêt a se sacrifier pour elles, elles peuv-ent toujours rêver! pensa Alfred comme soulagé de ranger son manuscrit dans le tiroir, qu'il fer-ma aussitôt à clef, puis sortit de son bureau pour entrer dans le salon. |
-Clotilde, Clotilde, tu es là? Aucune réponse. Mais où est elle donc passée? |
Alfred s'engoufra ensuite dans la cuisine et vit, posé sur la table, un postit de couleur jaune. Il le prit et le lut. Voilà ce qui était écrit dessus. Mon Chéri, ne t'inquiète pas, je suis partie faire des courses au centre ville. Je reviendrai dans 1 heure ou 2. Médusé, il regarda la pendule qui mar- quait 15H30. |
19 |
Mon dieu, ça ressemble étonnament à un repas prit au bord d'un champ de bataille, Ah!Ah!Ah, ria-t-il comme désabusé. Puis reprenant son souffle, il se leva et partit se servir un verre d'eau au robinet pour faire passer le tout. Houuu..ça fait du bien par où ça passe! Mais sincèrement, je n'aurai pas osé ouvrir un vieux bordeaux pour accompagner cette chose. Mais c'est dingue, il suffit qu'il manque un ingredient pour que tout rate, comme un diner sans amis ou un roman écrit sans passion ou bien comme sa femme qui aurait oublié d'acheter du pain pour la maison, hum? se surprit-il à se demander comme faisant une crise à sa femme. En réfléchissant un inst-ant sur cette situation visiblement grotesque, il s'écria dans la cuisine : Comment moi, Alfred, dandy et romancier de son état, j'en voudrai à ma femme pour un morceau de pain? Mon dieu, Alfred, ressaisis-toi, ce rôle de bof ne te va vraiment pas du tout, mais vraiment pas du tout! finit-il par se dire en débarrassant la table et en la nettoyant avec méticulosité jusque la dernière miette. Puis sortit sur le terrasse pour se dégourdir les jambes où la vue était superbe. Respirant profondément l'air saturé de parfums exotiques, il se disait : Mon dieu, pour tout l'or du monde, je ne changerai ma place contre une autre! Car c'est bien ici que je me sens le plus heureux et nulle part ailleurs. Et les hommes pourraient bien me torturer, me faire de vilaines choses, moi, j'aurai toujours dans ce monde un endroit où me cacher pour pleurer dans ma solitude. Alfred, ému jusqu'aux larmes et embrassant à nouveau l'horizon, vit bel et bien que le paradis existait sur la terre : un paradis où se reflétait dans le bleu de la mer des astres d'or et d'argent! |
20 |
Malgré cela, il restait compatissant avec lui, avec ce fils qui lui ressemblait tant par ses frasques que par ses defauts qui avaient fait le charme de sa jeunesse, mais aussi, le drame pour sa fami- lle qu'il avait dû quitter très jeune pour pouvoir assumer sa nature de jouisseur et d'excentrique. Mais la chance qui l'avait eu, dès sa toute premiere experience de jeu, fut de gagner un jack pot de 700 000 euros au casino de Monte-Carlo! Ce qui lui avait évité la galère indescriptible du jo-ueur de casino qui était prêt a se prostituer ou bien à vendre ses enfants pour pouvoir se refaire, tel était le vice immoral de cet être voué au malheur s'il ne faisait pas un gros gain avant sa vieil-lesse. Souvent, il y pensait au point d'avoir des sueurs froides durant certaines nuits où revisitant ces instants de très haute intensité, la gorge serrée, il attendait que le jack pot lui tombe dessus comme un signe du destin! |
21 |
22 |
23 |
24 |
Pas loin d'un quai où se tenait une sardinerie, il donna un billet de dix dollars à un vieil homme qui n'avait que les os sur la peau. Alfred parla un petit peu avec lui en anglais et fut surpris que le vieux lui dise qu'il attendait que le patron de la sardinerie lui donne des déchets pour se nour- rir. Et le vieux rouspetait en disant que le patron était un salaud et qu'il préférait mieux donner ces restes aux chiens qu'à un vieux qui n'avait plus la force de travailler! Alfred était choqué. Le billet de dix dollars l'avait rendu bavard, mais surtout apte à dire la vérité. En fait, l'argent lui avait redonné une certaine dignité et il en profitait comme tout le monde pour se venger, com-me les riches qui méprisaient les pauvres en leur confisquant les moyens d'agir en les emprison-nant au travail. Dans un sens, c'était une guerre sans fin puisque tout le monde se trouvait dans le besoin, ce satané besoin qui nous faisait parfois devenir des bêtes enragées pour nos sembla-bles, n'est-ce pas? Le vieux, content d'avoir gagné sa journée, l'invita à boire un rhum dans une paillote à proximité qu'Alfred accepta et l'aida même à se relever tellement l'homme semblait fatigué par la vie et surtout par l'humanité. A la paillote, le vieux choisit un rhum des plus che-rs, car c'était primordial pour lui de se payer parfois cette petite fantaisie. Le barman, qui le co-nnaissait, ne se pria pas de se moquer de lui en lui disant qu'il avait du gagner au loto pour ce payer ce rhum grand cru. Mais ce dernier l'envoya balader par des expressions mi-anglaises, mi-langues locales qui firent sourire Alfred. |
25 |
Ce clochard rencontré dans une rue des Bahamas, il est vrai, l'avait emu jusqu'aux larmes avec le besoin d'écrire un jour son histoire, celle de ce vieil homme déchu par la vie! Peut-être l'écrirait-il à la façon d'un vieil homme et la mer d'Ernest Hemingway? se demandait-il en ayant le debut du livre. Mais pour l'instant, il n'en parlerait pas a sa femme sachant qu'elle trouverait le sujet trop apitoyant pour le faire lire à ses lectrices dévoreuses de sentiments dont les nouveaux goûts s'orientaient actuellement vers le vampirisme, la soif de sang et de pouvoirs! Ce qui l'éffrayait d' avance en tant que romancier, puisque devant s'adapter sans cesse aux goûts de ces dames où la tragédie ne semblait avoir ni de fin ni de point final. La femme serait-elle un monstre qui s'ign-orait? La femme serait-elle actuellement en manque de sexe? se demandait-il orageusement. Et ce manque de sexe en ferait elle un monstre? L'hystèrie de la femme ne la transformerait-elle pas en monstre avide de pouvoirs au point de vouloir le voler aux hommes? Toutes ces questions étranges qu'Alfred se posait en ce moment semblaient lui turlipiner l'esprit au point de vouloir lui faire changer sa littérature. Et à chaque fois que cela arrivait, il voyait sa femme apparaitre en spectre au dessus de sa tête tel un serpent venimeux et lui lançer des foudres d'avoir osé penser cela. Sans conteste, c'était pour lui son combat intérieur où il devait lutter contre ces forces fém-inines qui voulaient l'anéantir, non en tant que forces viriles, mais en tant que libre penseur où la femme voulait le soumettre à ses exigences tel un esclave. Bref, bande et tais-toi! tel était le rêve caché de ces dames pour que l'homme satisfasse tous ses désirs, mais qu'elles ne voulaient surt-out pas exprimer en plein jour de peur qu'on les prenne pour des monstres! pensait lucidement Alfred, comme un retour vers l'humanité primaire. |
Retour au château de Watergrown |
Depuis le depart de son mari, il n'avait cessé de pleuvoir sur la propriété où Josepha crut sentir son cœur se liquéfier en regardant par la fenêtre l'eau du ciel inonder ses terres et gonfler les to-rrents avoisinants avec furie! Et cela la désolait plus que tout de savoir qu'elle n'aurait aucune visite durant plusieurs jours, bref, le temps que la pluie cesse et que les chemins redeviennent à nouveau frequentables par les hommes, les chevaux et les carrosses. |
26 |
Peut-être est-il sterile ou moi? En fait, pour l'instant nous en savons rien, car nous sommes encore bien jeunes tous les deux, j'ai 20 ans de moins que lui qui en a 42. Bref, seule dans l'in-certitude et sans le moindre enfant qui aurait pu égayer mes journées, il me semble être mal-heureuse avec lui, avec cet homme qui ne pense qu'à défendre son pays et qu'à sa reine Victoria qui m'a t-on dit entretiendrait avec lui une relation épistolaire. Me tromperait-il? Serait-ce là son secret? Et si cette lettre était un rendez-vous galant avec cette femme qui est déjà mariée? Mon mari serait il un dépravé ou peut-être aurait-il des ambitions démesurées? Josepha épuisée de penser à tout cela s'effondra dans son fauteuil avant de perdre connaissance. |
Aussitôt l'obscurité tomba autour d'elle où seul le feu dans la cheminée semblait veiller au bon-heur de sa maîtresse, comme voulant donner vie à ce château lugubre qui était une vieille poss-ession de l'amiral Brestjones depuis plusieurs générations de lords. |
-Madame, Madame, vous vous sentez bien? demanda subitement Naïma, son esclave noir qui, depuis le depart de l'amiral, lui apportait son repas dans sa chambre. Mais la voyant dans un tel état d'abattement, elle se demandait si sa maîtresse n'était pas souffrante? |
27 |
28 |
29 |
-Et votre fils légitimus, comment va-t-il? demanda Josepha. |
-Il va très bien..et je voudrais remercier beaucoup Madame pour le soin qu'elle porte pour son éducation et pour le précepteur qu'elle lui a choisi. Il m'a dit à plusieurs reprises qu'il ne savait pas comment vous remercier. |
-Ah oui? |
-Oh oui, Madame, car il aime tant apprendre et voudrait plus tard ressembler à ces gentlemens que l'amiral reçoit parfois au château. |
-Ah oui? |
-Oui, c'est ce qu'il m'a dit. |
-Naïma, je pense que votre fils est sûrement un enfant précoce et ceci ne fait aucun doute pour moi. Mais je vous en supplie de le ramener à la réalité, car mon mari n'invite ici au chateau que des aristocrates dont votre fils Légitimus, malheureusement, ne pourra jamais entrer dans le cer-cle! |
Naïma, entendant cela, resta tout à coup interdite. |
-Pour la simple raison que la société anglaise n'est pas encore assez évoluée pour accepter en son sein, un fils d'esclave! Excusez-moi de vous le dire en toute franchise, mais c'est la vérité que je vous dois. Car je voudrais en aucune façon que votre fils se fasse des illusions sur son avenir. |
Choquée une fois de plus par ce qu'elle venait d'entendre, elle mit sa main sur sa bouche, comme pour étouffer un cri venant du plus profond de ses entrailles. |
Mais soyez sûre de mes bonnes intentions pour lui. Car lui donner une bonne instruction ne pou-rra que l'aider à mieux s'en sortir dans la vie. Ainsi, il pourra négocier sa place auprès d'un aris-tocrate comme majordome ou de secrétaire. Mais d'être un homme libre, enlevez-lui ça de la tête, mon amie! |
Naïma, remise une fois de plus devant la réalité des choses, remercia Madame pour la vérité de ses propos. |
30 |
-Madame, je ne sais pas comment vous remercier pour.. |
-Mais non, ne dites rien, je vous devais la vérité pour votre fils. Et si mon mari avait des ambion-ns cachées pour lui, pour l'instant il ne m'en a pas parlé. Partez avec cette idée que le destin n'est peut-être pas entièrement écrit pour lui. |
-Oh merci, Madame, merci Madame! Répondit-elle rassurée en posant son plateau sur la petite table, puis repartit finir son service. |
-Je souhaite à Madame un bon appétit! dit-elle avant de refermer la porte |
-Merci Naïma, expédia-t-elle en se retournant sur son plateau repas tout en se disant que cette petite discution l'avait comme ouvert l'appétit. |
-Hum, ça à l'air bon! Mais que m'a t-elle préparé? s'interrogeait-elle avec gourmandise. |
31 |
32 |
Mon dieu, comme si certains avaient le monopole de parler politique et pas les autres! Décidém-ent, cette vieille Angleterre commençait vraiment à me sortir par le nez! s'idignait Josepha avant de moucher la bougie sur sa table de nuit. |
-Ohé, ohé, Alfred, tu dors? |
-Heu, heu, oui, qu'est-ce qu'il y a? |
C'est Clotilde qui rentrait des courses et, voyant son mari assoupi dans le sofa, s'interrogeait sur son état. |
-Je pense que tu as dû trop travailler sur ton roman, mon chéri. |
-Mais non, je t'assure, j'ai seulement eu l'envie après ton depart de manger un morceau dans la cuisine et c'est je crois cette chose qui m'a donné envie de dormir, comme une sorte de soporifi-que. |
-Mais qu'est ce que ta as bien pu manger pour être dans cet état, mon amour? |
-Du fois gras qu'il y avait dans le frigo et du pain de mie industriel que j'ai trouvé dans le placard! |
-Mais tu es fou! Tu aurais pu mourir intoxiqué, mon chéri! Mais tous ces produits sont périmés depuis longtemps! |
-Ah oui? l'interrogeait-il avec un regard effrayé. |
-Mais oui, bon dieu! |
-Mais alors qu'est-ce qu'ils faisaient dans le frigo et dans le placard s'ils étaient avariés? lui dem-anda-t-il d'un ton réprobateur. |
-Mais, je ne sais pas, tu aurais pu quant même regarder les dates d'expirations, mon chéri, non? |
-En fait, pour le pain de mie, j'avais un petit doute. Mais pour le fois gras, ça m'a complètement passé au dessus de la tête et j'en ai mangé un bon morceau. |
33 |
Alfred, écoutant le cœur de sa femme parler ainsi, se sentit comme un enfant protégé, dorloté et malgré que celle-ci ne soit pas si parfaite que cela( en laissant le foie gras avarié dans le frigo ainsi que le pain de mie dans le placard) pensa-t-il en la regardant d'un air étrange. |
-Il est vrai aussi qu'il n'y avait plus de pain dans la corbeille! lança-t-il brutalement. |
-Comment, comment, mais qu'est-ce que tu racontes là, Alfred? |
-Oh, oh, mais ne te fâches pas, je disais ça comme ça! lui dit-il, comme voulant réparer son erre-ur. |
Pendant un instant, Clotilde resta muette devant de telles accusations de son mari et de l'écume semblait sortir de sa bouche ainsi que des flammes de ces yeux. Alfred, prenant peur, se blottit aussitôt dans le sofa par crainte d'être assassiné par sa femme pour une telle broutille! |
Puis retrouvant son calme, Clotilde lui dit : Mais pourquoi donc tu n'es pas sorti chercher du pa-in? |
-Mais chéri! |
-Je te prie de pas m'appeler ainsi! Alors qu'est ce tu me réponds? |
Mais moi, j'en sais rien..lâcha-t-il d'un ton presque suppliant. |
Je voudrais te confirmer une chose, mon cher époux, qu'il est indiqué nulle part dans notre contr-at de mariage que c'est à la femme d'aller chercher du pain! |
-Mais bien sûr que je le sais. Mais je ne voulais pas dire ça! |
-Mais tu cherches quoi au juste? lui lança-t-elle d'un ton de commandeur. |
-Mais rien.. |
-Bon, ok, l'affaire est close! dit-elle d'un air victorieux. |
34 |
Une fois de plus, elle s'était imposée devant son mari qui en vérité voulait plus la taquiner que lui faire de réelles violences. Mais Clotilde, en tant que femme, le ressentit au fond d'elle-même comme une offense à sa dignité, bref, comme un harcèlement subit depuis sa plus tendre enfance par tous ces hommes qui avaient jusque là accompagné sa vie. Aujourd'hui, c'était son mari, ma-is hier, c'était toute sa famille! En étant consciente que la famille n'était pas ce lieu idylliquement décrit par les sociologues dans les magazines people ou par les politiciens démagogues( où soi-disant les enfants s'épanouissaient dans le bonheur!), mais plutôt un champ de bataille où tout le monde réglait ses comptes. Ludovic, mon frère cadet, était le fils préféré de ma mère, parce qu'il avait le don de la faire rire, ce qui lui valait alors tous les éloges et surtout ses regards chargés d' amour qui nous rendaient tous extrèmement jaloux, ne nous le cachons pas. Plusieurs fois, elle avait dit à table en notre présence qu'elle le trouvait si intelligent qu'elle voyait en lui le futur président de la république ou peut-être premier ministre de France! Mon père, témoin des balour-dismes de maman, faisait alors mine de ne pas comprendre et détournait souvent la discution par une expression qui lui était propre et très efficace pour changer de sujet : Heu..quelqu'un peut-il me passer le poivre? Alors nous autres, les frustrès d'amour et de gloires, nous nous jetions sur le poivre pour servir notre sauveur. Gerard, mon autre frère, était quant à lui plus effacé, mais non moins efficace à semer le trouble dans nos discutions en disant à chaque fois à celui qui cro-yait avoir raison : Bon d'accord, tout cela est bien beau. Mais à ce que je sâche, tu n'es pas dieu le père pour nous faire croire à de telles sornnettes, n'est-ce pas? Bref, Gerard, jetait à chaque fois un pavé dans la marre pour montrer que lui aussi avait le droit d'exister au sein de cette famille, qui déjà s'entredéchirait. Il est vrai aussi que maman n'était pas étrangère à ce jeu de massacre. Mais pouvait-on reprocher à sa propre mère d'être ainsi? En fait, je crois qu'elle voulait que ses garçons deviennent des hommes et qu'ils apprennent très tôt à se battre que se soit autour d'une table ou plus tard dans la société des hommes. Moi, j'ai hérité de tous ses défauts pour ainsi dire. |
35 |
C'est ainsi que Clotilde voyait sa famille : une famille détruite par la jalousie, l'ambition et l'ava-risme et ferait tout pour ne pas terminer la "dernière de la classe" pour ainsi dire. |
36 |
Désormais, en France où ailleurs, il n'y avait plus de littérature dans les livres, mais de la statisti-que appliquée au commerce pour être franc avec vous. Bref, la grande tendance d'aujourd'hui où l'on voulait gagner à tous les coups, ce que je ne trouvais pas immoral du tout pour vous dire le fond de ma pensée. Car en tant qu'ancien flambeur de casino, j'ai comme tout le monde essayé de trouver la martingale ou la méthode pour gagner à tous les coups. Mais malheureusement, je n'y suis jamais arrivé à cause de mes moyens qui ne me permettaient pas d'appliquer une formule ma-thématique sur la table des jeux et de jouer toutes les combinaisons. Moi, je me suis seulement contenté d'avoir de la chance et ça m'a réussi. Et je ne peux que remercier le destin de m'avoir élu ainsi que d'avoir trouvé l'amour auprès de ma chère Clotilde. Mais pour les autres, les perdants, je suis désolé de le dire, mais ils sont les losers de l'histoire qui peut-être un jour se suicideront pour avoir été pris pour les dindons de la farce? La meilleure chose que je leur souhaite, c'est de prendre cette ultime descision d'arrêter de jouer pour pouvoir vivre enfin leur vie. Mais est-ce possible d'enlever à ces gens leurs rêves, leur opium? Un jour, j'écrirai un livre sur ce sujet qui sûrement emballera Clotilde : où argent, passions, drogues, magouilles d'Etat et suicides seront, j'en suis sûr, pour elle des arguments de taille pour faire un bestseller et pourquoi pas?
|
Retour au château de Watergrown
|
37 |
J'espère bien que tous ces petits nouveaux événements dans la vie quotidienne l'agaçeront et lui feront poser toutes sortes de questions sur moi. Peut-être reconquerais-je son amour ou seulem-ent son estime? Pour moi, c'est l'un ou c'est l'autre. Car je ne veux pas finir ma vie comme un fantôme, comme miss Crambowl qui apprit un jour que son mari avait une liaison avec un hom-me! Moi, mon problème, c'est la reine Victoria, c'est à dire une rude concurrente! pensa-t- elle d'un air enflammée en enfilant une robe de chambre pour aller faire un tour dans le jardin. |
Dans le jardin, elle n'y resta que quelques minutes, le temps de respirer un peu l'air de la campag-gne et regarder l'etat de ses fleurs que les pluies avaient maltraitées durant ses derniers jours. |
38 |
39 |
Au dessus de cette maquette était plaquée sur le mur, une carte marine où toutes les possessions anglaises étaient épinglées par un petit drapeau appartenant à l'Empire Britannique. Quant aux autres possessions, qui appartenaient aux Français, aux Espagnols, aux Portugais et aux Holland- ais, sous leurs petits drapeaux respectifs étaient inscrits un grand point d'interrogation! Intriguée pendant quelques instants par cette chose bien mystérieuse, elle prit un de ces petits drapeaux et le regarda de plus près. Puis glissant son regard sur le côté, elle aperçut un petit tableau où se tro-uvait la légende de la carte où le point d'interrogation signifiait possessions temporaires. Bien sûr, bien sûr, je comprends mieux maintenant! dit-elle en reposant le petit drapeau de la France sur une petite île des Caraïbes. En remarquant aussi sur la carte, une rose des vents qui pour elle avait toujours été un grand mystère, alors qu'elle avait une réelle utilité pour les marins en leur donnant la direction des vents selon la mer et la saison où l'on se trouvait. Pour une raison inco-nnue, elle passa sa main dessus comme on passe sa main sur un talisman et fut soudainement pr-ise de visions où elle se vit transportée en un éclair de temps à l'époque des pharaons où elle était assise sur un trône au coté de son époux, le pharaon. Au dessus de leurs têtes, un symbole quasi identique était sculpté et représentait le soleil qui, par ses rayons ardents, répandait la vie dans tout l'univers! En s'y approchant d'un peu plus près, on pouvait observer que ces rayons se termi-naient par de petites mains identifées à de petites mains généreuses qui n'oubliaient jamais perso-nne quant à ses bienfaits en matière de lumière et de chaleur. Bref, le vrai symbole de la justice et non pas celui des hommes! pensa Josepha en revenant à la réalité. |
40 |
41 |
Apparemment, notre grand Amiral de sa royale majesté semblait diviniser, quasi encenser ceux de la reine pour des raisons que je trouvais insupportables! pensa-t-elle avec colère en se remém-orant la scène du jardin où son mari s'était montré ignoble avec elle en s'écartant de la table pour aller décacheter la lettre soi-disant secret d'Etat! Oh chérie, je vous prie de m'excusez. Mais cette lettre est hautement confidentielle et je ne peux malheureusement pas vous en parler! lui avait-il dit avec mépris alors qu'elle brodait une taie d'oreiller. Oh, le monstre, j'étais partie si furieuse que je lui en ai voulu pendant plusieurs jours. Mais heureusement qu'il était parti à Londres que-lques temps après. Et comprenait maintenant le pourquoi de ce départ précipité. |
Palais de Buckingham, le 15 Juillet 1853 |
Cher Amiral Bretjones, si je vous écris personnellement depuis mon palais de Buckingham, croy-ez-bien que ce n'est pas encore une de mes fantaisies, mais pour vous annoncer une très mauvai-se nouvelle concernant l'avenir de l'Europe. Voilà, l'Empire Ottoman vient de déclarer la guerre à la Russie suite à la fin de l'ultimatum envoyé au général Gortschakoff. Et comme vous le savez, très certainement, nous sommes obligés d'entrer dans ce conflit afin d'éviter le démantèlement de la région où les intérêts la couronne Britannique sont étroitement liés à ceux des Ottomans. Je vous demanderai donc de revenir ici à Londres au plus vite afin de rejoindre votre état major et nous trouver la meilleur solution, en termes de delai et de coût, pour nous faire gagner cette gu-erre. Important à signaler, n'essayez pas de joindre le vice amiral Makensy qui à l'heure actuelle est en mer et se dirige vers le Bosphore afin d'évaluer nos besoins en termes de vaisseaux et de troupes." |
42 |
Josepha, en lisant cela, n'en crut pas ses yeux et fit sortir de sa tête comme de la fumée! Oh le fri-pon, il me fait passer pour un monstre auprès de la reine, alors que c'est lui le monstre sans co-eur! fulminait-elle prête à déchirer cette lettre calomnieuse, mais se retint par simple stratégie. |
Emportée par son tempérament de feu, elle n'arrivait pas à concevoir qu'elle put être elle aussi un monstre comme son mari. Et que le problème de leur couple se trouvait dans ce refus de le reco-nnaître en se rejetant mutuellement la faute, jamais de face, mais auprès de leurs amis respectifs. L'amiral, qui était un militaire, considérait toujours sa femme comme un bastion à conquérir et non comme une épouse douce et respectable et utilisait tantôt la force tantôt la ruse pour la met-tre à ses genoux. Mettre à genoux ses ennemis, c'était son expression favorite pour les nommer et Josepha en faisait partie, malheureusement. |
Suite de la lettre |
De plus, vous m'avez dit que votre femme avait des origines françaises, ce qui n'arrangeait pas vraiment ses relations avec nos chères laidies anglaises, n'est-ce pas ? Ah!Ah!Ah! |
43 |
Faire la guerre nous a toujours semblé une hérésie. Car enlever la vie aux enfants que nous avo- ns mis au monde, puis élevé est pour nous un énorme gâchis pour l'humanité. Nous les femmes, nous sommes là pour créer la vie et non pour la détruire, ce que font malheureusement les hom-mes sans le moindre scrupule! Mais peut-être qu'un jour nous deviendrons comme eux, comme ces hommes pervers et sanguinaires? se demandait curieusement Josepha en regardant froideme-nt sa situation de femme bafouée. Et s'il revenait estropié de la guerre? s'imaginait-elle avec un bonheur visible sur son visage. Je pourrais alors me venger plus facilement et lui faire manger toutes les lettres où il m'a calomniée! continua-t-elle en crachant son venin. Pour moi, tous les Anglais sont des fripons. Et si ma famille française a pu s'installer en Angleterre, ce n' est pas du fait de leur gentillesse, mais parce que mon aïeuil, fuyant les persecutions catholiques, y avait amené toute sa fortune. Dans le conté de Sussex, il y fit construire une filature, ce qui lui avait permis d'être anobli par Guillaume 3 d'Angleterre quelques décénnies plus tard. Les Anglo-Sax-ons ont toujours été intéressés par l'argent et tout particulièrement par les hommes entreprenant comme était mon aïeuil, un riche commerçant de Tours. Il s'appelait Jean Bauvilain et, suite à son anoblissement, il anglicisa son nom qui devint sir John Bodvillers. Son titre était celui de chevalier et toute sa famille adopta les moeurs des Anglais pour s'y etablir durablement et cela leur avait bien reussi. Aujourd'hui, deux cens ans plus tard, j'en suis la digne descendante et je suis devenue Lady Josepha, une jeune femme respectée par la société anglaise, mais qui subit toujours une certaine discrimination du fait de mes origines françaises qui ne contiennent malh-eureusement aucune goutte de sang noble! |
44 |
Josepha, rehaussée par ses convictions, reprit la lettre et continua sa lecture |
Mon cher amiral, connaissez-vous mon plat préféré? |
Josepha, en lisant cela, fut consternée par les sujets traités par la reine. |
C'est le bœuf aux haricots! |
Josepha soudainement éclata de rire, Ah! Ah!Ah! |
Le problème, mon amiral, c'est qu'ils me font lâcher des gaz et asphyxient tout mon entourage pendant la journée. Mais comme ils sont très bien éduqués, ils m'en font pas la remarque et supp-ortent très bien mes indispositions. A ce propos, j'ai demandé à mon medecin personnel, monsi-eur Brown, s'il avait un remède contre cela. Et savez-vous ce qu'il m'a répondu? |
Josepha, impatiente et curieuse de connaitre la réponse, retourna la lettre pour le savoir. |
Mais Majesté, il vous faut pèter, car c'est un gage pour votre bonne santé! m'a-t-il dit en levant les bras au ciel. Je ne vous cacherai pas, mon amiral, qu'il m'a fait beaucoup rire et ça m'a fait beaucoup de bien. Aussi m'a-il dit pour conserver une bonne santé qu'il fallait rire au moins 2 fois dans la journée et m'a donc proposé de suivre des séances de rires entre 10h et 10h30 du matin apres le petit-déjeuner et les soir entre 6h et 6h30. Je vous procurerai un bouffon, monsi-eur Gordon, qui pourra vous dire toutes ses amabilités pour vous faire decrocher la mâchoire, votre Majesté! insista-t-il. Le retour à cette vieille tradition du bouffon du roi m'a un peu sur-prise et m'a même enthousiasmée. Mais vous, amiral, qu'en pensez-vous? Pourrait-il se cacher derrière des espions? J'attendrai avec impatience votre reponse dans votre prochaine lettre. Car pour l'instant, je n'ai prise auncune descision concernant le retour du bouffon du roi à la cour d' Angleterre! |
La suite de la lettre concernait des recettes de cuisines et surtout les desserts qu'elle raffolait où elle était prête à engager un pâtissier français au Palais de Buckingham. Mais on lui avait décon-seillé, vu les relations diplomatiques houleuses en ce moment entre la France et l'Angleterre. |
45 |
Puis voyant le temps passer extrêmement vite, Josepha rangea tout, referma tout et remit dans la soute à canon du Victory, la clef du secrétaire de son mari. |
Avant de sortir de la pièce, elle vérifia que tout était en ordre, puis remonta dans sa chambre. |
Retour à Menton |