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Le Testament d'un jeune homme

 

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Fabien était dans son salon, assis sur son canapé, quand il se demanda bizarrement : Mais pour-quoi, lui, il n'avait pas réussi dans la vie? Cette question si étrange soit-elle lui tombait dessus brutalement sans savoir bien évidemment comment y répondre. Aussitôt, l'envie de se lever et de sortir dehors, afin d'éluder la question, ne lui manqua point alors. Mais étrangement, il resta assis comme pour mesurer son courage : celui du petit enfant qui n'avait jamais voulu grandir comme les autres! N'allons pas dire qu'il était sur le point de s'évanouir, oh non, car ce serait un peu trop fort. Mais bon, il est vrai qu'il n'avait jamais voulu voir les choses en face lui l'enfant égoïste habitué à l'insouciance des jours. Depuis quelques temps, il avait le sentiment que quel-que chose en lui s'était détraqué, comme si la roue du destin s'était mise à tourner dans le mau-vais sens! se disait-il comme égaré sur une autre planète en pressentant au fond de lui même comme un grand malheur qui n'attendait qu'un signe extérieur pour l'entraîner vers sa perte. Mais contre toute attente, Fabien garda son calme et respira profondément afin de contrôler son souffle intérieur, puis chercha du regard l'endroit où il avait posé son paquet de cigarettes. En fait, il n'avait qu'à tendre la main pour le saisir sachant qu'il le posait toujours au même endroit sur son canapé juste à sa droite à même le tissu où un cendrier en verre translucide était rempli de cendres froides. Il débordait tellement ce cendrier que le tissu avait noirci et même brûlé à certains endroits où les motifs indiens avaient complétement disparu! Pourtant, il faisait bien attention. Mais quand il était parti dans ses rêveries, ses gestes devenaient alors imprécis et le tissu en prenait plein la gueule, comme il disait. Demain, il faudra le vider! pensa-t-il.

Mais pour l'instant, c'était au dessus de ses forces, estimait-il. Puis posant lourdement sa main sur son paquet, ses doigts encore agiles n'eurent aucun mal à trouver l'ouverture où il tira un long tube blanc gorgé de tabac qu'il planta au milieu de ses lèvres. Aussitôt, le goût du papier et du tabac lui redonnait comme un semblant de plaisir. Puis se saisissant de son briquet, il l'allu-ma sans trembler et tira une bouffée dessus où le bout devint incandescent en le faisant comme renaître à la vie. Puis la fumée remplissant ses poumons et ses narines, il se disait que seule la fumée avait ce pouvoir unique de nous enivrer au milieu d'un épais brouillard où l'on perdait enfin son identification sociale et économique. Les idées semblaient revenir dans la tête de Fa-bien et malgré ses interrogations existentielles. C'est peut-être pour cela que les gens se drogu-ent, hum, pour oublier leurs propres échecs dans la vie? se demandait-il avec raison. He oui, c' est pas con ce que je dis là! affirma-t-il en regardant autour de lui comme s'il attendait une ré-ponse. Malheureusement aucune réponse ne vint perturber le silence qu'il y avait au milieu de ce salon où il était seul, vivait seul et sans la moindre présence d'un animal domestique qui au-rait pu lui tenir compagnie. Mais non, il n'en voulait pas, car il détestait les animaux! Quant à ses amis, cela faisait une éternité qu'il ne les avait pas revu. Pour quelles raisons? Personne ne le savait exactement. La seule chose que l'on sut, c'est que tous ses amis d'enfances s'étaient mariés et l'avaient donc complètement oublié! Parfois, il pensait que c'était à cause de leurs fe-mmes qui les en empêchaient. Car, disait-il, elles m'ont toujours détesté et tout particulièrement le célibataire que je pouvais représenter à leur yeux, c'est à dire un vieux garçon qui était de surcroît pauvre et laid, comme je le suis réellement. Même un jour, il entendit une terrible con-fession le concernant où l'on disait de lui qu'il était bien gentil, mais pas marrant du tout!

Tous des connasses, ces chiennes! lâcha-t-il pris dans un excès de colère contre les femmes. Il est vrai aussi que si j'avais été riche, les choses se seraient passées pour moi très différemment. Ca, c'est une certitude!

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Mais est-ce de ma faute si je n'ai pas de talents, ni de personnalité qui pourrait marquer mes contemporains afin qu'ils m'aiment? se demanda-t-il d'une façon poignante. Mais le silence au-ssitôt reprit sa place au milieu du salon où seul le tic tac d'un réveil posé sur la console de la cheminée semblait vouloir lui apporter une réponse: le temps qui passe. Il tira une nouvelle fois sur sa cigarette et sans l'avoir terminé l'a planta toute droite dans le cendrier où celle-ci empris-onnée dans la cendre fumait par le haut et ressemblait étrangement à la cheminée d'un navire, pensa-t-il ému par le spectacle qu'il avait lui même mis en scène. Emporté par son imagination, le tissu du canapé se transforma aussitôt en océan et les symbôles indiens en continents inexplo-rés. Lui, assis au bord de son cendrier, il surveillait l'horizon tel un marin expérimenté. Merde toujours rien à l'horizon! déplorait-il comme pour montrer son impatience à toucher terre et surtout une terre habitée par de vrais êtres humains qui n'auraient point oublié leur sens de l' hospitalité. Voilà à quoi je rêve à bord de mon rafiot! s'écria-t-il emporté par l'émotion. Mais tout à coup, la cigarette bascula vers l'arrière et se coucha dans la cendre toute chaude où elle se consuma en quelques secondes! Voyant la cheminée du bateau disparaître sous ses yeux, il fit une grimace et dit d'une façon navrée : Adieu bateau, adieu mes rêves! C'est dingue, mais à cha-que fois que j'essaye de faire quelque chose, ça rate! Suis-je un loser, comme disent les améri-cains ou un raté pour les français? C'est fort possible. Mais en vérité, je n'en sais rien du tout, car il faudrait que les gens me le disent en face pour le savoir vraiment. Et pour l'instant pers-onne me l'a dit. C'est étrange, non? Hier soir, j'ai vu à la télé qu'au Japon, il existait des quarti-ers qui étaient uniquement réservés aux gens qui avaient raté leur vie! Pouhha..les japonais, c'est vachement organisés! Un élu politique de la ville de Tokyo avait même dit dans l'interview qu'ils y vivaient heureux, car tous dans la même situation! Ca m'a quant même choqué d' enten-dre ça. Mais les nippons, c'est spéciaux, non?

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Le plus dure quand on a pas fait sa vie, se disait Fabien, c'était de remplir le vide, celui de son inexistence. Car malheureusement, on ne peut pas s'inventer des souvenirs qui n'ont jamais eu lieu, ni des amours qui n'ont jamais existé! Parfois, j'envie le sort des romanciers qui grâce à leur imagination fabuleuse s'inventent une nouvelle vie en créant de nouveaux personnages. Mon dieu, comme ça doit être merveilleux de se fondre dans la peau d'un autre et de lui faire vivre des aventures hors du commun où un jour, il est un richissime homme d'affaire et le len-demain, un vulgaire voleur de rue dans la misérable ville de Sao Paulo! Hum..quelle chance, il a lui de pouvoir changer d'identité quand il le veut! Moi, malheureusement, je n'ai pas ce talent, ni dans l'imagination ni dans l'écriture et c'est bien dommage. C'est bizarre à dire, mais je n'arrive pas à m'identifier à quelqu'un d'autre. Peut-être est-ce dû à ma laideur? Oui, c'est fort possible, en conclua-t-il après avoir fait cet examen de conscience très poussé sur lui même.

En parlant de cette vie foutue en l'air, je me suis toujours demandé, c'était quoi l' amour? Bien sûr, j'ai comme tout le monde lu des romans d'amour et vu des films traitant de ce sujet là, mais réellement je ne sais pas ce que c'est. Car je vous avouerai que je ne suis jamais tombé amou-reux d'une fille ni d'un garçon non plus soit dit en passant. C'est étrange, non? Pourtant, j'ai ess-ayé comme tout le monde, mais je n'y suis jamais arrivé. A chaque fois, ça été le fiasco pour moi, non au plan sexuel( car malheureusement mes rencontres n'ont pas été jusque là), mais sur l'échange de mes sentiments avec le sexe opposé. C'est bizarre à dire, mais à chaque fois que j'ai éssayé de parler sentiments avec une femme, celle-ci s'enfuyait aussitôt en courant comme si j' étais un monstre. Les femmes seraient-elles des êtres exclusivement physiques, me demandai-je alors? Question que je me pose encore aujourd'hui. Avec les années, j'ai compris si les femmes ne voulaient pas me parler de sentiments, c'est qu'elles voulaient tout simplement pas me parler du tout. Et pour la simple raison que je suis laid telle est ma cruelle conclusion. Un jour, j'ai demandé à mes amis( qui sont tous des beaux gosses) s'ils arrivaient à parler à leurs femmes, car avec moi elles semblaient muettes. Aussitôt, ils se sont mis à éclater de rire et, changeant au-ssitôt de mines, ils m'ont dit amèrement que leur plus gros défaut était d'être trop bavardes et donc trop chiantes pour ces raisons là. Bref, je tombais des nues et changeais aussitôt de sujet afin de ne pas enfoncer le clou trop loin. Serai-je inapte à ce qu'on appelle l'amour? me dem-andai-je cruellement?

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Parfois, j'ai l'impression que la nature m'a fabriqué uniquement pour être le spectateur du bo-nheur des autres et surtout de leur bonheur d'être deux. Moi, je n'ai jamais ressenti ce bonheur de tenir par la main une jeune fille en fleur et c'est l' un de mes plus grands regrets. Dommage, je vais mourir en ne sachant rien de l'amour! Mon dieu quelle désolation! Ma vie ressemble à un champ de ruines où les maisons détruites n'ont jamais été habitées où les arbres desséchés n'ont jamais porté de fruits où le ciel est toujours resté gris. Dois-je pour autant en finir avec la vie au point de me suicider? En fait, c'est une question qui ne se pose pas réellement pour moi, je vous avouerai. Car si la vie a voulu que je sois laid comme un babouin, c'est qu'elle a bien évidemment ses raisons que je dois ignorer pour ne pas devenir fou, telle est ma profonde con-viction. La vie m'a donné la vie. Hé ben, allons jusqu' au bout où mes limites le permettrons, n'est-ce pas?

La nuit dernière, j'ai fait un mauvais rêve où j'étais dans les bras d'une guenon qui me couvrait de bisous.Vous dire l'effroi que je viviais alors, moi qui deteste tant les animaux! Fabien, fa-tigué par toutes ses pensées existentielles, se rassoupit à nouveau et ferrma les yeux quelques instants. On aurait pu croire en le voyant ainsi qu'il était en train de prier un dieu ou un divinité. Mais non, car Fabien ne croyait pas en dieu. Mais en quoi croyait-il au juste, me demanderiez vous? Mais en rien, voilà où se trouvait le problème, son problème!

Pourtant, comme j'aurais souhaité croire en quelque chose! se lamentait-il pris par le remords. Au moins, je n'aurais pas été seul dans la vie, mais entouré de gens merveilleux qui m'auraient soutenu durant les moments difficiles en me montrant que j'étais un des leurs ou faisant partie de leur famille. Oh comme j'aurais souhaité être comme tout le monde, c'est à dire avec des craintes et des peurs d'être envoyé en enfer par le grand Rabin ou par le grand Imam de la mos-quée de Paris ou autre! commençait-il à délirer sur sa situation d'homme moderne et paradoxa-lement enviée par le tiers-monde. C'est peut-être cela le prix de la liberté : la solitude? S'il exi-stait une religion à laquelle il aurait pu croire, ce fut très certainement celle de l'humanisme Mais les Hommes l'en avaient si bien dissuadé par toutes sortes d'humiliations qu'ils ne pouv-aient plus y croire véritablement. Ma laideur et ma pauvreté pécunière en sont très certainem-ent les raisons. Mais une chose que je n'arrive à comprendre, c'est leur grande méchanceté en-vers les gens comme moi qui n'ont jamais été gâté par la vie. Car naître laid, c'est déjà pas un cadeau, mais si les Hommes s'en mêlent et vous empêchent de vivre normalement, on pourrait se croire comme frappé par la malédiction! s'insurgeait-il contre le mauvais sort. Ses yeux sem-blaient alors s'enfoncer dans ses orbites et son corps perdre pied. Il avait l'impression, une fois de plus, de s'enfoncer dans son canapé, puis de disparaître englouti tel un naufragé que l' huma-nité avait oublié de secourir par négligence ou peut-être par une totale indifférence? Bref, pour ne pas sombrer, il prit sa canne près du canapé pour se diriger vers la fenêtre où la lumière sem-blait l'hypnotiser, regarda à travers la vitre crasseuse la rue en contre bas qui était déserte et le ciel encombré de gros nuages gris. Pouhha, quel temps de merde! lachâ-t-il collé contre la vitre où la buée s'était formée à son contact. Etrangement, cette réaction, qu'on pourrait appeler de chimique, apportait presque du réconfort à Fabien qui sentait que cette vitre, même glacée, était sensible à ses mots et à sa respiration que les autres avaient complètement réduit au néant. Un jour, en regardant une émission à la télé sur les SDF, j'ai eu comme une révélation sur ma pro-pre existence. Voilà comment. Précison : la scène se passait le long d'une autoroute où les SDF avaient élu domicile.

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Le journaliste de la chaine, voulant bien faire son métier, demanda à l'un d'entre eux de lui ra-conter sa vie; mais curieusement celui-ci se referma aussitôt dans son silence en baissant les yeux. Incompréhension totale du journaliste qui était convaincu que tout le monde n'attendait qu'une chose qui était de raconter sa vie à la télé pour devenir célèbre et faire ensuite du busin-ess (théorie d'Andi Warhol où chacun aura droit à son quart d'heure de gloire). Malaise face aux caméras, car celui-ci semblait complètement sourd à ce marché de dupes où la fausse po-pularité était à la mode. Mais le journaliste, ne voulant pas revenir bredouille de son reportage, força le SDF à s'explquer en lui posant les questions genres : Avez-vous des enfants? Quelle était votre situation auparavant? Votre métier? La réponse du SDF fut alors sans appel en rép-ondant à chaque fois : Néant! Aussitôt, je compris le sens de ce mot, jeté comme un leitmotive par ce pauvre SDF, qui exprimait ce qu'était réellement sa vie, c'est à dire un véritable néant que le journaliste n'arrivait pas à saisir. Ce jour là fut pour moi comme une véritable révélati-on, car ma vie ressemblait étrangement à la sienne, c'est à dire à un néant incommensurable!

Fabien, étonné et assommé en même temps par cette vérité toute crue, resta comme ça inerte collé à la vitre. Ses yeux étaient alors lointains comme plongés dans un labyrinthe où la lumière extérieure ne pouvait plus entrer. Et la peur d'y être enfermé jusqu'à la fin des temps le gagna soudainement. Il faut que je me ressaisisse! murmura-t-il du bout des lèvres comme effrayé par cette pensée. Car si je ne réagis pas, je risque d'être mangé par le minotaure : ce monstre mi-homme-mi-bête qui hante les labyrinthes de notre vie. Mais que me veut-il exactement? Et pourquoi me surveille t-il à travers ces sombres galeries? Attend-il de moi un sacrifice consenti ou bien une erreur fatale pour se jeter sur moi et me dévorer tout cru? se demanda-t-il en com-mençant à délirer sur sa personne. Hum, hum, je crois que c'est le faux pas qu'il attend de moi, le petit malin! Oh oui, c'est ça qu'il attend de ses prochaines victimes désignées par le mauvais sort et la malédiction humaine. Le minotaure à les yeux jaunes, le saviez-vous? Si, si, je les ai vu un jour alors que j'étais au plus mal! Car d'habitude quand j'ai une crise soit je coule à pic au fond de mon canapé soit je croise le minotaure au fond de son labyrinthe. Et ce jour là, suite à une rupture sentimentale, je me suis retrouvé projeté au fond du labyrinthe en cherchant com-me d'habitude la sortie. Mais le bruit que je fis avec ma canne réveilla le minotaure qui se mit aussitôt à pousser des cris monstrueux à travers les galeries où j'entendis son souffle très fort se rapprocher de moi. Effrayé, je pris mes jambes à mon cou, mais un peu plus loin, je tombai par terre en accrochant une pierre. En me relevant, je m'aperçus qu'il était en face de moi et qu'il avait les yeux jaunes! Bizarrement, je lui souris et celui-ci fit de même en retour. J'étais vraiment surpris par sa réaction, mais aussi par la mienne. Bref, croyant pouvoir discuter avec lui, tout à coup, j'entendis une sonnerie de téléphone retentir au fond de la galerie. Aussitôt, je fus transporté comme par magie chez moi où le téléphone sonnait. Je décrochai immédiatement et mis un certain temps à comprendre que c'étaient les bureaux de la sécurité sociale qui me demandaient des papiers concernant mon accident du travail où j'avais failli perdre ma jambe. Renseignements fournis par moi-même, je raccrochai presque le coeur léger.

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Ici, je compris que ce coup de téléphone m'avait sauvé la vie en me sortant du labyrinthe où j' étais enfermé durant ma crise, mais surtout à retrouver la réalité et cette vie sociale que je ré-clamais au plus profond de mon coeur. Sans ce coup de téléphone, le minotaure m'aurait très certainement dévoré et mon appartement revendu ou reloué à d'autres locataires! s'imaginait Fabien entèrement convaincu par ses hallucinations. Appuyée contre le carreau et tenant presque en équilibre, il y avait une guitare où la poussière avait entièrement recouvert le vernis et les quelques autocollants qui s'y trouvaient. Tout à coup, il la fixa comme si elle lui rappelait de merveilleux souvenirs, ceux de sa jeunesse et de ses illusions perdues. Il se pencha pour la saisir par le manche où le contact de ses doigts sur les cordes rouillées semblait lui faire mal d'une manière symbolique. Il l'a souleva avec précaution et l'entraina avec lui sur le canapé comme un corps momifié. Mais voyant qu'elle était affreusement sale, il souffla dessus pour enlever la po-ussière, puis nettoya avec un peu de salive un des autocollants qui se trouvait sur la caisse de l' instrument. A son grand étonnement, il découvrit que ce dernier avaient gardé entièrement ses couleurs d'origines en montrant un bébé tout nu qui jouait de la batterie derrière un groupe de heavy metal! Ah oui, je m'en rappelle maintenant, c'était à? Heu? C'était, je crois au festival de Bourges! Oui, c'est ça! se rappelait-il maintenant qui, bien effectivement, avait joué avec son groupe, les publickillers, dans les années 90 où il y avait fait un malheur.

Un petit sourire illumina aussitôt son visage quand il y repensa. Car ce groupe de rock, c'était lui-même qui l'avait monté avec ses propres moyens en allant chercher des musiciens à gauche et à droite dans différents groupes de rock locaux, puis en louant un local pour faire les répètes dans les meilleurs conditions qui soient. A ce niveau là, il se souvint qu'une grosse partie de ses économies y était passée. Mais c' était comme ça à l'époque, j'étais jeune, j'avais un peu de fric de côté et je voulais devenir célèbre! Le problème que j'ai eu à résoudre au début, ça été de con-vaincre les autres éléments du groupe de me laisser chanter, car j'étais affreusement laid, mais néanmoins avec un beau filet de voix. Un soir, alors qu'on était à moitié rond, sans le faire ex-près, j'ai enfilé un masque de Frankenstein et me suis mis à chanter notre tube du moment qui s' appelait : Baby, ce soir, j'vais te faire ta fête! Ce soir là, le morceau avait tellement bien tourné, qu'on décida du jour au lendemain de m'appeler le chanteur masqué et bien sûr j'apparaîtrai à chaque fois sur la scène avec ce déguisement qui, il faut le dire, m'arrangeait bien. Fabien sourit en y pensant, puis fixa du regard le deuxième autocollant qu'il y avait sur la caisse de l'instrum-ent. Celui-ci était recouvert lui aussi par la poussière et le nettoya avec un peu de salive. Mais alors quelle fut sa surprise de voir apparaitre dessus, une vieille charrue dans laquelle on y avait entassé un tas de groupe de rock français qui montrait, en fait, l'état du rock français à l' époque, c'est à dire déplorable. Ca y'est, je m'en souviens, dit-il, c'était au festival des vieilles charrues! Faut dire aussi qu'on avait eu un sacré coup de bol de pouvoir jouer dans ce festival et tout ça grâce à monsieur Foulquier qui avait adoré notre numéro avec le masque de Frankensein. Il nous avait même dit à l'époque : Ah voilà enfin un groupe artistiquement complet jouant aussi bien la comédie que de la guitare saturée! Le public sera médusé de vous voir entrer sur scène habillé comme ça en monstre, Ah!Ah!Ah! Il n'y a aucun doute pour moi, il sera conquis. Malhe-ureusement, ce furent pour nous ses dernières bonnes paroles où un incident allait gâcher toutes ses prévisions. Car dix minutes avant d'entrer sur scène, on me vola dans la coulisse mon mas-que de Frankenstein! Merde, on était tous malade, car sans le masque point de spectacle! On chercha partout, mais impossible de remettre la main dessus. Un petit malin, très certainement un groupe concurrent, nous l'avait volé. Bref, complètement démoralisé, j'ai alors demandé à monsieur Foulquier ce qu'on devait faire? Mais il m'a répondu, avec la tête que j'avais, qu'on allait très certainement en prendre plein la gueule vu que le public ce soir était très chaud..vous savez la bière, le chichon, ça n'arrange pas vraiment les choses. Prenant mon courage à deux mains, je décidai quand même d'entrer sur scène avec mon groupe. On entama notre premier morceau : Baby, ce soir, j'vais t' faire ta fête! Mais au bout de quelques minutes, les spectateurs du premier rang se mirent à siffler et à nous envoyer sur la gueule des tomates et des canettes de bière!

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Bien sûr, j'essayais de les éviter tout en continuant de chanter. Merde, on était vraiment mal moi et mon groupe, j'vous dis pas! Puis les insultes fusèrent sur moi où j'enttendis ceci : Ah comme t'es moche! Tu devrais retourner dans ta porcherie, casimdo, Ah!Ah!Ah!J'étais horrifié d'entendre tout cela déverser sur ma personne. Alors mon groupe et moi decidâmes de leur chanter une chanson d'amour afin d'adoucir les moeurs de ces brutes. Mais le résultat fut pire, car en leur chantant avec le plus de sincérité possible ma chanson, les brutes du premier rang ricanèrent en me traitant de petite mauviette et que je devrais plutôt jouer dans les maisons de retraite que dans les festivals de rock! En quelques minutes, toute la salle s'enflamma contre nous et nous envoya d'énormes quantités de tomates sur la gueule! Bref, éffrayé par tant de haine contre nous, nous quittâmes d'urgence la scène pour nous protéger et non sans un goût amer dans la bouche, il faut le dire. Car nous savions que dans les prochains jours notre groupe allait très certainem-ent imploser. Je savais aussi que le public n'avait pas toujours raison en matière d'art et de mu-sique pour la simple raison que le groupe Supertramp avait reçu des tomates comme nous, lors de leur premier concert à Paris. Cela me rassurait bien évidemment de le savoir. Et puis faut se l'avouer, le public français n'y connaissait rien en musique vu que c'était souvent les médias qui lui dictaient ses goûts. Vous dire alors le résultat! En fait, ce qui me turlipinait le plus, ce n'était pas la qualité de ma musique, mais plutôt de savoir qui nous avait volé le masque de Frankens-tein qui entre nous représentait le clou du spectacle par le mystère qu'il devait représenter auprès du public. Avec le masque de Frankenstein, je faisais phantasmer les gamines, car elles allaient forcément se demander mais qui se cachait derrière : un prince charmant ou un monstre? Et les garçons, idiots comme ils sont, allaient bien évidemment en être jaloux pour ne pas perdre leur petite copine. Ainsi de fil en aiguille la rumeur allait courir et les médias enverraient leurs papa-razzis et leurs espions se cacher dans les loges des artistes etc. Bref, tout ça pour dire que c'était très bon pour le business, n'est-ce pas? Ah ça oui, en nous volant le masque de Frankenstein, ils avaient bien réussi leur coup! Et la seule chose que les gens verront dans les magazines, ce sera ma laideur et non point mon talent de chanteur ou d'auteur compositeur. Sûr que s'en était fini pour les publickillers et pour son chanteur masqué, je pensais en toute lucidité. Quelques jours plus tard, Roland, notre batteur (qui ne m'aimait pas beaucoup) réussit à convaincre les autres éléments du groupe de me virer puisque s'en était fini pour moi. Mais ne voulant pas faire les choses en traître, il nous convoqua tous à notre local de répètes afin de faire un vote démocra-tique.

9

Résultat des votes, j'étais viré, moi le fondateur des publickillers! Merci la démocratie! Mon dieu, jamais de ma vie, je n'aurai pu croire qu'ils me feraient un coup tordu comme celui là! Aso-mmé par la nouvelle, je perdis connaissance en m'éffondrant sur la moquette du local.

1 heure ou 2 heures plus tard, je me réveillai avec plus personne autour de moi où tous les me-mbres de mon groupe s'étaient comme volatilisés! La seule chose qu'ils avaient laissé, c'était un papier collé sur la porte. Voilà ce qu'il disait : Fabien, tu sais, nous sommes vraiment désolés pour toi. Mais comprends bien que c'était pour nous la seule façon de sauver notre groupe et nous pensons avoir pris la bonne décision. Oui, je sais que c'est très injuste pour toi qui a fondé les publickillers, mais c'est la vie, mon vieux! Nous, on veut réussir dans la vie et pas finir au fond d'une usine. Allez, adieu Frankenstein!

PS : N'oublie pas de reprendre ta guitare et tes vieilles sandalettes au fond de la grosse caisse. Avant de partir n'oublie pas aussi de fermer la porte du local derrière toi. Tes clefs, tu peux en faire ce que tu en veux, car la semaine prochaine on compte changer la serrure. Allez salut, fran-kenstein!

Voilà comment se termina mon histoire, d'une façon très injuste comme vous l'auriez remarqué.

Fabien, au bord des larmes et tenant sa guitare momifiée entre ses bras, s'effondra dans le cana-pé et perdit connaissance.

Cette fois-ci, il ne coula point à pic au fond de son canapé comme à son habitude, mais il prit de l'altitude et s'envola dans les airs. Survolant ainsi les capitales du monde entier, il laissait derr-ière lui le son de sa voix qui était si envoûtante que les gens charmés se retournaient sur son pa-ssage et se demandaient : Mais à qui appartient cette voix magnifique? Mais qui est ce chanteur mystérieux? entendait-il en se cramponnant tant bien que mal au manche de sa guitare pour ne pas tomber. Continuant ainsi son voyage, il arriva dans un pays mystérieux, situé très probable-ment aux Indes, puis se posa à l'entrée d'une grotte creusée dans le flanc d'une montagne. A l' intérieur se trouvait une vieille femme qui préparait dans un grand chaudron une sorte de potion magique. Envoûté par ce spectacle, il voulut s'en approcher, mais la vieille femme lui somma de rester à sa place! Celui-ci surpris s'exécuta. Puis la vieille femme, l'air très embarrassée, lui de-manda ce qu'il voulait. Sans hésiter, il lui dit qu'il voulait devenir beau! Ah!Ah!Ah! ria la sor-cière. Mais c'est la mode ou quoi? Depuis une quinzaine tout le monde me demande la même chose. Mais c'est la télé ou quoi qui les rend fous? s'écria-t-elle exaspérée. Mais Madame, je viens de très loin! insista-t-il pour justifier sa présence. Mon jeune garçon, je me moque bien que tu viennes de si loin! Viens voir de ce côté là, je vais te montrer quelques chose. Fabien la suivit aussitôt de l'autre côté de la grotte où des ouvertures donnaient sur les quatre points ca-rdinaux soit le sud, le nord, l'est et l'ouest. Surpris, il vit alors des milliers de gens qui faisaient la queue. Mais qui sont ces gens? lui demanda-t-il. Mais des gens comme toi, mon garçon. Co-mme moi? Oui, comme toi qui veulent devenir beau! Oh merde alors! lâcha-t-il très embarassé. Mais que dois-je faire alors Madame? Eh ben, faire la queue comme tout le monde, Ah!Ah!Ah! ria la sorcière d'une manière grotesque. Fabien, entendant résonner ce rire grotesque au fond de son crâne, se réveilla brutalement. Oh mon dieu, quelle heure peut-il bien être? Le salon était plongé dans une sombre obscurité où l'on y voyait pratiquement rien. Il se leva du canapé, puis chercha à tâtons l'interrupteur qu'il ne trouva point. Tiens, c'est bizarre, j'ai toujours pensé qu'il y en avait un par ici. Bon, allons voir plus loin, dit-il résolu à le trouver. Il s'engoufra aussitôt dans l'ouverture de la porte pour se diriger semble-t-il vers la salle de bain. Passant la main derr-ière la porte, il sentit enfin le bouton d'éclairage et le manoeuvra.

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Tout à coup son visage se refléta dans le miroir et Fabien, hurlant de douleur, vit bel et bien qu'il était laid! Effrayé, il mit ses mains sur son visage et pleurant toutes les larmes de son corps partit dans le salon se jeter sur le canapé.

Oh maman! Oh maman! Comment est-ce possible que tu m'aies fait aussi laid? se lamentait-il. Oui, pourquoi moi? Est-ce pour cela que tu m'as abandonné à ma naissance, hein, maman? All-ez, réponds-moi, je t'en supplie! Hein pourquoi tu ne me réponds pas, petite maman? criait-il à travers le salon où la semi-obscurité ressemblait étrangement à un viol à celui de son intimité. Extrêmement gêné, il repartit dans le couloir éteindre la lumière de la salle de bain. En referma-nt l'interrupteur, il vit tout à coup apparaître un trait de lumière sous sa porte d'entrèe. Tiens, j' suis pas seul! dit-il un peu surpris. Il s'avança silencieusement vers celle-ci et colla son oreille contre en s'imaginant toutes sortes de choses le concernant, bizarrement. Mais en écoutant bien les propos qui s'y tenaient derrière, il comprit qu'on ne parlait pas de lui, mais de quelqu'un d' autre. Apparemment, il semblait y avoir deux hommes. "Alors qu'est-ce qu'il t'a dit? Eh ben, il m'a dit qu'il en voulait pour 100 milles, sinon il ne s'engageait pas dans l'affaire. Ah oui? Oui. Bon dans ce cas, j'vais voir avec Alfredo si lui il peut livrer une telle quantité. Heu..une petite chose avant de lancer l'opération. Tu diras à ton ami qu'il nous fasse une avance, car on ne veut pas prendre de risque avec des inconnus qui pourraient bien être de la police. Tu sais, les flics, eux, ils ne payent jamais d'avance. C'est comme ça, ça fait partie de leurs traditions. Car ça les dégoûteraient de se faire piquer leur pognon par des voyous comme nous, Ah!Ah!Ah! C'est vrai, c'est pas con ce que tu dis là! Bon, tu lui diras qu'on veut une avance de 40 milles, sinon on ne marche pas dans la combine, hein d'accord? Heu, une dernière chose. Mais qui lui certifie qu'il n'y aura pas d'entourloupes de votre côté, hein? Ma confiance. Tu rigoles? Mais non, je t'assure, c'est comme ça que ça marche et pas autrement! Et puis merde, si ton client ne veut pas prendre de risque, il f'rait mieux d'investir son pognon dans une maison retraite. Là-bas au moins il aura du 10% l'an et pourra dormir sur ses deux oreilles. Bon alors, tu marches? D'accord, j'essayerai de le convaincre Allez, top là! Ok! Fabien, entendant les deux hommes reprendre l'escalier, pa-rtit aussitôt se poster à la fenêtre où il les vit sortir de son allée et traverser la rue en contre bas. Ces deux hommes étaient assez jeunes où l'un portait un blouson en cuir et l'autre une veste de costume. Mais pour une raison inconnue, l'un des voyous se retourna, leva la tête vers la facade de l'immeuble et aperçut Fabien derrière sa fenêtre! Leurs regards se croisèrent et ce dernier, épouvanté, partit aussitôt se cacher dans ses wc.

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Milles questions se pressaient alors dans son cerveau : allait-il remonter dans l'immeuble et ve-nir frapper à sa porte pour lui demander quelques explications ou bien allait-il repartir en pen-sant qu'il n'avait rien entendu de leur petit trafic? Fabien plongé dans l'inquiètude et dans l'obs-curité de son wc, réfléchissait à ces 2 possibilités. Mais au bout de deux minutes, n'entendant ri-en venir, il poussa un ouf de soulagement et se décripsant au dessus de sa cuvette délivra un gr-os caca, comme pour s'assurer qu'il n'avait plus rien à craindre désormais. Hum..comme c'est bon d'être à nouveau tranquille! dit-il content d'avoir retrouvé un semblant de paix. Se sentant en totale sécurité dans ses wc, il alluma la lumière qui pendant un instant lui fit mal au yeux. Puis s'adaptant à la luminosité ambiante, mais s'ennuyant un peu, il prit dans une pile de journaux qui était à ses pieds un magazine people qu'il se mit à feuilletter en se disant que ses wc étaient un endroit parfait pour lire ce genre de magazine de merde : où la jeunesse dorée de la capitale y ét-alait ses vanités, comme celui de posséder un joli corps ainsi qu'un compte en banque bien garni. Tout cela le dégouta pendant quelques secondes; mais trouvant cet endroit parfaitement adapté pour lire ce genre d'exploits médiatiques, il les prit en pitié où visiblement ils sentaient la merde comme dans ses wc. Et paradoxalement, ce qui sentait mauvais chez ces gens, ce n'était pas qu' ils aillent au wc comme tout le monde, ce qui est bien naturel, n'est-ce pas? Mais leur média-tisation outrancière où ils osaient montrer leur arrogance, alors qu'ils n' avaient aucun talent, sauf celui d'avoir gagné dans une émission de télé réalité avec la complicité de journalistes eux aussi sans talents.

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Ca ressemblait ni plus ni moins à un serpent qui se mordait la queue, bref, à une histoire sans tête sauf à remplir de conneries les magazines people dont les petites gamines écervellées étaie-nt prêtes à croire les exploits ou les malheurs très savamment orchestrés par ces gens sans foi ni morale. L'argent était bien sûr leur seule motivation où après deux semaines d'étalage média-tique, ils  savaient que leur vie à tous serait oubliée par la France entière et par le monde entier. A moins d'y mettre une seconde couche? se demndaient ironiquement les jourrnalistes sans tale-nts de la presse people. Mon dieu, mon dieu! s'écria Fabien assis sur sa cuvette qui se crispa à nouveau devant de tels faits illustrant la bêtise du monde et surtout l'apologie de la connerie sur papier glacé. Se sentant désabusé, d'un geste machinal, il déchira l'une de ces pages et se torcha le derrière avec. Oh merde alors! s'écria-t-il en ayant oublié qu'il avait du papier pour ça. Et ben tanpis, au moins ça illustre bien le sort de tous ces magazines de merde! S'il avait entassé tous ses journaux et magazines dans ses WC, ce n'était pas par hasard, mais parce qu'il avait toujours trouvé vulgaire de lire un journal dans son salon où seuls les livres avaient le droit de traîner ou de trôner sur sa table basse ou bien sur son canapé. Paradoxalement, il avait trouvé Mein kampft( auteur: Adolf Hitler) beaucoup moins violent que ces gazettes parisiennes où on y étalait avec délice tous les crimes d'aujourd'hui avec des détails surprenants montrant la perversité de notre socièté occidentale. Pourtant, il n'était ni antisémite, ni extrémiste, mais seulement un lecteur sensible à ce qu'il avait devant les yeux. Et ce qui le touchait plus particulièrement, ce n'était pas les choses du passé( auxquelles il n'accordait plus aucune importance puisque révolues), mais les choses présentes sur lesquelles, il vouvait avoir une prise pour ne pas sombrer dans ses hall-ucinations, comme de couler au fond de son canapé ou bien tomber dans le labyrinte où le min-otaure l'attendait pour le dévorer Je pense que tout le monde pourra le comprendre, car qui d' entre nous n'a pas eu besoin un jour d'avoir un peu de prise sur la réalité pour se sentir moins nul? Malheureusement, cétait le cas de Fabien qui était pauvre et laid. Et ce qu'il detestait plus particulièrement dans ces journaux,, ce n'était pas leur réalisme ou leur irréalisme( magazine people), mais leur manque totale de poésie à l'égard du monde. Car comment pouvait-on supp-orter l'humanité en sachant, d'après les gazettes parisennes, qu'elle était mauvaise, répugnante et que tous les jours le travail des journaux consistait à nous le prouver par des images dégueu-lasses et de surcroit en couleur? s'insurgeait-il avec l'espoir un jour d'être aimé par cette huma-nité si décriée par les journaux!

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Pour lui, c'était un drame personnel en se sachant pauvre et laid, donc seul. Quant aux nantis ou privilègiés, ils pouvaient bien ricanner de tout ce qui pourrait m'arriver. Car eux, ils avaient des compensations physiques ou bien numéraires au spectacle horrible du monde auquel ils assist-aient chaque jour, en pouvant se payer un abri au milieu du champ de bataille. Alors que moi, si je ne mettais pas mes journaux et magazines people dans mes Waters, mon salon deviendrait vite la bataille de Trafalgar où pour n'avoir pas su tenir mes ennemis à distance, je serais forcé-ment tué dans ce monde où crimes, mensonges, hypocrisies sont la matière fécale des journaux. Il devait surveiller tout ça de près afin de pouvoir contrôler ses émotions ainsi que ses réactions face au monde extérieur. Car il souhaitait croire encore à cette humanité qui pourtant l'avait abandonné, non par indifference, mais parce qu'elle n'avait pas de temps à lui consacrer en courant sans cesse à ses affaires. Et en ce moment, il ne comprenait pas très bien la politique de la France à l'égard de la religion musulmane où le gouvernement avait voté une loi contre le port du voile dans l'espace public. Franchement, laid comme je suis, j'aurais été très heureux de porter le voile intégral dans la rue pour passer incognito! pensa-t-il avec indignation contre le gouvernement de la France. Avec ça, au moins, les gens ne se moqueraient plus de moi, mais me respecteraient. Où la seule voix qu'ils entendraient venir de ma personne passerait par une petite grille faite en tissu qui j'en suis sûr les impréssionnerait au point de me prendre pour un extra-terrestre! Avec ça, mes mots seraient comme vénérés et écoutés avec dévotion par le commun des mortels qui n'écouteraient plus alors un homme ou une femme, mais un esprit sans corps et sans visage. Et si le voile et la robe tombent bien personne ne pourrait croire qu'en dessous se cachait un être humain sans importance. Merde de merde, c'est bien dommage que cette loi soit passée, car j'aurais tant aimé faire cette expérience pour me promener dans la rue en toute libe-rté! insista-t-il désabusé par la politique de la France qui sans se rendre compte réduisait de jour en jour les libertés des Français. Bref, des libertés qu'ils avaient conquises au prix de millions de morts durant la révolution française! A propos des réduction des libertés dans notre pays, j'ai lu hier dans le journal qu'on avait arrêté à la caisse d'un supermarché une femme portant la bou-rka, parce qu'on la suspectait d'avoir caché en dessous de la marchandise volée. En fait, les vigi-les du magasin avaient beaucoup de mal à croire que cette femme pouvait avoir un ventre ou une taille aussi grosse! Cette femme, qui apparemment était musulmane, refusa bien évidemm-ent la fouille ou se déshabiller devant des hommes, telle que sa religion lui interdisait. Bref, ils ont dû faire appel à une femme policière pour le faire. Et après une fouille assez simple à vrai dire, on trouva autour de la taille de cette femme 50 kilos de viande hachée qu'elle avait volée au rayon boucherie!

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Elle dit pour se défendre que c'était pour nourrir ses 10 enfants! Les policiers, qui n'étaient pas nés de la dernière pluie, savaient pertinement que cette mère de famille leur disait la vérité. Mais bon, Madame, vous avez volé, n'est-ce pas? Et vous savez bien que c'est punissable par la loi, lui rappelait-on. La mère de famille, choquée par son arrestation, ne savait plus quoi répondre et s'éffondrait dans les bras des policiers. On emmena cette mère de famille au commissariat le plus proche, puis on la condamna à une peine symbolique sachant très bien qu'elle ne pourra ja-mais payer l'amende vu sa situation. La marchandise fut récupérée et remise au rayon boucherie et malgré la chaine du froid coupée! Une semaine plus tard, en lisant mon journal dans mes chi-ottes, j'ai appris que cette femme n'était pas musulmane, mais bien Française! Et si elle avait dé-claré aux journalistes qu'elle avait volé, c'est parce qu'elle n'arrivait plus à finir ses fins de mois où en France on vous volait systèmatiquement par où on le pouvait le plus facilement, c'est à dire sur la bouffe et sur la location de votre logement. Le journaliste, curieux de tout nouveau fait de socièté, lui demanda alors où elle avait trouvé cette idée étrange de porter la bourka pour accomplir ses méfaits? Oh, lui répondit-elle, l'idée m'est venue en regardant tout bêtement la té-lévision où j'ai compris que porter une bourka avait des avantages, comme de dissimuler de la marchandise en dessous et surtout d'éviter la fouille, sachant que l'islam interdit aux hommes de fouiller une femme qui porte la bourka, sinon le supermarché pourrait bien se retrouver le siège d'un attentat! Le journaliste comprit, par cette explication quelque peu insolite, que les pauvres avaient eux aussi beaucoup d'imagination pour ne pas mourir de faim dans leur propre pays! Mais avec cette nouvelle loi, votée par le gouvernement de la France, interdisant le port de la bourka dans l'espace public, les pauvres se voyaient une fois de plus amputé d'une liberté qui était celle de pouvoir voler. Le journaliste, qui ne cachait pas qu'il était de gauche, avait même fini son article d'une façon prophétique en disant : Avec toutes ces lois limitant les libertés, voir surveillant de près tous les individus, il était fort possible qu'à l'avenir le vol serait exclusisem-ent réservé aux riches! Ce qui avait de quoi mettre en péril le fondement même de notre répub-lique où l'égalité devait étre respectée entre les riches et les pauvres, n'est-ce pas? comme il le rappelait à la fin de son article. Fabien était bien évidemment consterné d'apprendre, par ce fait de socièté, que les Français pour manger étaient obligés de piquer des idées aux étrangers, sinon ils maigrissaient à vue d'oeil. Métaphore ou triste réalité de la socièté française? Sortant douce-ment de toutes ses pensées, il entendait maintenant le glouglou de ses cuvettes résonner dans ses waters. Ah, il faudrait un jour que je la répare celle-là! dit-il emporté par sa féniantise incurable. Ca doit faire au moins 1 mois qu'elle fuit! pensa-t-il, mais ne se sentant toujours pas le courage de prendre le moindre tournevis pour serrer la vis du floteur.

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Assis sur sa cuvette, il avait l'impression d'être sur le pont d'un navire en perdition. Mais ne voulant pas sombrer à nouveau dans ses hallucinations( qui lui faisait horriblement peur), il se mit à écouter les bruits qui lui parvenaient depuis son wc. Car dans ce vieil immeuble tous les wc avaient été construit dans une gaine commune, ce qui lui permettait d'entendre tous les bruits quotidiens ou insolites venant des autres appartements. On était pas loin dans l'esprit de "fenêtres sur cour" d'Alfred Hitckock, mais en moins classe bien évidemment disons plutôt que "wc en vase communiquant" serait plus approprié pour nommer cette situation où Fabien avait les oreilles tendues comme un petit animal. A force d'écouter pendant ses longues journ-ées d'ennuis la façon dont les habitants de son immeuble faisaient leur caca, tiraient la chasse d'eau, claquaient la porte de leur wc, faisaient la vaisselle etc. il pouvait se donner une idée assez précise de l'ambiance qu'il regnait dans son immeuble. N'allons pas dire qu'il se croyait Dieu le père (sachant que Dieu sait tout et voit tout). Non, non, pas du tout. En fait, il ne vo-yait rien, mais entendait seulement grâce à son talent de musicien qui lui permettait de créer une image sonore de son environnement, qui était beaucoup plus prècise que cette image sou-vent factice que lui renvoyait à la gueule, les habitants de son immeuble.

Tout à coup, il se souvint de sa voisine du dessus qui durant des années l'avait fait chier, parce qu'elle était aussi malheureuse que lui, Ah!Ah!Ah! Sans nier qu'il ne s'était pas montré très délicat avec elle, quand après avoir été viré par son groupe, il s'était payé une batterie pour évacuer sa violence intérieure, ce qu'on pouvait comprendre facilement après tout ce qu'on lui avait fait subir. Mais c'est vrai que j'y avais été un fort en jouant à deux du mat de la batterie en dessous son plancher! reconnaissait-il. Pourtant mes voisins du dessous ne s'étaient jamais plaint de tout mon vacarme. Faut dire aussi qu'ils étaient jeunes comme moi et venir se plain-dre du bruit les auraient tout de suite fait prendre pour des vieux, ce qui sûrement les auraient humillié, pensa-t-il en comprenant que la jeunesse comportait de sacrés avantages de vivre avec. Alors qu'avec les vieux, comme ma voisine du dessus qui était une vieille chipie de 80 ans, c'était souvent l'enfer : le cerveau qui déraille, les jambes qui se derobent, ses enfants qui ne venaient plus la voir, bref, abandonnée comme moi! se surprit-il à voir un tel point comm-un avec cette vielle chippie qui pourtant avait été jeune et aimée au temps de sa jeunesse. Mais le temps des amours était passé et son mari était mort avant elle, tel était l'ordre des cho-ses où ce dernier lui avait fait des enfants qu'elle avait nourri, puis élévé comme elle avait pu selon ses moyens, bref, elle s'était sacrifiée pour ses enfants. Mais n'était-ce point ici le destin de toute femme qui souhaitât mourir le devoir acompli sans l'ombre d'un reproche?

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Mais le problème, c'est que la vie n'était pas un long fleuve tranquille et qu'elle pouvait vous apporter en cours de route pas mal de surprises. Car à leur majorité, ses enfants prirent le large en se mariant et en l'oubliant complètement. Pourtant, elle avait espéré qu'un de ses petits reste avec elle jusqu'à ses vieux jours, mais n'en avait pu retenir aucun. Car tous semblaient atteint d'un énorme égoïsme très certainement venant du père qui durant toute sa vie avait préféré la compagnie de ses copains au bistrot à la présence de ses enfants à ses côtés. Sa famille était un véritable désastre et le mal était fait, constatait-elle amèrement, puisque ne pouvant plus reve-nir en arrière, malheureusement. Fabien aurait pu être cet enfant tant désiré et pour lui cette maman qu'il n'avait jamais eue. Mais quelque chose d'incompréhensible les en empêchait mal-gré ce voeux enfoui au plus profond de leur coeur, comme s'ils n'arrivaient pas à l'exprimer. Un manque total de confiance en eux? Une timidité maladive ou peut-être parce qu'il était tout simplement trop tard? Etions-nous ici dans le cas d'un amour impossible? Oui, très problable-ment et tous les deux en étaient parfaitement conscient. Alors la vieille s'était lançèe dans une guerre contre lui où la haine avait remplacé l'amour et Fabien avait choisi comme défense le vacarme de sa musique! Bref, le bruit comme une façon de ne pas entendre les plaintes et les gémissements de sa voisine. Oui, nous étions bien dans une guerre moderne et disons-le très sophistiquée où le désespoir avait encore des armes à surgir pour ne pas se laisser mourir tout seul dans son coin. Bref, une façon de sauver le reste de vie qu'on pouvait encore sauver sach-ant qu'être désespéré n'était pas désirer mourir, mais bien vouloir s'agripper à ce qu'on pouvait, n'est-ce pas? Par elle-même, la chute n'est rien si l'on sait que l'on pourra s'agripper aux branc-hes d'un arbre au passage (émotion assurée!). Mais si l'on sait qu'il n'y a rien en dessous, ça s' appelle tout simplement du suicide! L'abattage de ces arbres peut être volontaire ou involonta-ire, ce que personne ne démentira. Et si l'on arrive pas à etre heureux parmi ses semblables ma-lgré tous ses efforts, l'exil deviendra pour nous nécessairement vital, comme ces sages, moines ou philosophes qui dans la solitude trouveront forcément le bonheur. Cet exil volontaire, dont le prix à payer est la solitude, n'est pas permis à tout le monde, mais réservé uniquement aux hommes forts, puisque demandant à ce força de l'âme des nerfs d'acier et une force intellectu-elle qu'on trouve très rarement chez le commun des mortels. Fabien savait très bien en se disa-nt cela que ce n'était pas son cas et le déplorait amèrement. Hum..des nerfs d'acier, une force intellectuelle, mon dieu, comme j'aurais souhaité que la nature m'eût dotée de tout cela! Mais non, la nature l'avait gâté en rien ni en force ni en beauté, puisqu'il était laid comme un poux : poux qui pourtant dans la nature avait une vie sociale et amoureuse, puisque celui-ci se repro-duisait sans aucun problème dans nos chevelures!

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Mon problème à moi, c'est que mon exil est involontaire et donc ma solitude, je ne l'ai point choisie comme ma voisine. Nous, on a pas eu de chance dans la vie parce que les Hommes par méchanceté nous avaient coupé l'herbe sous l'pied. En nous retirant ces arbres protecteurs dont les branches devaient normalement freiner notre chute sociale et économique. Maintenant il était trop tard! pensa-t-il en passant sa main sur son visage où il sentit des bosses de partout occasionnées visiblement par sa chute parmi les Hommes! Il faillit pleurer, mais se retint. Car être désespéré, c'était toujours sentir la vie, non par son meilleur côté, mais par le plus émou-vant qui soit pour un garçon qui n'avait pas fait sa vie. Etre désespéré, c'était une façon d'occu-per sa vie quand celle-ci était remplie d'éffrayantes visions ou de sombres perspectives d'avenir en vivant dans les extrèmités des choses qui auraient tétanisé la vie d'un petit bourgeois réglée comme du papier à musique. Etrangement, mes meilleurs souvenirs sont ceux de mon adolesc-ence où desespoir et sentiment d'exister étaient alors les plus forts. Mais Aujourd'hui, malheus-eusement, je ne peux plus ressentir cet état de grâce. Car avec le temps, je me suis fabriqué une carapace qui m'empêche de ressentir la moindre émotion pour mes semblables. Et le seul mal qui peut m'atteindre désormais, c'est moi-même qui me l'inflige en pensant à ma vie ratée. C'est là, me semble-t-il, le défaut de toute cuirasse, n'est-ce pas? 

On se croit indestructible, mais en vérité on est très fragile à l'intérieur. Et j'ai souvent tort de me vanter d'avoir une armure où les maux et les armes des Hommes s'y brisent sans me causer le moindre mal. Car je suis convaincu que notre meilleur défense, c'est en vérité notre nudité, celui de notre corps et de notre esprit comme ceux de ces sages dont je parlais plus haut. Mais comme je suis laid comme un babouin, ceci m'est malheureusement inacessible du fait que mes pensées sont souvent remplies de vengeances et de convoitises à l'égard de mes semblables. Suis-je pour autant atteint d'un mal incurable? Et pourrai-je un jour m'en guérir? A vrai dire, je n'en sais rien du tout. Un matin, n'entendant plus la vieille crier au dessus de mon plafond, je compris soudainement qu'elle était morte! N'allons pas dire que je fus insensible en l'apprenant et malgré les liens posthumes qu'ils restaient entre nous, il est vrai, pas très glorieux! Mais qua-nd les pompes funèbres sont intervenues dans mon immeuble, je leur ai quant même demandé où ils allaient l'enterrer. Surpris par cette question, ils m'ont demandé si j'étais de sa famille et je leur ai répondu: non, non, seulement un voisin! L'agent des pompes m'a dit qu'elle serait in-humée au cimetière de la guillotière tel jour et à telle heure. Bref, je pris note et remontai au-ssitôt chez moi. Assis sur mon canapé, je me demandai quel effet ça pouvait faire d'aller à un enterrement : moi qui était sans amis, sans famille et qui n'avait jusque là jamais assisté à ce genre de cérémonie!

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Au moins, ça me changera les idées et ce sera ma bonne action de la journée, dit-il avec entho-usiasme. Et puis soyons franc, ça fera au moins une personne de présente à son enterrement, Ah!Ah!Ah! ria-t-il avec cynisme. Une semaine après, il alla à l'enterrement de la vieille où bien effectivement, il se trouva seul en présence du personnel des pompes funèbres. Avant de bou-cher le trou avec de la terre où la dignité eut souhaité que l'on y dépose une fleur en souvenir, Fabien, étrangement, sortit de la poche arrière de son jean les deux baguettes de sa batterie qu'il jeta au fond du trou. Quelques secondes plus tard, on entendit sortir du trou comme un bruit de grosse caisse qui étonna tout le monde! Il faillit bien éclater de rire, mais se retint devant les agents des pompes funèbres. Puis cachant son émotion derrière son mouchoir, il se disait que c'était malheureusement le seul cadeau qu'il pouvait lui faire, à cette vieille qui aurait pu être sa mère, mais dont les souvenirs se résumaient à des engueulades à répétition, bref, à un vaca-rme assourdisant. Il avait appris, en lisant les évangiles, qu'on mourait comme on avait vécu. Pour lui, ça résumait parfaitement la situation.

20

Plongé dans l'obscurité de ses wc et pensant à cette cérémonie, il avait l'impression d'être enfe-rmé dans un caveau avec cette femme. Mon dieu, mon dieu, mais pourquoi toujours ces hal-lucinations quand je pense à la moindre chose déplaisante? s'interrogeait-il avec lucidité. Co-mme à son habitude, pour ne pas se laisser envahir par celles-ci, il pensait à des choses plus ag-réables, comme à ces disputes de ces jeunes mariés qu'il avait entendues depuis ces wc et qui le confortaient dans son célibat forcé par sa laideur( à moins qu'il eut l'idée un jour de se ma-rier avec un laideron?). Mais sincèrement, il se le refusait pour ne pas être confronté tous les jours à sa propre face de cake qui s'apparentait à du masochisme au point qu'il avait retiré la plupart des miroirs de chez lui pour éviter son propre reflet. La seule exception qu'il avait faite était celui de la salle de bain qu'il utilisait pour se raser, mais restait non moins pour lui une séance de torture que l'on comprendra facilement. Parfois, le matin, il était envahi par d'étran-ges hallucinations et pensait que durant la nuit une fée s'était penchée sur lui et l'avait changé en prince charmant grâce à sa baguette magique. Envoûté et croyant au miracle, il courait au-ssitôt dans sa salle de bain pour le vérifier. Mais à chaque fois qu'il allumait la lumière, une tête hideuse apparaissait sur la glace et lui glacait en même temps le sang!

Déçu par son rêve, il retournait se coucher dans ses draps pour pleurer. Bref, se sachant conda-mné à vivre tout seul jusqu'à ses vieux jours, Fabien prenait plaisir à surveiller tout particuli-èrement ces jeunes mariès qui venaient tout juste de s'installer dans son immeuble dont il es-pérait tous les malheurs du monde, bien évidemment. Ce qui était marrant au début, Ah! Ah!Ah! c'était de voir que tout cela ressemblait merveilleusement à un conte de fées où j'entendais depuis mon wc, comme des soupirs, gémissements, promesses éternelles d'amour qui ne pouv-aient en être que les preuves sans conteste, n'est-ce pas? Mais au bout de 3 ans de mariage, je constatais souvent que cela n'était plus le cas. Et au lieu des soupirs, on entendait désormais des lamentations et au lieu des gémissements de plaisir des cris de disputes et au lieu des pro-messes éternelles d'amour de sombres menaces de mort! Lui, qui avait assisté à tous ces remu-ménages depuis ses wc, ne se cachait pas d'en avoir tiré beaucoup de plaisir, mais qu'on pou-vait parfaitement lui pardonner vu son malheur d'être éternellement laid et seul. Au bout de 3 ans, le divorce était prononcé et l'appartement reloué à d'autres couples qui reproduisaient inc-onsciemment le même schéma : conte de fées, routine, guerre, divorce! Et s'il n'y avait pas eu de morts en cours de route, c'était un vrai miracle! En fait, le drame dans toute cette histoire était bien évidemment les enfants qui naissaient avant la guerre du couple. Et sans se faire d' illusions sur ce qu'ils deviendront plus tard sûrement de futurs divorcés ou d'éternels céliba-taires. Au bout du compte, la grande gagnante, c'était la vie elle-même qui avait grossi le mo-nde de nouveaux enfants et que lui importait s'ils étaient malheureux? Le grand perdant, c'était l'homme, le mâle reproducteur qui après avoir enfanté la femme ne servait plus à rien et pou-vait donc mourir! Telle était la funeste pensée chez la plupart des femmes, mais qui n'osaient pas l'avouer à leurs maris de peur d'être prises pour des monstres.

Quand la vieille est morte, un nouveau locataire s'installa dans son logement. Et Fabien, qui habitait juste en dessous, partit lui rendre visite par simple curiosité où il apprit qu'il s'appelait Pedro et était d'origine chilienne. Mais ce qui l'impressionna le plus en se présentant à lui (ho-rriblement laid en s'appuyant sur sa canne), ce fut de voir Pedro ne faire aucun mouvement de recul en le recevant avec un large sourire comme si plus rien ne pouvait désormais l'éffrayer : lui qui avait connu l'horreur dans son pays, le Chili! Ce sourire perpétuel sur sa bouche était visiblement sa défense à lui et sa façon de mépriser la mort, comme s'il lui disait : Tu peux me tortuer, me tuer. Mais jamais, je ne te donnerai le plaisir de voir ma souffrance sur mon visage, monstre! Pedro avait ce côté mexicain de voir la mort qui était directement liée à la conquête espagnole du nouveau monde. Et desormais inscrite dans ses gènes où il ne pouvait plus qu'as-sumer l'étrangeté où mourir les yeux ouverts et le sourire aux lèvres lui donnait un courage que nous Français n'avions plus depuis fort longtemps. En voyant la tête hideuse de Fabien, il ne se disait pas : Ah ce qu'il est laid! Mais plutôt : Ah voilà, un nouveau compagnon de misère! ce qui n'était pas rien quand on était seul dans un pays étranger, n'est-ce pas? Pensée hautement génèreuse que nous-mêmes Français n'avions plus à cause de notre individualisme forcené, malheureusement.

Pedro le fit entrer chez lui et l'invita à boire un café afin de se connaitre un peu mieux et pou-rquoi pas lier une amitié? pensaient-il l'un comme l'autre. L'appartement était peu meublé avec un lit dans un renfoncement de la pièce, une petite table pour manger, deux chaises et un petit côté cuisine équipé du strict minimum. Mais ce qui surprit Fabien, trônant non loin de l'appar-eil de chauffage, ce fut de voir un canapé identique au sien qui était recouvert du même tissu imprimé où tous les continents de la terre étaient représentés. Cela nous rapprochait! pensa-t-il en sourdine. Si tu veux, tu peux t'asseoir sur le canapé en attendant que je prépare le café! dit Pedro. Oh ne te gênes pas, tu peux m'appeler Fabien. Tu t'appelles Fabien? Oui, c'est le prén-om qui est écrit sur ma carte d'identité. Tiens, regarde! lui dit-il en commençant à la sortir de son portefeuille pour lui montrer. Mais Pedro, extrêmement gêné, lui dit : Non, non, merci, Fabien, je n'ai pas à savoir si tu me dis la vérité ou non! Je ne suis pas de la police et je te fais entièrement confiance, mon ami. Ah bon? lâcha-t-il comme déçu et heureux en même temps de savoir que ce jeune homme, qui lui préparait son café, lui parlait comme un ami de longue date. Youhaa, cela faisait si longtemps qu'on ne lui avait pas parlé de la sorte! pensa-t-il ému par cette nouvelle amitié qui se profilait à l'horizon obtenue grace à la mort de la vieille, à cette vieille chipie! Il remarquait que la vie pouvait encore lui apporter de belles rencontres du-es étrangement aux malheurs des autres!

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Mais un paradoxe qui ne le déroutait aucunement puisque allant dans le sens de ses interêts, bien évidemment. Je peux? demanda-t-il à Pedro en sortant une cigarette de son paquet. Pas de problème, fais comme chez toi, lui dit-il énergiquement. Pedro, devant la cuisinière et à voir sa façon appliquée de préparer le café dans une véritable cafetière italienne, avait les gestes d'une femme comme si sa longue solitude l'avait contraint à prendre du plaisir à la moindre tâche ménagère, comme ces femmes qui occupaient héroïquement leurs journées à repriser les chau-ssettes, à nettoyer les slips ou bien à préparer le repas pour toute la famille. Desormais, il arri-vait à comprendre ce que les femmes pouvaient ressentir dans leur vie quotidienne. On pourrait même dire que les évènements de sa vie l'avaient forcé a feminiser ses pensées et ses gestes. Mais pouvait-on dire avec assez de recul que de nettoyer son slip ou ses chaussettes fut un tra-vail exclusivement réservé aux femmes sachant que par le passé les moines soldats le faisaient eux-mêmes? Non, certainement pas. Mais debout devant sa cuisinière, attentif à ne pas rater le café pour son ami, il attendait avec impatience ce bruit de shuintement si particulier que faisa-it l'eau en ebullition quand elle remontait dans le cylindre, puis passait par le filtre et inondait la poudre de café où l'eau embarquée de parfums sublimes se déversait dans le réservoir supér-ieur de la cafetière. Ce bruit de shuintement lui rappelait étrangement le petit train à vapeur qu'il avait pris un jour avec ses parents sur la cordilère des Andes.

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C'est vrai que c'était loin tout ça! pensa-t-il en se remémorant la guerre civile dans son pays qui avait détruit une partie de ces beaux souvenirs. Il se souvenait très bien de ce voyage initiatiq-ue organisé par ses parents afin que lui et ses frères, Pablo et Ernesto retrouvrent leurs racines Incas, Aztèque ou Maya, pourquoi pas? Car Emilio, professeur à l'université de Santiago, avait sa propre théorie sur le peuplement de cette amérique du sud avant la conquête espagnole et pensait qu'il avait été effectué par des peuples de race pure venant du Mexique, comme les Az-tèques ou les Mayas, puis ces derniers se seraient mélangés à des peuples indigènes venant du Brésil et des environs. Ses collègues et amis professeurs, en l'écoutant parler de tout cela avec passion, avaient été véritablement enthousiasmés par sa theorie qui offrait une nouvelle opti-que à l'histoire préhispanique et l'avaient fortement encouragé à poursuivre ses recherches. Mais qui pour l'instant n'avaient interressé aucun archéologue du pays ni étranger faute d'élè-ments convaincants ou de preuves pour étayer sa propre théorie. Mais en attendant, Emilio, par manque de moyen financier, cachait tout cela au fond de son cerveau, comme un trésor qui serait mis au jour par lui-même et par ses seuls efforts. Une future occupation pour ma retrai-te! pensa-t-il d'un air lointain. La fenêtre du compartiment ouverte, Emilio, tel un historien attentif à l'éducation de ses enfants, poursuivait son histoire et leur apprenait que la civilisation dont ils étaient issue était la plus avancée au monde, au point qu'à la même époque en Europe on vivait encore dans des cavernes!

Cette petite phrase pleine de malice, Pedro s'en souviendra toute sa vie parce qu'elle avait fait beaucoup rire lui et ses frères. C'était notre petite vengeance à nous contre les Espagnols! s'ét-aient-ils alors écriés en pensant à tout le mal qu'ils avaient pu leur faire! 

Puis les enfants avaient baissé la tête comme exprimant un grand regret. Emilio, reprenant le cours de son histoire, leur disait( afin de ne pas les tromper sur ces peuples Aztèque et Maya dont ils étaient issus) qu'ils n'étaient pas très amis entre eux, mais se faisaient souvent la guer-re pour des broutilles! Ce qui déclenchea aussitôt entre eux un regard plein de méfiance en ne sachant pas qui était Aztèque ou Maya vu qu'ils avaient été eux aussi mélangés au sang des co-nquistadors. Voyageant ainsi au rythme cahotique du petit train à vapeur, ils s'instruisaient be-aucoup mieux qu'à l'école comme ils le sentaient. Pendant ce voyage initiatique Marisa, leur mère, ne disait rien et écoutait religieusement son mari et s'émouvait de chaque réaction de ses enfants. C'était son bonheur à elle d'avoir ces trois enfants mâles à la maison en ne sachant pas toujours pas par quel côté les prendre de peur de les féminiser un peu trop par des attendrisse-ments excessifs. Je veux qu'ils deviennent des hommes, mes enfants et non des mauviettes! semblait-elle marteler à chaque fois que son coeur s'émouvait un peu trop, selon elle.

Elle donnait parfois l'impression, par ses regards un peu froid, que le sang des conquistadors s' était lui aussi infiltré dans ses veines, bref, une violence qui lui échappait malgré elle.

Pedro, entendant tout à coup sa cafetière faire un long sifflement, sortit de son rêve et se pré-cipita pour la retirer du feu, puis ferma le bouton du gaz. Fabien, entendant tout ce remumena-ge, sortit lui aussi de cette somnolence qui le prenait à chaque fois qu'il s'asseyait sur un cana-pé en fumant des cigarettes. Un peu plus, il se serait cru chez lui. Mais non, il était bien chez son nouvel ami, Pedro, qui maintenant était en train de sortir les tasses du buffet. Le tintement des tasses, des soucoupes et des petites cuillères finit par le reveiller complètement au point d' ébaucher une sorte de sourire un peu niais. Mais ne trouvant pas de cendrier autour de lui, il écrasa sa cigarette dans son paquet qui était à moitié vide, puis lui demanda s'il pouvait l'aid-er? Mais non, Fabien, reste assis. C'est moi qui va te servir! Tu es mon invité, lança-t-il. Agr-éablement surpris, il le regardait venir vers lui avec sa cafetière et ses tasses à café sur un pla-teau qu'il posa sur une petite table basse en bois sculptées de motifs Aztèques ou Mayas. En fait, il n'en savait rien.

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Aussitôt, il se poussa sur le canapé pour le partager avec lui. Mais une chose le turlipinait, c'est que son ami pour l'instant ne lui avait pas donné son nom de famille, comme si  celui-ci avait oublié de lui le dire. Pendant qu'il s' interrogeait sur tout cela, Pedro avait déjà rempli les tasses d'un liquide noir et profond et lui tendait maintenant la sienne. Tiens, Fabien, goûte-moi ça et dis-moi ce que tu en penses? Soumis et conquis par le désir de son nouvel ami, il la porta à ses lévres et fit dans le même mouvement un signe de ravissement en découvrant qu'il lui avait préparé un excellent café où dans cet art il le surpassait de très loin vu que le sien resse-mblait plutôt à du jus de chaussettes. Hum..mais c'est magnifique, ce café! Mais comment as-tu fait? Est-tu un magicien pour? Fabien, n'ayant même pas fini sa phrase que son ami éclata de rire et lui tendit la main pour se présenter : Mon nom est Pedro Delavega et je suis né à Santiago du Chili. Tu es chilien? lui demanda-t-il. Oui, mais en ce moment pas très fier de l'êt-re comme tu le sais avec tout ce qui se passe dans mon pays. Oh oui, je peux te comprendre parfaitement avec tout ce qu'on raconte d'horrible aujourd'hui dans nos medias où Pinochet et sa junte militaire, aidés par les américains, massacrent de pauvres innocents!

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Oui, tu as parfaitement raison. Et je vois qu'ici en France, vos medias vous disent encore la vérité, ce que j'admire beaucoup par rapport à nos pays d'amérique latine où la presse et la justice sont corrompues par l'argent où l'on y tue sans impunité. Mais parlons d'autre chose, mon ami, veux-tu? D'accord, dit Fabien, en se saisissant entièrement du drame que celui-ci devait vivre en ce moment. Heu..Pedro, excuses-moi de te demander, mais où a tu appris le français? Car je vois que tu le parles parfaitement. Oh, ce serait trop long à te raconter! Mais si tu veux, on en reparlera la semaine prochaine, d'accord? Pas de problème, mon cher Pedro! lui dit-il quelque peu vexé que la conversation se termine ainsi et pourtant si prometteuse. Celui-ci vida alors d'un trait sa tasse à café tout en regardant son ami qui à ses côtés semblait absent ou occupé à d'autres pensées ou peut-être à aucune, lui seul le savait. Voulant partir, il se sai-sit de sa canne; mais voyant qu'il avait beaucoup de mal à se relever, Pedro, tel un animal ama-zonien qui pouvait dormir les yeux ouverts, d'un mouvement rapide se leva et l'aida à se rele-ver du canapé. Fabien sentant ces bras autour de lui, comme ceux d'une mère, se disait : Ah, comme il est bon de sentir l'autre quand il est plein de bonnes intentions! Apparemment Fabien semblait très touché par cette première mise en contact avec Pedro : lui qui semblait avoir co-mplètement oublié dans son propre pays la chaleur humaine! 

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La semaine suivante, il n'oublia point son rendez-vous ainsi que Pedro qui par la cérémonie du café lui avait montré son sens de l'hospitalité, bref, celui de ces peuples primitifs dont le cœur battait encore du grand amour universel. Comme prévu, la conversation fut reprise là où il l'avait laissée la dernière fois, c'est à dire sur le français que Pedro parlait parfaitement. Tous les deux assis confortablement sur le canapé se tenaient chacun de son côté afin de pouvoir se parler sans se tordre le coup vu que Fabien avait quelques rhumatismes malgré son jeune âge et redoutait ses positions. En attendant qu'il lui raconte son histoire, il buvait son café à petites gorgées, le humait à la façon d'un sommelier des tropiques, puis interrogeait sa langue et son palais sur les parfums de terres brulées et d'écorces qu'il venait de détecter. Pedro à ses côtés, mi-sourire, laissait opérer cette magie qu'il connaissait très bien, lui le fils de ces peuples pri-mitifs d'amazonie et du Mexique flamboyant. Il remarquait pour la première fois que Pedro était beau avec ses cheveux d'un noir de jais et sa peau couleur de serpent dont toutes les fem-mes devaient être amoureuse. Il ne lui manquait plus que des plumes sur la tête pour resse-mbler à un grand chef Incas ou Maya, issu d'une grande lignée! pensa-t-il sourdement. Mais que faisait-il ici? se demanda-t-il curieusement. Mais que lui était-il arrivé en cours de route pour être tombé si bas dans cette vieille Europe qui lui donnait maintenant l'aumône?

Pedro, sentant les interrogations de son ami, sortit de son silence et se retourna pour lui dire : Tu sais, Fabien, si je parle si bien le français, c'est grace à mon père qui était professeur d'his-toire à l'université de Santiago. Mon cher et vénérable père, Emilio, que dieu le protège! vou-lait absolument que je devienne un éleve modèle. Et moi, j'ai tout fait pour respecter son désir afin que notre famille, les Delavega, garde leur réputation de grands connaisseurs des choses du monde. Le français, me disait, mon père, apprends-le correctement, car il t'ouvrira toutes les portes de la culture qui en France est un monument de délices intellectuels, souvent cruels, mais où la raison à toujours le dernier mot. Avec cette langue, mon fils, tu auras un passeport idéal pour te retrouver chez toi n'importe où. Et quand l'ennui te viendra, tu pourras toujours trouver au milieu des livres, un compagnon d'aventure ou de misère. Il t'a dit tout cela, ton père? demanda Fabien un peu surpris par cette éducation nomade que lui avait enseigné ce dernier. Oui! dit pedro. Il devait être bien savant pour t'enseigner de si grandes véritès. Oui, mais mon père était aussi chercheur en ethnologie et très admiré par ses amis professeurs. J'ai alors fondu sur les livres de langue française, comme à la recherche d'un trésor oublié allant aussi bien à la bibliothèque nationale que chez des particuliers prendre des cours, comme chez mademoiselle Rousso qui avait des origines françaises, bien que Chilienne.

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Il est vrai que j'ai appris beaucoup de choses sur les Hommes et surtout sur leurs sociètés qui n'étaient auncunement stables, mais en perpétuel mouvement. Et cela m'a fait prendre consci-ence que pour m'en sortir, je devais rester un homme libre, bref, un homme nu devant les éven-ements afin de ne pas trop m'alourdir de choses inutiles. Mais mon père avait bien évidemment d'autres ambitions pour moi et voulait absolument que je devienne professeur comme lui. J' étais alors en train de passer mon bac au lycée de Santiago, quand la guerre civile est arrivée et a détruit en grande partie les ambitions de mon père ainsi que celles de tout un peuple, celui du Chili, ce qui fut un drame national! Moi personnellement, je n'avais pas beaucoup d'ambitions dans mon pays, car je désirais au plus profond de mon coeur partir pour decouvrir les peuples du monde, afin de poursuivre les ambitions de mon père, mais d'une façon entièrement libre. Mais il est vrai qu'avec cette guerre civile partir de mon pays devenait alors une chose très di-fficile. Mes deux frères, Pablo et Enersto, avaient par rapport à moi beaucoup d'ambitions où Pablo voulait faire la révolution en s'engageant dans les forces socialistes pour faire tomber le pouvoir, alors que mon frère Enersto au grand desespoir de Pablo avait choisi la carrière milit-aire! Mon père, qui était un professeur très ouvert, avait soutenu tacitement Pablo parce qu'il croyait à la force de la jeunesse et à ce renouveau social. Par contre, ma mère, Marisa avait plusieurs fois tenu des propos très dures sur ce socialisme importé de Moscou en faisant com-prendre à mon frère, Pablo, qu' avec ses idées il nous ferait tous tuer!

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Mon père ne se mêlait jamais aux conversations de son fils avec sa mère, parce qu'il savait qu' elle aussi avait une famille à préserver. Peut-être que Pablo est mort en ce moment? dit soud-ainement Pedro, car ma famille est sans nouvelle de lui depuis plusieurs années. Mais moi, je crois qu'il est mort! lâcha-t-il du bout des lèvres. Et la nuit, je fais souvent le même cauchemar où je le vois enfermé dans un stade avec d'autres camarades, puis emmené tout seul dans une salle où ils le torturent afin qu'il avoue qu'il est un communiste donc un ennemi de son pays. Oh mon dieu, Fabien, comme tout cela me fait mal au coeur! lui que j'amais tant pour sa hard-iesse et sa franchise. Emu par l'histoire de son ami, il lui posa la main sur l'épaule comme en signe de soutien. Je te remercie beaucoup, tu est comme un frère pour moi, lui dit-il. Tu es le mien aussi, répondit fabien au bord des larmes. Après un silence assez pesant, Pedro continua son histoire. Mon autre frère Ernesto, que je n' aimais pas trop, avait choisi comme je te l'ai dit de s'engager dans la junte militaire de Pinochet. Quoi, avec Pinochet? Oui, mais attend un peu la suite et ne crois pas qu'il ait fait par méchanceté ou par cruauté envers son frère Pablo, non. Mais uniquement pour protéger notre famille. Ernesto était le fils préféré de ma mère et jamais il ne l'aurait laissé aux mains des militaires. D'une certaine façon, il avait sauvé une partie de notre famille sauf Pablo qui, tel un matador armé d'un drapeau rouge, avait voulu défier le taureau sanguinaire de Pinochet.

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Quelle étrange histoire! pensa Fabien qui comme tout le monde avait suivi les événements du Chili à la télévision où en gros on mettait les bons d'un côté et les mauvais de l'autre. En France, où nous étions alors sous le gouvernement socialiste de François Mitterand, Pinochet était bien évidemment le grand méchant loup qu'on devait abattre. Et les gentilles brebis, celles qu'on égorgeait ou jetait du haut d'un hélicopter au dessus du pacifique, étaient les socialistes! Pour lui, il ne faisait aucun doute que les victimes étaient à gauche et les asssassins à droite où le gouvernement de la France allait bien évidemment soutenir leurs camarades qui se sacrifiai-ent pour leurs idées en sachant bien que Pinochet était soutenu par les américains qui combatt-aient le communisme. Bref, nous étions bien dans une bataille ideologique où seules les forces diplomatiques allaient devoir jouer leur rôle, ce qu'avait très bien compris François Mitterand en ouvrant les frontières de la France à ces flots de refugiés Chiliens. Ainsi Pinochet se débar-assait de ces indésirables et la France s'alourdissait de futurs grands malades! Pour Fabien, c' était sa grande époque amerique latine. Car lui aussi, grand malade, allait pouvoir raconter tous ses malheurs à ces mêmes grands malades qui étaient comme lui écrasés par le malheur, ce qui était pour lui une façon comme une autre d'occuper ses longues journées d'ennuis, ce que personne ne pouvait critiquer, n'est ce pas? Et puis comme on en parlait tous les jours à la télé, j'étais pour ainsi dire dans le même bain! Mais avec ce que Pedro venait de lui apprendre à propos de son frère Ernesto, ce n'était pas du tout la même chose qu'on lui racontait dans les médias : où l'on caricaturait les événement afin qu'ils soient compris par le plus grand nombre, alors que le destin de chaque famille se décidait par le sacrifice d'un des leurs pour une cause immorale! Tel avait été le choix d'Ernesto pour protéger sa famille.

Mais où était la vérité? se demandait tragiquement Fabien en ne sachant plus ce qui était le pl-us important dans la vie : le destin collectif ou le destin de sa propre famille? C'était bien évi-demment une question philosophique et non ideologique pour tous ceux qui devaient se la po-ser. Et que de sacrifier sa propre famille pour des idées fabriquées par des intellectuels fut-il bien raisonnable sachant que ces mêmes idées seraient dépassées un jour par d'autres? Nul do-ute que les révolutions traverseront encore les sociètés des hommes, car rien n'est plus vrai sur cette Terre que la vie elle-même qui ne connait qu'une seule religion : vivre par dessus tout!

Mais alors comment as-tu fait pour partir de ton pays? lui demanda-t-il subitement. Oh, ce ser-ait trop long à te raconter. Mais voyant la situation empirer au Chili, je decidai d'en parler à mon père. Et pendant cette nuit, qui fut inoubliable pour moi, je lui exposai mes plans afin de me rendre à l'étranger pour poursuivre mes études ainsi que de réaliser son rêve de devenir moi aussi professeur et pourquoi pas archéologue, son rêve d'enfant? Mon père, ému par tout ce que je lui racontais, me prit alors dans ses bras et pleurait de joie et de chagrin de savoir que j'allais continuer son oeuvre au prix d'une inévitable séparation. Ma mère, Marisa, qui nous avait entendu, vint nous dire : Mais qu'est-ce que vous mijotez tous les deux? Troublé par ma situation, il me fut impossible de lui expliquer mon départ imminent en laissant mon père le faire à ma place.

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Après quelques minutes d'entretien avec ma mère, elle me dit qu'elle était d' accord, mais que je devais faire très attention pour mon voyage où le danger ne viendrait plus des militaires, mais des brigands que j'allais sûrement rencontrer en traversant l'amazonie. Quoi, tu devais traverser l'amazonie pour venir ici! Mais oui, mon cher Fabien! Mais je te rassure qu'une par-tie, car je devais me rendre en premier au Brésil où mon père avait des amis pour mon heber-gement, le temps de trouver une destination soit vers l'Europe soit vers l'Amerique. Mon père m'avait donné une partie de ses économies soit environ 2000 dollars pour couvrir tous mes frais. Je sais que c'est pas beaucoup, mais tu sais au Chili les professeurs ne sont pas bien pay-és au contraire de chez vous. Mais regarde, je vais te montrer l'itinénaire que j'ai pris pour ve-nir ici. Pedro se leva et lissa le tissu du canapé pour lui montrer le continent sud-americain où l'on voyait parfaitement le Chili, l'Argentine à côté et plus haut l'amazonie avec ses forêts im-menses et son fleuve amazone terriblement tentaculaire. En penchant la tête pour voir, il fut éffrayé par l'immensité de ce continent en voyant maintenant son ami transfiguré en aigle royal couronné du célèbre serpent à plume traversant cette immensité verte et boueuse en trois ou quatre coups d'aile! Mais deçu tout de même de savoir que son voyage se soit arreté ici en France où le ciel ressemblait plus à une peinture à la gouache qu'à la clarté spectaculaire d'un ciel équatorien. Mais comment as-tu fait pour traverser cette immensité? lui demanda-t-il fas-ciné par l'exploit. Mais à pieds, en pirogue, puis en bateau, mon cher Fabien! Ah oui? Bien sûr que oui. Et ne crois surtout pas que dans ces espaces sauvages, il n'y a personne, oh non bien au contraire! Car il y a beaucoup de monde qui se croisent où c'est le passage obligé pour tous les trafiquants ainsi qu'une planque parfaite pour les assassins qui veulent échapper à la justice de leur pays. Pendant ma traversée, Alberto, qui était mon guide, m'a dit qu'à la fin de la deu-xième guerre mondiale des anciens nazis s'étaient cachés dans cette forêt vierge pour échapper au tribunal de Nurimberg et aux crimes contre l'humanité. Puis quand les choses se sont calm-ées, ils sont sortis de leur cachette avec tout l'or qu'ils avaient volé pendant la guerre pour s' installer au Chili et dans les pays alentours où ils prirent, bien évidemment, le pouvoir. Je suis sûr que mon père aurait été très heureux d'apprendre cette histoire, lui qui était si curieux sur l'origine des peuplements des continents. Sûr qu'il aurait été, mais avec quelques réserves! lan-ça Fabien en constatant avec effroi les calamités et les désastres que ce continent sud-amèr-icain avait pu subir depuis la conquète espagnole et maintenant avec ces anciens nazis. Il ne manquait plus que ces derniers y fassent leur demeure pour couronner le tout! pensa-t-il avec amertume.

Pendant ce long périple plusieurs de nos compagnons attrapèrent la malaria et nous dûmes, malgré nous, les abandonner sur place. Mais rassure-toi, on les laissa chez l'habitant du coin quand il nous fut possible de le faire. Mais lorsque nous nous trouvâmes au milieu de cette amazonie, loin de toute civilisation, malheureusement, nous dûmes les abandonner sur place au milieu des serpents et de ces horribles insectes macrophages. Ce qui fut pour nous une cho-se très dure à vivre sachant qu'ils allaient mourir dans les prochains jours. Certains, désempa-rés, nous transmîrent des lettres et des adresses afin qu'on previenne leur famille de leur destin funeste. Alors que d'autres, encore pleins d'imagination, se refusaient d'appendre à leur famille la terrible nouvellle et preferaient plutôt la disparition que le funeste télégramme de dèces. M-oi et mes compagnons acceptâmes tout cela dans le plus grand respect. Et avant de partir, nous célèbrames au milieu de cette foret vierge, une cérémonie religieuse où à genoux, embrassant notre croix de Jesus-Christ à notre cou, nous priâmes pour eux afin que leurs âmes chrétiennes et catholiques puissent franchir sans encombre ce plafond végétal qui nous empêchait de voir le ciel où Dieu avait sa demeure. Il faut te dire que certains avaient alors très peur que leurs âmes restent prisonnières de cet enfer vert en nous demandant de les transporter vers une clair-ière pour voir une dernière fois le ciel et le soleil. Malheureusement, nous ne pûmes satisfaire ce désir, mais seulement les convaincre que Dieu était plus fort que les dieux de la forêt et qu' un chemin céleste allait s'ouvrir devant eux pour les transporter au paradis!

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Après les derniers baisers d'adieux et les promesses éternelles d'amitiés, nous repriment notre route, mais il faut le dire avec des larmes pleins les yeux. Mais ce qui nous affligea le plus à moi et à mes camarades, ce fut la nuit suivante où tous les cris des animaux s'étant tus, nous entendimes leurs sanglots résonner dans la forêt! Je ne te cacherai pas que cette nuit fut pour nous épouvantable! Mais le lendemain matin, quand tous les cris des animaux étaient revenus, tout avait disparu. Mon dieu, comme la liberté est chère payée sur cette terre! dit Pedro qui sentait comme un remord d'avoir abandonné quelques uns de ses compagnons au milieu de cette forêt équatoriale. Mais vous n'aviez pas bien le choix! dit soudainement Fabien qui ne voulait pas perdre un ami comme Pedro. Non, malheureusement. Et je t'avouerai que j'ai tou-jours pensé que pour devenir un homme libre, il fallait une santé de fer et des nerfs d'acier, sin-on on mourait la face grimaçante aux pieds de cette idôle qu'on appelle la liberté ou Liberta, comme on dit dans mon pays. Ce que tu dis, Pedro, c'est très beau et il est vrai qu'entre vivre et mourir nous n'avons pas trop le choix, n'est-ce pas? Oui, parfaitement. Mais la chance que j'ai eue, c'était d'entreprendre cette aventure encore très jeune( puisque j'avais tout juste 20 ans), mais surtout d'avoir une hérédité extraordinaire transmise par mes ancêtres qui autrefois avai-ent dominé ces régions hostiles dont les gênes m'avaient protégé de la malaria ou d'avoir peur de cet enfer vert qui parfois semblait vouloir vous avaler tout cru. Tout cru? Oui tout cru! M-oi, qui avait été baptisé à l'église catholique, j'avais lu dans les évangiles que les peuples dont j'étais issus étaient idôlatres donc dans l'erreur. Mais je voyais bien en traversant cette amazo-nie que les dieux de la forêt ne s'opposaient en rien à ma croyance, mais plutôt se conjuguaient avec elle pour me faire sentir que leurs superstitions étaient basées sur des légendes où autre-fois des demi-dieux régnaient sur la Terre. Il est vrai aussi aujourd'hui, où tout est devenu hu-main, on ne plus comprendre ces choses là. Quoi, Pedro, tu penses vraiment que des êtres surh-umains vivaient dans ces immensités sauvages?Mais oui, mon cher Fabien et non pas seulem-ent sur les Andes où parait-il des géants traversaient ces montagnes en deux ou trois enjam-bées! Quoi, des géants sur la cordilère? Oui, parfaitement. Et l'on disait dans ces vieilles légen-des que les lacs leur servaient de miroir pour contempler leur beauté et les eaux de l'amazonie une fontaine pour étancher leur soif colossale. Mon dieu, que c'est beau Pedro, tes légendes! Oui, je sais, mais tout cela a malheureusement disparu! Mais comment au juste ces êtres extr-aordinaires ont-ils disparu? Oh ce serait très long à te raconter. Mais ce que j'ai pu apprendre grace à mon père, qui etudiait alors le peuplement du continent sud-americain, c'est qu'un ora-cle avait prédit à ces dieux vivants que des petits êtres (les hommes) viendraient un jour sur leur territoire pour les déloger de grès ou de force!

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Bien évidemment, ces demi-dieux éclatèrent de rires quand on leur raconta cette petite plaisan-terie et on pouvait bien les comprendre. Mais demandèrent une dernière fois à leur oracle s'il ne s'était pas trompé, car ils étaient beaucoup plus forts que ces petits insectes qu'on appelait les hommes! Mais l'oracle leur dit que leur force ne residait pas dans leur bras ni dans leur cer-veau, mais dans leur nombre. Mais de quel nombre veux-tu parler? lui demandèrent-ils. Mais de plusieurs millions! lui répondit-il. Les demi-dieux, abasourdis par cette réponse, s'enfuirent aussitôt par les voies du ciel, de la terre et des eaux! Voilà la légende que mon père avait reu-ssi a décripter sur le mur d'un temple Incas au Machu Picchu ou l'oracle avait dit la vérité. Comprends bien, Fabien, ce qui fit disparaitre les demi-dieux, ce ne fut point la confrontation directe avec les hommes, mais la frayeur que cela leur causèrent. En gros, tu veux me dire que c'est la peur qui permet d'abattre son advsersaire et non sa force réelle? Oui malheureusem-ent, Fabien, et tu peux aussi l'appliquer à ton pays, la France, où l'aristocratie fut reduite en miettes par le plus grand nombre, bref, par le peuple qui formait alors la majorité. La dictaure par le plus grand nombre est je pense un fleau pour tous les peuples de la terre, car elle produit des discours démagogiques et populistes qui nivellent tout par le bas et font des hommes des êtres identiques, comme un peuple de pingouins, mais en pire, car les pingouins eux restent libres!

C'est marrant que tu prennes en exemple les pingouins pour illustrer la bêtise humaine, car personnellement, je les trouve très beaux et surtout très intelligents d'avoir pu conserver leur liberté, non? Si, répondit maladroitement Pedro. Oh excuses-moi, mais parfois, je pense dans ma langue maternelle qui est l'espagnol comme tu le sais. Si senior! lança Fabien en voulant s' amuser un peu avec son ami. Mais? Mais? Tu parles aussi ma langue? lui demanda-t-il d'un air surpris. Non, malheureusement, pourtant comme j'aurais aimé! lui dit-il comme à regret. Et les seuls mots que je connaisse, je les ai appris en regardant les films américains où à cha-que fois les gringos étaient les vainqueurs à la fin du film! Ah!Ah!Ah! ria Pedro, mais c'est comme dans la vie, mon pauvre ami, ce sont toujours les mêmes qui gagnent, ce sont qui ceux possèdent l'or et dictent leurs conditions aux autres qui ne peuvent que la fermer, Ah! Ah! Ah! Je vois que tout cela ne te fais pas bien rire. Mais je peux bien te comprends, car tu n'as jamais vécu dans un pays comme le mien qui est sur ce continent latino-americain où rire de tout fait partie de notre culture où la mort est elle-même une grosse farce. Une grosse Farce? Mais oui. Mais avec quelle viande? lui demanda Fabien qui voulait le faire rire. Mais, mon cher ami, tu peux y mettre dedant n'importe laquelle! Ah! Ah! Ah! Oh! Oh! Oh! Et tous les deux se mirent à rire à gorges déployées comme jamais ils ne l'avaient fait de leur vie et, s'enlaçant amicalem-ent, ils comprirent que l'humour était la bouée de sauvetage des pauvres gens et non ceux des Etats.

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Se tenant le ventre et ne pouvant arrêter leurs fous rires, le canapé fut agité et secoué de tous côtés au point de ressembler à un bateau ivre où Pedro et Fabien essayaient de tenir la barre. S'il te plais, Fabien, arrêtons de rire, car moi j'ai envie d'un bon café! dit Pedro en touchant la cafetère où le café avait refroidi. Il est froid, je vais en préparer un autre, dit-il d'un ton résolu. Ce dernier se leva et embarqua la cafetière comme on embarque un instrument de navigaton en sachant bien que son histoire n'était pas encore terminée et qu'un bon café de Colombie (où il avait été après son séjour au Brésil) ne pouvait que lui donner du courage pour continuer ce long voyage aux côtés de son ami, un gringo de France. Fabien, qui avait retrouvé son calme, tira une cigarette de son paquet et la planta au milieu de ses lèvres, puis l'alluma tel un marin de terre neuve qui allume sa pipe avec un grand fracas de vents et de vagues( l'allumette frottée sur le grattoir faisant office de tout cela, bien évidemment). Meditatif, il pensait aux pingouins dont Pedro lui avait parlé ainsi qu' au Cap Horn qui se trouvait à la pointe sud du Chili  où les marins redoutaient les vents terribles. Assis confortablement, il se rendait compte sans avoir bougé du canapé qu'il avait voyagé a travers l'histoire du Chili, puis commencé à pénétrer la forêt amazonienne grâce à son guide Pedro en attendant impatiemment la suite. Car il voulait absolument prendre une pirogue avec lui et descendre le fleuve amazone, ce fleuve énorme aux eaux boueuses où, parait-il, un banc de pyranhas avait un jour dévoré plus de trois cents personnes dont le bateau avait chaviré!

Je te rassure, dit Pedro en se retournant, que les pirogues étaient à bien à moteur et que nous y sommes pas allés à la pagaie comme on voit dans les films documentaires. Non, non, mainten-ant, elles sont toutes équipées d'un petit moteur souvent de marque Yamaha et on peut y loger de-dant à trois ou quatre sans problème. Ah oui, bien sûr! lâcha Fabien surpris que ses pensées avaient été comme entendues par Pedro, le sorcier des Andes. Mais attends que je finisse de faire le café et je te raconterai la suite, dit-il en attendant avec impatience le shuintement ou le long sifflement de sa cafetière pour reprendre sa place sur le canapé. Cette fois-ci, le café fut prêt en quelques minutes, puis posant sa cafetière sur la table basse devant le canapé, il lui dit : En tout notre expedition était composée de six pirogues dont quatres étaient habitées et les deux autres transportaient notre necessaire de survie. Pour être prècis, l'une d'elle nous servait à transporter les vivres et les ustensiles de cuisine : eau, riz, manioc, viande séchée, casseroles, rechauds, couvertures, tentes, vêtements imperméables, et l'autre servait à transporter le carb-urant qui se trouvait en dernière position pour eviter tout danger en cas d'explosion, vois-tu! Mais c'est fou, comme il faut prendre de précautions pour organiser une telle expédition! s' exclama Fabien en regardant Pedro qui voulait poursuivre son histoire. 

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Eh oui, mon ami, mais c'est comme ça si tu veux arriver en un seul morceau à destination! Car le moindre pépin qui pourrait t'arriver dans ces endroits hostiles tourne vite au drame, comme nos amis atteints de la malaria que nous avons dû abandonner au milieu de la forêt avant de trouver un bras du fleuve. S'ils avaient pu tenir le coup jusqu'au fleuve, je crois qu'ils auraient survécu. Mais comme Alberto nous avait égaré pendant deux ou trois jours et qu'il voulait absolument récupérer le temps perdu, il prit cette cruelle decision qui tous nous marqua très durement, comme tu le sais. Sans oublié d'ajouter d'une manière brutale que si nous voulions survivre, il nous fallait nécessairement laisser les malades dérrière nous! Fabien, pénétrée par l'histoire de Pedro, fut choqué d'entendre cette terrible phrase qui lui semblait tout particuliè-ment destinée : lui, le malade que la socièté des Hommes avait mis de côté parce qu'il était pauvre et laid. Un instant, il se crut l'ennemi de Pedro en le voyant subitement se transformer en monstre d'égoïsme, bref, en homme comme tous les autres! Puis Pedro reprit son histoire et dit : Notre passeur et guide Alberto avait prévu de la nourriture pour un mois, ce qui suffirait largement pour descendre le Rio Grande avec nos pirogues à moteurs et selon la force du cou-rant qui l'y aurait. Le Rio Grande? interrompit-il brutalement Pedro en lui coupant la parole.

Oui, le Rio Grande qui est le fleuve amazone comme on l'appelle au Brésil. Ah oui, d'accord! repondit-il rassuré. Oui, je te disais...à la vitesse où nous allions, il nous fallait seulement une vingtaine de jours pour arriver à Manaus qui était la ville où nous devions prendre un bateau plus gros pour arriver jusqu'à l'ocean atlantique. Quoi, l'ocean atlantique? Mais ne fais-tu pas une erreur, Pedro? Mais non, je t'assure, que le fleuve amazone se jette bien dans l'ocean atla-ntique, regarde! Celui-ci se leva et lissa une nouvelle fois le tissu du canapé pour lui montrer que l'immense fleuve se jetait bien dans les bras de cet ocean victorieux. Alors, tu n'es pas allé en pirogue jusqu'a l'ocean atlantique? lui demanda-t-il un peu déçu. Non malheureusement. Car après Manaus, on ne peut plus naviguer sur ce fleuve comme au temps de Cortez où il y a tellement de bateaux et de tankers hauts comme des immeubles qu'il est très dangereux de s'y aventurer. Et par son sens des réalités, Alberto nous a fait comprendre que le deplacement d' eau de ces gros tonnages était si effrayant qu'il pouvait facilement faire chavirer nos petites embarcations. Bref, ignorant toutes ces matières, nous n'avons pas voulu discuter sa decision de nous débarquer à Manaus qui est une ville d'importance moyenne placée sur la rive gauche de l'amazone. Puis il nous a dit : Mais pourquoi prendre des risques inutiles, alors qu'à Mana-us tous les services d'hebergements, de transports, de communications etc, nous permettraient de poursuivre notre voyage en toute quiètude. Ton Alberto était d'une lucidité incroyable pour vous dire une telle chose, n'est-ce pas? Oui, c'est très juste. Mais comprends bien que cet hom-me agé d'une quarantaine d'années dont le premier metier fut chercheur d'or, puis trafiquant de drogue, puis guide et enfin passeur de clandestins connaissait parfaitement cette amazonie do-nt la traversée comportait de gros risques pour celui qui voulait s'y aventurer sans cet esprit d' organisation et surtout sans ce sens innée qu'on les indiens pour se diriger : où regarder la sou-che d'un arbre, sentir la petite brise de vent souffler a travers la végétation, écouter la faune animale et ses cris pouvaient vous indiquer la zone forestière où vous vous trouviez. Lui, Alberto, du fait de toute cette expérience acquise au milieu de cet enfer vert, avait dessiné ses propres cartes où il avait noté par des signes que lui seul comprenait des directions à prendre où cris d'animaux, odeurs et faune formaient pour lui une véritable boussole vivante qui, il est vrai, le perdait rarement. Mais quand ça lui arrivait, c'était dû uniquement à la faute des Hom-mes qui avaient deforesté une partie du terrain où tous ses repères avaient été abattus, épar-pillés, comme ces pauvres arbres vendus aux firmes de bois étrangères. Son entreprise était composée de deux assoiciés, Miguel et Franches qui s'étaient établis au bord de l'amazonie où, sous de grandes bâches, ils cachaient leurs pirogues. Eux-mêmes vivaient dans un petit bara-uement en bois que personne ne pouvait repérer tellement la végétation etait dense. L'ennui était bien évidemment leur pire ennemi. Mais dès qu'Alberto les appelait par radio pour leur annoncer qu'ils avaient du travail sur la planche aussitôt leur humeur remontait. Car n' oubli-ons pas de dire qu'ils étaient avant tout des aventuriers qui recherchaient la fortune où bouger, se deplacer, prendre des risques, voir, écouter tout ce qui se disait, rencontrer des gens symp-athiques ou non était en fin de compte leur drogue à eux qui pourtant avaient tout essayé : ch-ampignons hallucinogènes, marijuana, cocaïne etc, mais qui n'avaient jamais pu égaler ce sen-timent qu'on éprouvait, quand on était libre et léger comme un aigle du grand Machu Piccu.

Fabien, envoûté par l'histoire merveilleuse de Pedro, se demandait s'il n'était pas un esprit se-mblable à cet aigle royal qui pouvait tout voir parce qu'il volait très haut dans le ciel? Nul doute pour lui qu'il était issu de ces peuples de sorciers disparus depuis des lustres de la surfa-ce de la Terre dont il ignorait sa descendance. Car Fabien, qui était de pure souche française dont les maladies etaient hérédiaires, comme la vanité, l'esprit administratif et surtout un man-que réel d'imagination (quant à se mettre dans la peau de l'autre) comprenait par l'histoire de Pedro qu'en France on se trompait sur beaucoup de choses, comme sur la liberté que les franç-ais n'avaient jamais bien comprise et pour laquelle ils avaient fait pourtant la revolution! En France, bizarrement, la liberté au cours des siècles était devenue un mot sacré que le discours des hommes politiques avait usé jusqu'à la corde au point de n'avoir plus aucune matière qui allait précipiter la France vers son déclin, bref, vers son impuisance. Alors qu'avec Pedro, la liberté prenait tout à coup de la matière, des formes, des odeurs plus ou moins agréables et nous donnait envie de vivre sans trop se poser de questions sur la légalité de nos actions. De là à dire que la beauté s'y trouvait? Sûr qu'on en était pas loin! pensa-t-il, non sans éprouver une grande émotion. Mais voyant son piteux état de boiteux et de laid, il comprit que cette liberté chérie ne lui était point destinée, mais seulement à un jeune homme fort et beau qui pouvait la toucher du doigt ou, comme disait héroïquement Rimbaud, l'asseoir à ses genoux!

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Pourtant, tu sais, reprit Pedro, j'aurais bien aimé me jeter avec ma pirogue dans les bras de l' ocean atlantique et uniquement pour savoir ce qu'avait pu ressentir le célêbre explorateur espa-gnol, Francisco de Orellana, qui le premier descendit le fleuve par accident. Par accident? de-manda Fabien étonné. Oui, par accident, car il était parti chercher des vivres pour son expediti-on sans avoir pu remonter le courant qui l'avait entrainé jusqu'à l'embouchure de l'ocean atlan-tique. Youhaa, lança Fabien, comme cela a dû être fou ce voyage puisque ne connaissant pas sa destination! Oui, mais comprends bien que ces hommes du passé n'étaient pas fait comme nous où le confort d'aujourd'hui nous avait ramolli pitoyeusement les neurones et le corps. Et d'après les livres anciens, j'ai pu lire qu'ils avaient été forgés par la nature et par une société Européenne alors très dure sortant tout juste du moyen-âge. C'est très juste ce que tu dis là, Pedro, et aujourd'hui aucun de nos contemporains n'oserait mettre sa vie en peril pour des ch-oses comme celles-là, alors qu'à la bourse ils pouvaient faire des milliards sans se faire mordre par un serpent ou bien poursuivre par des amazones! C'est marrant que tu parles de ça, car bien effectivement Franciso de Orellana durant une autre expedition fut attaqué par des amazones. Par des amazones? Tu veux dire des femmes guerrières? Oui, des femmes dont les maris enco-urageaient les actes de courage et de bravoures par manque de guerriers mâles.

Youhaa! lança à nouveau Fabien qui comprenait qu'Homère dans son Odyssée avait eu la mê-me idée face à son Ulysse en lui envoyant des amazones afin de retarder son voyage pour rejoi-ndre Pénélope. Grâce à Pedro et son à histoire extraoridinaire, il avait l'impression d'être touj-ours dans l'antiquité des choses où massacres, vengeances, absence totale de culpabilité, avid-ité de richesses et de pouvoirs étaient le fondement de la civilisation des hommes. Bref, où la vie humaine ne comptait pas grand chose devant ce pouvoir absolu que voulait obtenir ces ch-efs de guerre, heritiers des demi-dieux garant du destin des Hommes. L'homme n'est qu'un mo-ustique! dit brutalement Pedro, parce que son destin ne lui appartient pas, mais à la socièté do-nt il fait partie, malheureusement. Autrefois, c'était à des tribus, maintenant à la socièté civile et moderne, bref, au capitalisme. Le comique dans toute cette histoire, c'est qu'un homme cro-it, parce qu'il a reussi économiquement, être le maitre du destin des autres, ce qui est une for-midable escroquerie! En fait, c'est l'illusion que vous donne l'argent par le pouvoir d'acheter ce que vous voulez et pourquoi pas les hommes en poussant plus loin la chose? Ceci n'était bien évidemment qu'une belle illusion entretenue par la classe bourgeoise. Car pour decider du de-stin des hommes, il faut bien evidemment autre chose et de plus costaud que l'argent, mais tout simplement l'étoffe d'un chef de guerre ou d'un genie, ce qu'on ne rencontre qu'une fois tout les siècles parmi les hommes et surtout pas chez les familles bourgeoises qui par une orguei-lleuse insolence voudraient croire que seul le genie peut venir de chez elles. Mais c'est une bel-le connerie tout ça! lança brutalement Fabien en se massant la jambe qui commencait à s' en-gourdir. Oh oui et je dirai même que c'est un drame pour la socièté toute entière et tout par-ticulièrement pour le destin des hommes. Mais ça arrange bien tout le monde de le croire, n'est-ce pas? Oui, dit Pedro, car elle est une belle illusion que tout le monde veut croire où le riche veut faire croire au pauvre qu'il est libre et heureux, alors qu'il ne l'est pas. Et le pauvre tombe dans le panneau en lui vendant sa liberté pour devenir comme lui. Triste désillusion, car le pauvre ne deviendra jamais riche et le riche ne deviendra jamais heureux! Mais pourquoi le pauvre ne deviendra jamais riche? demanda-t-il à Pedro. Parce que le riche a tout organisé pour que le coût du travail ne puisse jamais l'enrichir, mais l'appauvrir. C'est simple, non? Et puis imagine un peu si tout le monde pouvait devenir riche du jour au lendemain, mais plus personne ne voudrait travailler et irait se l'a couler douce sur des iles où la vie ne coûte rien, c'est à dire la fin du caplitalisme dans les pays occidendaux, bref, sa disparition en tant que sys-tème idéologique! Stupéfiant ce que tu me racontes là, Pedro! Donc si je suis ton raisonne-ment, c'est pour cela que l'Etat va dans le même sens que ces gens riches en prélevant des im-pots sur les pauvres pour avoir toujours une main d'oeuvre à bon marché qui par manque de moyens financiers est obligée de rester sur place. Je vois que tu m'as bien compris. Et pour aller plus loin, je dirai même que les sociètés occidentales, pour éviter leur déclin et leur éffo-ndrement, sont obligées d'importer de la main d'oeuvre étrangère à moindre coût qui, à la véri-té, leur rapporte beaucoup plus que les industriels sachant que la richesse qu'elle produit lui assure sa pérénité en allant voter, garder les enfants, construire des routes, faire le pain, etc.

Bref, des hommes qui sans eux les églises seraient vides et les caisses de l'Etat aussi! Mon di-eu, mon dieu, Pedro, mais où as-tu apprises toutes ces choses? Je les ai apprises par moi-même grâce à ma liberté de penser qui, il faut le dire, n'est plus l'apanage des Français dont les grands esprits ont traversé la littérature, mais des gens simples comme moi qui connaissent le prix de la liberté parce qu'ils ont fui leur pays, non pour des raisons politiques( comme tout le monde voudrait le croire, surtout en France), mais seulement pour devenir des hommes libres! Mais es-tu un révolutionnaire alors? demanda enthousiasmé Fabien. Non, pas comme tu pourrais l' entendre. Mais alors es-tu un citoyen du monde? Non plus! répondit Pedro qui semblait désolé de faire comprendre à son ami qu'il était seulement un homme libre, c'est à dire un homme sur lequel on ne pouvait pas mettre d'étiquette pour le nommer, comme sur un pot de confiture ou bien dans un livre d'images pour enfant où était dessiné une plante ou un chien pour définir sa dangerosité ou non. Bref, le gand souci dont l'humanité s'est toujours préocupé par crainte de l'inconnu, bien évidemment. Fabien, en écoutant son ami, pensait que celui-ci ne ferait jamais de mal à une mouche sentant en lui une âme pacifique, lui le Chilien dont les origines étaient Incas et Mayas. Pour lui, Pedro était insaisissable comme un esprit ou un spectre. Etait-il hum-ain ou non? se demanda-t-il un instant en regardant son visage de feu et ses yeux d'un noir imp-énétrable. L'esprit de la forêt semblait l'avoir à nouveau envahi et il était toujours sur le fleuve amazone où les amazones étaient en train de lancer des flêches empoisonnées sur Francisco de Orellana, notre célèbre explorateur espagnol!

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Sais-tu, Fabien, que le nom d'amazone vient de ces amazones qui ont essayé de tuer Francisco lors de son expédition? Non, j'en savais rien. Eh bien, je suis très heureux de l'apprendre main-tenant! dit-il content que Pedro reprenne son histoire. Notre descente du fleuve fut très monot-one et je veux t'assurer que nous n'avons point été attaqués par des amazones, mais seulement par des moustiques gros comme des abeilles. Gros comme des abeilles? Oui, avec un dard én-orme comme une aiguille de seringue! Où notre grande peur fut de nous faire piquer par la mouche tsé-tsé. Mais Alberto nous rassura en nous disant que ce n' était pas la region et qu'on ne devait pas s'inquieter inutilement Tous les soirs, nous avions droit à la douche équatoriale avec toutes ces pluies qui nous tombaient dessus comme des seaux d'eau. A force, c'était épu-isant, je te l'assure. Et puis ce fleuve énorme aux eaux boueuses, c'était pas la joie pour moi qui venait du Chili en connaissant les eaux formidablement bleues du Pacifique. Le grand sou-ci de notre guide fut les crues soudaines de l'amazone pouvant nous faire échouer loin du co-urs d'eau principal et en pleine jungle. Mais comme nous étions au mois de novembre, il nous assura qu'il y en aurait pas durant notre voyage. Mon seul grand regret, pendant cette longue descente, était de connaitre ma destination où on allait me débarquer à Manaus et non au bord de l'ocean atlantique. J'avais à peine 20 ans et je revais d'aventures!

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Manaus ne me disait rien de spécial, sauf que je savais que c'était une ville commerciale où je pourrai me reposer. Oui, mais me reposer me disait rien. Et puis que dire à mon père, Emilio, de ce voyage où je n'avais rien découvert sinon la vie en groupe! Et les temples au fond de l' amazonie en a tu trouvé, mon cher fils? allait-il forcément me demander. Bref, j'imaginais dè-jà sa lettre pleine de deception à mon égard qui comptait tant sur moi pour continuer ses tra-vaux d'archéologie et d'ethnologie là-bas au pays. Cette descente vers Manaus ressemblait étr-angement pour moi à une descente aux enfers où la civilisation allait m'apporter des nouvelles preocupantes de ma famille et de mon pays, le Chili, qui était en guerre contre lui-même. Il y a quelques jours, je ne pensais à rien de tout cela, comme si la forêt primitive m'avait isolé du monde pour mon propre bien. Mais durant la traversée de cette partie de la jungle, je n'avais rien découvert d'intéressant ni temples, ni monuments écroulés, comme si l'amazonie avait to-ut avalé telle une immense plante carnivore. Parfois, je me demandais si des peuples civilisés avaient pu habiter cette jungle profonde au point de demander à Alberto s'il n' avait pas vu, durant ses nombreuses expéditions, des ruines qui pouvaient nous faire croire qu'une civilisat-ion avancée aurait pu exister au fond de cette amazonie? Etangement, ma question le fit rire ainsi que ses associés qui étaient convaincus que cette jungle n'était habitée que par des sauv-ages depuis l'aube de l'humanité. Je ne vous cacherai pas que cette réponse me congela sur le moment, puisque venant d'un homme de terrain dont je ne pouvais mettre en doute le savoir. Les amis de mon père se trouvait à Rio de Janeiro, c'est à dire encore très loin de Manaus. Et je me demandais bien ce que j'allais bien pouvoir faire là-bas à me prelasser sur la plage à reg-arder les filles sans le sou en poche( car je ne comptais pas gaspiller inutilement mon argent). Tout ceci m'interpella outre mesure, car que faire d'autre à Rio sinon danser et s'amuser toute la nuit? Comme j'étais bien jeune et encore plein de folies, cette idée de passer mes nuits dans l'alcool et dans les bras des jolies filles s'empara soudainement de mon esprit et surtout de mon corps qui commençait à s'agiter de tous ces plaisirs nocturnes. J'avais l'impression, par ces délires nocturnes, que la jungle s'était emparée de mon imagination au point de me rendre complètement fou! Envisageant même d'apprendre durant ma traversée le portugais afin de dé-clarer ma flamme à la première jolie brésilienne rencontrée. En sachant bien que mon espagnol conquérant ne la ferait jamais craquer, mais l'effrayer plutôt. J'ai alors demandé à Alberto qu-elques conseils à ce sujet, lui qui connaissait parfaitement les moeurs et traditions de son pays, mais surtout sur la façon de s'adresser aux jolies filles. Ah!Ah!Ah! se mit-il à rire soudaine-ment.

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Mon ami, mais ne te poses pas ce genre de questions. Car ici au Brésil, ce sont les filles qui te courent après! Ah oui? lui demandai-je étonné. Mais est-tu sûr de ce que tu racontes là, Albe-rto? Mais oui, je te l'assure. Comprends bien qu'ici au Brésil, nous avons un désiquilibre dém-ographique qui fait qu'il naît dans l'année plus de filles que de garçons et donc qu'il n'y a pas assez de garçons pour les filles. Au point qu'on les appelle les pyranhas pour se moquer d'elles et tu comprendras bien pourquoi, Ah!Ah! Ah! Mon dieu, mon dieu! dit Pedro comme soulagé et effrayé en même temps. Bon, ben, d'accord, ça marche comme ça! finit-il par lui dire en vou-lant passer a un autre sujet où la langue protugaise restait pour lui encore un obstacle à franc-hir même pour demander un renseignement dans la rue. Mon cher Pedro, quand je te debarque-rai à Manaus, je te laisserai l'adresse d'un ami qui tient très correctement une auberge. Dis-lui que tu viens de ma part et expose lui tes difficultés en langue portugaise. C'est un ancien pro-fesseur qui a enseigné à Lisbonne et s'est installé ici pour vivre une autre vie. Il s'appelle Vict-orio Novida et son auberge s'appelle le Novadoria. Mais pour la Samba? demanda soudainem-ent Pedro. Ah!Ah!Ah! Mais tu penses qu'a t'amuser, mon ami! Non, pas particulièrement, mais j'aimerais bien apprendre du moins les pas. Mon ami, écoute un peu ce que je vais te dire afin que tu comprennes bien comment ce beau pays qu'est le Brésil marche ou plutôt rythme ses affaires. C'est qu'ici tout est à contre temps comme le rythme de la Samba. A contre temps? de-manda Pedro qui ne connaissait pas ce terme. Oui, ici tout est à contre temps comme la poli-tique, l'économie, le football, les discutions, les règlements de comptes et même l'amour avec les filles. Même l'amour avec les filles? Oui, c'est ça! dit Alberto qui connaissait parfaitement les moeurs de son pays qui avait été colonisé par les portugais dont l'âme profonde était souv-ent chagrine et pleine de nostalgie au point de faire les choses si doucement qu'ils s'étaient em-parés de cette amazonie monstrueuse dont l'exploitation représentait la moitié d'un continent à défricher! Bref, uue telle prouesse que les héritiers de cet âme portugaise, les Brésiliens, se trouvaient aujourd'hui les propriétaires de la plus grande exploitation agricole du monde, après ce défrichement ou deforestation jugé immorale par les occidentaux, mais vital pour l'avenir du Brésil. Pedro, tel un ethnologue, écoutait Alberto avec préciosité, car tout ce qu'il lui appr-enait valait de l'or. Et donc tu penses que les occidentaux, en envoyant leurs stars de rock vivre chez les pigmés pendant quinze jours, entourés des caméras du monde entier pour dénoncer le massacre organisé par le pouvoir Brésilien, était purement stratégique pour que le Brésil ne devienne pas la plus grande nation agricole du monde? Bref, une sorte de jalousie de l'Occi-dent d'être passé à côté de l'Eldorado?

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Oui, très juste, Pedro. Et que tous ces slogans publicitaires faisant passer l'amazonie pour le poumon de la terre, les peuples sauvages comme les derniers testaments de l'humanité, les esp-èces animales et végétales indispensables à préserver pour l'avenir de la planète etc, sont bien beaux pour les occidentaux, mais purement stratégique. Moi-même, je regrette bien evidemm-ent qu'on brûle des forêts entières pour tracer des routes, construire des habitations, faire des champs de culture, car cette amazonie c'est ma vie, bref, c'est mon gagne pain. Avec une route en plein milieu de l'amazonie, c'est mon chômage assuré! dit Alberto en prenant conscience que cette modernité dont le Brésil s'était emparée lui causait aussi des dommages. La morale de l'Occident ici tous le monde s'en fout, car il a peine de quoi manger. Peut-être qu'a l'avenir, j'organiserai des voyages touristiques pour les occidentaux à travers cette amazonie en m'équ-ipant d'un GPS pour les rassurer et leur faire croire qu'il n'y a plus aucun danger, Ah!Ah!Ah! ria-t-il comme par desespoir de cause, mais dont la lucidité lui permettait d'envisager une autre reconversion plus en adequation avec la demande occidendale. Pedro, qui avait gardé le silence pendant le monologue d'Alberto, comprit que cet homme, barbé à la conquistador, était équipé pour la survie et qu'on ne devait pas s'inquieter pour lui et pour son avenir, comme ces petits animaux de l'amazonie trouvant chaque jour de quoi manger, boire, dormir, se défendre ou se cacher. Et toutes ces qualités, que venaient de lui exposer son guide, constituait pour lui une vraie mine d'or d'informations, comme tirée d'un grand livre de philosophie pour lui le chilien qui s'était exilé volonnairement de son pays, non pour le fuir, mais pour aller découvir le monde et toutes ses cultures!

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On nous débarqua à Manaus fin novembre moi et mes compagnons d'exils avec qui je n'avais noué aucune relation pour la simple raison que chacun avait dans sa tête des projets bien diffé-rents. Où certains voulaient aller en Guyane française pour chercher de l'or, tandis que d'autres partir en Amèrique pour faire du business ou tout simplement fuir leur pays pour des raisons inavouables peut-être de meurtres ou simplement familliales? En fait, je ne leur avais posé au-cune question durant la traversée m'imaginant que tout le monde avait quelque chose d'horri-ble à oublier, moi aussi, dont la fuite n'exprimait pas le courage, mais plutôt une inadaptabi-lité a vivre avec les gens que j'aimais. Peut-être n'étais-je au bout du compte qu'un garçon sans coeur et que le bonheur me faisait peur? En fait, je n'en savais rien vu que j'étais encore bien jeune pour faire mon autocritique, non par lâcheté, mais tout simplement par amour de la libe-rté qui me faisait passer d'une envie à une autre, tel un papillion volant d'une fleur à l'autre. Placée sur la rive gauche du fleuve amazone, Manaus me parut dès le premier regard horrible-ment laide avec ses comptoirs commerciaux dont les enseignes peintes étaient complètement délavées par les pluies. Ici tout semblait rouiller extrêmement rapidement avec la proximité du fleuve où aucune socièté d'assurance aurait osé installer ses bureaux pour proposer des cont-rats contre les dégats des eaux ou bien des contrats anti-oxidation pour les voitures afin d'évi-ter le fiasco économique, c'était évident!

Alberto et ses associés débarquèrent avec nous pour tout simplement fouler le plancher des vâches, mais aussi pour aller boire un verre au centre ville où la vue de la civilisation allait les remettre en contact avec la socièté des hommes fût-elle éloignée au fin fond de l'amazonie. Mais ici avec de l'argent, on avait droit a tous les services modernes tels que le téléphone, la télévision, une bonne chambre d'hôtel avec des draps secs et une nourriture non lyophilisée ou séchée qu'Alberto et ses associés avaient marre d'ingurgiter. Après avoir serré la main à tout le monde, Alberto m'invita à aller boire un verre avec lui et ses associés au célèbre Macumba. C'était à Manaus un bar très à la mode où se donnaient rendez-vous régulièrement un peu près tous les aventuriers du coin comme par un instinct de confrerie pour se donner des nouvelles, mais surtout des informations touchant à leurs activités plus ou moins louches. Tous ici n' étaient pas des enfants de coeur où trafique de drogue, de clandestins et autres étaient leur ga-gne-pain quotidien. Entouré de ces trois aventuriers amazoniens, j'avais un peu peur( car j'av-ais sur moi 1500 dollars cachés dans ma ceinture portefeuille et me faire assassiner ici fut ici une chose facile à réaliser où la justice était inexistante!). Mais comme je savais qu'ils n' avai-ent rien tenté durant la traversée, je me disais que je ne craignais désormais plus rien. Et j'eus bien eu raison, car en m'invitant au Macumba, Alberto, connaissant mon goût pour l'ethnolo-gie et l'archéologie, me fit découvrir d'autres trésors que des ruines Incas ou Mayas, mais tout simplement une société vivante faite d'hommes et de femmes qui méritait elle aussi qu'on la visite.

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Quand on poussa la porte battante du Macumba, on entendit soudainement des cris de joies retentirent à la vue d'Alberto et de ses associés avec leurs barbes de 3 jours et habillés à la Ind-iana Jones. Moi prudent, je restais quelque peu en retrait de toute cette euphorie collective. Mais quand tout le monde s'agrippa autour d'eux, telle une liane pour les emmener au bar, je fus embarqué moi aussi et collé aussitôt au comptoir avec les autres ou un verre de rhum ama-zonien à base de canne à sucre était déjà servi. Alors Alberto, comment tu-vas? lui demanda un homme qu'il semblait connaitre de longue date. C'était un homme d'âge mur qui semblait n' avoir pas bougé de ce trou perdu depuis des mois. Moi, ça va pour l'instant! Et la famille? La famille, elle va bien aussi. Divina attend notre prochain enfant. Et comment tu vas l'appeler, ce petit? J'hesite entre Rodrigo et Manuel. Et si c'est une fille? Oh ne m'en parle pas! Mais ne te casses pas la tête pour lui trouver un prenom à ton petit, regarde quel jour il naitra et pioche dans le calendrier, Ah!Ah!Ah! ria l'homme bouffi par l'acool. Alberto ne put s'empêcher lui aussi de rire, Ah!Ah!Ah! Apparement lui aussi semblait appartenir à cette famille d'aventuriers dont la morale était extensible comme du caoutchouc. Et les affaires? lui demanda-t-il en lou-chant sur Pedro qu'il ne connaissait pas. Hum, hum, ça peut aller pour l'instant, lui dit-il du bout des lèves en lui faisant comprendre que son invité ne comprenait pas le portugais, mais seulement l'espagnol parce qu'il était Chilien. Chilien? lui chuchota-il à l'oreille. Ah oui, hum, hum, j'ai vu ça à la télé, alors qu'est-ce que tu en penses? 

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Pour ma part, je pense que c'est une très bonne affaire et que nous allons nous faire pas mal de pognon grâce à Pinochet, Ah!Ah!Ah! éclatèrent-ils de rire en même temps. Puis reprenant leur serieux pour ne pas troubler Pedro, il donna à cet homme( avec qui il ne voulait pas avoir d'e-nnuis) des adresses et des numèros de téléphone afin de pouvoir remplir ses pirogues de pau-vres exilés chiliens. Tu es mon ami! lui dit l'homme d'âge mûr, et je te redevrais ce service! Je te remercie Francis. Mais si je veux t'aider, c'est parce que en ce moment j'ai trop de travail et j'aime mieux que cela profite à mes amis. Je te predis d'ici une quinzaine de jours, une arrivée massive d'exilès Chiliens de quoi faire marcher à nouveau les affaire, Ah!Ah!Ah! Alberto tu es notre sauveur, tu es notre dieu à tous! Allez, embrassons-nous! Francis heureux s'empressa alors de serrer son ami contre sa poitrine en lui bavant presque dessus. Riant de tout cela, il se disait : mais c'est fou comme le malheur avait cette faculté de mettre en contact des peuples et surtout relançer les affaires! Pedro, assommé par le peu d'alcool qu'il avait bu et par cette conversation à laquelle il n'avait rien compris, saisit tout à coup qu'il était bien seul ici à Man-aus et si on lui volait son argent, il était sur et certain qu'il y resterait jusqu'à la fin de ses jou-rs! Prenant peur, il demanda aussitôt à Alberto l'adresse de son ami aubergiste que ce dernier écrivit sur un bout papier, puis se dirent adieu. Adieu était un mot qu'on n'aimait pas trop ente-ndre ici, mais plutôt au revoir puisqu'il valait mieux avoir des amis dans ces coins perdus que de ne pas en avoir du tout. Petit conseil avant de partir, lui dit-il : Ne te laisse jamais inviter a boire par un inconnu. Car s'il sait que tu as de l'argent sur toi, il mettra de la drogue dans ton verre pour te le prendre, puis t'assasinera pour qu'il n'y ait aucune plainte. Tu sais ici en ama-zonie l'espace ne manque pas! Quand Alberto m'apprit tout ceci, je courus aussitôt à l'hôtel qu'il m'avait indiqué dont le nom était le Novadoria.

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C'était un vieil hôtel, genre colonial, avec une partie en dur où l'on avait collé de la faience dé-corées pour rappeler un peu le Portugal et une partie en bois où des colonnes étaient sculptées à la mode rococo pour lui donner du style. Le Novadoria se voulait un hôtel adapté a son mi-lieu, mais avec des modes surannées où l'âme du propriètaire semblait suinter ou transpirer à travers les murs. Quand j'entrai à l'intérieur, je vis une grande salle parquetée d'un beau bois amazonien où l'odeur me rappelait celui de la bibliotheque de Santiago. Un bois d'essence ra-re, pensai-je et très bien entretenu par le personnel. N'allons pas dire que l'on aurait pu se croi-re dan un palace, non, mais je devinais que le propriétaire monsieur Victorio voulait donner à ses clients le meilleur qu'il pouvait leur donner en plein milieu de l"amazonie. C'était une salle assez vaste et éclairée par un énorme chandelier suspendu au plafond qui éclairait tres mal en vérité. Non loin du bureau d'acceuil, on pouvait voir deux grands fauteuils à bascule près d' une table où une boite de cigares était posée, sûrement celle de ses hôtes perpétuels! pensai-je curieux de cet environement tout nouveau pour moi. En apercevant une sonnette brillante co-mme de l'or sur le comptoir, je compris que les usages hôteliers ici n'avaient pas changé depu-is des lustres et, m'avancant vers elle, je pressai le bouton où la sonorité m'étonna par sa clarté!

Aussitôt un homme d'une cinquantaine d'années, habillé d'une veste de maitre d'hôtel à moitié usée par le temps et portant des bretelles en dessous, sortit d'une loge et vint se placer tel un automate derrière son comptoir pour me dire : Bonjour, monsieur, que puis-je faire pour vo-us? en portugais. Malgré mon ignorance totale pour cette langue, je compris à l'intonation de sa voix qu'il ne pouvait que me poser ce genre de question. Ne pouvant lui repondre, je sortis le papier que m'avait donné Alberto et éppela son nom. A peine avait-il entendu son nom et surout mon accent espagnol impérialiste qu'il se mit a me sourire en comprenant que j'étais une sorte de marchandise envoyée par Alberto. Puis reprenant sa pose professionnelle, il se mit tout à coup à me parler en espagnol! Bonjour, monsieur, je suis content que monsieur Alberto vous ait donné l'adresse de mon établissement, car il est tenu très proprement. Les draps sont changés tous les jours, le petit déjeuner est copieux et vous pourrez le prendre en bas dans la grande salle. Pour les repas, nous avons aussi une salle de restaurant, certes petite, mais notre cuisinier est un des meilleurs de la région puisqu'il vient de France. Oh oui, ceci est fort bien. Mais pour l'instant, je voudrais seulement une chambre. Très bien, et pour combien de temps? Heu, pour l'instant, je n'en sais rien, le temps que je trouve un bateau pour Rio de Janeiro.

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Pour Rio de Janeiro d'ici, il n'y en a pas de direct. Mais je vous informerai de tout cela quand vous vous serez reposé, monsieur? Monsieur Pedro Delavega! dit Pedro avec fierté. Victorio se mit aussitôt à l'ecrire dans le registre telle que la loi le lui imposait. Ici, c'est payable d'a-vance et vous comprendrez bien pourquoi, monsieur! Oui, oui, dit Pedro qui était alors géné de sortir son argent de sa ceinture portefeuille devant lui ou peut-être devant des espions qui pouvaient se cacher derrière des cloisons percées. C'est 50 reals par jour ou 65 avec les repas. Prenez-vous les dollars? demanda Pedro. Sans problème. Mais si monsieur a des doutes sur la propreté de notre etablissement, je peux lui faire visiter sa chambre. Oh oui, repondit-il en trouvant ici le bon moyen de sortir son argent de sa ceinture portefeuille en toute discretion. L'établissement comportait cinq étages et Pedro demanda à être logé au dernier pour avoir une vue sur le fleuve et sur ses ports de commerces où bois, cacao, caoutchouc transitaient. Arrivé dans la chambre, il vit qu'elle était propre et meublée de l'essentiel, d'un large lit, des rideaux aux fenêtres, d'une salle de bain et water. Très bien, très bien, dit-il en voyant que Monsieur Victorio était un honnête homme et qu'Alberto n'était pas un aventurier sans morale, mais un homme qui pouvait avoir aussi de la pitié pour l'espèce humaine.

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C'était la seule humanité qu'il pouvait ressentir pour son prochain où seules les situations dan-gereuses permettaient de montrer son courage aux autres, car en temps normal l'humanité lui causait un profond dégoût! Puis interrompant brutalement ses pensées, Pedro entendit tout à coup une voix sortir d'un tuyau près du lit : Monsieur Victorio, téléphone! Monsieur Victorio téléphone! Mais c'est quoi ça? demanda Pedro surpris. Oh excusez-moi, monsieur Delavega, je ne vous en avais pas parlé! Mais c'est le téléphone de la maison qui est à la disposition des cl-ients en cas de problème. Mais ça ne risque pas de m'empêcher de dormir la nuit? lui deman-da-t-il avec raison. Mais non, lui dit-il, la seule chose qu'il ne faut pas oublier, c'est de fermer le bouchon. Attendez, je vais vous montrer. Victorio s'approcha alors de l'orifice du tuyau et hurla dedant : Une minute, j'arrive! puis referma l'orifice par un petit bouchon qui était attac-hé à une petite chaine. Voilà, c'est comme ça qu'il faut faire pour ne pas être gèné pendant la nuit. Parfait, parfait! dit Pedro. Heu..veuillez m'excuser un instant, mais je dois descendre à la reception pour savoir ce que l'on me veut. Mais ne vous gènez pas, monsieur Victorio. L'hôt-elier, entendant épeler son nom pour la deuxième fois, fut surpris et enchanté à la fois. Mais pris par l'activité de son établisssement, il courut à toute vitesse en bas à la reception.

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Enfin seul, il ferma la porte à clef et s'allongea sur le lit pour defaire sa ceinture portefeuille d'où il sortir 2 billets de 50 dollars qu'il posa sur la table de chevet, puis attendit que monsieur Victorio remonte. Plongé dans ses pensées, il se disait qui lui restait encore 1400 dollars, ce qui serait suffisant pour poursuivre son voyage sans être trop gèné. La traversée de la moitié de l'amazonie lui en avait dèjà coûté 500 et ne savait pas combien de jours, il allait resté ici à Manaus dans ce trou perdu! Quand l'hotelier revint, il lui donna 100 dollars pour rester au moins 2 semaines, cours de Portugais et de samba compris, ce qui mit Victorio en exaltation comme retrouvant une seconde jeunesse.

De toute façon, se disait Pedro, il me faudra bien ce temps pour apprendre les rudiments du portugais et pourquoi pas quelques pas de samba? Car j'aimerais bien arriver à Rio de Janeiro avec un bagage suffisant pour me faire aimer des gens. La plupart des gens ne s'en rende pas compte, mais ne pas pouvoir parler de la journée avec quelqu'un est un vrai supplice, car auc-un moyen de s'extérioriser, d'échanger ses idées ou ses sentiments! Les seules personnes avec qui j'avais pu parler depuis mon départ du Chili étaient Alberto et maintenant mon sauveur, Victorio. Faisant le point sur sa situation, il lui fallait absolument téléphoner au Chili où son père et sa mère devaient s'inquièter pour lui, car cela faisait une vingtaine de jours qu'ils n' avaient pas reçu de ses nouvelles. L'air pensif, il cherchait où il avait posé son unique bagage en étant allongé sur son lit.

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Inquièt pendant quelques secondes, il sortit la tête hors du lit et l'aperçut juste aux pieds de celui-ci. Rassuré, il retrouva aussitôt son sourire. Car ce sac à dos contenait tout son trésor sentimental: deux pantalons( que sa mère Marisa avait repassé inutilement pour son voyage vu qu'au fond de l'amazonie personne ne vous dira si vous êtes mal habillé ou un truc comme ça), trois chemises qu'il n'avait pu porter à cause de la chaleur très humide de l'amazonie, puis un ensemble de quatre tee-shorts, shorts compris qui lui avaient comme sauvé la vie en les emp-ortant et qu'il utilisait pour jouer au foot au Chili. Pour les chaussures, il n'en avait qu'une seule paire que son père Emillio lui avait offert en cadeau avant de partir. C'était des chauss-ures de marche que lui même utilisaient pour ses fouilles au Perou et dans les Andes. Pedro les sentait aux pieds comme une paire de gants et lui allaient parfaitement (car lui et son père avait la même pointure). Et quand il traversait cette amazonie, il avait l'impression que son pere la traversait en sa compagnie au même rythme et avec la même prudence. Sûr qu' elles me laisseront jamais tomber! pensa-t-il en les regardant avec amour. Il faudrait que je les nettoye un peu! dit-il en apercevant un peu de terre sur le dessus de lit. Aussitôt, il se leva pour se dé-chausser, puis secoua le dessus de lit. Mon dieu, ce n'est pas parce qu'on est au fin fond de l'amazonie qu'on doit être sale! s'exclama-t-il surpris par ses nouvelles habitudes d'aventurier.

Puis trouvant qu'il sentait mauvais, il se dirigea vers la douche où il se deshabilla entièrement. J'espère qu'ils n'emploient pas l'eau de l'amazonie pour les douches! s'interrogeait-il en tour-nant le robinet. Mais dès qu'il aperçut une eau bien incolore et bien fraiche inonder ses mains, il se mit à rire et redoubla son euphorie quand il aperçut à sa portée des petites savonnettes non entamées où il était marqué made in Paris. Made in Paris for Amazonia, mon dieu quel décalage, il y avait entre ces deux mondes où le luxe parisien était entré, par on ne savait quelle magie, dans ce petit hôtel perdu au fin fond de l'amazonie! s'étonna t-il en voyant que la mode de Paris fut reconnue jusque ici. Bref, c'était la civilisation qui entrait par la douche, pensa-t-il submergé par l'émotion en ouvrant une de ces petites savonettes où des parfums de violette, de rose et de jasmin s'echappèrent comme pour le séduire, l'enivrer du charme exquis de ces peti-tes femmes de Paris. Ce n'était pas du tout comme toutes ces odeurs barbares qu'il avait sent-ies ici en posant le pied à Manaus où l'air était chargé d'odeurs de bois, de caoutchouc et d' alcool de canne à sucre. En reniflant l'eau, il comprit aussitôt que c'était de l'eau de pluie que l'hôtel devait récupérer dans de grands reservoirs pour ses clients, ce qui en soi n' était pas une mauvaise idée puisque dégagée de tout calcaire ou autre microbe.

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Après avoir pris sa douche, Pedro repartit dans sa chambre où il sortit les affaires de son sac pour les étaler sur le lit. La plupart était à laver, sauf les chemises, pensa-t-il heureux de quoi se mettre quelque chose pour les jours suivants. Mais ne voyant pas de lessive dans la salle de bain, il renonça à faire tremper le reste. Demain, je demanderai à Victorio de m'en fournir ou peut-être ont-ils une laverie dans l'hôtel? Mais pour l'intant pour moi, c'est repos! dit-il d' une façon résolue. Il était vers les six heures du soir et, s'approchant de la fenêtre, il vit une pluie dilluvienne s'abattre sur la ville. Mon dieu, c'est comme ça tous les soirs, c'est le seau d'eau habituel qui devait se deverser dans les rues et entrainer avec lui ses torrents de boue jusqu'aux portes des habitations et des hôtels! Demain après-midi, si dehors c'est sec, j'irais à la poste pour téléphoner à ma famille. Car je ne pense pas que Victorio ait une ligne qui puisse sortir de Manaus, vu le peu d'étrangers qui circulent dans le coin, pensa-t-il avant d'aller s'allonger.

8 heures du soir

Toc! toc! Monsieur Delavega? Monsieur Delavega? Pedro, entendant quelqu'un frapper à sa porte, se leva pour aller ouvrir. Oui, c'est pourquoi, monsieur Victorio? lui demanda-t-il à moitié dans les vaps en le reconnaissant. Il est 8 heures du soir et je me demandais si vous av-iez mangé, car votre repas est servi en bas dans la salle du restaurant. Ah oui? s'etonna-t-il. Oui, il vous attend et Manuella le garde au chaud pour l'instant. D'accord, d'accord, je vais de-scendre le temps de m'habiller! Victorio repartit et Pedro enfila une chemise propre et un pant-alon un peu froissé sans oubler sa ceinture portefeuile. En entrant dans la salle du restaurant, il aperçut peu de monde peut-être six personnes au maximum. Et passant rapidement devant les tables, il remarqua 3 vieux qui mangeaient ensemble et parlaient à voix basses, puis un peu plus loin à l'écart, une femme d'une quarantaine d'années habillée en tenue de soirée qui semb-lait attendre quelqu' un, puis enfin un homme d'une cinquantaine d'années qui mangeait tout seul avec grand bruit et grand appétit. Pedro, mon cher enfant, venez ici! lança soudainement monsieur Victorio à travers la salle du restaurant. Je vous ai installé au meilleur endroit qui soit, bien au calme. J'arrive! dit Pedro en sentant son appétit revenir avec toutes ses bonnes odeurs de cuisine pénétrer ses narines. La table était installée près d'un grand aquarium où des poissons exotiques tournaient en rond en faisant scintiller leurs écailles multicolores. 

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Je vous assure, monsieur Delavega, qu'il n'y a point de pyrahnas dans nos aquariums! et pour la simple raison que nous ne voulons pas que nos clients se fassent attaquer durant leur repas, Ah!Ah!Ah! ria Victorio qui voulait faire de l'humour. Oh oui, je vous crois bien raisonnable sur ce point là. Et puis vu la laideur et la voracité de ces bêtes leur place est plutôt au fond de l'amazone que dans le bel aquarium que vous avez là. Oui, c'est exact. Mais regardez un peu comme ils sont beaux avec leurs écailles d'or, d'argent et de platine. Pedro en s'approchant de l' aquaruim vit bel et bien des couleurs qu'on ne voyait pas ici où tout était vert, marron, rouge sang. Malheureusement, le fleuve amazone ne peut pas nous en fournir de si beaux specimens avec ses eaux boueuses et empoisonées par le mercure, voyez-vous. Ils viennent des Caraïbes où les eaux sont pures. On les achète pour presque rien et font le plaisir des client de voir enfin des couleurs exuberantes qui les calment le temps d'un repas. Allez, monsieur Delavega, asse-yez-vous. Et que diriez vous d'un bon sauté de boeuf aux harricots rouge? Un sauté de boeuf aux harricots rouges? Oui, vous avez très bien entendu, c'est la spécialité de la maison qui fait le bonheur des habitants du quartier. Car ici, ils en on marre de manger toujours du poisson, du manioc et du riz. Oh oui, comme je les comprends! s'exclama Pedro. Moi aussi, pendant ma traversée, je n'ai mangé que du poisson séché avec du riz, ce qui à la longue est épuisant pour le moral.

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Comme je vous comprends, mon cher Pedro! dit Victorio d'un ton paternel. Mais n'oubliez pas que j'ai fait venir de France un vrai cuisinier, il est vrai bien difficilement. Mais voyez-vous, il existe aussi en France des lassitudes et des malheurs qui font partir les gens loin de chez eux, n'est-ce pas, mon cher Pedro? En entendant cette allusion le concernant, il ne voulut pas lui ré-pondre en ce début de soirée, mais plongea sa cuillère dans son assiette où il sortit un montic-ule d'harricots gorgé de sauce qu'il déposa délicatement au fond de son palais. Hum..mais c'est délicieux, monsieur Victorio, jamais de ma vie j'en avais manngé de si bon! Mais je vous l' avais dit, mon cuisinier est une perle rare et jamais de ma vie je m'en défairais, car il vaut de l'or. Et si un jour l'idée lui venait de me quitter, je le ferais tout simplement assassiner! Quoi? s'exclama Pedro. Mais non, mais non, je plaisantais! lâcha Victorio dont l'humour avait la bar-barie de son pays, l'amazonie. En mettant un petit morceau de sauté de boeuf dans sa bouche, il comprit ce qu'il voulait dire à propos de son chef cuisinier qui était une sorte de génie de la cuisine dont le depart précipiterait toute la population de Manaus et des environs dans un gra-nd abattement moral. Je vous comprends entièrement, monsieur Victorio, et ce serait vraiment du gâchis qu'il parte ailleurs exercer ses talents, je pense. Oui, c'est vrai, mais je le tiens! dit-il d'un air tyranique. En dévorant son repas, Pedro comprit que l'humour de ce pays était très spécial, bref, comme une plante carnivore qui finissait par vous dévorer entièrement corps et âme.

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Terminant son repas et tout en s'éssuyant la bouche avec gourmandise, il dit à Victorio : ce fut si bon que je vous crois m'avoir pris dans vos filet! Ah!Ah!Ah! ria l'hôtelier. Je suis heureux que nous nous comprenions enfin! dit-il sûr de sa proie consentante. Mais pour seulement de-ux semaines! pensa lucidement Pedro.

Quand il vit son client un peu somnoler, Victorio lui proposa un café, mais que Pedro refusa vu l'heure qu'il était. Pourtant, il aurait voulu continuer cette conversation avec lu. Mais par prudence, il l'abrégea en sachant qu'il ne fallait jamais se dévoiler entièrement à la première rencontre même si celle-ci fut des plus agréable. Gardons en pour la prochaine fois! pensa-t-il comme ça on aura de quoi se parler. Voilà en gros quel était son état d'esprit. La seule rema-rque qu'il osa lui faire avant de sortir de table fut celle-ci: Monsieur Victorio, je n'arrive pas à comprendre, avec le grand chef cuisiner que vous avez ici qu'il y ait si peu de monde dans vo-tre restaurant! Oh, mais nous ne sommes qu'en milieu de semaine! Venez le week-end et vous verrez des gens faire la queue jusqu'au trottoir d'en face! Ah oui? Mais oui, mon cher Pedro. Content de cette réponse, il regarda une nouvelle fois l'aquarium où les poissons multicolores semblaient entamer une danse feérique. Les yeux engourdis, la bouche pleine de saveurs gusta-tives, son gosier ne demandait alors qu'une seule chose, un grand verre d'eau fraiche pour être enfin satisfait de cette soirée. Un petit digestif? lui demanda Victorio qui sentait son client re-pus. Non, merci, c'est très gentil de votre part, un verre d'eau suffira, je vous assure. Ce dernier souleva la carafe d'eau et lui remplit son verre qu'il vida aussitôt d'un trait. Peut-être qu'il y avait trop d'épices dans le plat? lui demanda-t-il. Non, non, c'était parfait. 

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Notre chef cuisinier, Paulo Martino, ne se trompe jamais quant au dosage des épices. Et en ve-nant ici, il a dû revoir toutes ses recettes afin de les adapter aux goûts du pays et aux habitants que sont les Brésiliens. Vous avez dit, Paulo Martino? Mais c'est pas Français, ce nom! Non, son vrai nom, c'est Paul Martin. Mais vous comprendrez qu'avec un nom pareil, c'est trop diff-icile à retenir ici. Alors, je lui ai choisi celui-là qui à vrai dire sonne assez bien la bonne bouffe et sent presque la marque d'un alcool de grande marque. Oui, oui, ça sonne bien et ça se reti- ent facilement. Et puis comme ça lui a plu, il l'a gardé. Vous savez, monsieur Delavega, nous adapter est une chose essentielle pour nous tous, car de quoi sera fait demain personne ne le sait, n'est-ce pas? Oui, c'est tout à fait juste, dit Pedro qui sentait le temps tourner en voyant les tables alentoures se vider. Les trois vieux s'étaient levés et se dirigeaient maintenant vers une autre salle où l'on venait d'allumer la télévision qui deversait dans le hall de l'hôtel un flot d'informations en portugais entrecoupé par de la musique carnavalesque. C'était triste et joye-ux en même temps, remarquait-il assis en face de Victorio. C'est peut-être çà, l'âme brésilien-ne? Un desespoir si profond que seule la fête pouvait l'anéantir en le faisant disparaitre jusqu' au matin blème où la dure réalité reprendrait son convois d'âmes mortes! pensa-t-il envouté et attristé par cette culture si éloignée de la sienne  

Car dans son sang coulait le sang des conquistadors mélangé à celui des indiens Mayas et Incas. Et son desespoir à lui n'avait pas trouvé comme remède cette chose féerique, cette fête qui dev-ait illuminer les coeurs desespérés afin de leur retirer toutes les souffrances du monde, mais un stoïcisme appartenant aux anciens chefs de tributs où l'on devait garder son sang froid face à ce desespoir que les Brésiliens avaient su domestiquer pour ne pas mourir. L'art des Hommes et des mélanges y était pour grand chose dans tout cela, car seul un peuple mélangé pouvait trou-ver dans son coeur de telles armes. Alors que chez les peuples purs, on ne desesperait jamais, car on tuait, faisait des carnages pour s'assoiffer de sang et de vie! C'est l'heure des vieux! dit tout à coup Victorio. Oui, sans aucun doute, finit par penser Pedro en comprenant qu'on finir-ait tous un jour devant son poste de télévision, comme une façon de voir sa propre mort? s'in-terrogeait-il tragiquement en sentant une lourde fatigue l'envahir. Mon cher Pedro, voyez-vous, la mort c'est l'ennui! Et les vieux s'ennuient parce qu'ils n'ont plus la jeunesse pour courir le monde et les filles ou s'embarquer dans des aventures pleines d'émotions. Vous qui êtes encore jeune, profitez-en et courez le monde tant que vous en avez encore les moyens et la force, car un jour il sera trop tard!

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Vous avez entièrement raison, monsieur Victorio! Et si je suis parti de mon pays, le Chili, c'est uniquement pour cette raison. Mais ce n'est pas pour des raisons politiques? Non, pas du tout, mais seulement pour devenir un homme libre! Venez que vous embrasse, mon cher fils! dit soudainement Victorio qui avait les larmes aux yeux.

Ne sachant pas quoi lui repondre, il se laissa saisir par cet homme qui faillit bien l' étouffer par ses embrassades. Pendant ces éffusions d'amitiés, il remarquait que la femme habillée en tenue de soirée avait été rejointe par deux hommes qui aussitôt l'entrainèrent dehors. Quand à l'hom-me qui mangeait tout seul, celui-ci ronflait maintenant sur sa table. Monsieur Victorio! Mon-sieur Victorio! s'écria soudainement Pedro en voulant sortir de ses bras puissants, je crois qu'il est temps pour moi d'aller me coucher. Vous savez demain j'ai beaucoup de chose à faire. Oui, oui, mon cher enfant, je vous lâche, je vous lâche! Ouf, enfin, souffla Pedro content de pou-voir retouner dans sa chambre et y retrouver un peu d'intimité.

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Le lendemain matin  

Recroquevillé dans son lit, les draps enroulés autour de son corps comme s'il s'était battu pen-dant la nuit avec des ombres vertes, Pedro n'avait pu s'endormir que vers les trois heures du matin où des rêves obscurs avaient envahi son esprit comme pour lui signifier qu'il n'était pas chez lui, mais dans un pays étranger où sa famille n'avait jamais posé un pied! Pendant ce rêve, il survolait l'amazonie tel un aigle du grand Machu Picchu, puis la cordilère des Andes, puis redescendait vers le Chili où la ville de Santiago était illuminée tel un astre d'or, puis cherchait dans la banlieue une petite maison appartenant à ses parents où ils devaient être tous occupés à leurs affaires : Marisa, sa mère, en train de préparer le repas; son père, Emilio, en train de lire dans son fauteuil un livre d'archéologie et son frère Ernesto, habillé en uniforme, lisant son jo-urnal sur la table du salon. Et Pablo où est-il? Mais où est-il? leur criait-il en ne le voyant ni dans le salon ni dans sa chambre où tout le monde semblait tourner ses yeux vers le ciel com-me s'ils avaient entendu l'appel douloureux de Pedro. Mais étrangement de leur bouche ne sor-tit aucun son, aucune reponse, sinon un silence de mort! Puis Marisa posa la soupière au centre de la table où tout le monde semblait pensif en avalant leur soupe.

L'aigle royal du Machu Picchu, après avoir servi le sorcier Pedro, retraversait l'amazonie pour se poser sur les cimes des abres, non loin de Manaus où Pedro dans son petit hôtel pleurait dans la nuit obscure. Après ce rêve ( qu'il faisait régulièrement depuis son départ du Chili), il arrivait seulement à s'endormir, comme si ce lien avec sa famille n'avait jamais été rompu et malgré la distance éffrayante qui les separait. Le matin, il retrouvait souvent ses draps mouill-ès en ne sachant pas si c'était ses larmes ou bien sa sueur. Mais il évitait d'y penser afin de ne pas gâcher sa journée. Ce matin, en ouvrant les yeux, il vit un grand soleil envahir sa chambre qui illumina aussitôt son visage. Denouant les draps, qu'il avait autour de la taille, il se dirigea vers la fenêtre, puis l'ouvrit en grand afin de laisser le bruit de la ville entrer dans sa chambre. C'était un bruit d'eau, de fer et de boue qu'on entendait et de quelques cris d'oiseaux se dispu-ter peut-être un poisson ou un morceau de pain qu'un homme venait de leur jeter. Puis jetant ses yeux sur le fleuve, il vit des grues énormes et un nombre considérable de bateaux où des bruits de moteurs, de trompes, de sirènes semblables à ceux qu'on entendait à Amsterdam ou à New York, s'étonnait-il par ce même boucan d'enfer! L'odeur de l'air n'avait pas changé depuis son arrivé et était toujours aussi épouvantable et bien que la pluie ait néttoyé toute la nuit l' atmosphère et les rues. Mais il semblait que le bois même des maisons, les briques et les tôles ondulées des petits baraquement en étaient imprégnés pour la vie, pensa-t-il en refermant la fenêtre pour aller s'allonger sur son lit.

Sur la table de chevet, où il avait posé sa montre de jeune homme( que son père lui avait offert pour ses 18 ans), celle-ci marquait 11 heures à travers la vitre où le fond était décoré par un aigle royal volant au desssus d'un volcan. Pris par des souvenirs lointains et entremêlés, il la regardait avec insistance comme s'il avait du mal à se decider. Puis croisant ses mains sous sa tête, il décida de faire un petit somme jusqu'à midi pour boucler sa matinée.

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Midi

Pedro s'habilla rapidement et descendit à la salle de reception où il espérait y trouver Victorio pour lui demander quelques petits services ou renseignements. Mais quand il arriva en bas des escaliers, une bonne odeur de cuisine l'arrêta net et se demandait s'il allait déjeuner sur place ou bien en ville? D'ici, il entendait une sorte de brouhaha, accompagné par le bruit de fourch-ettes et d'assiettes, sortir de la salle du restaurant ainsi que monsieur Victorio qui tout en sue-ur s'essuyait le front avec son mouchoir. Je crois bien que c'est pas le moment! pensa-t-il en se tenant à la rampe de l'escalier. Oh mon dieu, oh mon dieu, mais où est Manuella? Si je l'attra-pe, cette salope, je vais lui régler son affaire! Il y a un monde fou au restaurant et je ne la trou-ve pas! Mais qu'est-ce quelle peut bien faire cette connasse? hurlait Victorio derrière son com-ptoir. Un instant, il fallit prendre le téléphone, mais téléphoner où sachant bien que Manuella n'avait pas le téléphone sur elle. Pedro, en le voyant rouge de colère, voulut passer en douce, mais celui-ci l'aperçut et lui dit : Olà, monsieur Delavega, alors comment vous allez? Avez-vous bien dormi cette nuit? Oui, parfaitement, monsieur Victorio. Mais je me demandais si vous aviez un instant pour me donner quelques renseignement?

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Quand tout à coup Victorio, voyant Manuella rentrer à l'hôtel avec 1 heure de retard, se mit à l'insuler en Portugais. Bref, des mots rudes que Pedro ne comprit pas sur le coup, mais dont l'intonation n'avait pas besoin de traduction. Rouge de colère, il sortit de son comptoir et partit droit sur Manuella qui, éffrayée, prit les premiers escaliers qui se trouvaient à sa droite pour se réfugier à l'étage. Aussitôt l'hôtelier la poursuivit en lâchant toutes sortes de monosylables et d'exclamations incompréhensibles où l'écume de la colère n'était pas étrangère. Pedro faillit bien en rire; mais quand il le vit disparaitre en haut des escaliers où surgit soudainement un grand cri, il changea immédiatement d'avis! Appaemment lui seul avait entendu le cri de Man-uella derrière le bruit de fond extrêmement bruyant du restaurant où la télévision marchait à fond au point que personne n'avait rien entendu! Quelques minutes plus tard, il le vit redesc-endre l'air soulagé en réajustant son habit d'hôtelier, puis lui lancer un grand sourire auquel il ne savait comment répondre. Ah mon cher Pedro! Ah mon cher Pedro! dit-il d'un air paternel, si vous saviez comme elles m'en font voir ces gamines, olala olala! Elles ne sont jamais à l' heure et préferent plutôt allez s'amuser avec leurs copains que de venir travailler! Avec cette mentalité, je vous le dis, le Brésil ne pourra jamais sortir la tête hors de l'eau! Car ici, on ne pense qu'à danser et qu'à s'amuser au lieu d'enrichir le pays par des idées de modernisations et d'électrifications etc, etc. C'est un drame national, cette Samba! Ce carnaval quotidien où la fê-te doit régler tous nos problèmes économiques, sociaux, politiques et patati et patata!

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Je vous comprends entièrement, monsieur Victorio. Mais je ne connais pas assez bien votre pays pour pouvoir en parler comme il faut. Vous avez parfaitement raison Pedro d'être prudent sur toutes ces choses concernant les moeurs d'un pays et ô combien elles sont inquiétantes po-ur le Brésil! dit-il comme abattu par la lourde tâche à entreprendre par tout un peuple. Vo-us êtes un sage et j'aime bien votre état d'esprit, lui dit-il comme s'il s'adressait à un vieil ami. Je vous remercie beaucoup, monsieur Victorio. Mais je voulais vous demander si à l'hôtel vo-us aviez une laverie? lui demanda-t-il d'une façon impromptue comme voulant sortir de ce suj-et grave et épineux des moeurs d'un pays. Oui, oui, nous avons trois machines à laver au sous-sol, répondit-il heureux de pouvoir répondre concrêtement à Pedro, et vous pouvez vous en servir quand elles sont disponibles ou bien demander aux bonnes de l'hôtel de le faire pour vo-us. Parfait, parfait, dit Pedro. De même, je voulais savoir si avec votre téléphone, on pouvait sortir de Manaus? Malheureusement non, car le central téléphonique de Manaus veut garder ce monopole. Si vous voulez téléphoner à l'étranger, il vous faut aller a la poste centrale des com-munications téléphoniques et télégraphiques qui se trouvent dans la Grande rue de la Poste. On ne peut pas se tromper, c'est à gauche et à 300 mètres de là. Aussi n'oubliez pas de prendre de la petite monnaie avec vous, car je ne pense pas qu'on vous en fera là bas tellement il y a de monde à servir, voyez vous. En disant cela, il ouvrit un tiroir de son comptoir et sortit une poignée de monnaie où il sépara les reals des centimes, puis les donna à Pedro. Oh monsieur Victorio, vous croyez? Si, si mon ami, prenez-les, ils vous seront comptés sur votre note à la fin. D'accord, ça marche comme ça. Monsieur Victorio, sans vous je serais bien perdu dans ce coin de l'amazonie, je vous l'assure. Je le sais bien. Mais des gens comme moi il en faut, sinon cette region sombrerait vite dans un désert économique. Des hommes comme vous, il en fau-drait beaucoup pour que le Brésil devienne une grande nation, car elle a tout ce qu'il faut pour le devenir. Je vous remercie beaucoup. Mais soyons réaliste. Ici, la plupart des jeunes veulent vivre du trafic du bois, de la cocaïne, mais pas d'un travail honnête!

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C'est un drame, je vous le dis! C'est un drame national! lança avec virulence Victorio qui se-mblait démoralisé par sa patrie d'adoption. Pedro en sortant de l'hôtel, entendait ces mots rés-onner dans sa tête comme un refrain macabre : C'est un drame, c'est un drame national! tout en marchant dans cette rue boueuse qui soi-disant devait l'amener à la poste centrale des commu-nications téléphoniques et télégraphiques. Mon dieu, quel nom compliqué pour appeler tout simplement une poste où tous les services de communications devaient être disponbles! Se servait-on encore du télégraphe dans ce pays? se demanda-t-il prêt à s'étonner de toutes les sur-prises rencontrées dans ce pays. Tout en essayant de ne pas tomber dans les trous d'eau, il se disait, et moi dans mon pays n'avait-il pas eu un drame national avec Pinochet? Et ne suis-je pas moi-même un drame pour ma famille? Et Pablo, mon frère, un poids sur notre conscien-ce? Mon dieu, dans cette Amèrique latine tout était devenu un drame depuis cette invasion eu-ropéenne qui avait fait couler des fleuves de sang pour quelques petites d'or et pour évang-éliser ces soi-disant peuples sauvages. Quel affreux bilan! constatait-il, lui qui pourtant avait été baptisé à l'église catholique. Mais après cette traversée de l'amazonie, ces idées semblaient avoir beaucoup changé et voyait mantenant la dure réalité en face où chacun essayait de s'en sortir avec les moyens qu'il avait.

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Malheureusement, c'était irréversible, car le mal avait pénétré ce continent sud-américain par la plus vicieuse des ruses, c'est à dire par la fumée enivrante de la religion chrètienne dont le rôle fut de cacher le carnage de Cortez et des autres chefs de guerre. En baissant la tête, il avait l'impression de marcher dans des flaques de sang et ce chemin mènait aussi à son pays, le Ch-ili! Puis levant la tête, il aperçut au loin un grand bâtiment rectangulaire qui semblait être la poste des communications. En s'approchant d'un peu plus près, il vit inscrit en haut sur la faç-ade : Poste centrale des communications téléphoniques et télégraphiques. Mon dieu, ces noms à rallonge, c'était bien là le défaut des administrations de vouloir tout compliquer, bref, faire pompeux. En entrant à l'interieur, il aperçut beaucoup de monde et se demandait comment il allait bien pouvoir télépphoner. Et bien que les cabines fussent hermétiques, une sorte de bro-uhaha meublait en permanence la grande salle où des bruits de porte claquaient, des sonneries retentissaient et des voix en langue portugaise entrecoupées par d'autres se perdaient au plaf-ond sans oublier des colis qu'on déposait vers la porte d'entrée pour être ensuite enlevés par des postiers habillés en short. En s'approchant difficilement des bureaux vitrés pour connaître les prix des communications pour le Chili, il apercut une affiche traduite en plusieurs langues où tout était indiqué assez simplement : Brésil, faire directement le numéro, prix 2 reals le qu-art d' heure. Vénézuela faire le 0, puis le numéro, prix 4 reals les 15 minutes. Chili, faire le 15, puis le numero, prix 5 reals les 15 minutes.

C'a y'est, j'ai trouvé! dit-il content d'avoir pu trouver les information qu'il recherchait. Ici le service était libre et on avait qu'à prendre une cabine et y mettre directement la monnaie de-dant. Cela l'arrangeait bien en ne sachant pour l'instant aucun mot de portugais. Il sortit la mo-nnaie de sa poche et l'étala sur un petit présentoir qui était integré à la cabine, puis sortit de son autre poche un morceau de papier où il était écrit le numero de téléphone de ses parents. En le dépliant, il ressentit une grande émotion l'envahir qui fit battre son coeur anormalement pendant une bonne minute. Mon dieu, mon dieu! lança-t-il en reconnaissant ce numero comme faisant partie integrante de sa vie et malgré qu'il ne fut qu'un banal numero à six chiffres. En l'observant très attentivement, il reconnut dans ce numero une sorte de combinaison magique où enfance, adolescence, puis vie de jeune homme semblait y être inscrit pour toujours. Et si son destin ne tenait qu'à ce numero où à cette combinaison? se demandait-il en le tenant féb-rilement entre ses doigts. 098499 tel était le numero de sa famille là bas au Chili. A un mo-ment donné, il essaya de déchiffrer cette combinaison magique tel un sorcier des Andes où la répétition du chiffre 9 avait une signification religieuse, comme le nombre de marches des temples aztèques. Mais voyant la situation préssente, il y renonça sachant que cela faisait une vingtaine de jours que ce téléphone n'avait pas retenti pour leur annoncer de bonnes nouvelles, c'etait sur et certain. Aujourd'hui, je suis là dans cette cabine et je vais les appeler dans un ins-tant pour leur annoncer que je suis toujours en vie! Cette nouvelle va leur faire très plaisir et ma mère Marisa va sûrement pleurer telle que je la connais. Et mon père que va-t-il me repr-ocher cette fois-ci? se demanda-t-il la gorge sérrée par l'émotion. Sans plus attendre, il mit sa monnaie dans l'appareil et fit le 15 suivi de son numéro.

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Aussitôt, il entendit un écho lointain venir d'un autre monde ou quelqu'un décrocha pour lui demander qui c'était? Suis-je bien chez monsieur Emilio Delavega? demanda Pedro d'une voix émue. Oui, c'est lui-même à l'appareil. Oh papa, c'est moi, ton fils, Pedro! Quoi, c'est toi Pe-dro, t'es sûr? Oui, oui, c'est moi! Oh comme je suis heureux de t'entendre, mon fils, que dieu en soit remercié! Sainte mère de l'église! Oh moi aussi, comme je suis heureux de t'entendre, mon cher petit papa! Tu sais, ta mère et moi étions trés inquièts de ne plus avoir de tes nou-velles depuis ton départ. Oui, je sais, mais au milieu de l'amazonie, c'était pas possible. Mais où es-tu exactement, mon fils? Je suis à Manaus. Quoi à Manaus et non à Rio de Janeiro com-me c'était prévu! Non, malheureusement, car notre guide Alberto nous a débarqué ici parce que le fleuve devenait trop dangereux pour de petites embarcations comme les nôtres. Ici, il y a des bateaux haut comme des immeubles qui peuvent facilement vous envoyer au fond du fleu-ve. Daccord, d'accord, si c'est pour cette raison qu'il vous a débarqué à Manaus, je suis entière-ment de son avis et on ne doit pas prendre de risque inconsidéré pour une simple traversée. Pendant un instant Pedro fut géné d'entendre cela, car durant cette traversée plusieurs de ses camarades étaient morts de la malaria et lui-même aurait pu en mourir. Mais il ne voulut point lui en parler pour ne pas gâcher cet instant prévilégié. Et la santé, mon fils, ça va? Oui, père, je vais bien à part quelques problèmes d'estomac que j'ai eu suite à la nourriture qui était selon moi trop peu variée. Oui, je sais, mais c'est comme dans tout expedition où l'on doit s'alleger au maximum et forcément l'estomac en prend un coup. Sûr, mais bon, je suis pas mort de faim et ça c'est le plus important. Oui, mon fils, c'est le plus important! Heu..au sujet de cette trav-ersée, alors as-tu trouvé des ruines ou rien du tout? Rien du tout, malheureusement. Ah, ça c'est pas de chance! lança Emilio à travers le téléphone en restant convaincu qu'une civilisa-tion avancée avait pu installer ses temples et sa cité au milieu de cet enfer vert, qui autrefois était une vaste prairie.

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Et puis de tout façon, Alberto qui était notre mon guide, m'a dit qu'il était inutile d'en chercher dans ces coins là. Car d'après lui, il n'avait vécu ici que des peuples sauvages dont la civilisati-on s'était arrêtée à l'âge des arcs et des fléches. Mais qu'en sait-il lui exactement? lança furieu-sement Emilio au téléphone. Mais papa, il connait la jungle comme sa poche, lui! Peut-être, mais que connait-il de ces époques il y a 3000 ans ou 4000 ans avant notre ère? Tu sais, mon fils, à ces époques l'amazonie était une vaste prairie où les hommes vivaient paisiblement avec des animaux bien en chair. Et le fleuve amazone était alors une souce d'eau pure où il n'y avait pas de pyranhas et cette boue infecte qui étouffe desormais les poissons. Mais où as tu appris tout cela, père? demanda Pedro qui sentait la supériorité de son père sur ces choses datant de ces époques immémoriales. Je les ai apprises grâce aux idéogrammes que j'ai pu consulter sur le temple de Machu Piccu où il était déssiné à la place de l'amazonie, une immense prairie où co-ulait un fleuve tentaculaire au milieu d'une cité dont les sommets perçaient les nuages. Mon dieu! dit Pedro, mais c'était comme ça avant, l'amazonie? Oui, mon fils. Mais un jour, il arriva un grand malheur à cause de la fille unique du roi Orania qui avait transgressé la croyance du dieu soleil Oros. Ah oui? Oui, car celle-ci atteinte d'une maladie de peau lui interdisait de s' exposer au soleil donc de célébrer avec son père et le peuple la fête du soleil : où offrandes de nourritures, d'animaux vivants et de sang humain devaient lui être servies. Sa fille s'appelait Olabrasilia!

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Olabrasilia? demanda soudainement Pedro qui y voyait comme une resonnance étrange voire de funeste avec le nom du Brésil. Oui, elle s'appelait Olabrasilia et je ne te cacherai pas qu'elle n'y était pas pour rien sur le destin misérable de ce pays qu'est le Brésil. Mais père, pensez-vous que cette malediction lui viendrait directement de cette femme dont la peau hypersensible à l'apect rouge Brésil lui interdisait de s'exposer au soleil? Oui, je le crois. Mais les textes ma-lheureusement s'arrêtent juste après ces incidents malencontreux pour le Roi Orania qui était convaincu qu'une malédiction personnelle s'était abattue sur lui et sur sa dynastie : malédicti-on qu'il croyait envoyée par les Dieux Obzou et Nefram pour que son peuple y voit comme un signe de décadence et s'en détourne, ce qui déclencha des émeutes forçant le Roi à partir. Mais comme celui-ci s'y refusa tout fut détruit, la cité ainsi que le temple dont on a retrouvé aucune trace pour l'instant. Peu de temps après, comme par malédiction, des pluies diluviennes s'abatt-irent sur la cité et une végétation monstrueuse poussa, au point de faire disparaitre les restes de la cité et la prairie verdoyante. Pourtant, il devrait en rester des traces, car des pierres ça ne disparait pas comme ça! lança Emilio. Forcément, dit Pedro qui avait écouté très attentivement l'histoire de son père. Pour ma part, je pense que si on en a pas trouvé trace, c'est parce qu'elle a été soit avalée par la forêt soit remontée ailleurs. Tu sais, ici le fleuve est navigable sur sa plus grande partie. Mais alors où auraient-ils pu déplacer cette cité perdue?

Sûrement en contre bas du fleuve, car je ne pense pas à l'époque qu'ils auraient pu remonter le courant avec les coques en bois qu'ils avaient. Oh oui, c'est sûr! dit Emilio tout à fat convain-cu. Il est possible aussi que leur cité fut engloutie entièrement par les eaux du fleuve amazone, mais que personne pour l'instant n'a jamais voulu sonder les fonds pour des raisons encore in-expliquées peut-être par superstition ou tout simplement à cause de ses eaux extrèmement op-aques et insondables. C'est bien, mon fils, je vais noter toutes les idées que tu viens de me don-ner et je ferai des recherches de mon côté pour savoir si des expéditions avaient été entrepri-ses dans ces endroits là. A peine avait-il fini de parler qu'il entendit derrière lui sa femme Mar-isa lui demander : Mais a qui parles-tu comme ça, Emilio? Celui-ci se retourna aussitôt en lui disant avec un grand sourire : Mais c'est ton fils, Pedro! Quoi, c'est Pedro? Vite passe-le moi! Pedro, qui avait entendu la voix de sa mère à travers le téléphone, fut bouleversé pendant un instant au point que des larmes inondèrent ses yeux puis son visage où ses chaudes larmes lui semblèrent plus douces que le miel en lui rappelant tout simplement le temps du bonheur. Cet-te douce voix qui l'entendait maintenant, comme la voix la plus charmante du monde, c'était elle qui l'avait accueillie par un bienvenue en enfer en sortant de ce ventre qu'on appelle le ventre de la creation, au point de rendre jaloux le diable lui-même!

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Le mensonge de la vie se trouvait ici à l'endroit exact où l'on vous avait menti pour la toute première fois, bref, le premier jour de votre vie! Et le mensonge allait s'emparer de votre esprit et le gangrener jusqu'a vous faire croire que la vie en valait la peine et que votre coeur malh-eueusement vous ne pouviez plus l'arrêter par la seule force de votre volonté. Bref, il était trop tard et la vie vous avait prise dans ses filets jusqu'à la mort! Et si le desespoir venait un jour à vous séduire, elle inventerait alors un stratagème pour vous éviter le suicide, la peur de mourir dans un monde où le jour ne se lève jamais. L'eternelle obscurité autour de vous, l'éternelle solitude dans ses immensités glacée où vous êtes seul, bien seul, malheureusement. Mon dieu, mais que faire dans ces endroits où l'on ne sait plus si l'on est vivant ou mort? Bref, la vie rep-rendrait son discours et vous dirait : Je sais bien que l'arme à feu a le pouvoir de vous faire pa-sser dans l'autre monde et la force de gravité aussi. Mais bon dieu, la vie c'est toujours mieux que rien, n'est-ce pas? Allez, oubliez toutes ces idées macabres et venez célébrer avec moi la beauté du jour et pourquoi pas un pas de Samba avec une de mes créatures? Je suis là pour vous faire voir la magnificience des jours, le tourbillon des sens et la beauté que je souhaite un jour déposer à vos pieds! L'être vivant, entendant cela, ouvrit les yeux et vit la réalité telle qu'elle était. Oh, Maman, Maman, c'est toi? lança Pedro en sanglots. Oui, c'est moi, ta tendre mère! Oh comme je suis heureuse de t'entendre, mon petit pedrino, mon petit pedrino! Mais ne t'inquiètes plus maintenant, maman, je vais bien et comme j'ai dit à papa, je suis en parfaite santé.

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En ce moment, je suis à Manaus où j'ai trouvé un hôtel pas trop cher. Un hôtel qui m'a été rec-ommandé par Alberto, notre guide, auquel j'avais entièrement confiance. Oui, oui, c'est bien, mon fils, méfies-toi de tout le monde là bas. Car on dit ici que les Brésiliens sont des chiens enragés sans foi et sans morale. Oui, peut-être, mais Alberto m'a dit de ne fréquenter personne, sinon des personnes sûr comme monsieur Victorio qui est le propriètaire de l'hôtel où je suis. C'est ça, c'est ça, il t-a très bien conseillé et surtout ne sort pas la nuit. Car j'ai vu la semaine dernière à la télé qu'on parlait de la ville de Manaus comme une ville de démons et pas du tout fréquentable. Je te priais donc de rester à l'hôtel, le temps de trouver un bateau pour Rio de Ja-neiro. Oui, je sais, papa me l'a dejà dit. Imagines-toi, si on te volait ton argent, mais personne ne pourrait te venir en aide! Et si cela t'arrivait, j'en mourais sois en certain! Mais non, maman, ne dit pas ces choses là! Je ferai très attention comme tu me l'a dit. Et tes pantalons les as-tu trouvé dans ton sac? Oui, oui. Mais dans ces endroits où il fait très humide, c'est pas pratique. Ah oui? Mais je pense pas que tu manges à l'hôtel en short? Non, non, mais ils me sont utiles dans ces situations. J'espère que tu laves tes slips! Oh maman, ne me dit pas ça! Tu sais bien que je ne permettrai jamais d'être sale même en plein milieu de l'amazonie! Et puis à l'hôtel nous avons des machines à laver. C'est bien, c'est bien, mon fils, la propreté ce n'est pas un lu-xe, mais notre dignité.

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Mais oui, je le sais bien, maman. Pedro, en écoutant patiemment tous ces reproches et autres recommandations, avait l'impression d'être encore chez papa-maman et malgré qu'il se trouvait en plein milieu de l'amazonie. C'était là, semble-t-il, la magie du progrés où l'invention du té-léphone lui permettait de traverser l'espace et le temps en écoutant battre son coeur au même rythme que celui de sa famille et malgré la folle distance qui les séparait. Un instant, il se dem-andait si cette magie( opérée par la fée electricité) avait des points communs avec celle que les dieux utilisaient pour se déplacer librement sans utiliser de fils en cuivre ou d'ondes radio? On se demandait même si l'Homme, par son invention, n'avait pas voulu carricaturer la magie des dieux en leur disant : Regardez, nous aussi, nous savons traverser l'espace et même les murs! Les dieux curieux prirent alors un combiné téléphonique pour le verifier par eux-même en ta-pant un numéro pour allez à New York où New York leur sembla une destination toute désig-née pour ce voyage où les hommes avaient une fascination inexpliquée voire farfelue. Une voix aussitôt leur demanda : Oui, c'est pourquoi? C'est pour New York! demandèrent les die-ux impatients. Mais vous y êtes à New York! Mais non, nous sommes toujours à Manaus! rép-liquèrent-ils. Comprends-pas! Comprends-pas! leur disait-on. Les dieux éclatèrent aussitot de rires en voyant que la magie des Hommes n'était qu'un beau mensonge, bref, qu'une science destinée exclusivement aux petits hommes. Pedro, tenant ce bout de plastique qu'on appelle un combiné collé contre son oreille, sentit tout à coup le ridicule de sa situation où la science des hommes le mettait en prise directe avec ses malheurs, ceux de sa famille et de son pays. Il aur-ait pu aussi se l'épargner en écrivant tout simplement une lettre, disons plus appropriée, à dem-ander des nouvelles de l'autre monde, de ce monde qu'il venait de quitter peut-être pour toujo-urs? Avec une lettre ou un échange épistolère, on restait dans le domaine de l'esprit où l'on se gardait de chagriner son destinataire en lui demandant, par exemple, s'il lavait bien ses slips ou s'il ne passait pas toute sa journée à dormir ou à regarder la télé ou à jouer aux jeux vidéo? L'ecrit permettait d'élever le débat si l'on peut dire et d'attenuer par la distance l'effet d'une guerre quelconque qu'elle soit familliale ou nationale. L'écrit avait cette qualité de transfigurer la réalité en quelque chose de poétique et de sacré selon le talent qu'on avait à relativiser les évènement de sa propre vie. Il m'est arrivé un jour de lire dans une correspondance entre des marchands juifs, datant de l'ancienne Jerusalem, des propos qui ne parlaient que de quintaux de poivre, d'épices et du nombre de cruches de vin qui s'étaient cassées au cours du voyage et d'un ultimatum pour se faire payer le prix de la casse! Mon dieu, quel désastre et quel manque de poésie dans ces correspondances! Ca ressemblait ni plus ni moins à celles qu'Arthur Rimbaud envoyait à son patron, après que celui-ci ait abandonné pour toujours la poesie, afin de se con-sacrer uniquement au commerce et sans le succès escompté, malheureusement.

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Après avoir entendu la voix de son père et de sa mère, il se sentit complètement démoralisé par cette prise directe avec la réalité qui somme toute était d'une banalité exemplaire. Bref, là-bas rien n'avait changé ni la situation de sa famille ni l'état de son pays qui était toujours en guerre contre lui-même. Lui seul avait changé, mais ne pouvait l'exprimer clairement à ses parents qui le ressentiraient alors comme une trahison. Et Ernesto? demanda-t-il tout à coup à sa mère. Er-nesto va très bien et il a eu même une promotion dans son régiment où il est maintenant adjud-ent chef. Adjudant chef? Oui et c'est bien pour lui et pour sa carrière! dit-elle fièrement. Bien, bien. Et pour Pablo alors, vous avez des nouvelles? demanda-t-il brutalement. Un instant, il y eut un long silence au téléphone, car elle ne s'attendait pas à cette question. Heu..non, on a tou-jours rien. Mais ton frère Ernesto fait des recherches de son coté pour savoir où il est. C'est bien! dit Pedro qui sentait par là qu'Ernesto n'était pas un monstre sous son uniforme prêté par la junte militaire, mais qu'il faisait tout son possible pour retrouver son frère qui s'était égaré dans les idées politiques délirantes du socialisme. Enesrto ressentait parfois de la pitié pour son frère, Pablo, où dans ses rêves il essayait de le convaincre de changer ses idées et surtout de lui faire retrouver les pieds sur terre où sa famille l'aimait plus que tout. Mais dans son rêve devenu un cauchemar, Pablo restait intransigeant et l'insultait quand il le voyait habilé dans ce funeste uniforme militaire en lui jetant à la figure: Non, ne t'approche pas, c'est toi, le traite!

Ne m'adresse plus la parole! Tu as trahi ta famille et ton pays! Ernesto, blessé dans son amour propre, se rapprochait de lui pour lui faire comprendre qu'il était toujours son frère et malgré les idées politiques qui les séparaient. Non, ne me touches pas, traitre, agent de Pinochet! Je ne suis plus ton frère et tu n'es plus le mien! lui criait-il injustement. Alors Ernesto impuissant pleurait de ne pouvoir l'aider et lui sauver la vie. En sortant de la cellule, les yeux pleins de lar-mes, il se demandait comment il allait expliquer tout cela à la maman?

Ohé, Pedro?Ohé, Pedro? Tu vas bien? lui demanda tout à coup Fabien en s'apercevant que son ami commençait à pencher du nez. Heu..oui, qu'est-ce qu'il y a? Qu'est-ce qu'il ya? répéta-t-il en retrouvant ses esprits. Non, rien de grave. Mais ça fait plus d'une heure que tu parles tout seul et je commencais vraiment à t'inquieter pour toi. Ah oui? Sûr! repondit Fabien qui sentait lui aussi la fatigue venir. Pedro se leva et alla voir à la fenêtre pour voir la position du soleil. Mais il fait dejà nuit! Oui et je t'avouerai que j'ai pas vu l'heure passée tellement j'étais embar-qué dans ton histoire où franchement je n'aurai pas souhaité y être. Ah bon? s'étonna-t-il un peu déçu. Manaus n'est pas une ville où j'aurais voulu séjourner telle que tu me l'a décrite. Oui, mais c'est une ville comme une autre avec ses qualités et ses défauts. Tu sais, la pauvreté, elle existe partout où il y a du monde. Et je parie même qu'a New York, il y a en beaucoup, mais qu'on ne veut pas montrer dans les reportages afin de ne pas effrayer le touriste de venir ici dépenser son argent.

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Ca s'appelle tout simplement du business! dit soudainement Fabien. Bref, montrer ce qui est beau d'abord et le reste vous le decouvrirez par vous-même, après que vous ayez payé votre billet d'avion et d'hôtel et que l'Amérique ait déjà enpoché votre argent, Ah! Ah! ce qui est pour elle le plus important, n'est-ce pas? Oui, sans aucun doute, dit Pedro. Mais comme disent les indoux, l'important ce n'est pas la destination, mais le voyage. Et il faut te dire que sans les surprises, la vie serait bien monotone. Et moi débarquant à Manaus, malgré que ce decors fut loin de mes attentes, j'ai ressenti un certain frisson en voyant des choses que je n'avais jamais vues nulle part ailleurs et c'est là je pense le but de tout voyage intérieur ou autre. Tu sais se retrouver tout seul loin de chez soi est une expérience à faire, mon cher Fabien, et je te l'assure qu'elle te change vraiment la vie! Son ami l'entendant parler de la sorte ne lui apprenait rien en vérité. Car lui qui vivait seul connaissait très bien cette solitude et n'avait pas besoin de partir très loin de chez lui pour la ressentir. Mais au contraire de Pedro, la sienne de solitude ne l' av-ait pas grandi ou fait mûrir, mais plutôt amoindri, fragilisé, au point d'être devenu un légume couché à longueur de journée sur son canapé. Il serait juste de préciser aussi qu'il n' était plus un légume bien vert et bien qu'il fut encore jeune. Mais à force de ruminer sur lui-même, faire bouillir son cerveau, il avait l'impression d'être un légume cuit à la vapeur qui attendait au fo-nd d'une casserole posée au bord d'un évier!

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Sa vie sentait l'évier, cette eau malodorante composée de dechêts alimentaires et autres éléme-nts organiques, non digerés, mais en voie de pourrissement. Pourtant, il s'était toujours battu contre cela, contre le pourrissement de sa propre vie. Et Pedro, en lui décrivant cette ville de Manaus où il tombait tous les soirs des tonnes d'eau dans les rues boueuses, avait fait naître en lui une sorte de dégoût ou plutôt de tout à l'égout. Même un moment, il faillit vomir, mais s'était retenu quand Pedro s'était entretenu au téléphone avec ses parents. Ah un peu d'amour au milieu de cet enfer d'eau, de boue et de fer ne pouvait que lui faire du bien à l'âme : lui qui avait l'âme blessée, noyée dans d'inexitriquables problèmes physiques, mentaux, sociaux etc.

Je suis cuit! dit-il soudainement quand il essaya de se relever du canapé en sentant ses muscles se raidir et se durcir comme par une trop grande cuisson sous un feu interieur. Pedro, qui lui tournait le dos, ne le voyait pas grimacer sa souffrance d'être une sorte de gigot pris dans ses filets où la viande n'était pas bien tendre, mais bien dure comme du chien. Pourtant, il sentait son âme pleine de compassion pour les autres malades comme lui, mais son physique ne sem-blait plus le suivre par une raideur ou une paralysie inexpliquée: une absence totale de volonté, un réel problème physique, un cerveau qui commencait à dégénérer? En fait, c'était tout cela à la fois qui le caracterisait.

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La cuisson de son cerveau avait semble-t-il lié tous ces éléments pourtant fort distincts en une masse compacte ou en bloc où tout se confondait desormais : les problèmes physiques avec les problemes mentaux, les problèmes philosophiques avec les problèmes d'argent, les informatio-ns à la télé comme une sorte de pensée unique où le tout cuit était la nouvelle philosophie pro-clamée joyeusement par ces nouveaux philosophes ou faux intéllectuels, bref, par le prêt à cui-re parce que déjà à moitié cuit! Malgré tout, pensait-il, je suis bien de mon époque et que dans cette triste histoire, je ne suis pas le seul malade, mais la société libérale toute entière! ce qui le rassurait énormément, ne nous le cachons pas. Je suis fatigué! lâcha-t-il en regardant Pedro d'un air suppliant. Attends, je vais d'aider! lui dit-il en se levant du canapé, puis en le soulevant si facilement que Fabien sentit à cet instant que sa vie ne pesait pas grand chose peut-être le poids d'une plume devant ce Pedro, cette force de la nature qui avait appris par une magie an-cestrale à ne pas cuire trop vite devant les évenement de sa vie ou du monde. Ses muscles à lui se durcissaient uniquement quand il les bandaient et non comme les miens qui se raidissaient à la moindre émotion. Je te remercie beaucoup, Pedro, tu es pour moi comme un frère! dit-il en retrouvant avec joie les pieds sur terre pour se diriger vers la porte. Ce dernier le raccompagna et avant de le quitter lui dit : On se revoit la semaine prochaine, d'accord? Pas de problème, Pedro! répondit Fabien en lui lançant un grand souire tout en sachant que les jours suivants seraient pour lui très dures, bref, à rester enfermer tout seul chez lui sans aucune visite ami-cale. Bonne nuit! Bonne nuit à toi aussi! se souhaitèrent-ils avant de disparaitre chacun de leur côté.

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Le lendemain matin

Fabien, en ouvrant les yeux, s'aperçut qu'il s'était endormi tout habillé en tenant bizarrement sa canne entre ses mains, comme un grand crucifix! Mon dieu, mon dieu! s'exclama-t-il en se vo-yant en si mauvaise posture. Mais en regardant du côté de la fenêtre, il vit une belle lumière traverser les persiennes et faire des rayures sur ses draps en les découpant en fines lanières ou les plier comme une carte d'état major. Ah toujours ces mêmes hallucnations! lâcha-t-il quel-que peu en colère contre lui-même. Pourtant hier avec Pedro, il n'avait eu aucune hallucinat-ion, comme si son histoire était elle-même une grande halucination où rêve et realité se con-fondaient au point de ressembler à un fondant au chocolat. Oui, ça doit être pour cette raison! affirma-t-il en regardant une nouvelle fois ses draps blancs où les traits de lumères et d'ombres semblaient l'hypnotiser en le transportant vers cette amazonie qui l'avait comme retenu, fait prisonnier, le temps que Pedro finisse son récit. Cette amazonie l'avait apparemment envoûté, comme ces touristes idiots ou bien ce voyageur solitaire qui par imprudence s'était enfoncé un peu trop profondément dans la forêt ou il avait profané les lieux sans le savoir. En remarquant dès leur retour dans leur pays d'origine qu'ils n'étaient plus les mêmes où une grave déprime les submergeait mystèrieusement. Puis consultant leur médecin, ce dernier leur apprenait qu'il ne s'agissait là que d'une petite déprime dûe à la reprise de leur travail, bref, à la fin des vaca-nces où le soleil était remplacé par le morne ciel gris de leur région.

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Le patient acceptait l'analyse de son médecin qui lui ordonnait une cure d'antidepresseurs, le temps que ça se passe. Fabien savait très bien que tout cela était absolument faux, car les âmes des morts demeurant sur l'ile avaient profité du sejour de ce touriste idiot pour faire la belle en s'emparant de son esprit. C'était une sorte d'échange invisible qui s'opérait entre les riches et les pauvres ou entre les élus et les damnés. Bref, une autoroute à double sens où les morts all-aient en Occident et les vivants vers ces pays de damnés peuplés d'ombres vivantes où la mort ne savait plus où se loger. A force, pensait-il, l'Occident aura tellement importé d'âmes mortes qu'il finira par s'écrouler sur lui-même, comme emporté par ces flots de boue noire dont le seul espoir était de revivre un jour sous la forme d'un enfant de riche, bref, d'un petit blanc. La bourse existait elle aussi chez les morts et valait mieux parier sur un petit occidental que sur un petit indien, estimait-on afin de se garantir une bonne assurance-vie après la mort, pourrait- on dire. Ainsi la bourse de New York n'avait rien inventé, mais qu'elle ne faisait que refléter cette théorie qui disait que rien ne se perd, mais tout se transforme! où la reproduction de l'es-pèce humaine était la source de toute économie et la surpopulation un futur Eldorado pour les traders et les établissements financiers en matière d'argent et de carnages. Et dans cette sordide histoire, nous n'étions que du bétail surveillé par nos Etats où la broche était déjà en train de tourner pour nous faire rôtir à point.

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On est cuit! lâcha subitement Fabien en sentant sa malediction l'envahir par ce sacrifice qu'on attendait de lui, non au bûcher des idôles, mais au nom de son inutilité sociale. Les Hommes se reproduisaient comme du bétail et l'Etat, le fermier général, le regardait grossir comme une future source de revenu telle était sa funeste pensée. Et notre enfance se deroulait comme celle d'un bovin dans une verte prairie où l'on broutait l'herbe tendre de nos jeunes années sous le regard bienveillant du fermier général. Puis un jour, au lieu d'aller dans la prairie, on nous fer-ait monter dans des camions pour nous emmener à l'abattoir! Insouciantes et heureuses furent nos jeunes années, nous nous diront alors sous le couteau du boucher! Mais quelle horrible fin sera notre constat! La semence des Hommes était devenue un poison sur cette Terre et cette surpopulation comme le signe avant coureur. La malédiction, c'était cette surpopulation galop-ante où de futurs carnages étaient à prévoir, ceci ne faisait aucun doute. Mais l'Etat avait déjà tout prévu dans les moindes détails en faisant cuire le tout bien assaisonné pour que ça explose un jour, tel un immense barbecue! Il était entendu que ceux qui allumeraient le barbecue aurai-ent le temps de s'enfuir avant et ça s'appellait tout simplement faire de la politique! pensait Fa-bien en se cachant sous ses draps en attendant la future explosion. Mais n'entendant rien venir, il sortit la tête hors de la couverture et s'aperçut que les traits de lumières et d'ombres avaient totalement disparu!

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Au lieu de cela, une grande tâche de lumière immaculée innondait son lit, comme celle que l'on pouvait voir sur les tableaux italiens de la renaissance. Un moment, il faillit croire que Dieu existait et que le soleil était sa toute puissance incarnée pour imposer aux êtres vivants une preuve irréfutable qu'il était l'unique Dieu, bref, que la lumière c'était lui, que la chaleur c'était lui, que la vérité c'était lui et que ceux qui jouaient avec des miroirs n'étaient que des impos-teurs, de faux dieux. Jesus-Christ, vu son état sur sa croix, avait semble-t-il grillé comme une cotelette! pensa-t-il ironiquement. Peut-être s'était-il trop approché du soleil, cet homme étra-nge, non? Par orgueil ou par ignorance? il se demandait en se retournant dans ses draps pour prendre appui sur son coude. Bah quelle sottise de vouloir se mesurer à cette boule de feu qui atteint, parait-il, des millions de degrés! Dans la vie, on ne devrait pas se poser ce genre de que-stions de savoir si Dieu existe ou non. Car le simple fait de respirer et de ressentir les choses devrait nous suffire amplement pour comprendre que la vie est un miracle naturel et pas toutes ces sornnettes que nous sort le Vatican au moment des fêtes de pâques ou de noël avec les mir-acles de Marie ou de Lourdes et autres choses invraisemblables liées au christianisme. Fabien se souvenait dans son enfance de ce grand crucifix qui un jour l'avait fortement impressionné, quand il mit pour la première fois de sa vie les pieds dans une église.

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Où le corps du Christ semblait cramoisi par une trop longue exposition au soleil et les coups de fourchettes dans ses flancs comme ceux des Hommes afin de voir s'il était bien cuit! Bref, le soleil avait commencé le travail et les Hommes l'avaient termné en sachant qu'aucun Homme ne pouvait devenir Dieu. Car depuis la naissance du monde, les Hommes avaient idôlaté le so-leil comme une divinite au point de devenir pour eux une véritable source d'inspiration aussi bien politique, artistique que religieuse. En pensant de cette fàçon, Fabien nous prouvait une fois de plus qu'il ne croyait pas en Dieu ni en ce Jesus-Christ ni à l'Islam ni au Boudisme, bref, en rien. Il ressemblait à s'y méprendre à ces bêtes qui pour vivre n'avaient pas besoin de croire en Dieu, mais seulement au plancher des vâches, au ciel au dessus de leur tête et à un trognon de pain qui suffisait à leur bonheur. Pour les Hommes, il était un cas désesperant, sans foi, ma-is pas sans morale. Car ses faibles moyens physiques et intellectuels ne lui permettaient pas de faire du mal à son prochain, ce qu'il parfois regrettait furieusement tel un lion en cage qui au-rait adoré donner un coup de griffes à ces visiteurs de zoo! De plus, il savait qu'il était laid comme une bête et que les Hommes ne lui feraient aucun cadeau. Etendu sur son lit, la gueule baignée par le soleil, il souriait d'un air niais comme s'il se moquait éperduement de l'avis des autres. Seul en compagnie de ce soleil flamboyant qui le consolait de toutes ses misères, Fab-ien semblait l'entendre parler et lui dire : Regarde, je suis le Dieu unique qui règne sur tout l'u-nivers! Et toi, petit insecte, profite de ma lumière et de ma chaleur, car ce soir il fera si froid que tu regretteras mon despotisme!

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Oh oui, brûle-moi! lança-t-il soudainement en écartant les bras comme pour embrasser ce sole-il. Mais pour une raison inconnue sa chambre se trouva plongée tout à coup dans l'obscurité! Mais c'est quoi ça? Un nuage? Mais qu'est-ce qui se passe, non de dieu? Malèdiction! Malédic-tion! cria-t-il dans l'obscurité tel un damné des cieux. Furieux de ne pas voir le soleil réappa-raitre, il plongea sous ses draps pour pleurer. Mais pourquoi ça n'arrive qu'à moi ces choses? se désolait-il. Mais pourquoi à chaque fois que je tente un truc, ça rate? insista-t-il comme un forcené. Merde, je suis un loser, un bon gros loser, ça ne fait aucun doute pour moi! pensa-t-il en étant convaincu qu'il finirait un jour sa vie tout seul comme ces bêtes de la forêt qui, sentant la mort arriver, iraient se cacher pour mourir. Il faut absolument que je me lève! lança-t-il avec cette peur horrible d'être englouti au fond de son lit emporté par toutes ses hallucinations. Il prit sa canne, se redressa, puis sentant ses pieds sur le plancher des vaches se dirigea vers la cui-sine afin de préparer son petit déjeuner. Sur la petite table, près de la cuisinière, il y avait un pot de ricoré et un nombre assez impressionnant de tasses qui n'avaient pas été lavées depuis fort longtemps. Cela se voyait par une couche noirâtre qui s'était déposée au fond. Fabien, penché au dessus, cherchait laquelle était la moins sale. Tiens, celle-là n'a pas l'air trop deguelasse! dit-il envahi par une flèmme incurable qui l'empêchait de la passer sous l'eau. Et puis merde, c'est tellement pris dedant que de toute façon je n'y arriverai jamais à la faire disparaitre! Et je vais gaspiller des tonnes d'eau pour rien du tout, pensa-t-il en étant entièrement convaincu par son immobilisme maladif. Puis avec un peu de courage, il se saisit d'une petite cuillière (qui elle aussi était sale), la plongea dans le pot à ricoré, la remplit à ras bord et la versa dans sa tasse où une odeur de vieux café ranci avait impregné la porcelaine jusqu'à la fin des temps.

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Ensuite, il prit un morceau de sucre sur un petit monticule où des mouches avaient semble-t-il pondu leurs oeufs en apercevant des petits points noirs piquer la blancheur immaculée. De tou-te façon, c'est pas sale, car même les Mexicains ont des plats préparés à base d'oeufs de mouch-es qu'il apprécient énormément là bas! se rassurait-il englué dans sa paresse monumentale. Et si c'était mauvais pour la santé, je le saurais depuis des années! finit-il par se dire en le jetant dans sa tasse. Puis machinalement se saisit d'une vieille casserole, où le fond était rempli de tartre, la remplit avec une eau elle aussi pleine de tartre et la posa sur le feu, puis alluma le gaz. Les yeux fixés sur la casserole, il se demandait ce qu'il allait bien pouvoir faire après le café?

Car le problème des gens seuls( ce que savait très bien Fabien) était de pouvoir occuper leur journée à moindre frais et plus précisément à meubler le vide de leur existence. Par exemple, moi qui suis laid comme un babouin, je cherche en permanence des gens avec qui je pourrai discuter et passer ma journée. Bien évidemment, je ne parlerai pas de la recherche de l'amour avec une jolie demoiselle, vu que la nature m'a vite fait comprendre que je n'y avais pas droit. Mais ce qui me rassure tout de même, c'est de savoir que je ne suis pas le seul dans ce cas. Re-gardez ces pauvres homosexuels qui cherchent l'amour auprès d'un garçon ou ses lesbiennes auprès d'une fille, je trouve leur situation bien pire que la mienne! Et de plus si l'homosexuel est laid, je trouve son malheur beaucoup grand que le mien. Car moi, je n'ai qu'un problème à gérer, c'est à dire ma laideur et non des désirs contre nature voir complètement délirants, mais qu'un simple désir d'aimer une femme. Bref, quelque chose de tout a fait normal, n'est-ce pas? Mais un rêve malheureusement irréalisable pour moi du fait que je suis laid (à moins de me marier avec un laideron?). Mais mon amour propre me l'interdit, car je ne pourrais pas supp-orter plus d'une journée de voir en face de moi ma propre tronche de cake, ce qui me déprim-erait à coup sûr! La solitude est donc la seule solution à envisager pour mes vieux jours et je dois nécéssairement la gérer avec plus ou moins de réussite, soyons lucide. Et la rencontre que je venais de faire avec Pedro en montrait un bel exemple où j'ai pu grâce à lui voyager sans dé-penser le moindre centime et surtout ressentir plein d'emotions que ni la télé ni le cinéma ni la radio auraient pu me procurer. Car ce qu'il m'a raconté, c'était la vraie vie et non ces reportages plus ou moins réussis sur ces soi-disant "vrais gens" choisis par les journalistes. Grâce à lui, j'ai pu ressentir dans ma propre chair cette vraie émotion, comme si j'y étais et ça m'a fait éno-rmément de bien. Et il me semble avoir acquis un véritable savoir qui m'est parvenu sans l'en-tremise de la technique ou du progrès, mais par la bouche d'une vraie personne qui était assise à mes côtés!

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C'est con à dire, mais seule cette confrontation avec la vie des autres et leur histoire est une vraie mine d'or pour ceux qui ont une vie plate et stérile comme la mienne. Bref, grâce à elle, j'ai pu accumuler des forces de vie qui me donnent l'envie d'exister et de ne pas baisser les bras devant ma propre destinée que je ressens au fond de moi comme une chronique d'une mort annoncée voir de funeste. Parfois, j'ai l'impression d'être un vampire, lorsque je rencontre qu-elqu'un dont ma seule envie est de lui sucer le sang, bref, le suc de la vie! Parfois, il s'en rend compte et me le repproche violemment, c'est donc pour moi une amitié qui se termine et c'est bien dommage. Une fois, j'ai rencontré un vampire comme moi, mais d'une nature très différe-nte de la mienne, car il était riche, mais ni beau ni laid. Et le peu de temps que j'ai pu discuter avec lui, j'ai ressenti comme un malaise, car celui-ci voulait me sucer le sang alors que je n'en avais pas! Désappointé de ne pouvoir tirer une seule goutte de mes veines, elle se sentit comme déçue par notre rencontre et coupa nette notre relation. En fait, ce que je compris, après m'être renseigné sur cette personne qui était très riche( mais qui me l'avait caché, non par pudeur, mais uniquement pour caché son jeu), c'est qu'elle était devenue riche par ce défaut impardo-nnable de sucer la vie des autres, bref, leur travail ou si vous voulez leur argent. Ainsi, je com-pris que dans la socièté, il existait des vampires ne ressemblant aucunement à Dracula, mais à des hommes et à des femmes très présentables, habillés en col blanc. On pourrait dire sans se tromper que tous les traders que l'on voit jouer à la bourse avec l'argent des autres sont des va-mpires organisés en confrérie qu'on appelle une compagnie de chauve-souris.

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Je ne les appellerai aucunement des rapaces, car les rapaces font partie d'une espèce noble com-me les aigles, alors que les vampires font partie de la petite espèce de suceuse de sang proche des insectes. Pour vous dire le fond de ma pensée, je vous dirai sincèrement que les espèces nobles ne s'amusaient jamais à ce genre de chose qui était de voler leur semblable, mais plutôt la chasse en terrain découvert, n'est-ce pas? Bref, le courage n'a jamais été l'apanage des vole-urs étant donné que leur métier est de vous voler sans être vu, comme à la bourse caché derri-ère de hauts écrans ou bien dans les casinos derrières les machines à sous qu'on appelle des bandits manchots. En fait, ils vous volent sans que vous vous en rendiez compte par un tour de passe-passe imaginé ingénieusement par une confrérie de voleurs ou de vampires, ce qui est du pareil au même. L'Etat est bien sur derrière tout ce qui concerne le vol organisé par les Etats. Voyez le PMU, les casinos, le loto et les jeux de grattages. I'Etat est un voleur comme un autre et fait partie lui aussi de la confrérie des vampires. Certains l'appellent la mafia d'Etat, d'autres l'ordre normal des choses où la puissance de l'Etat doit s'exercer naturellement partout afin de financer son train de vie où les ministres s'enrichissent grassement grâce au travail et à la sueur du citoyen. Voyez comme cette métaphore va à merveille! C'est dure a entendre, mais la vérité se situe à ce niveau où nous sommes pour les États une source inépuisable de revenus. J'ai entendu, avec la soi-disant dette de l'Etat, que les enfants à naître avaient déjà une dette sur le dos qu'on estimait à 30000 euros! L'Etat avait comme à son habitude trouvé la solution pour résoudre tous ses problèmes de financement, bref, par le travail des autres! Autrefois, les jeun-es hommes donnaient leur sang à leur pays en partant à la guerre, puis plus tard en travaillant dans les usines et dans les bureaux, puis maintenant en pompant leurs revenus par l'impôt! En fait, je trouvais que le fond des choses n'avait véritablement pas changé et que c'était toujours au peuple de payer la note!

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Mais à quand la véritable liberation des peuples pour se débarrasser de cet Etat si embarrassant si contraignant pour les Hommes? Est-ce utopique d'y penser ou bien réalisable? Moi qui suis pauvre et malade, malheureusement, je n'aurai pas la force d'y participer. Mais de tout mon co-eur, ô combien, j'aurais souhaité y participer afin de pouvoir vivre libre et heureux sur cette terre! Mais dans mon cas, à quoi me servirait cette liberté si je suis toujours laid et quasi impo-tent? C'est triste à dire, mais je crois bien que ma vérité se trouve à ce niveau là où je fais par-tie malheureusement de tous ces malades et de cette future génération d'inutiles qui va se rép-andre à l'avenir dans la société comme un fleau! J'ai vu, avec l'histoire des indiens d'Amérique, de fiers guerriers finir leur vie en de sombres alcooliques. J'ai vu avec Pedro, l'aigle du Machu Piccu, finir sa vie enfermé dans une cage à lapins dans une banlieue. Bref, j'ai vu tout ce que l'humanité était capable de faire pour rendre inoffensive les espèces nobles afin d'anénatir la beauté du monde! Mais que nous restera-t-il quand il ne restera sur la Terre que des nains, des malades et des hommes politiques sans genie?

Hier soir, j'ai vu à la télé une émission très intéressante, mais malheureusement programmée à une heure impossible afin qu'elle ne soit pas vue par les travailleurs qui ne devaient pas appren-dre la vérité sur leurs conditions d'esclaves à perpétuité! Et la propagande d'Etat y veillait grâce aux journalistes corrompus par le désir de plaire aux grands. Mais le sujet de l'émission ne concernait aucunement la liberté, mais le bonheur. Qu'est-ce donc le bonheur au juste? se dem-andait-on avec une grande angoisse sur le plateau télé ainsi que tous les spectateurs qui atten-daient avec impatience la question fatidique : Etiez-vous heureux ou bien malheureux en ce moment?

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Et si vous l'êtiez, c'était pour quelles raisons? Sujet apparemment inoffensif, mais qui entre nous pouvait être aussi dévastateur que celui de la liberté. Car avouer aux autres qu'on était malheureux parce qu'on était pas libre pouvait bien déclencher chez les hommes et les femmes (ne nous le cachons pas), une folle envie de faire tout péter, bref, de faire la revolution! Ce qui bien sûr embarrasserait beaucoup nos élites, nos très gourmandes élites. Mais n'allons pas si loin, mon ami, et intéressons-nous plutôt à nos invités qui avouèrent sans aucune honte devant la France toute entière qu'ils s'étaient mariès, non par amour, mais uniquement pour faire com-me tout le monde! Je ne vous cacherai pas que d'entendre tout ceci me stupéfia sur le coup, mais surtout me réconforta beaucoup sur mon célibat forcé par ma laideur. Aussitôt, un autre ajouta qu'il s'était marié uniquement pour faire plaisir à sa belle famille dans le seul but de ne pas être pris pour débile mental par la socièté! Je tombai des nues, bien évidemment. Mais pour vous dire le fond de ma pensée, j'étais enfin très heureux de connaître la vérité sur la socièté des Hommes en m'exclamant assis confortablement dans mon canapé: Ah voilà enfin une emis-sion digne d'être regardée! même si je savais qu'elle était peu regardée ce soir, puisque repos obligatoire pour tous les travailleurs, n'est-ce pas? En analysant bien la situation, j'ai compris que seuls les gens qui ne travaillaient pas( c'est à dire les gens au service du pouvoir et les assi-stés sociaux) pouvaient regarder cette emission et ainsi se mettre au courant de ce qui se pass-ait réellement dans notre pays. Et pour nos élites, journalistes compris, de pouvoir établir un rapport sur une future stratégie pour mener par le bout du nez nos masses laborieuses.

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Sur ce qu'elles avaient vu, entendu, ressenti aux cours de cette émission disons placée aux anti-pode du film du dimanche soir, bref, un film savamment choisi afin de remettre en selle tous les travailleurs pour le travail du lendemain, n'est ce pas? Et pourquoi pas un bon western? Ce personnel au service de l'Etat était selon moi, les journalistes, les intellectuels et les experts en communication. Quant aux autres, qui regardaient cette emission, il devait être pour la plupart des marginaux ou bien des malades comme moi, bref, des gens impotents ou impuissants qui dénonçeront jamais le massacre par peur de ne plus toucher leur pension et de ne plus pouvoir se payer leurs médicaments contre la dépression, le diabète ou l'hypertension, Ah!Ah!Ah! Mon dieu, quel drame pour notre société! s'exclama Fabien en constatant que lui-même et ses collè-gues, les faibles, ne pourraient jamais rien changer à ce monde en restant toute leur vie de sim-ples spectateur devant leur poste de lélévision. De quoi se donner de l'effroi! jugea-t-il en pens-ant soudainement à Pedro qu'il n'avait pas vu depuis une semaine.

J'avais le sentiment, vu ma situation de célibataire à perpétuité, que le monde continuerait sans moi et sans aucune de mes descendances. Et paradoxalement, j'étais presque heureux de le savoir en leur évitant toutes les misères du monde, Ah!Ah!Ah! Ce qui à mon avis me valait bien le prix Nobel de la paix, non?

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(Pourquoi tant de cynisme Fabien?)

Pour en revenir à notre emission de télévision, le journaliste leur posa ensuite cette question étonnante : C'était quand la dernière fois où vous avez été heureux? Tous répondirent d'une seule voix: C'était quand ils étaient célibataires! (heureusement que leurs femmes n'avaient pas été invitées ce soir là à l'emission ou du moins absente devant leur poste de télévision!). Une fois de plus, je tombais sur les fesses en comprenant que le malheur des hommes venait en gr-ande partie de leurs femmes qui leur rendaient la vie impossible et la raison pour laquelle, je les haïssais toutes!

Écoutez-les et vous entendrez toujours les mêmes mots, les mêmes sottises sortir de leurs bou-ches : Je veux un bébé! Je veux un bébé!

Mais pourquoi cette idée de vouloir absolument un bébé, mademoiselle, alors qu'il y a déjà dans notre pays plus de dix millions de chômeurs? Pensez-vous vraiment que tout cela soit raisonnable? Pauvre de vous, vous avez dit une chose qu'il ne fallait pas lui dire et elle va com-mencer par vous traiter de fou ou d'impuissant et tout en vous martelant comme une forcenée : Je veux un bébé! Je veux un bébé! Mais c'est vraiment une obssession chez vous, mademoi-selle, hum?

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A la petite chinoise

Mademoiselle Yin, vous êtes déjà 1,4 milliards d'habitants dans votre pays. Pensez-vous vrai-ment que se soit raisonnable de gonfler ce chiffre?

Réponse de l'intéressée : Je m'en fous! Je m'en fous! Je veux un bébé! Je veux un bébé!

Bref, réponse identique de part et d'autre des continents et par toutes les femmes qui ne sembl-ent pas être concernée par l'état du monde! Bêtise ou bien le signe evident de notre malédicti-on sur la terre? Bref, on grossi le monde et on s'en fou complètement des conséquences! Ca ressemble ni plus ni moins à un chaos choisi délibérément par les femmes qui est plutôt éffra-yant pour nous les hommes, n'est ce pas? Comme si nos chères poules pondeuses avaient peur du vide et surtout de la solitude, mais c'est du pareil au même. Au moins avec une surpopula-tion, pensent-elles, nos enfants pourront se multiplier plus facilement et ajouter du chaos au chaos, ce qu'elles désirent inconsciemment au fond d'elle-même sans se l'avouer, car ce serait faire preuve de cruauté envers leurs enfants. Mais là est semble-t-il leur caprice et personne ne pourra leur faire changer d'avis ni vous ni Dieu. Car d'après un vieux dicton, ce que femme veut Dieu le veut : Je veux un bébé! Je veux un bébé! qu'elle vous martèlera une nouvelle fois telle est son obsession, comme sa mission suprême sur la terre. Pour moi, c'est le signe évident de notre malediction sur cette terre en venant au monde à cause d'un caprice d'une folle et qu' on le paye très sévèrement en conséquences! Que leur fils devienne un assassin, elle ira le voir en prison pour lui dire des mots doux et proclamera même devant le juge qu'il est innocent! N'est-ce pas une histoire de fous, tout ça? Et dira avec force conviction qu'il est impossible qu'il soit devenu un assassin, car tout enfant il était doux comme un agneau et que ce sont les Hommes qui l'avait rendu méchant( ce qui n'est pas entièrement faux, quand on sait que les circonstances sont dans 90 % des cas les raisons des crimes). Mais un avocat aura-t-il le cou-rage de mettre sur le banc des accusés, la société toute entière?

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Personnellement, je n'y crois pas et pour la simple raison que ce cas ne s'est jamais présenté pour l'instant. Que leur enfant naisse avec une patte en moins, elle dira au docteur qu'elle veut le garder et qu'elle aimera comme un vrai enfant! Et s'il est mongol, Madame? Réponse sans appel : Je veux le garder, c'est mon enfant! Bref, la liste serait longue a énumérer, car nous avi-ons affaire ici visiblement à une entêtée qui fera tout pour garder près d'elle son paquet de via-nde vivante pour des raisons qui nous dépassent totalement! Étrangement, les rois et les reines, qui ont toujours proclamé leur pouvoir descendre de dieu, sont logés à la même enseigne que nous tous et que le nouveau prince tant attendu n'aura aucune origine divine( c'est pour cela qu'il est mortel), car issu d'un simple caprice entre un roi et une reine qui ont besoin d'une des-cendance pour garder le pouvoir au sein de leur dynastie. Et les rois sont contents quand la population de leur royaume grossie en pouvant lever des armées plus importantes ainsi que des impôts etc. Merci, Mesdames, encore une fois! Oh comme je vous hais et pour toutes ces rais-ons, maîtresses du diable! A part ma mère( qui n'était pas une femme comme les autres) qui m'a abandonné à ma naissance, car j'étais laid avec un bec de lièvre, des oreilles en forme de choux-fleur et une face qui ressemblait à Elephant Man! Sans parler de mon père que je n'ai jamais connu et qui ne s'est jamais manifesté pour me reconnaître. Qu'il aille au diable, le mé-creant! Ma mère était sûrement une femme très intelligente, quand elle a vu du premier coup d' oeil que je n'aurai aucun avenir parmi les Hommes. Alors elle m'a abandonné pour ne pas dev-oir assumer mon malheur et le sien au passage. C'est étrange de parler de cette malédiction originelle, mais les enfants qui ont une mère et un père ne sont pas forcément plus heureux pour autant. Car il est possible que le bonheur ne dépende pas qu'on ait des parents ou non, mais d'un don que la nature nous ait fait pour jouir tout simplement de la vie et de ses joies en toutes circonstances. Il est évident que ces hommes et ces femmes, touchés par la grâce, sont une minorité parmi nous, je dirai même en voie d'extinction vu la méchanceté qui régne aujou-rd'hui dans notre socièté telle une grosse verrue, n'est-ce pas?

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Je sais que c'est paradoxal ce que je dis là. Mais pour nous autres, qui n'avons hérité d'aucun talent pour le bonheur, la partie semble comme perdue d'avance. Je sais bien que c'est dure de l'entendre. Mais sachez, mes chers compagnons d'infortunes, que notre malheur nous vient des femmes qui nous obligent à perpétuer notre malheur en fondant une famille à notre tour. Oh excusez-moi, Mesdames, d'avoir été grossier avec vous! Mais il faut vous dire les choses telles qu'elles sont et vous vous en privez pas, n'est-ce pas? C'est vrai que j'ai un compte à régler avec vous et vous en connaissez parfatement les raisons!

Fabien, sentant soudainement une douleur à la jambe, partit s'allonger sur son canapé.

Le problème des femmes, se disait Fabien, c'était leur corps, ce corps remplis de déisrs inavou-ables qu'elles n'arrivaient pas à satisfaire en sachant que la majorité des hommes avait un petit zizi, ce qui representait pour elles leur plus grande angoisse devant l'éternel, si l'on peut dire. Ne nous le cachons pas, mais la recherche de l'étalon reste quand même leur grande occupation existentielle et malgré que celui-ci ne pourra pas satisfaire toutes ces chiennes en chaleur. En sachant que la nature avait des limites où l'etalon ne pourra pas malheureusement mettre son engin dans tout ce qui roule du cul( risque de crise cardiaque) au grand désespoir de ces dames, Ah!Ah!Ah! Comme c'est dommage! se lamentent-elles, comme s'il sagissait d'un grand malheur alors que s'en était pas un, sauf pour elles, bien evidemment. Mais Messieurs, ne vous inquiè-tez pas pour elles, car pour ces dames rien n'est impossible et piquer le petit ami d'une de se amies( qui d'après la rumeur avait un gros engin) ne sera pas un problème même au prix de perdre une de ses meilleurs amies! Mais les femmes sont ainsi, sans véritable morale, mais de véritables natures qui ne vivent, il faut le dire, que pour les grandes passions. Impatientes en tout, elles sont les maîtresses et les organisatrices du chaos social, comme je vous le disais pré-cédemment. Et moi qui suis laid comme un babouin, je peux vous en parler en toute connai-ssance de cause, parce que je sais que nous subissons depuis des millénaires leur dictature bes-tiale!

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Surtout ne leur parler pas de sagesse ou de politique, sinon elles risquent de se mettre en colère ou en furie contre vous. Parler leur plutôt d'amour et de sentiments qui semblent plus diploma-tique pour les mettre à l'aise. Car c'est leur domaine de prédilection et leur terrain de chasse où elles excellent, bref, celui de la manipulation du mâle afin qu'il tombe dans ses filets et lui fas-se des enfants au passage. Oui, disons le clairement, ce sont des poules pondeuses que la nature à fabriqué pour que la vie ne s'arrête jamais, comme pour mieux installer le chaos chez nous, les hommes. Moi qui suis celibataire, j'ai comme bien de la chance de ne pas vivre avec une de ces hyènes qui j'en suis sûr ferait de ma vie un camp retranché ou un champ de bataille. Peut-être que ma laideur est une bénédiction, je me demande parfois en pensant aux hommes qui sont emmerdés toute la journée par leurs femmes et par leurs mômes qui craillent à tout bout de champ du wc au salon? J'ai lu dans le figaro( un journal serieux aux pages scientifiques) que le cerveau des femmes n'avaient pas évolué depuis l'ère préhistorique! Alors que celui des hommes avaient augmenté de volume montrant qu'il prenait de la matière grise au fur et à mes-ure que le monde se complexifiait. Les scientifiques avaient basé leur étude sur l'évolution de la taille entre les hommes et les femmes où celle de l'homme augmentait de siècle en siècle, alors que celle de la femme restait petite, comme si elle n'évoluait pas? C'était la question que se posaient les scientifiques à la fin de leur article sans vouloir bien évidemment enfoncer le clou et se mettre à dos toute la gente féminine.

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Imaginez Madame Figaro, prise d'hystérie, envoyant des lettres d'injures à la direction du Figa-ro pour boycotter tout bêtement leur magazine préféré! Non, messieurs, vous ne verrez pas d' ici tôt ce genre de choses dans la presse qui, ne nous le cachons pas, cajolait leurs lectrices co-mme des poules aux oeufs d'or, ce qui n'était pas loin de la vérité, n'est-ce pas? Les scientifiqu-es en concluèrent que si le cerveau des femmes n'évoluait pas, c'est parce qu'elles n'en avaient pas besoin pour se reproduire en sachant que la reproduction de l'espéce humaine n'avait pas besoin d'un enorme QI, mais tout bêtement d'une santé de fer et d'un goût immodéré pour la jouissance, telle était la définition exacte de la femme, n'est-ce pas? Bien sûr, vous allez me dire qu'il existait des femmes intelligentes, oui, c'est vrai, mais en apparence. Car tout ce qu' el-les savent, elles l'ont piqué aux hommes et vous le répètent comme un vulgaire magnétophone. C'est dire le desarroi de ces derniers de répondre à ce genre de machine qui vous parlait de soi-disant raison, sagesse, philosophie, etc alors que seul leur instinct les guidait afin de connaître vos points faibles et vous prendre dans leur toile d'araignée. Et des femmes écrivains parlons en, Ah!Ah!Ah! En fait, ces femmes se prenaient pour des hommes, n'ayons pas peur de le dire et c'était complètement ridicule! Car comment montrer qu'on était aussi intelligent que ces dern-iers, sinon qu'en imitant leur profession ou leur posture pour se mesurer à eux? Bref, en leur empruntant leur pantalon par un phénomène de mimétisme qui n'avait rien à voir avec l'intell-igence, mais avec l'imitation, n'est-ce pas? Et la femme, qui voulait devenir un homme pour des raisons délirantes d'égalité, voulait désormais jouer à armes egales avec les hommes qui, il faut le dire, avaient des capacités physiques et intellectuelles que les femmes ne pourraient ja-mais égaler!

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Mais bon, l'imposture avait ceci de bien qu'elle vous faisait croire qu'il existait des femmes intelligentes, alors que c'était totalement faux! Lisez leurs livres et vous n'y verrrez que des hi-stoires d'amours et de séductions déguisés en grands concepts intellectuels, bref, du Freudisme avant l'invention du médicament, ce qui ne pourra jamais tromper un homme intelligent, mais seulement des imposteurs qui voudraient nous faire croire que la femme avait du génie, alors qu'elle n'en avait aucun sauf de donner la vie, ce qui n'était pas négligeable, n'est-ce pas? Et si les hommes leur accordaient bien volontier ce titre de génie, c'est parce qu'ils avaient pitié d' elles en se faisant passer pour de soi-disant hommes évolués qui auraient compris le combat des femmes qui serait de nature pacifique et non de foutre le bordel autour d'elles, ce à quoi je ne coyais pas du tout, mon ami! N'avez-vous pas remarqué que les homosexuels, malgré leur répulsion pour les femmes, prenaient souvent la cause des femmes? L'explication est tout sim-ple : mêmes interêts, même combat! Car eux aussi voulaient foutre le bordel dans la socièté toute entière qui, il est vrai, les culpabilisait sur leur sexualité déviante. Mais bon, moi person-nellement, j'ai toujours eu plus du plaisir à parler avec un homosexuel, qui se cachait de l' être, que de parler avec une ces bonnes femmes qui me faisait la grimace quand j'essayais de lui adr-esser la parole, Ah!Ah!Ah! Fabien avait maintenant envie d'insulter les femmes pour son seul plaisir : trou de balles, trou par devant, trou par derrière, gorge profonde, abîmes sans fond, dresseuses de bites qui feraient mieux de travailler dans un cirque qu'à la sécurité sociale! Rouge de plaisir, il se demandait pourquoi les hommes pour l'instant n'avaient jamais écrit de livres sur la détestation des femmes?

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Moi personnellement, si j'avais du talent, j'en écrirais bien un dont le titre serait vite trouvé. Il s'agirait de l'homme qui haïssait les femmes! C'est dire un titre haut en couleur qui sûrement ferait un best-seller dans la caste des mâles, alors que chez les femmes un roman à jeter au feu et pourquoi pas une raison pour aller couper les couilles à son auteur si on l'attrapait? En fait, se disait Fabien, si ce livre n' avait jamais pu voir le jour, c'est parce que les hommes étaient bien trop lâches pour pouvoir l'écrire (sur ce point, elles avaient entièrement raison). Bref, par une lâcheté qui les empêchaient de leur dire la vérité toute crue sur leur dépravation physique et mentale. Fabien imaginait alors, avec ce livre hors catégorie, des scenarios rocambolesques sur l'auteur qui serait poursuivi jour et nuit par une bande en furie voulant le mettre en charpie pour lui avoir dit simplement la  vérité! Un jour, il est fort possible que l'on découvre l'auteur du roman, mort chez lui, emascullé, les couilles enfonçées dans la bouche! L'annonce dans les journaux people ferait alors exploser les ventes et surtout procurerait un énorme plaisir aux lectrices avides d'émotions et de vengeances, n' est-ce pas?

Age mental des femmes environ 7 ans! Ce n'est pas moi qui le dit, mais un magazine dit seri-eux où des scientifiques l'avaient calculé lors d'une étude sur le cerveau des femmes. Leur con-clusion les avait beaucoup surpris et en particulier les femmes chercheuses qui travaillaient alors sur cette étude qui ne s'attendaient pas à ce resultat déplorable!

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Même si certaines d'entre elles, conscientes des conséquences dévastreuses sur l'image de la femme, avaient éssayé tout bonnement de faire disparaitre les résultats en brûlant les docum-ents. Mais pas de chance pour elles, car ces derniers avait été dupliqués et protégés dans un coffre sous haute protection. Desormais, la nouvelle au niveau mondial allait les humillier et les faire traiter de petites filles par leurs maris et par leurs collègues de travail, ce qui était pour elles une situation bien difficile à tenir quand on se croyait l'égal d'un homme, n'est-ce pas? Moi personnellement si j'étais une femme, je démissionnerais sur le champ et me ferais pouss-er la moustache pour trouver un emploi dans la maçonnerie, Ah!Ah!Ah! Ce qui serait, je pense, la meilleure solution pour les plus intelligentes d'entre elles dont l'âge mental est de 8 ans, n' est-ce pas? En fait, ce qui me désole le plus au monde, c'est de savoir que les hommes par une totale inconscience ont laissé le destin de l'humanité entre les mains d'une petite fille et à tous ses caprices! Et sans aucun doute à cet endroit stratégique que l'on apercevait la grande lâcheté des hommes qui, si intelligents soient-ils, ne voulaient pas endosser la responsabilité d'un futur chaos social! Et sur ce point, je les trouvais extrêmement intelligents, voir d'une adresse redou-table, mais que les femmes ne seraient saisir vu leur âge mental déplorable. Mais bon, les hom-mes sont ainsi faits, veules et lâches afin de ne pas se sentir culpabiliser sur le destin de leur pr-ogéniture, n'est-ce pas? Et disons le franchement sur le destin du monde. Fabien, sans le savoir ( car il n'était pas très cultivé) venait de mettre au remblais tous les concepts de Freud sur la notion de culpabilité basée sur le complexe d'Oedipe qu'il ne connaissait pas (où le fils tue son père pour baiser sa mère) par sa propre expérience d'enfant qui n'avait jamais connu sa mère et son père. Sans le savoir, il offrait désormais à l'humanité, une vision toute nouvelle sur la not-ion de culpabilité.

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En gros, si le monde tournait mal, c'était en grande partie à cause des femmes! C'est ce que pe-nsaient la plupart des hommes heureux désormais de se débarrasser de ce sentiment de culpabi-lité qui leur gâchait souvent l'existence afin de s'adonner à leurs plasirs : les jeux, la chasse et les femmes faciles. En fait, l'erreur de Freud a été d'intellectualiser la Nature, alors que celle-ci était tout bonnement pleine de bon sens pour ses créatures où l'homme était le géniteur et la femme un ventre pour donner la vie. De ce fait, la femme, en mettant au monde une créature, devenait aussitôt la première responsable. Quant à l'homme, il était le simple spectateur de cet horrible spectacle qu'on appelait l'accouchement. Bref, un accouchement auquel il refusait d' assister pour ne pas tomber dans les pommes! En allant boire un coup avec ses amis ou faire une partie de carte où la mauvaise foi était un plaisir jamais dissimulé. Mais ainsi était l'hom-me veule et lâche afin d'agir comme il l'entendait, n'est-ce pas? Je ne dirai pas qu'il n'était pas courageux, mais parfois ça lui arrivait quand il se trouvait au pied du mur, mais qu'il évitait autant que possible en connaissant son extrême intelligence. Alors que la femme était extrême-ment naïve devant les événements de sa vie où son courage était un vrai courage, mais malhe-ureusement sacrifitionnel. C'était la grande difference qu'il y existait entre l'homme et la fem-me où l'un combattait pour le plaisir de combattre et l'autre pour le plaisir de se sacrifier. Et tandis que l'homme voulait tuer avant d'être tué l'autre se jetait dans le feu sans qu'on lui dem-ande. Fabien était surpris d'apprendre tant de choses grâce à un petit article paru dans un maga-zine scientifique où l'homme était comparé à la femme.

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En tant que célibataire (qui n'avait jamais connu de femmes et disons-le franchement, l'amour et le sexe), toutes ces questions semblaient venir d'une autre planète. Car qu'était-il lui exacte-ment, un homme ou une femme? Personnellement, il ne le savait pas et c'est ce qui le mettait souvent en porte à faux avec le monde dans lequel il vivait. Un vieux garçon qui n'avait pas de vie amoureuse ni même de relation avec les femmes que cela pouvait bien être : un monstre, un avorton, un être asexué, un homme inachevé, un légume? Fabien ne le savait pas lui-même et évitait souvent d'y penser et on pouvait bien le comprendre. Pour en revenir à notre équipe de scientifiques (qui s'était débarrassée des femmes pour ne pas fausser les resultats), celle-ci av-ait réalisé une autre étude concernant l'acte sexuel entre l'homme et la femme. Les résultats fu-rent une nouvelle fois surprenants en constatant, lors de l'acte sexuel, que la femme diffusait dans le corps de l'homme une toxine ou une sorte de poison qui à plus ou moins long terme rendait l'homme fou! Et l'on constatait après deux ou trois années de vie commune que l' hom-me commençait à taper sur sa femme sans savoir pourquoi et elle non plus. Les scientifiques avaient essayé d'expliquer cet étrange phénomène et en avait conclu que c'était dans l'ordre des choses que l'homme, après avoir fécondé la femme, n'avait plus véritablement d'utilité pour la nature. Bref, qu'il s'était reproduit et qu'il pouvait mourir le devoir accompli, CQFD!

Pour illustrer ceci, ils avaient pris en exemple le vol nuptial du bourdon qui, après avoir fécon-dé la reine des abeilles, celle-ci lui broyait les testicules et notre pauvre bourdon, dépourvu de ses parties sexuelles, se plantait dans le décors et mourait après avoir fait son devoir dicté par la Nature. Tous ces resultats surprenants furent bien évidemment contestés par un collectif de femmes qui s'était réuni afin de défendre l'image de la femme et de sa féminitée où être traitée de petite fille, quand on était directrice d'un grand departement d'Etat ou d'une grosse boite, de-vait être puni d'une grosse amende. Les scientifiques avaient éssayé de se faire comprendre, mais la furie de certaines d'entre elles, les avait poussé à mettre de l'eau dans leur vin et leurs articles furent mis au conditionnel, afin de calmer la férocité de ces hyiènes. A la fin de leur ar-ticle, les scientifiques (plein de sagesse) conseillèrent  aux jeunes hommes, qui voulaient vivre vieux de ne pas se marier ou du moins d'éviter de fréquenter les femmes, si ce n'est qu'avec des preservatifs! Mais une nouvelle fois, le collectif des femmes porta plainte auprès du parlement Européen pour crime contre l'humanité! Les scientifiques, harcelés jour et nuit par des femmes en furie, furent obligés de céder et louèrent l'activité sexuelle comme un bienfait pour l'homme et la femme ainsi que pour l'humanité. Ainsi tout rentra dans l'ordre, disons pour un certain te-mps. Car sans le savoir, les scientifiques venaient de commencer la guerre des sexes! Ce qui pour Fabien, dans son for interieur, le faisait rugir et rougir de plaisir, Ah,Ah,Ah!

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Avec le mépris qu'il avait employé pour parler des femmes, il se demandait s'il n'allait pas dev-enir un jour un serial-killer?

Mais quand il regarda son état d'impotent et de ses muscles qui se tétanisaient quand il les ban-dait, il poussa un long soupir d'amertume de ne pouvoir un jour satisfaire ce grand plaisir d' étrangler de ses propres mains, une de ces chiennes en chaleur! Meurtri dans sa chair et dans son âme, il partit vers la fenêtre pour voir ce qui se passait dans la rue où le soleil se mit soud-ainement à briller. En poussant le rideau, il aperçut en contre bas, un groupe de jeunes filles dont les jupes très courtes annonçaient déjà les beaux jours. Et pour une raison inconnue, celles-ci s' arrêtèrent sous ses fenêtres et se mirent soudainement à rire à gorges déployées au point qu'il aperçut leurs seins s'agiter comme de gros obus! Fabien, pendant un instant, crut sentir sous ses pieds de grosses secousses et se retint à l'espagnolette de la fenêtre pour ne pas tomber! Ecoeuré, il savait pertinement qu'avec les beaux jours, elles allaient jeter leurs obus ou leurs ogives nucléaires dans le coeur des hommes et faire les dégâts qu'on connaissait tous. Dépité et se sentant toujours aussi seul dans la vie, il retourna s'asseoir sur son canapé à la même place où il posait toujours ses fesses, sans bien s'en rendre compte, c'est à dire sur le continent américain et plus précisément sur les USA, le chancre du monde! Fabien, qui avait lu dans sa jeunesse, Céline, en vérité n'aimait pas beaucoup le personnage et surtout sa littérature à laquelle il n'avait jamais rien compris. Mais se rendait compte ici qu'il était entièrement d'ac-cord avec lui sur l'état clinique de l'Amérique, c'est à dire un gros bouton de pue, n'est-ce pas? Et puis ne nous le cachons pas, le serial-killer n'était-il pas made in América?

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1 semaine plus tard

Ohé mes amis, cette semaine j'ai revu Pedro! et ça m'a fait vachement du bien de pouvoir enfin sortir de toutes ces pensées funestes sur les femmes. Je sais bien pour leur avoir dit la vérité qu'elles me détesteront pour longtemps. Mais bon, pourquoi irai-je leur dire pardon en sachant bien qu'elles ne m'aimeront jamais du fait que je suis laid? Bref, passons à autre chose et à des choses plus agréables. Oui, comme je vous disais, j'ai revu mon ami alors que je ne m'y attend-ais pas du tout. Car comme d'habitude, je broyais du noir sur mon canapé, quand au milieu de l'après midi, j'ai entendu quelqu'un frapper à ma porte sans savoir qui ça pouvait être en pens-ant au pire comme d'habitude. Mais alors quelle fut ma surprise de le voir apparaître devant moi tout rayonnant de bonheur avec son large sourire et sans que je lui demande me prendre dans ses bras! Oh mon dieu, si le bonheur existe, je suis convaincu que Pedro en fait partie! Pour quelle raison, je l'ignore complètement et ne veux point le savoir. Car il y a des choses qu'on ne doit pas essayer de comprendre, comme la beauté de la nature et pourquoi la vue du soleil nous rend heureux? Ceci est un mystère qu'on ne résolvera pas d'ici tôt. Mais c'est peut-être ce qu'on appelle tout simplement l'amour? Un amour sans sexe ou le grand amour univer-sel comme disent les grands prêtres? Pour ma part, Pedro est pour moi comme un soleil radi-eux même s'il me raconte parfois ses mésaventures qu'il veut bien partager avec moi. Car il sait que je suis seul et sans amis et que mon seul plaisir est de l'écouter parler : moi qui n'a rien d' intéressant à raconter sinon de décrire aux gens de passage ses éternelles douleurs issues d'une vieille souche française dégénérée!

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Il est evident avec ce type de discution que mes relations avec les gens ne peuvent pas durer bien longtemps et vous comprendrez pourquoi. En le serrant contre moi, jai senti comme le souffle de la liberté m'étreindre et ça m'a fait énormément de bien. Alors Fabien, comment tu vas depuis la dernière fois? me lança-t-il comme on lance une perche à un homme qui est en train de se noyer( en sachant bien que je vivais dans un total isolement à cause de ma laideur). Tu sais, Pedro, comme tu le vois, je me porte à merveille! je lui repondis sans savoir pour qu' elle raison( car dix minutes auparavant, j'étais malheureux comme les pierres). Mais bon, com-me j'avais envie moi aussi d'être heureux, j'oubliais toutes mes douleurs et mes haines contre les Hommes. Mais viens t'asseoir, Pedro! Tu sais bien qu'il y a toujours une place pour toi sur mon canapé. Merci, mon ami. Et tu peux t'asseoir sur n'importe quel continent du monde, je te laisse le choix, lui dit-il. Pedro, entendant cela, se mit aussitôt a rire quand il vit que le canapé était recouvert du même tissu que le sien où tous les continents étaient représentés. Ah!Ah!Ah! je vois que tu as beaucoup d'humour et ça me fait plaisir que tu sois en forme de ce côté là. Fabien ne dit rien sur cette allusion et l'invita plutôt à s'asseoir. Étrangement, Pedro posa ses fesses sur les USA comme une habitude historique ou peut-être comme une envie de dire à son ami qu'il n'aimait pas beaucoup les américains? En fait, il ne lui demanda aucune explication en comprenant que son ami, en posant ses fesses sur l'Amérique avec un ouf de soulagement, était venu avec des idées pacifques et généreuses.

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Café? lança soudainement Fabien à Pedro qui était confortablement installé sur le canapé. Bien sûr! lui répondit-il en ne voulant pas déroger a la cérémonie du café qui symbolisait la naissan-ce de leur amitié. Tu m'excuseras, mais je n'ai pas de café de Colombie à t'offrir, mais seule-ment du café de la maison du café qui entre nous n'est pas mauvais, car peu cher pour les gens à faibles revenus comme moi. Mais ne t'inquiètes pas pour ça, mon ami, ça suffira très bien pour renouer notre amitié. Ah oui? dit Fabien troublé par cette réponse venant du coeur. Mais oui, car je sais que dans ce café tu y mettras le meilleur de toi même et c'est pour moi le plus important. Bien, bien, dit-il en s'avançant, non moins rassuré, vers la petite table de la cuisine où était installée sa cafetière électrique(qu'il utilisait rarement faute de monde) genre moulin-ex en doutant sur la qualité de son café à offrir aux amis. En le regardant remplir au robinet le reservoir de sa cafetière, Pedro ne dit rien, mais l'observait en voyant bien qu'il n' avait pas de cafetière à l'italienne comme lui, mais comprenait vu son handicap qu'il ne pouvait pas rester longtemps debout devant sa cuisinière a surveiller le café sur le feu en compatissant entièrem-ent aux maux et aux douleurs de son ami. Après qu'il ait mis un filtre neuf dans la cafetière, puis de la poudre à café de la maison du café à l'intérieur, il appuya sur l'interrupteur marche de la machine et dit : Maintenant, il n'y a plus qu'à attendre que le café se fasse tout seul!

Oh oui, tout seul! s'écria intérieurement Pedro en comprenant qu'un jour les machines auront tout envahi dans notre vie quotidienne où nous seront à leur service, bref, leurs esclaves. Ce qu'il arbhorait de tout son coeur, lui, l'homme libre qui s'insurgeait contre le modernisme env-ahissant des machines. Tu veux des petits beurres avec le café? lui demanda-t-il soudainement en se tenant debout devant le placard de la cuisine. Si tu veux ouvres en un paquet. Mais moi, personnellement, j'en raffole pas surtout trempés dans le café! Mais toi, si tu as faim, ne te gên-es pas. D'accord, d'accord, dit Fabien en ouvrant la porte du placard où il sortit un paquet petit Lu. Quand il passa devant sa machine à café, celle-ci ne chantait pas comme la cafetière italie-nne de Pedro( qui avait un bruit de petit train a vapeur), mais la sienne avait le bruit d'un vieux paquebot proche du dernier voyage. Bof, bof, dit-il en allant rejoindre son ami sur le canapé. Oh zut, j'ai oublié les tasses! lança-il en posant ses fesses sur le canapé et sa canne à coté de lui. Mais non, reste assis, je vais les chercher! Merci, je te redevrais ce service. Pedro se leva et alla directement ouvrir le placard où il sortit deux tasses à café dont les décorations le prirent com-me par surprise en y apercevant des motifs Incas et Mayas! Sous ses yeux charmés et étonnés en même temps, il vit des glyphes peints délicatement sur la porcelaine ainsi que des dieux hauts en couleur dont il reconnut le plus célèbre d'entre eux, Quetzacoatl, le célèbre serpent à plumes qui représentait pour les Mayas, l'inventeur du livre et du calendrier, bref, le symbole de la pat-ience et de la persévérance.

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Mais Fabien, tu ne m'avais pas dit que tu avais un service a café comme celui-là où mes dieux étaient honorés sur de la belle porcelaine! Heu..oui, bredouilla-t-il quelque peu gêné que son ami sâche desormais qu'il avait une fascination pour ces civilisations disparues: fascination qui datait depuis leur nouvelle amitié. Heu, oui, oui, j'ai acheté ce service à café dans une petite boutique de commerce équitable dans le quartier. Je crois qu'elle s'appelle la boutique du nou-veau monde où les produits sont originaux, mais surtout bon marché. Oh, mon cher Fabien, viens que je t'embrasse! lança Pedro en allant vers le canapé pour l'accueillir entre ses bras. Mon cher Fabien, sais-tu que par ton action, mon peuple d'Amérique latine peut enfin vivre dignement? Heu...oui sûrement, dit-il un peu gêné. Mais vois-tu, je l'ai fait surtout pour notre amitié et je ne pensais pas à tout cela en faisant mes achats. Mais c'est tout comme! dit Pedro enthousiasmé par les bonnes intentions de son ami qui en le pressant entre ses bras puissants lui fit un peu mal aux côtes. Ah, mon ami, comme nous nous ressemblons! Ah oui? dit Fabien étonné d'une telle comparaison avec Pedro qui était une force de la nature que la traversée de l'amazonie à pied et en pirogue avait rendu quasiment indestructible. Avant d'étreindre son ami dans ses bras, il avait posé les deux petites tasses à café sur la table basse et les avait choisi avec pertinence afin que la cérémonie du café soit représentative de leur amitié. La sienne rep-résentait le dieu, Quetzacoatl, le célèbre serpent à plumes et celle de Fabien, Itzamana, le dieu guérisseur afin qu'il puisse un jour le guerir de tous ses maux et de ses maladies héréditaires. Les deux petites tasses à café, posées sur la table basse, attendaient impatiemment la precieuse boisson des Dieux afin de celebrer leur amitié.

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Mais comme il était issu de ces peuples Incas, Mayas et Atztéques, il savait pertinement que la boisson des dieux n'était pas le café, mais le chocolat. Mais qu'importe! pensa-t-il en regardant Fabien pris dans des reveries d'éternelles amitiés.

A l'époque, où l'empereur Moctezuma règnait sur l'empire Aztèque, le chocolat était réservé uniquement à l'élite régnante ainsi qu'à ses plus valeureux guerriers. Et c'était au prêtre, désig-né pour cette fonction liée à la nourriture, de préparer la précieuse boisson qui plaisait tant aux Dieux. Et si par hasard, celui-ci était trop vieux ou bien malade, il pouvait demander à une jeu-ne vierge d'allez cueillir a sa place les précieuses cabosses en lui indiquant toutes les caractéri-tiques requises pour honnorer, selon le rite des anciens, la grande cérémonie du chocolat où fo-rmes et couleurs étaient déterminantes pour reussir la précieuse boisson des dieux. La jeune vi-erge, équipée de son panier tressé, s'enfonçait alors dans la forêt avec dans la tête toutes les rec-ommandations de lieux et de qualités que le grand prêtre lui avait dictés pour choisir les meill-eurs cabosses. Dès son panier rempli, elle le ramenait au temple en espérant que ses choix avai-ent été les bons et dès qu'elle voyait un large sourire s'esquisser sur le visage du prêtre, elle sa-vait qu'elle bien travaillé et qu'elle serait récompensée par quelques épis de maïs qui à l'époque valait de l'or! La jeune vierge, heureuse, baisait alors la main du grand prêtre. Mais avant qu' elle ramène sa récompense chez elle( où elle sera félicitée par les siens pour son dévouement pour la communauté), le prêtre lui disait qu'il aura encore besoin d'elle pendant quelques jours pour préparer la célèbre boisson des dieux où elle devra faire sécher les fèves au soleil et les surveiller afin d'éviter qu'on les vole!

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Car à cette époque, les opposants politiques à l'empereur Moctezuma ne manquaient pas et au-raient été très heureux de gâcher la grande cérémonie du chocolat, qui représentait pour eux le mépris pour le peuple, bref, pour celui qui n'avait pas le droit de boire cette boisson réservée uniquement à l'élite régnante! La boire en cachette était considéré par le pouvoir comme un sa-crilège en punissant de mort celui qui serait surpris en le soumettant au sacrifice humain auqu-el il manquait souvent des victimes consentantes. On pouvait rapprocher cette révolte populai-re avec celle du peuple égyptien qui, prenant conscience de n'avoir pas accès à la vie éternelle, comme leur pharaon et à sa famille par le procédé de l'embaumement gardé jalousement par les grands prêtres, se révoltera un jour contre cette grande injustice qui le bannissait pour toujou-rs de cette vie dans l'au-delà! Question intéressante : le peuple, en tant qu'entité ou multitude, aurait-il le droit lui aussi à la vie éternelle ou bien serait-ce une totale gageure de le concevoir? Je sais bien que pour les républicains ou les démocrates, cette question ne se posait plus grâce à leur grande Revolution qui avait donné au Peuple un passeport pour la vie éternelle entre au-tre politique, afin de légitimer son pouvoir pour les temps à venir. Mais était-ce vrai ce menso-nge ou bien ne serait-ce là qu'une simple carte de séjour temporelle donnée au citoyen pour le rassurer, vu que personne ne connaîssait l'avenir des sociétés? Quant aux rois et aux pharaons, il était totalement exclu que le peuple puisse être admis dans ce royaume de la vie éternelle où Dieu, le tout-puissant, ne pouvait admettre en son sein que les héros ou les génies et non cette multitude d'esclaves qui encombrerait vite son paradis!

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Etrangement dans l'antiquité, on comparait souvent l'esclave à un poisson qui rêvait d'avoir des ailes pour pouvoir voler! Ce qui bien sûr était d'une totale aberration pour les hommes pétris de raisons, n'est-ce pas? Mais bon, on avait affaire ici à un homme qui sans conteste aimait la liberté, mais par un manque total de courage hésitait à la saisir haut le corps de peur de l'affr-onter ou bien par la peur de l'inconnu. En sachant que l'esclave par nature aimait bien garder ses boulets aux pieds symbolisés par le travail et sa propre reproduction, ce qui le rassurait dans sa vie quotidienne où son avenir était tracé par ses maitres. Bref, il restait esclave parce que cela lui évitait de trop réfléchir sur lui-même et de prendre son destin en main, telle était sa tare héréditaire que l'on observait toujours chez l'esclave d'aujourd'hui où sa pensée était un long héritage d'habitudes ancestrales qui, ne nous le cachons pas, était propre au troupeau com-me nous le savons tous. Ceci est dit sans mépris, mais qu'une constatation, n'est-ce pas? Bref, un poisson qui rêvait d'être un oiseau tel était le grand paradoxe chez l'esclave voir une quad-rature du cercle qui lui était impossible à résoudre, ce qui ne nous le cachons pas faisait beau-coup rire les hommes libres qui ne se posaient pas ce genre de questions sur la légitimité de le-urs actions. Pour revenir à notre sujet, on peut dire ici, sans bien se tromper que cette désacra-lisation ou démocratisation de l'accés à la vie éternelle pour le peuple a été la perte de la civili-sation Egyptienne : où ses hautes valeurs, desormais popularisées, n'offraient plus alors aux puissants et aux Dieux les raisons de magnifier l'excellence des choses de la vie et de ses mys-tères. Puisque tout était devenu désormais banal par ce rabaissement du divin au niveau des hommes, à celui de la masse et du nombre, Dieu était devenu un "mec" comme tout le monde et les légendes et les mythes pouvaient alors disparaître de la surface de la Terre, ce qui marq-uait pour moi d'une manière définitive, la fin de l'antiquité!

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Quant aux Aztèques et aux Mayas, cette démocratisation de la cérémonie du chocolat, bref, du chocolat pour tous! fut rendue possible grâce au célèbre serpent à plumes, Quetzacoatl qui l'o- ffrira au peuple pour que celui-ci le boive tous les matins du monde, comme nos anciens die-ux. N'oublions pas aussi de dire, à notre cher lecteur, que Quetzacoatl était le symbole de la pa-tience et de la persévérance, ce qui ne pourra tromper personne quant à son message prophétiq-ue! Bref, par toutes ses qualités quasi intemporelles, appartenant au livre et au calendrier, nous pouvons dire ici qu'il fut l'un des premiers dieux révolutionnaires voués à la cause du peuple voir un Christ avant l'heure? Ceci nous est permis aussi de le penser.

Pedro, assis confortablement sur le canapé en attendant que le café soit passé entièrement dans la machine, semblait méditer sur ces questions concernant la vie éternelle pour tous. Bref, le chocolat pour tous, le bonheur pour tous, la dignité pour tous, la liberté pour tous, l'amour pour tous, le succès pour tous, le fric pour tous, le bac pour tous, le sexe pour tous, etc, ce qui l'ébranla pendant un instant en pensant que tout ceci ne fut pas bien raisonnable pour l'humani-té voir une chose impossible à realiser. Parce que tout simplement cette grande idée généreuse découlait d'un grand mensonge inventé par les hommes, et plus précisément, par ces grands dé-magogues que le troupeau ou le peuple avait élu afin qu'ils soient leurs bergers et les guider pour les siècles à venir. Et si l'on pouvait admettre du génie au peuple, ce fut bien de ce coté qu'il fallait le chercher. Car après avoir "descendu" froidement les dieux les plus illustres de leurs piédestales, comme dans un vieux polar américain, il les dépèceront lors d'un grand festin qu'ils appeleront le jour de la libération des peuples. Ce jour là, ne nous le cachons pas, fut in-oubliable pour le genre humain qui s'affranchissait pour toujours des dieux en leur dictant dé-sormais ses exigences et non plus l'inverse. Après ce carnage ou cannibalisation des dieux par les hommes, devenus deitropophages, ils créeront un nouveau dieu, un dieu fait à leur mesure et à leur image et non plus à celle de ces dieux égoïstes et cruels!

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Pour ma part, je pense, que la naissance de la religion chrétienne est née de ce grand mouvem-ent vers le bas et par cette grande démocratisation du divin afin de l'humaniser pour dire simpl-ement les choses. Dans le but bien évidemment de le rendre accessible au commun des mortels, mais avec l'inconvénient de perdre en force, puisque morcelé et divisé en millions de parties pour que chaque individu puisse en posséder une infime partie. Bref, ce fut la chute des dieux dans les grands marécages humains et ceci pour longtemps! Je ne conteste pas que tout ceci soit une superbe invention des Hommes pour avoir leur destin en main. Mais moi, personnelle-ment, je suis convaincu que tout ceci n'assure en rien le bonheur ni la paix pour l'humanité (voyez l'Histoire du 20 ème siècle!). Pedro sentait intimement que la grande force du christian-isme, disons même son genie, se trouvait dans cette grande et belle invention qu'était l'amour universel! Car même s'il savait qu'elle n'était qu'un beau mensonge, il devinait aussi qu'elle était une magistrale spéculation sur l'avenir des sociétés humaines : où l'Homme pourra envi-sager un possible amour pour son prochain! Et si par hasard, ce grand mensonge fonctionnait, mais qui pourraient s'en plaindre, sinon les idiots? Par conséquence, les Hommes ne pouvaient qu'y gagner et s'en réjouir, n'est-ce pas? Supposons, mon cher lecteur, que Dieu ne soit qu'une magistrale invention ou spéculation religieuse ou intellectuelle. Alors, il faut se l'avouer, mais sans ce dieu chrétien, qu'est le Christ, cette idée de l'amour pour son prochain n'aurait jamais existé parmi les Hommes en sachant bien que l'Homme a toujours été un loup pour l'Homme!

En parlant de cet amour universel, inventé pour que la paix soit entre les Hommes, il ne faut surtout pas le confondre avec l'amitié dont l'origine est plus ancienne que l'amour pour son pr-ochain. Car l'amitié est naturel, d'ordre privé et individuel, alors que l'amour pour son prochain est d'ordre mystique, universel voir utopique. Excluons aussi de ce dernier, cet amour qu'il y existe entre un homme et une femme qui, comme nous le savons tous, est naturel et physique en vu de perpétuer l'espéce, ce qui n'a aucun rapport avec l'amour pour son prochain qui est une superbe consolation pour ceux qui ne peuvent aimer naturellement. Pedro qui était issu de ces peuples disparus( les Incas, les Aztèques et les Mayas) et lui-même baptisé par l'Eglise ca-tholique semblait comme tout connaitre sur ces religions polithéites et monothéistes où leur seule différence résidait dans l'invention du mensonge pour demain, afin de faire cohabiter ens-emble des Hommes pleins de superstitons avec ceux pétris de raison et de sagesse.

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Bizarrement, la croyance en l'existence de Dieu relevait d'un curieux mélange de superstitions, de raison et de sagesse. De superstitions, car personne, comme je le crois, n'avait vu Dieu de ses propres yeux, n'est-ce pas? De raison, car personne de censé ne pourrait croire qu'il était le fruit du hasard, mais bien d'une volonté supérieure qui le dépassait. Puis enfin de sagesse, car le bien a toujours été préférable au mal et malgré que ce dernier soit toujours persistant dans la société des Hommes où la colère est une fois de plus préférable au meurtre ou au suicide, n' est-ce pas?

Ainsi est la nature humaine, mouvante et incertaine où la superstition à encore de beaux jours devant elle. La preuve de ce que je dis : faites tomber devant un évêque un crucifix par terre et vous verrez alors dans ses yeux une colère pleine de fureur contre vous! C'est dire que l'Hom- me par nature est impressionnable, voir superstitieux et malgré tous les efforts qu'il fait pour ne pas le montrer. Mais au juste qui lui dit qu'il est fort, sinon sa propre faiblesse? De même peut-on reprocher à quelqu'un d'être faible ou peureux, alors que nous-même le sommes en certaines circonstances? Et puis qui peut dire d'une manière définitive qu'il est courageux, si-non un fou et se rendre ridicule aux yeux de tous qui n'attendent qu'une chose de voir votre chute, celle de votre prétentieuse arrogance? Pedro, bercé entre rêve et réalité, se réveilla sou-dainement quand il entendit la cafetière lâcher un jet de vapeur accompagné d'un bouillonnem-ent étrange. Ca y'est, le café est prêt! s'écria Fabien en s'elançant vers sa cafetière électrique av-ec le sourire aux lèvres. Pedro ne dit rien et le laissa faire afin qu'il lui laisse le plaisir de le se-rvir. Fabien, arrivé devant la petite table de la cuisine, sentit une bonne odeur de café envahir ses narines et semblait se réjouir d'avoir réussi un bon café en voyant la carafe contenir un pré-cieux liquide noir et profond. Mais avant d'arrêter la machine, voyant la surface de ses sucres en morceaux piqués de petits points noirs, bref, par des oeufs de mouches, discrêtement il sou-ffla dessus pour les faire disparaître!

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Puis appuya sur le bouton stop de la machine et par un miracle de prestigitateur se saisit de de-ux petites cuillères, du pot à sucres, du bol contenant le café et le tout entre ses mains d'une agilité remarquable ramenait l'ensemble vers Pedro où ce dernier, les yeux ahuris, se demandait comment son ami pouvait réaliser ce miracle, lui, le malade, l'handicapé? Mais non, mais non, ne bouge-pas, Pedro, je vais y arriver tout seul! lança-t-il en le voyant commencer à remuer sur le canapé. D'accord, je te laisse faire! lui dit-il en le regardant avec des yeux pleins d'admiratio-ns pour sa témérité. Se tenant debout, sans sa canne, se balançant un coup à gauche puis à droi-te, il ressemblait étrangement à un équilibriste qui semblait tenir entre ses mains un trésor ines-timable qui était son amitié pour Pedro! Mais un trésor qu'il sentait encore très fragile et qu'il ne fallait surtout pas le faire tomber au risque de le briser! s'effrayait-il en regardant Pedro pétrifié au fond du canapé.

Arrivé devant la petite table basse, il plia les genoux, puis posa un par un tout son trésor fait pour séduire son ami, puis se releva pour admirer de haut son exploit que Pedro soudainement applaudit en frappant dans ses mains. Bravo! Bravo! Magnifico! Magnifico! lança-t-il en gestic-ulant sur le canapé comme un hystérique. Ah!Ah!Ah! ria Fabien heureux d'éprouver pour la pr-emière fois de sa vie cette gloire qu'il pensait seulement accessible aux gens bien nés qui lui ét-ait jusque là interdit de toucher à cause de sa laideur. Envahi par cette chose toute nouvelle p-our lui, il fut saisi de soudains fous rires, Ah!Ah!Ah! Oh!Oh!Oh! que Pedro accompagna par des grognements d'animaux, Ou! Ou! Ou! Hu! Hu! Hu! et par des grimaces venant de ces peu-ples primitifs dont il était l'héritier. Voyant son ami se métamophoser en un grotesque animal sur le canapé, il ne prit point peur, mais se mit à danser autour de la petite table tel un petit sau-vage. Mais sentant qu'il lui manquait quelque chose, il partit dans la cuisine chercher sa canne, puis revint vers Pedro en la brandissant comme une lance pour se remettre à danser autour de la petite table. Pedro, ahuri de voir Fabien se métamorphoser en guerrier, sentit soudainement ses pouvoirs de sorcier ressurgir en vidant le pot à sucre sur la table qu'il mit aussitôt sur sa tê-te tel un casque d'or, puis partit à la poursuite de son ami qui venait d'entamer une danse pri-mitive qu'il semblait redécouvrir. Tournoyant et martelant ainsi le plancher autour de cette tab-le basse, ciselée de motifs Incas et Mayas, nos deux amis semblaient avoir retrouvé des ailes, bref, leur origine mi-homme-mi-animal. Et un sourire mystérieux prit alors possession de leurs bouches, comme pour leur signifier le passage d'un monde à l'autre ou d'une civilisation à une autre où la magie résidait dans le dépouillement de soi de tout objet encombrant ou inutile!

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Et si Pedro et Fabien avaient choisi pour l'un sa canne et pour l'autre son casque d'or pour entr-er en communication avec ce paradis perdu, ce n'était pas anodin, mais bien parce qu'il leur fallait à chacun sa clef d'entrée! Car il faut le dire que tout le monde s'imaginait un peu naïve-ment qu'une seule et même clef eut suffi pour accéder à ce monde originel, alors qu'il n'en fut rien. Comme dans cette globalisation des croyances qui voulait nous faire croire qu'il n'y avait qu'une seule vérité pour tous, comme si le paradis pouvait être le même pour tout le monde. Ce qui nous parut totalement faux, quand nous vîmes soudainement nos deux amis franchir les portes du paradis! Et d'après de vieux dictons, dont on ne connaissait pas les origines, on disait que le paradis des riches, c'était l'enfer pour les pauvres! Le paradis du besogneux, l'enfer du jouisseur! Le paradis de l'homme sain et vigoureux, l'enfer du dépravé! etc. Aussitôt, franchies les portes de son paradis, Fabien, armé de sa lance, bondit dans une savane ensoleillée d'où s'é-xalait de la terre de puissantes odeurs sauvages. L'aube venait tout juste de se lever et il cour-ait, bondissait tel un springbok avide de libertés et d'exploits physiques. Où faisant des bonds infernaux à travers la savane, il semblait défier les forces de la gravité en prenant de plus en plus de vitesse, comme pour se griser l'esprit où sa gorge commençait à s'échauffer tel un four-neau et ses narines s'humidifier de sucs et d'épices enrichissant son oxygène et raffermissant ses muscles. Jamais, il ne se sentit aussi bien qu'en cet instant en se demandant si tout cela n'était pas un beau rêve? Mais quand il se vit, vêtu d'une peau de bête où ses muscles saillaient à tra-vers, il comprit soudainement qu'il avait retrouvé son état de nature où toutes ses douleurs mo-dernes s'étaient comme volatilisées! Sur ses lèvres charnues se dessinaient à nouveau ce sourire énigmatique.

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Ce sourire n'était pas un sourire cynique ou arrogant, comme la plupart des gens pourrait le croire, mais propre aux dieux et aux sorciers en s'insinuant à chaque fois sur leurs bouches lor-squ'ils traversaient les portes de l'Eden. Aujourd'hui, où la réussite économique était édifiée comme une icône ou un graal dans notre socièté, ce sourire qu'on nous affichait en grand fo-rmat à la télé ou au cinéma n'était en vérité qu'une image factice du bonheur ou de la réussite! Alors que celui éprouvé par Fabien et Pedro était bien réel, vécu et ressenti dans les moindres particules de leur être. C'est ce que différenciait le présent-réel du passé-acquis boursouflé de préjugés, d'argent et de matières inutiles. Ainsi en accédant à ce monde originel, qui comptait 13 dimensions ou paliers, Fabien venait d'éprouver ses premières sensations d'homme libre qui, ne nous le cachons pas, contrecarraient les rationnalistes ou les scientifiques qui avaient décrété que l'espace ou l'univers était composé de 3 dimensions : la hauteur, la largeur, la prof-ondeur après avoir injustement négligé d'y incorporer nos 5 sens : l'ouie, l'odorat, la vue, le goût, le toucher, comme si la modernité devait nous transformer en homme mathématique! Bref, en pénétrant dans cette nouvelle dimension, Fabien comprit qu'ils étaient tous dans l'err-eur en sentant soudainement dans sa bouche un goût de fruit confis et de fleur de pavot et sur sa peau ruisseler une eau parfumée d'écorce et de terre fauve. Sa vue, qui s'était décuplée ma-gistralement depuis peu de temps, pouvait voir tres discinctement des objets situés à des mil-liers de kilomètres de lui. Jusqu'à faire le point sur une fourmi escaladant une botte de terre ou bien une branche où elle croquait les feuilles délicieusement tendres.

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Par l'acuité de tous ses sens retrouvés, il devinait à distance le goût des choses, leur texture, leur toxicité ou non, leur utilité pour la nature, bref, là où le chatoiement des couleurs était un langage à part entière que l'Homme moderne avait complètement oublié ou négligé. Fabien, qui courait toujours dans la savane, tout à coup se transforma en papillon en apercevant au dessus de lui ses ailes multicolores claquer dans l'air limpide! Enivré par cette métamorphose, il s'éleva dans l'air chaud en suivant ses courants ascendants qui l'entrainèrent vers un coin boi-sé où il se posa sur une fleur aux couleurs chatoyantes et fascinantes. Étrangement, personne ne connaissait le nom de l'autre et s'en moquait éperduement. Car donner un nom aux choses était une activité exclusivement humaine afin de le répertorier dans un grand catalogue ou en-cyclopédie, bref, tout ce que la nature se refusait d'établir afin de prospérer et de créer de nouv-elles espèces. Comme deux amoureux tendrement enlacés chacun admirait la beauté de l'autre où Fabien la recouvrit aussitôt de ses ailes multicolores comme pour la protéger. Ses yeux immenses soudainement se déportèrent sur ses ailes où ils se dessinèrent délicatement fardés de poudre lumineuse. Ainsi pour la première fois de sa vie, il fit l'amour avec un être vivant qui était une fleur! Bouleversé par cette première expérience quasi-extrasensorielle, il sentit qu'il pouvait désormais se mélanger à n'importe quelle espèce animale, végétale ou minérale en se métamorphosant par la seule force de sa volonté et ainsi démultiplier son existence. Apparem-m ent, le surhomme ou l'homme augmenté dont nous parlait les livres de Nietzsche et de Jules Verne ainsi que la télévision avec la série de l'homme qui valait 3 milliards avait peu de resse-mblance avec celui que Fabien venait d'expérimenter grâce au sorcier Pédro. Parce que Zarat-houstra, chez Nietzsche, était avant tout un sage qui, redescendant de sa montagne où il s'était exilé, voulait retrouver les Hommes afin de leur apporter ses enseignements. Bref, une foncti-on toute à fait humaine et classique du philosophe dont le message moral était destiné aux petits hommes.

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Quant au capitaine Némo, le heros de Jules Verne, celui-ci avait voué son existence à la scien-ce qu'il croyait au-delà du bien et du mal! Mais ô combien s'était-il trompé! Alors que chez Fa-bien, on sortait radicalement du cadre humain en accédant à une nouvelle dimension quasi-ex-trasensorielle où il n'était plus question d'imagination, comme dans les romans, mais de méta-morphoses extrahumaines. Bref, après qu'il eut fécondé une trentaine de fleurs sur son passage en sentant sa puissante force reproductive, il s'éleva en haut d'une montagne luxuriante afin de dominer l'horizon, mais surtout par une envie soudaine de s'y jeter telle une cascade d'eau éti-ncelante! Dans sa tête, l'idée qu'il puisse devenir à cet instant un élément liquide lui sembla tout à fait réalisable et plongea aussitôt dans la vallée sous la forme d'un torrent trépidant. Bref, bondissant, jaillissant, tournoyant, bouillonnant sur les pentes escarpées, Fabien ne chev-auchait pas les flots, comme auraient pu le décrire les poètes classiques et autres écrivains d' imagination, mais il était devenu lui-même torrent où dans cet élément liquide, il sentit monter en lui l'effervescence de ses sens. Une joie soudaine l'envahit comme rafraîchissant toutes ses pensées liquides où il pouvait enfin épouser toutes les formes de son environnement et entraî-ner dans ses flots puissants tous les éléments nutritifs de ces possibles rivages. Cet enrichisse-ment lui semblait comme bénis des dieux et le consolait de la froideur de ces eaux glacées. Purifié, régénéré par ces rives fécondes, Fabien riait et riait comme un fou, s'émoustillait à chaque passage dangereux sur son parcourt, puis rebondissait sur un rocher têtu comme une pierre, puis glissait par dessus pour lui montrer sa puissante souplesse et crachait parfois viole-mment sa méprise sur ceux qui ne voulaient pas le laisser passer, puis adoucissait ses humeurs durant ces longues courbes s'insinuant au fond de la vallée. Arrivé dans ces lacs profonds et glacés, il plongea aussitôt dans les fonds sous-marins où il vit des êtres surnaturels l'observer, le frôler, mais sans en être éffrayé pour autant!

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Darwin avait apparemment peu d'adeptes dans ces milieux aquatiques où la pensée humaine était quasiment inexistante voire incompréhensible par ces êtres aux yeux globuleux et aux me-mbres recouverts de bosses et de mousse. Point de doute que nous avions affaire ici à des cri-tères de beauté placés aux antipodes de ceux des Hommes. En se trouvant pour la plupart très beaux et malgré leur hideuse apparence! Fabien avait le sentiment que tous ces êtres surnatur-els venaient de cette montagne magique qu'il venait de descendre comme un torrent fougeux. Et que ces milliers de rivières, cascades et torrents, dévalant les pentes escarpées chargées d'all-uvions et d'éléments nutritifs, se rejoignaient dans ces lacs pour former la vie. Plongé dans ce microbiote ou placenta, il retrouvait ses origines moléculaires et une naissance heureuse qu'il n'avait jamais eue en nageant maintenant parmi ces êtres inhumains. Devant lui passa fièrement un cheval de mer, mesurant 3 mètres de haut, qui lui proposa une petite balade au fond du lac. Sans aucun mot prononcé, ils se comprirent aussitôt et Fabien monta dessus pour le chevau-cher tel un cavalier aquatique. Il ne semblait faire qu'un avec sa monture qui l' entraîna vers une cité perdue où les êtres exraordinaires dialoguaient entre elles par une forme télépathique. La pensée existait bien, mais elle n'était pas formée par des mots ou par des concepts philoso-phiques ou intellectuels, mais par des mouvements de consciences que les êtres employaient pour se faire comprendre. Appartemment, c'était le langage avant le langage où le mensonge n'existait pas encore. Ainsi Fabien conçut que l'Homme n'était pas l'inventeur du langage, mais qu'un utilisateur quelconque de cet entendement que les êtres vivants utilisaient depuis l'aube des temps pour se faire comprendre. Et la question ne fut pas de traduire une langue en une autre, comme l'entendait les Hommes, mais bien de retrouver la langue originelle et universelle qui nous sortirait enfin de nos éternels malentendus. Vois-tu, Fabien, cet homme furieux en bas! lui dit soudainement son cheval de mer en lui montrant un homme enchaîné à un rocher qui insultait tout le monde sur son passage. C'est une de nos attractions préférées dans notre monde!

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Ah oui et pourquoi donc? lui demanda-t-il d'un air curieux. Parce que ce fou, que tu vois vociférer et insulter tous les êtres qui ne sont pas comme lui, se prend pour le roi du monde! lui dit le cheval de mer dont la noblesse d'âme ne pouvait être remise en question. Autour de cet homme hystérique, tous les êtres surnaturels riaient à ouïes déployées en lâchant des bulles d'humours comme dans les bandes dessinées. Et parfois se désolaient que la nature eut la faibl-esse de créer un être si imparfait et médiocre. Décidément, cet homme était de nature méchante vu qu'il ne voulait toujours pas abdiquer sa défaite même les fers aux pieds! s'indignaient tous ces êtres supérieurs au fond de leurs coeurs. Je me vengerai! Je me vengerai de cet affront sur ma personne, bande de macaques! lança l'homme en essayant d'arracher ses chaînes solidement ancrées aux rochers de Neptune. Tout autour du rocher, une armée de douze singes surveillait le prisonnier et semblait bien courageux d'endurer les insultes quotidienne de ce fou! pensaient les badauds en visitant ce parc d'attraction niché dans les fonds sous-marins. L'éclairage était assuré par une colonie de méduses fluorescentes et un grand écran placé à proximité était for-mé par un banc de poissons brillants et argentés. Apparemment, dans ce monde liquide et vaste de la pensée, l'attraction principale était l'Homme en voie de dégénéréscence mentale et physi-que, Ah!Ah!Ah! Pour Fabien, qui chevauchait son cheval de mer, il n'y avait aucun doute sur tout cela. Et pour faire jaser leur prisonnier, les êtres extraordinaires avaient coulé, à quelques encablures de là, un navire rempli d'or dont les lingots brillaient de mille feux sur le pont. L' homme, rendu furieux par tout cet or qui lui était impossible d'atteindre, criait : Rendez-moi mon or! Rendez-moi mon or, bande de voleurs! Cet or est à moi! Il m'appartient! A l'évidence tout devait lui revenir à cet homme hystérique! s'indignaient les êtres surnaturels dont les pois-sons néttoyeurs astiquaient les lingots afin de faire endurer les nerfs du prisonnier, mais aussi pour assurer le spectacle aux visiteurs.

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Sous la crinière d'algue de son cheval de mer, Fabien sentit sous ses doigts le nom gravé de celui-ci. Les premières lettres étaient FA puis lA puis DA. FALADA! s'écria-t-il en se demand-ant ce que ça pouvait bien signifier. Le cheval, qui avait entendu son nom, lui dit aussitôt : Oui, je m'appelle bien Falada et je suis le véhicule qui permet aux poètes et aux conteurs d' explorer le monde des fables et des légendes. Mais avant de te parler de tout cela, mon ami, regarde plutôt l'écran à ta droite et tu verras tout ce dont l'Homme est capable de faire d'irrév-ocable sur son environnement. Aussitôt sur l'écran, formé par le banc de poissons, on vit appar-aître les premières images montrant des paysages apocalyptiques où des usines crachaient leurs fumées noires et toxiques dans l'atmosphère, puis des villes asphixiées par la polution autom-obile, puis des centrales nucléaires dont le noyau atomique avait explosé et désintégré toute la nature environnante! Bref, un chaos sur la terre, dans le ciel et dans les eaux causé principale-ment par l'Homme que toutes les formes d'intelligences déploraient les dégâts irréversibles. Ensuite, on vit des images effroyables sur la révolution française où des Hommes guillotinai-ent d'autres Hommes parce qu'ils n'étaient du même avis que le leur! Toutes les intelligences regroupées autour de cet écran frissonnaient de peur pour la suite à venir. Puis défilèrent sur l' écran des images de la guerre où des Hommes s'entretuaient pour des questions de territoires et d'orgueil national. Dans les tranchées de 14-18, les Hommes suaient sang et eau dans la boue où l'on voyait scintiller dans leurs yeux cette lucidité qu'on nommait froidement la conscience de vivre un vrai cauchemar où l'on ne pouvait s'en sortir que par la mort brutale et anonyme! Bref, une mort injustement ressentie au plus bel age de la vie au temps des fleurs et de l'amour. Pendant que l'Homme anonyme mourait atrocement mutilé par les balles de ses semblables, un peu plus loin dans une clairière où aucun combat fratricide n'avait lieu, un champ de pâque-rettes montrait l'espérance du monde. Et sous la brise légère, les fleurs se balançaient gracieu-sement en attendant l'amour et les nuits torrides.

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Étrangement, l'Homme enchaîné à son rocher n'exprima aucune indignation et aucun remords devant les images effroyables qu'il venait de voir, mais avait plutôt l'air de s'enorgueillir! Hau-ssa même le front pour indiquer à ses détracteurs qu'il était fier du combat entrepris par ses frè-res humains pour la liberté. Aussitôt, les esprits s'agitèrent et s'indignèrent devant l'attitude pr-ovocatrice de cet Homme vaniteux qui vantait le crime au lieu de la vie. Ah!Ah!Ah! ria-t-il ivre de ses exploits scientifiques et criminels envers ses frères et la nature. Oui, je sais bien que vo-us me regardez comme une bête curieuse. Mais c'est vous les monstres, les bêtes immatures! A voir vos faces grimaçantes et à écouter vos discours moralisateurs, il est trop facile de juger un Homme quand celui-ci est enchaîné! Et si vous aviez un peu de courage, ô juges suprêmes des consciences, vous lui rendriez sa liberté pour qu'il puisse se défendre. Mais vous en êtes incap-able, car vous êtes tous des lâches et des avortons de la pensée primaire. Vous ne me valez mê-me pas un dixième, mes chers gogols, parce que moi je suis mon seul juge et que dieu n'existe pas! expédia-t-il à la face de tous ces êtres surnaturels pris de sidération par les propos de cet irascible. Pour moi, vous n'êtes qu'une bande de macaques et de faces grimaçantes! lança-t-il à nouveau. Et puis en quoi le destin de l'humanité vous concerne t-il, vous les êtres inhumains? Et puis merde si les Hommes veulent bien s'entretuer, faire des génocides, c'est seulement pour régler leurs affaires internes de surpopulation ou d'économie et non une affaire de morale, n' est-ce pas? Et puis entre nous si ce n'est pas son frère qui l'assassine ou le pousse au suicide, n' est-ce pas la vie elle-même qui le fera en l'entrainaint vers la vieillesse et la mort? Apparem-ment, cet Homme arrogant passait au tribunal des consciences et se défendait avec une audace inouïe! trouvait Fabien assis sur son cheval de mer. Cet Homme est une tentacule! lâcha Falada qui aurait bien voulu l'encorner avec ses deux licornes qu'il portait sur la tête. Ah!Ah! Ah! ria à nouveau l'Homme pris de délire et de pensées mégalomaniaques, comme pour savourer sa vic-toire à lui tout seul. Prenant un air supèrieur devant ces êtres sidérés, il leur dit : A mes chers invertébrés, vous ne pouvez pas comprendre les choses qui vous dépassent!

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Et puis pensez un peu dans votre petite cervelle de poisson que sur la Terre, les Hommes sont plus de 7 milliards et qu'en en décimant, par exemple, 50 millions, cela ne constituerait qu'une goutte d'eau dans l'ocean! leur expédia-t-il avec un cynisme que les êtres supérieurs avaient du mal à saisir et à comprendre. Intrigués, ils demandèrent que cette pensée leur fut traduite en langage intelligible, car tout cela semblait complètement les dépasser. Et convoquèrent, au-près de leurs instances, une espèce proche de l'espèce humaine( les requin-marteaux) pour leur apporter quelques éclaircissements sur tout  cela. En quelques mouvements télépathiques ces derniers leur confirmèrent qu'ils n'avaient pas été victimes d'hallucinations sonores, mais que l'Homme leur avait bien dit que la mort de l'autre lui était complètement indifférent! Le juge suprême à la peau recouverte de bosses et de mousses ne put garder son silence et lui expédia haut et fort : Mais si je tuais ta mère et ton père en serais-tu affecté? L'Homme, enchaîné au rocher, pris d'une rage soudaine contre l'impertinence du juge, lui jeta en pleine face : Si vous osez toucher un seul cheveux des êtres aimés, je vous assassinerais sans aucun remords! Aus-sitôt, les esprits supérieurs comprirent que l'Homme était atteint d'un égoïsme monstrueux qui le rendait particulier dangereux pour les autres. En considérant qu'une cellule humaine étant composée de 5 à 6 individus, le reste du monde devenait aussitôt pour elle son grand en-nemi. Fabien, sans prévenir, demanda à son ami, Falada, si l'on pourra un jour libérer cet Ho-mme irascible de ses chaînes? Le cheval de mer, qui l'avait bien entendu, se retourna pour lui dire : Mon cher, Fabien, toi qui a eu la chance d'explorer le monde des mythes et des légendes, comprends que si cet Homme est toujours prisonnier de ses chaînes, c'est parce qu'il ne s'est toujours pas réformé ou amélioré et malgré toutes les révolutions qu'il ait pu entreprendre sur lui même. Et si les esprits supérieurs le retiennent, depuis des lustres à son rocher, c'est parce qu'il persiste à croire qu'il est le centre du monde et que ce monde lui appartient. Fabien, int-erpelant à nouveau son ami, lui dit: Mais penses-tu vraiment que cet Homme est une erreur de la nature et que sa mission cachée serait de détruire toutes les espèces vivantes sur la terre?

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Oh oui, sans aucun doute! répondit Falada en se dirigeant vers la surface. Fabien, cabré sur son cheval de mer, avait alors l'impression de traverser les différentes paliers de la conscience, non pas de l'âme humaine, mais de la conscience planétaire appartenant à tous les êtres vivants. Ap-paremment, par sa propre expérience extrasensorielle, il venait de dépasser les concepts de Fre-ud sur l'inconscient et le subconscient en ayant atteint lui-même cet état d'hyperconscience où son corps était devenu liquide et rempli de planctons luminescents où à travers la membrane transparente de sa peau, il pouvait voir battre son coeur! Et bien qu'il fut désormais visible par tous, il se réjouissait de voir qu'il n'avait rien à cacher aux autres en montrant au monde entier ce spectacle grandiose qui lui semblait d'une très grande beauté jusque-là inégalée par le genre humain! Dans son coeur, pulsés d'éclairs luminescents, irriguait, non pas du sang, mais une so-urce d'eau pure qu'il sentit comme une félicité organique régénérant son être humainement ma-lade. En observant son cerveau, il sentit ses deux hémisphères fusionner ensemble et se transf-ormer en une sphère parfaite où un état de perfection s'empara aussitôt de son esprit où le bien et le mal se confondaient pour s'annuler complètement ainsi que ses instincts male et femelle. Il n'était pas devenu androgyne, comme on aurait pu le penser, mais métamorphos, car il pou-vait désormais se fondre dans n'importe quelle espèce vivante ou minérale. Son ami, Falada sentit alors son maitre, non comme un poids, mais comme un compagnon des océans. Courant ainsi à grandes chevauchées vers la réalité, Fabien se grisait de son nouvel état d'inhumain et caressait tendrement l'encolure de son cheval de légende. Allez, cramponne-toi! lui dit-il en se cabrant furieusement dans la montée où il commença à lui raconter sa rencontre avec les frères Grimm dans ce monde des contes et des légendes. Vois-tu, Fabien, lui dit-il, quoiqu''ils fussent un peu lourd à porter tous les deux, leur compagnie fut très agréable pour moi au point de me donner le nom étrange de Falada. C'est à dire le cheval qui parle tout le temps et qui ne peut s'empêcher de dire la vérité. Falalalala! balança grotesquement Falada, comme pour se moquer de son nom d'origine aristocratique et germanique.

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Fabien, qui était ignare dans le domaine de la littérature, fut impressionné par la mémoire pro-digieuse de son cheval et ne se pria pas de lui demander qui étaient les frères Grimm? Oh, ce serait une longue histoire à te raconter! Mais sâche que ces deux enfants et malgré leur âge ava-ncé de 50 lunes rousses voulaient absolument connaître les contes et légendes qui s'étaient per-dus au fond des âges. Et je ne sais par quelle magie, mais ils ont pu atteindre comme toi cet ét-at d'hyperconscience où j'étais apparemment le véhicule où la brave bête pour dire franchement les choses. Bref, où courage, bravoure, témérité, force physique étaient les qualités qu'il m'ont attribuées pour leur permettre d'atteindre ce monde merveilleux. Et comme je suis très bavard comme une oie, ils en ont profité pour me voler une bonne cinquantaine de petites histoires! Et j'ai appris récemment, par un écrivain qui s'était égaré dans les environs, un certains Hantz Dit-zen, qu'ils m'avaient introduit dans un de leurs petits contes qui s'appelait, je crois, la petite ga-rdeuse d'oies. Et bien que je fus très touché par tout cela, une chose m'avait particulièrement indigné dans cette histoire où ces deux malotrus n'avaient pas hésité à me faire trancher la tête pour me fermer le clapet! Mon cher Falada, dit Fabien, révolté par le drôle de remerciement des frères Grimm, à t'entendre parler je crois bien qu'ils n'y sont pas arrivés, Ah,Ah,Ah! C'est sûr! dit Falada en montant sur ses grands chevaux. Et puis entre nous qui pourrait taire la vérité qui sort de la bouche d'un cheval? lui demanda-t-il un peu naïvement. Oh sacrément, personne! s' exclama Fabien en voyant la surface arriver au dessus de lui. Tu te rends compte, dit Falada, je leur ai offert sur un plateau en or, le petit chaperon rouge, Cendrillon, Tom Pouce et voila co-mment ils me remercient, ces deux garnements! lâcha-t-il tout furieux. Mais ne t'énerves pas comme ça, mon brave cheval! lui dit-il en voyant soudainement la réalité émerger. Celui-ci ne pouvant le suivre dans cette nouvelle dimension fut bien triste de devoir le quitter ici et lui dit : Mon ami, je dois désormais te laisser, car dans le monde ou tu vas je n'ai aucune emprise. Je le sais bien, dit Fabien ému en chevauchant son cheval comme pour la dernière fois.

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Levant les yeux au ciel, il vit soudainement un aigle royal, emplumé de couleurs, tournoyer au dessus du lac. Il ne lui fallut qu'un instant pour reconnaitre son ami Pedro qui semble-t-il ne l'avait pas lâché d'une semelle depuis leur danse féerique. Au fur et à mesure qu'il regardait da-ns sa direction, l'oeil de l'aigle grossissait, grossissait au pont de remplir entièrement la surfa-ce du ciel! Il est temps pour toi de rentrer! entendit-il par la voix du ciel. Ayant compris le me-ssage, il se jeta dans les eaux pour arriver très rapidement sur le rivage où il s'endormit. Dans l'appartement, situé rue de la lanterne rouge, où nos deux amis avaient entamé leur danse féeri-que, épuisés de fatigue, ils se jetèrent l'un contre l'autre sur le canapé où le choc fut si brutal qu'ils se réveillèrent comme à regret dans la réalité. Fabien sentit aussitôt ses vieilles douleurs revenir et explosa de rire afin de les atténuer un peu et les cacher à Pedro qui essayait de retro-uver ses esprits. Apparemment, leur atterrissage dans la réalité fut si violent que Pedro dut se dégager pour laisser son ami respirer un peu. Mais je veux rassurer, mon cher lecteur, qu'il ne s'agissait ici en aucune façon d'une relation homosexuelle, comme auraient pu l'interpréter les sociologues, psychanalistes ou psychiatres, mais d'une véritable amitié entre Pedro, le sorcier des Andes et Fabien, le malade de l'Occident. Il est possible aussi par perversité que j'aie pu ab-user de la situation en mettant en scène deux garçons sur un canapé! Et tout compte fait que j'étais peut-être moi-même un homosexuel refoulé? Mais sans faux semblant, je vous dirai que cette histoire n'était pas la mienne, mais celle d'un jeune homme dont le testament était en train de s'écrire où je voulais intervenir le moins possible pour ne pas fausser le déroulement Et bien qu'il fût attiré naturellement par les garçons, cela ne prouvait en rien qu'il était homosexuel, mais qu'il aimait seulement leur compagnie. Telle fut ma conclusion en les voyant émerger à nouveau dans la réalité. Fabien, enivré par des souvenirs lointains, ne savait pas comment rem-ercier son ami pour ce voyage à la limite des sens. Et Pedro, silencieux, sentit qu'il avait retro-uvé ses pouvoirs de sorcier grâce à son nouvel ami.

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Il leur sembla que le monde occidental et le monde primitif étaient seulement séparés par une membrane invisible. Et que ce plafond de verre, on ne pouvait pas le briser, comme on brisait une vitre pour y passer à travers, mais qu'on devait se dépouiller de tout objet inutile pour le franchir. Et qu'il ne s'agissait ici en aucune façon d'aller cambrioler les lieux, où il y aurait un soi-disant trésor à emporter, mais seulement d'avoir l'honneur de les visiter pour se regénérer et reprendre goût à la vie! Et que d'explorer ces lieux, encore magiques avec un esprit matérial-iste, fut comme les faire visiter à un aveugle. Parce que le visible et l'invisible se tenaient si pr-oche que les Hommes par facilité avaient choisi le visible et les apparences pour se rassurer et se croire vivants. Mais l'étaient-ils vraiment? Mais que connaissaient-ils au juste de la vraie vie? Mais que connaissaient-ils du présent, sinon que le grand assommoir quotidien des affair-es humaines : des bouchons sur les routes, des couloirs du métro, de l'enfer du boulot, de la hi-èrarchie, du harcèlement et des salaires de misère? De même que tous ces fonctionnaires, enfe-rmés toute l'année dans leurs bureaux, locaux, classes, que connaissaient-ils de la vraie vie, sin-on des lieux chauffés au frais de la collectivité, un emploi à vie, un salaire à vie, une retraite assurée en ignorant la rigueur de l'hiver et cette crainte qu'on les pauvres gens de ne pouvoir se chauffer, manger à leur faim et garder leur dignité? Mais que connaissaient-ils aussi des saiso-ns, sinon que la vue du paysage défiler derrière le carreau des vitres, comme à regret? Il est fort possible que ce soit la seule poésie qu'ils puissent encore éprouver, bien malheureusement, à l'abri de tout risque climatique sauf d'une panne de chauffage ou d'une inondation causée par un tuyau percé, Ah!Ah!Ah! Alors que pour les pauvres gens, soumis à toutes les températures et diverses conjonctures, la joie immense de retrouver le printemps en quittant leurs gros pulls delaine et leurs grosses chaussettes pour aller courir dans les champs et respirer le parfum des fleurs. Il est vrai que tout se paye même la joie de se sentir vivant!

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Mais quelle tristesse de voir les professeurs de philosophie enseigner la philosophie au lieu de l'éprouver! Un choix forcement professionnel et non existentiel, n'est-ce pas? Mais que de frus-trations dans ces lieux éducatifs et publics où la liberté a été supprimée au nom du confort int-ellectuel et économique, bref, au nom du risque zero! C'est dire un désastre complet pour notre civilisation où la non-vie a été choisie comme existence végétative qui finira forcément en monarchie intellectuelle et républicaine de la plus médiocre qualité. Et puis que leur importe ( les fonctionnaires) de faire venir des millions de travailleurs immigrés sachant qu'ils ne seront jamais touchés par le chômage? De même que de vider les caisses de l'Etat en sachant que le travail du peuple les remplira à nouveau? Je ne vous cacherai pas que tout ceci sentait la proc-haine révolution et que le futur combat sera entre les mort-vivants de la fonction publique et les hommes bien vivants que nous sommes, nous les libres penseurs. Ce sera un combat fratr-icide entre la vie et la mort pour la survie de notre société occidentale où le vivant l'emportera, forcément. Enfin, les masques tomberont et les idoles de pierre seront détruites, jetées à terre pour une nouvelle civilisation dont nous auront été les investigateurs pour le bonheur des peu-ples nouveaux. Mais que s'est-il passé? demanda soudainement Fabien à son ami. Pedro qui à ses côtés semblait lointain, inacessible dont la peau était devenue étrangement cuivrée, comme celle de ses ancêtres Incas et Mayas et ses cheveux à l'aspect de plumes d'oiseau d'un noir de jais et ses pupilles formidablement dilatées où Fabien put voir à travers les restes de l'autre monde garnit de pétales de fleurs. Prudent, il s'avança sur le canapé pour le réveiller en lui do-nnant une petite tape sur l'épaule. Ohé, Pedro, ça va? lui demanda-t-il en le voyant aussitôt se métamorphoser en son vieil ami. Sur la table basse, où il avait posé tout son attirail pour célébrer leur amitié, les petites tasses tout à coup s'entrechoquèrent dans un bruit de cristal où le café se mit étrangement à bouillonner comme un cratère de volcan! Heu?

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Heu? Oui, oui, ça va ! lâcha Pedro du bout des lèvres. Mais où étais-tu pendant tout ce temps? lui demanda-t-il d'une façon brutale. Mais je n'en sais rien! répondit-il en reposant sa tête sur le dossier du canapé. La seule chose qui me revient à la mémoire, c'est cette folle envie de danser et de tourner autour d'un totem ou d'un truc comme ça! Et quand je t'ai vu entreprendre cette danse féerique, je n'ai pas pu resister au tournoiement de tous mes sens et je t'ai suivi avec tou-te l'allégresse de mon coeur. En lui racontant son expérience extrasensorielle se trouvaient à proximité de la table, posé sur le sol, la canne de Fabien qui était un peu tordue ainsi que le pot à sucre recouvert de bosses victime lui aussi apparemment du franchissement de la porte vers l'autre monde. Il semblait que tous les objets et les êtres vivants dans l'appartement avaient été marqués par cette expérience extraordinaire où les murs s'étaient étrangement écartés d'une ma-nière si prodigieuse qu'ils croyaient vivre désormais dans une vaste demeure ouverte sur le ciel voyageant aux confins de l'univers où le canapé s'était transformé en vasseau spacial dont le bonheur était la destination finale! A l'intérieur se trouvait un aquarium géant où étaient expos-ées toutes les créatures vivantes de l'univers. Étonnement autour d'eux tout était devenu vivant aussi bien l'air qu'il respirait tel un elixir de jouvence que la lumière du jour traversant puiss-amment leurs yeux tels des rayons d'energies pouvant traverser toutes les matières opaques de la réalité. Tout leur être absorbait ces éléments comme une nourriture divine où leur peau était devenue le receptacle de toutes les caresses inimaginables où ils pouvaient toucher désormais Dieu du bout des doigts tels que les saints hommes l'avaient toujours rêvé! Etrangement, celui-ci leur chantait une contine d'enfant : Je te tiens, tu me tiens par la barbichette. Le premier qui rira aura une tapette! Tatata, tatata aura une tapette! Apparemment Dieu était un enfant très es-piègle et immature, parce que le jeu pour lui changeait tout le temps et n'avait pas de limites, bref, interminablement renouvelé par des règles définies pour un certain temps et non pour l' éternité. Pour Lui, Jésus-Christ n'était qu'un fossile de religion et les cathédrales que des osse-ments érigés en fosse commune pour l'humanité!

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Ainsi, ils comprirent que l'Homme n'était pas à l'image de Dieu, contrairement à ce que tous les chrétiens croyaient d'une façon dogmatique, mais que l'Homme avait fait Dieu à son image! Ce qui était un formidable retournement des choses où l'on apercevait le grand vice des Hom-mes de se croire au dessus de toute chose. Parce que Dieu, cet enfant très espiègle et immature, jouait tout le temps avec ses émotions où son visage avait une quantité infinie d'expressions que l'Homme ne pouvait imaginer! Par définition, il était le maitre des grimaces, ce que Pedro et Fabien avaient très bien saisi lors du passage vers l'autre monde. Et bien que la compassion fut aussi une expression de son visage changeant, elle n'était que furtive comme aurait dû l'être la religion chrétienne dans notre société occidentale par la pose affligeante du Christ sur sa cr-oix. Déboulonner le Christ de sa croix eut été comme un grand service à rendre à l'humanité pour la sortir de sa grande impasse existentielle! pensait Dieu amoureux fou de la vie et du ch-angement. Mais les Hommes, avides de pouvoirs sur les âmes, en décidèrent autrement en vou-lant garder l'emprise sur leurs semblables par un horrible chantage qu'on appellait le chantage à la mort! En leur disant, si vous ne croyez pas en Dieu, vous irez tout droit en enfer! Alors les Hommes, effrayés d'être envoyé dans les flammes du purgatoire le jour de leur mort, ne pouva-ient qu'abdiquer devant cette sentence où ils se sentaient bien seuls, n'est-ce pas? C'est, je crois, ce qui avait plongé notre monde occidental dans ce mal incurable qu'on appelait la dévitalisati-on de notre société où l'on y vivait désormais en mort-vivants ou en zombies. Cette face grim-açante et hideuse de notre société n'était qu'une image possible du visage de Dieu et non la plus intéressante qui soit vu qu'il en avait des milliers à sa disposition. Et puis entre nous qui pou-rrait croire que le Christ (le soi-disant fils de Dieu) puisse mourir, alors que nous savons tous que Dieu est immortel?

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En pensant à tout cela, Fabien et Pedro, qui avaient réussi à traverser le plafond de verre et ainsi toucher Dieu du bout des doigts, ne remettaient pas en question l'existence de Dieu, mais ses modalités et ses façons à Lui de se manifester aux Hommes. Et si l'Eglise chrétienne croya-it dure comme fer que Dieu était un être figé et cloué sur sa croix, ce ne fut qu'une vision err-onée qu'elle se faisait de Dieu. Apparemment dans la création des religions, les musulmans av-aient été beaucoup plus fins et plus prudents dans ce domaine en ne donnant aucune représent-ation physique de Dieu, ce qui était tout à leur honneur en nous montrant leur grande honnêteté en matière de religion. Etait-il possible que l'Occident ait put pécher de ce côté là par un org-ueil démesuré? Bref, par une vision individualiste et exclusivement humaine de voir les mani-festations de Dieu? Par son expérience extrasensorielle dans l'autre monde, Fabien sentit que Dieu était un être multiforme pouvant se métamorphoser en n'importe qu'elle matière vivante qu'elle soit animale, végétale, minérale et que ceci ne pouvait pas être compris par les Homm-es, habitués à faire parler Dieu dans leur propre langage ou raisonnement. Pour lui, sans conte-ste, Dieu était un être inhumain donc inaccessible par la raison et par l'imagination. Dieu avait-il une religion ou bien n'en avait-il aucune, sinon de vouloir créer la vie sous toutes ses form-es? Ne sortions-nous pas ici du cadre humain, mon cher lecteur? Et pourriez-vous concevoir en toute honnêteté que l'inhumanité pouvait concerner les Hommes sachant qu'un Homme, par exemple, qui tuait un Homme( ce qui était condamnable) était un acte tout à fait humain et non inhumain, n'est-ce pas? Car ce qui était inhumain, c'est lorsqu'un animal tuait un être humain et non l'inverse. Et que ceux qui perpétraient des massacres et des génocides n'étaient pas des êtres inhumains, mais des êtres surhumains. Car Dieu, en tant qu'être inhumain, ne l'aurait jam-ais permis ou réalisé. Bref, mettre toute notre inhumanité sur le dos des animaux était visible-ment une chose bien pratique pour les Hommes pour se dédouaner de tous leurs actes les plus cruels, n'est-ce pas? Saisissons bien que les animaux étaient les passerelles qui nous permett-aient d'accéder à Dieu, comme l'avaient expérimenté nos deux amis. Visiblement, il semblerait que le thème du dépouillement soit le mystère pour entrer en communication avec l'autre mo-nde qui est le monde magique!

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Et Fabien, du fait de sa longue maladie et de son extrême laideur, s'était dépouillé de toutes ses illusions sur les Hommes ainsi que Pedro en quittant pour toujours sa famille et son pays, le Chili. Bref, comme cet animal abattu par le chasseur qui lui laissait sa fourrure et sa chair pour qu'il puisse se vêtir et se nourrir. Le chasseur des bois, encore plein de superstitions ancestra-les, s'approchait de sa victime agonisante et lui disait d'une façon poignante : Merci pour ton sacrifice! avant de lui trancher la gorge afin que son âme rejoigne le paradis des bêtes et que tout soit réalisé selon les règles de Dieu pour que chacun puisse saisir sa fonction dans le cos-mos. Etre une victime consentante, voilà où se trouvait le secret pour accéder à la divinité! Et Jesus-Christ malheureusement ne fut pas une victime consentante, d'après l'Histoire, mais une victime innocente trahie par Judas! Et pour nos prêtres anciens le plus difficile fut toujours de trouver cette victime consentante pour accéder à Dieu ou aux divinités. Et que de sacrifier, par exemple, un condamné à mort( ce qui était très facile à trouver) fut comme faire une offence à Dieu. De même que saisir un Homme au hasard dans la foule et le sacrifier sur l'autel des die-ux, comme une manoeuvre vouée à l'échec pour obtenir leur clémence. La recherche de cette victime consentante a été de tout temps le grand soucis de nos civilisations pour trouver leur légitimité. Aujourd'hui, où le terrorisme s'est installé durablement dans nos sociétés, ne voy-ons-nous pas à nouveau surgir ces victimes consentante se faire exploser pour leur foi et leur croyance? La révolution islamique n'est-elle pas en train de prendre forme sous nos yeux et trouver grace auprès de Dieu? L'homme occidental et civilisé aurait-il perdu toute croyance par tout ce qui le dépassait pour s'abrutir sur le monde matérialiste et stérile? Mais qui oserait en parler de cette façon aujourd'hui, sinon les fous? Mais les fous ne sont-ils pas ces êtres grima-çants à l'image de Dieu?

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Et les douze singes (que Fabien avait aperçu dans l'autre monde se faire insulter quotidiennem-ent par cet Homme irascible enchaîné à son rocher) ne portaient-ils pas chacun sur leurs visa-ges un masque marqué par de la sidération, consternation, fureur, haine, tristesse, joie, compas-sion, indifférence, autosatisfaction, beatitude, etc, comme les expressions choisies par Dieu pour montrer à l'Homme son impuissance à le reformer? Ceci datait depuis l'aube de l'huma-nité où Dieu jouait avec l'Homme qui était un de ses pantins favoris. C'est vrai qu'on était pas loin de Pinocchio, ce petit garnement qui n'en faisait qu'à sa tête parce qu'il avait une tête de bois! Fabien, exaspéré, se leva du canapé et partit chercher sa canne au milieu du salon et en profita pour ramasser le pot à sucre. En les voyant tous les deux dans un triste état, il ne put s' empêcher de faire une petite grimace que Pedro aperçut aussitôt en lui disant : Mais ne t'inqui-ète pas pour ta canne, je la redresserai pour que tu puisses t'en servir à nouveau! Mais étrange-ment Fabien lui dit : Mais non, Pedro, laisse-la moi dans cet état. Car après tout ce qu'elle a vécu à mes côtés, je l'aime bien comme ça! Mais il n'y a pas de problème! lui dit-il en compren-ant parfaitement ses arguments. En posant le pot à sucre sur la petite table, Pedro ne put s'emp-êcher de remettre les morceaux de sucre à l'intérieur, ce qui signifait pour Fabien comme le retour à la normalité des choses, puis posa sa main sur la cafetière où il sentit que le café était encore chaud, esquissa un sourire et dit à Fabien : Café? Ce dernier, tenant sa canne tordue sur ses genoux, comme une vieille amie, lui dit avec enthousiasme : Mais je n'attendais que ça, mon ami! Ainsi se renouvela la cérémonie du café où apparemment Pedro souhaitait reprendre son histoire qui l'avait entamé au fin fond de l'amazonie.

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Tu sais, Fabien, après mon départ du Chili et ma traversée en pirogue de la moitié de l'amazo-nie où une partie de mes compagnons était mort de la malaria, puis ma rencontre avec Alfre-do, mon guide, puis de mon arrivée à Manaus où je me liais d'amitié avec Victorio, le propri-étaire de l'hôtel, il m'a bien fallu m'adapter aux moeurs des Brésiliens en prenant mes premiers cours de portugais et de Samba. Fabien, à ses côtés, l'écoutait avec attention et buvait son café à petites gorgées, comme méditant de futures joies ou émotions. Monsieur Victorio, continua Pedro, qui m'aimait bien tenait absolument me voir réussir dans l'apprentissage de ma nouvelle culture et m'installa dans un petit recoin situé dans la salle d'accueil. Et bien que je fus très to-uché par sa générosité, je trouvais l'endroit fort exposé au public et disons même aux clients de l'hôtel où je risquais d'être la risée de tous. Et tout particulièrement de ces deux vieux assis toute la journée dans leurs chaises à bascule qui allaient assister en direct à mes pitoyables prestations en langue portugaise et en danse brésilienne, Ah!Ah!Ah! Voyant mon visage fort alarmé, Victorio me dit : Mais Pedro, mon fils, n'ayez crainte! Et pensez-bien si je vous ai inst-allé ici, c'est pour votre bien. Car comprenez qu'ici au Brésil, la culture se vit dans la rue et aux yeux de tous! me lança-t-il comme une chose qui lui semblait tout a fait naturelle. Alors que moi, qui était de culture hispanique, j'avais toujours considéré que la culture s'apprenait en privé et bien a l'abri du regard des autres. Je voyais ici pour la première fois que j'étais tombé dans un autre monde où le ridicule ne tuait pas comme dans mon pays, le Chili, où tout était devenu tauromachie depuis la conquête espagnole. Ici tout était jungle ouverte, fleur exotique, cris d'animaux, serpent se coulant dans le paysage verdoyant, fleuve tentaculaire où les dieux avaient étanché leur soif et posés leur regard comme sur un miroir taillé à leur mesure, bref, gigantesque et solaire! 

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Victorio fit installer par Alfonso( l'homme à tout faire de l'hôtel) un tableau pour mes leçons de portugais ainsi qu'une petite table et deux chaises. Et me donna comme professeur, Henri-que, un jeune étudiant qui était alors en pleine préparation de sa thèse d'Histoire sur le Brésil couvrant la période de l'indépendance, obtenue en 1822, jusqu'à sa première victoire à la coupe du monde de football en 1958. Entendant cela, Fabien ne put s'empêcher de sourire et de sortir le nez de sa tasse à café, comme surpris par tant de superficialité. Mais n'oublie pas, mon cher Fabien, dit Pedro, que le football là-bas est une institution aussi importante que la constituti-on du Brésil. Et qu'à l'heure de la coupe du monde, toute la société s'arrête de respirer pour re-garder à la télé les exploits de la Seleçao remporter la victoire suprême, bien évidemment. La Seleçao? tu disais, Pedro. Oui, la Seleçao qui est la sélection officielle de l'équipe de foot du Brésil. Ah oui, bien évidemment! lâcha Fabien en plongeant à nouveau son nez dans sa tasse à café. Quant à mes cours de Samba, Manuella fut tout naturellement désignée pour me les don-ner, car c'était pour Victorio une façon à lui de rentabiliser ses investissements. Moi personn-ellement, j'étais pas contre vu que c'était une jolie fille qui avait le rythme dans la peau, comme on disait. Et si Victorio avait eu l'idée de m'installer dans ce petit recoin, non loin de la salle du restaurant, c'était aussi par commodité pour lui en ayant sous la main Manuella en cas où la clientèle serait plus nombreuse. Bref, un homme très pragmatique! souligna Fabien en posant sa tasse sur la table. Oui, et disons même, un homme voulant s'adapter à toutes les situations, comme ces animaux de la forêt sachant où se nourrir, boire et même se cacher en cas de dan-ger, par exemple. Intéressant! dit Fabien qui semblait ébloui par la dimension élastique de cet homme et de ces animaux dont il était incapable d'imiter la gymnastique à cause de ses infi-rmités.

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Et taper dans un ballon( ce qu'il n'avait jamais pu faire) comme un rêve inaccessible! Sans par-ler de la gloire, de l'argent et des filles, comme des totems qu'il n'avait jamais pu toucher même du bout des doigts! Aussitôt, il sentit une affreuse douleur envahir sa jambe droite qu'il massa énergiquement en faisant une grimace. Pedro, perturbé, arrêta tout net son récit qui décidément faisait horriblement souffrir son ami. Étrangement, Fabien, sans le savoir, ressemblait à ce peu-ple brésilien condamné à vivre dans l'espoir d'une vie meilleure où chaque jour était devenu comme un malheur à retrancher au calendrier, tel un essaim d'épines. Les saints apôtres étant comme les gardiens de la punition terrestre et les jours de repos comme le grand athéisme des coeurs brisés. Cette globalisation des souffrances, qu'il pouvait ressentir dans son propre corps malgré lui, le faisait parfois ressembler au Christ. Mais ayant saisi, par sa propre expérience ex-trasensorielle, que cette souffrance n'était qu'une grimace parmi toutes les manifestations de Dieu, tout à coup, il afficha sur son visage un sourire rayonnant! Surpris par la soudaine méta-morphose de ses traits, il comprit que son bonheur ne dépendait que de lui seul et non d'une croyance ou d'une religion imposée de l'extérieur! D'une façon allucinante, sa joie n'avait au-cune cause extérieure et se réjouissait d'une telle liberté! Et même si les autres pouvaient le traiter de fou, de niais, de païen ou d'incroyant, il savait qu'il avait désormais accès au paradis à toute heure de la journée et qu'au jour de sa mort, il irait sans le consentement des autres. Sa foi, de ce point de vue, était inébranlable et se tenait à l'intérieur de lui-même telle une force magique. Pedro, voyant ce sourire énigmatique se dessiner à nouveau sur les lèvres de son ami, comprit aussitôt qu'il s'était régénéré de l'intérieur et qu'il pouvait poursuivre son histoire. Enthousiasmé, il remplit avec délectation la tasse à café de Fabien d'un liquide noir et profond. Le café, étrangement, n'avait pas refroidi et Fabien trempa ses lèvres dedans comme un désir de boire tous les oceans de la terre!

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Quand mon petit coin fut aménagé avec amour, me sembla-t-il, par monsieur Victorio, la gran-de question fut de savoir si je devais d'abord apprendre la langue portugaise, puis après la Sa-mba pour que je puisse réussir avec succès mon intégration dans ma nouvelle culture. Bref, pour une raison que je n'arrivais pas à bien comprendre, tout ceci mit l'hôtel en forte ébullition pendant deux jours. Bref, unr chose qui me sembla fort disproportionnée pour un cas comme le mien au point de provoquer de fortes disputes parmi les employés qui pour certains la lang-ue était l'élément essentiel pour comprendre l'âme brésilienne, alors que pour d'autres les pas de Samba comme une preuve de vouloir s'intégrer au rythme de la société brésilienne. Appare-mment, tout le monde voulait s'interesser à mon cas pour des raisons fortes différentes, com-me si chacun eut souhaité être mon professeur de civilisation. Fabien, entendant cela, dressa aussitôt les oreilles vers Pedro comme un petit animal domestique. Mon pauvre Pedro, lui dit-il, je crois bien que tu te trouvais en très mauvaise position, hum? Oui, apparemment. Mais la question fut vite tranchée par monsieur Victorio qui, ancien professeur à Lisbonne, décida que la langue portugaise serait ma première acquisition en terre étrangère. On peut dire qu'il t'avait comme sauvé la vie, ah! ah! ah! ria Fabien pris d'un fou rire. Oh oui, c'est certain, lui répondit-il, vu que la danse n'était pas mon point fort et en particulier pour jouer du bassin, ah! ah! ah! ne put-il s'empêcher de rire à son tour. Ainsi, le calme regagna l'hôtel, continua-t-il, où la rout-ine reprit le dessus sur ces choses qu'on appelle les choses de l'esprit. Henrique, le premier jour de mes cours, apporta avec lui un portrait de Pierre 1er, qui fut le premier empereur de Brésil, et l'accrocha sur le mur. Voulut-il à ce moment là me montrer sa culture ou bien ses idées pol-itiques? A vrai dire, je n'en savais rien. Mais étant un étudiant doué et plein d'ambitions, je lui soupçonnais des idées de ce côtés là. Mais la vue de ce portrait, quelque peu arrogant pour moi et aux yeux de n'importe qui, ne déclencha aucune hostilité parmi les clients de l'hôtel ni auprès de monsieur Victorio. Ainsi, je compris que le Brésil était une sorte d'immense empire en mal de grandeur et d'aristocratie, me sembla-t-il. Tu le penses vraiment? lui demanda Fabien en te-nant sa canne avec fermeté. Oui, car je pense que le Brésil est un paradis pour les dieux et un enfer pour les pauvres!

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Et que tous ces paysages luxuriants et extraordinaires que nous offre ce pays sont faits unique-ment pour les élus. Tu veux dire que c'est une terre de damnation pour les pauvres? Oui, je le crois bien, malheureusement! dit Pedro en parfaite connaissance des choses du monde. Mais cette joie de vivre qu'ils expriment tous les jours dans leur vie, n'est-elle pas en contradiction avec ce que tu viens de dire? Non, car elle n'est qu'un réflexe qui se manifeste face à leur mau-vaise fortune et à leur damnation. Comme tous ces Chinois qui te disent Oui même quand ils ne sont pas d'accord avec toi! Étrange coutume! lâcha Fabien qui avait si peu voyagé dans sa vie à part fumer des cigarettes sur son canapé.

Mon cher Pedro, me dit alors Henrique, il est temps de nous mettre au travail, n' est-ce pas? Et les deux vieux, assis à quelques mètres de moi dans leurs chaises à bascule, semblèrent jubiler et se frotter les mains devant ma rude besogne. Un mépris que je pris aussitôt comme une faç-on à eux d'occuper leur éternel ennui. Et tu as parfaitement réagit! dit Fabien qui avait soif d' émotions et de connaissances. Aussitôt installé devant ma petite table, j'ouvris mon cahier d' écolier pour y noter la date du jour que mon jeune professeur écrivit sur le tableau noir. Je me souviens plus laquelle exactement, mais sâche que c'est vieux tout ça! dit Pedro en se passant la main sur le front. Puis Henrique, dans sa belle écriture, commença à écrire les 23 lettres de l' alphabet que comporte la langue portugaise. 23 lettres, t'es sûr? demanda soudainement Fabien habitué aux 26 lettres de l'alphabet français. Oui, oui, j'en suis sûr! lui dit-il un peu fatigué par les interventions incessantes de son ami. Pedro, dit Henrique dans son espagnol approximatif, note le bien comme il faut! Voici le A qu'on prononce chez nous avec un accent aigu par des-sus, puis le B qu'on prononce bê, le C qu'on prononce cê, etc, etc. Pedro, qui semblait un peu perdu dans la prononciation des voyelles et des consonnes, trouvait en fin de compte beaucoup de point communs avec la langue espagnole. Comme tu le vois, Pedro, le portugais à des racin-es latines comme la langue espagnole, lui dit-il dans son espagnol qu'il avait appris en autodi-dacte en écoutant les discours grandiloquants de Fidel Castro à la radio.

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Bref, c'était l'époque où toute l'Amérique latine était tentée par l'expérience révolutionnaire Cubaine, bref, par le socialisme, mais que la dictature des militaires allait réprimer dans le sa-ng. A l'époque, Pedro ne connaissait rien à l'histoire du Brésil ni à tous ces mouvements politi-ques qui se déchainaient sur tout le continent sud-américain même s'il connut dans son propre pays les prémices d'une dictature, celle de Pinochet. Tout d'abord, parce qu'il était bien trop jeune pour avoir une conscience politique( il avait seulement 20 ans), mais aussi parce qu'il avait une vision ethnologique de la vie en société, comme son père qui était professeur d'arché-ologie à l'université de Santiago. Bref, une vision du monde apolitique qui lui permettait d'être en phase avec tous les peuples de la terre ou toutes les richesses culturelles et linguistiques étaient une source inépuisable de curiosité entre tous les Hommes et non un alibi pour s'entre-déchirer. Bref, c'était le grand amour universel qui sommeillait en lui depuis sa plus tendre en-fance. Et de se retrouver maintenant assis devant un jeune étudiant Brésilien qui lui apprenait le portugais, cela le fortifiait, le réconfortait dans sa générosité à aimer les autres. Le plus imp-ortant pour lui à proprement parlé n'était pas leur statut social, mais ce qu'ils pouvaient vous offrir à l'instant présent. Et surtout pas cette image factice qu'ils vous envoyaient généraleme-nt à la figure pour vous faire croire qu'ils étaient tous des saints, mais la vérité de leur être et de leur fragilité. En considérant que la fragilité ne s'opposait aucunement au courage, mais bi-en au contraire comme une façon de l'exprimer aux autres sans préjugés. Il avait remarqué que les gens peu courageux se cachaient souvent derriere leur statut professionnel ou de notable, bref, derrière un paquet de relations et d'argent qui leur faisait croire qu'ils avaient réussi leur vie, alors qu'ils vivaient sur la grande planète des illusions en oubliant que seule la vie fut un bien inestimable pour tous. Oh comme je plaignais ces gens arrogants qui ne connaissaient rien à la vraie vie, mais à la vie artificielle des salons et des discutions stériles! s'indignait Pedro. Et si le pouvoir de l'argent était leur terrain de chasse, le mien était la vie! lâcha-t-il soudainement devant son ami.

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Fabien, ému par les confidences de son ami, lui lança un grand sourire. Car tout ce qu'il venait de dire à propos de l'humanité le concernait entièrement où la présence de l'autre et malgré ses infortunes devait être notre souci premier en tant qu'être vivant. Et qu'il soit chat, chien ou ins-ecte, celui-ci devait être considéré comme une presence divine. Où l'indifférence à toutes ces choses était la pire des injustices que l'on puisse commettre envers la vie et cette présence qui vivait à nos côtés et ne demandait qu'un signe de reconnaissance tactile, visuelle ou même le son d'une voix. Et la reconnaître en tant qu'être vivant, c'était participer à cette grande conscie-nce planétaire et à cette hyperconscience qu'il venait d'expérimenter avec son ami, Pedro. Par-fois, Fabien se demandait en tant que grand malade de la civilisation, s'il n' était pas un animal blessé, en voyant Pedro tantôt comme un medecin tantôt comme un vétérinaire à son chevet? La frontière étant si proche, pensait-il comme perdu dans ses pensées d'amour universel. Puis Pedro, reprit son récit et lui dit: Tu sais Fabien, Monsieur Victorio et malgré son temps préc-ieux à maintenir l'état viable de son hôtel passait souvent me voir afin de prendre connaissance de mes progrès en langue portugaise. Sa présence, bien qu'inutile, m'obligeait à être meilleur et en particulier dans la prononciation des mots où je prononçais toujours le J comme un R, comme on le prononce en espagnol. Et que dire aussi du I qui se prononçait Ou à la fin d'un mot! Bizarrement, Monsieur Victorio et Henrique arrivaient facilement à me comprendre qua-nd je leur parlais ma langue, alors que l'inverse fut pour moi impossible pour des raisons bien mystérieuses. Constamment épié par les deux vieux, qui fumaient leur cigare dans leurs chaises à bascule, j'avais l'impression d'être observé à longueur de journée par deux fantômes apparte-nant, semble-t-il au passé de l'hôtel, mais ausi à celui du Brésil. En fait, je n'en savais rien. Et en les entendant soudainement éclater de rire, quand Henrique écrivit sur le tableau les mots : chien, chat et moustique, je compris aussitôt que leur passé n'était pas une chose bien reluisan-te à montrer, mais plutôt à cacher. Bref, en me donnant l'impression d'être deux vieux colonels à la retraite qui s'étaient retirés dans ce petit hôtel au fin fond de l'amazonie pour oublier leur passé inavouable!

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Avaient-ils participé de loin ou de près à une quelconque dictature au Brésil? je me demandais parfois. Avaient-ils commis des crimes eux-mêmes ou bien seulement été les commanditai-res? Bref, pour une raison inconnue, tout ceci hantait souvent mon esprit pendant mon séjour à l'hôtel Novadoria. Parfois, j'aurais voulu me transformer en boite à cigares sur leur table afin de pouvoir les écouter et entendre leur petits monologues. Car dans les faits, ils parlaient très peu en utilisant, étrangement, un langage codé pour se comprendre. Comme s'ils utilisaient la fumée de leur cigare pour exprimer une idée ou bien ce qu'ils partageaient en commun. Bref, une sorte de consensus datant de leur glorieux passé et de leur jeunesse pleine d'émotion. Biz-arrement, ils s'entendaient très bien avec Henrique, mais aussi avec monsieur Victorio qui était alors pour moi comme un père. Mais auquel, je supposais, dans cette étrange relation avec ces deux vieux, un intérêt plutôt commercial qu'idéologique. Et fort possible que les deux vieux payaient leur séjour au Novadoria jusqu'a leur dernier souffle afin de garantir à monsieur Vic-torio une source de revenu ainsi que des relations convenues. Apparemment, Victorio avait beaucoup de respect pour les vieux et malgré toutes les erreurs qu'ils avaient commises au te-mps de leur jeunesse. Mais c'était aussi notre passé qu'il nous fallait absolument assumer! dis-ait-il souvent en dialoguant avec ces deux vieux revenus en enfance malgré leur grand âge. En ne pensant à aucun moment que son hôtel put être un repère de nazis, de fascistes ou de crimi-nels! Mais plutôt un havre de paix aussi bien pour la jeunesse aventureuse, comme la mienne, que pour ces vieux débris du passé qui finissaient leur voyage dans ce petit hôtel où ils s'y sen-taient comme deux grands sages. Et fort possible que les deux vieux eussent le désir d'inscrire monsieur Victorio sur leurs testaments! En fait, je n'en savais rien et ne voulait pas le savoir.

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J'avais l'impression que le Novadoria hébergeait tous les damnées de la terre et que moi-même, j'en faisais partie! Bref, par le peu de courage que j'avais montré en quittant mon pays et mes proches d'une façon si précipitée. Curieusement, je ne savais pas d'où pouvait provenir mon in-capacité à aimer ma propre famille, ma propre chair, mais plutôt à aimer les autres! Avais-je une pierre à la place du coeur, je me demandais parfois? Avais-je moi aussi quelque chose à me faire pardonner ou peut-être à oublier en me retrouvant ici dans ce petit hôtel perdu au fin fond de l'amazonie? Étais-je damné comme eux, comme ces tortionnaires des anciennes dictatures d' Amérique du sud ou bien comme ces nazis qui voulaient échapper au tribunal de l'humanité? je me demandais d'une manière obsessionnelle. De jour en jour, je voyais mes cauchemars se cha-nger en tortures contre moi-même, comme si mon isolement dans cette jungle impénétrable ex-acerbait mes douleurs au point de me montrer mon vrai visage? De plus en plus rarement, je pensais aux miens où les cauchemars de Pablo( qui hantaient souvent mes nuits) avaient eux aussi disparu. Pour ma part, c'était un bien contre un mal, mais non point une délivrance. Car j'avais le sentiment d'avoir changé de latitude sur la sphère de mes souffrances où je sentais en-fin mes vraies souffrances m'appartenir, non comme un poids insupportable à porter sur mes épaules, comme la croix du Christ, mais comme un mal nécessaire pour occuper ma vie, bref, une façon de me plaindre avec toute la légitimité du monde! J'avais d'une certaine façon réussi à recentrer le monde autour de moi, non en tant qu'être individuel, mais en tant qu'intégrateur de tous les univers sensibles. Et que l'idée de me tranformer en boite à cigares, pour espionner les deux vieux, me parut soudainement comme une chose ridicule en sachant que mon esprit avait investit les lieux de cet hôtel comme par magie.

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En apercevant, comme dans un film au ralenti, les petites magouilles des employés essayer de grapiller quelques nourriture sur les assiettes laissées par les clients ou bien sur les pourboires que chacun se disputait pour améliorer son quotidien ou bien pour imposer ses prétentions. Il semblait dans cet hôtel des damnés que même les rats voulussent se disputer les miettes du po-uvoir! Et que dans cet univers, monsieur Victorio eut été comme le monarque. Fabien, assis à côtés de Pedro, semblait rêveur devant les capacités élastiques de son ami à épouser les lieux et les gens comme un esprit bienveillant et non diabolique. Son âme était pacifiste, comme l'océ-an baignant les rives de son pays, le chili, pensait-il vraiment. Pour lui, il ne faisait aucun doute que la conquête espagnole et portugaise de ce continent sud-américain fut des plus sanglantes dans ce paradis où les Dieux avaient élu domicile. Désormais terre de feu, de crimes et de sang, ce continent s'enfonçait jour après jour dans des abysses qu'aucun Dieu n'eut souhaité le destin funeste. Bref, depuis la perte de leurs superstitions et croyances ancestrales, les Hommes avaie-nt multiplié les maux et les souffrances terrestres à son apogée pour se croire l'égal des Dieux, alors qu'ils n'étaient que des vassaux, mandarins, petit personnel politique, etc. On disait dans ses vieilles croyances ancestrales qu'un vrai Roi (tirant son pouvoir directement de Dieu) pou-vait assurer à l'humanité une paix de 10 siècles! Alors que celui d'un usurpateur guère plus de 2 générations. Aurai-je l'audace, mon cher lecteur, à remettre ici en question notre Histoire nationale datant de la révolution française jusqu' à nos jours, comme étant l'histoire des usur-pateurs? Et si nos historiens, tant adulés par notre personnel officilel, étaient les dupes de cette histoire ou peut-être les complices, le reconnaitrait-il? Vivions-nous en ce moment dans l'im-posture de se croire grand en ayant crée une civilisation par l'argent et par des lois démocrati-ques fourre-tout? Bref, vivions-nous dans cette grande illusion apportée par tous ces objets crées exclusivement par l'Homme pour l'Homme?   

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Et Dieu dans cette affaire avait-il encore son mot à dire après tous les massacres perpétrés en son nom? Et les dieux antiques n'avaient-il pas eu raison de se rebeller contre ce monothéisme qui avait remis en question tous leurs pouvoirs ancestraux? Avaient-ils été les dupes dans cette simplification extrême, voulue par les Hommes, en caricaturant leurs rites? Bref, une mixture divine où il y aurait à boire et à manger pour tout le monde où le sommet de l'absurde aurait été atteint par le pardon de tous nos pêchers en se confessant à l'un de nos Hommes d'Église? Bref, il semblerait que la disparition de cette aristocratie du coeur et du courage, provoquée par notre monothéisme récent, fut la perte de notre humanité dans ce monde là. Et que le Chr-ist, dans ce nouvel ordre, fut aussi un faux dieu ainsi que tous ces usurpateurs, imposteurs qui se prirent pour de grands hommes, alors qu'ils n'étaient que des vassaux ou du petit personnel politique. Et ce qu'il y avait de politiquement incorrect dans ce que pensait Pedro, c'est que tous ces petits Hommes étaient aussi bien des dictateurs que des démocrates, vu que leur pou-voir ne durait guère longtemps au sein des Hommes, comme l'avaient prédit nos croyances an-cestrales. Bref, où un coup d'Etat éjecterait aussitôt le dictateur de son piédestal pour en placer un nouveau qui serait aussi vite remplacé par un autre ou bien par un démocrate, ce qui ne cha-ngeait guère les choses, puisque les élections en feraient élire un nouveau etc etc. Il semblerait que nos croyances ancestrales avaient vu juste en nous disant que seul un vrai Roi, tirant ses pouvoirs du vrai Dieu et de sa descendance directe, pouvait assurer aux Hommes la paix au moins durant 10 siècles, n'est-ce pas? Et tant que nous ne l'aurions pas trouvé, le chaos régner-ait sur la terre par tous ces changements dictatoriaux ou démocratiques par la multiplication de toutes ces élections en son sein. En pensant comme cela, Pedro ne voulait en aucunement faç-on blasphémer contre la religion chrétienne, car il croyait en Dieu, mais au vrai Dieu. A celui qui n'avait pas de visage précis et englobait tous les êtres vivants dans sa sphère sensible aussi bien animales, végétales que minérales sans pour autant mettre au piloris les lois humaines qui se débrouillaient tant bien que mal à gérer leurs vices irréformables.

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Afin d'ouvrir de nouveaux univers ou de nouvelles perceptives aux Hommes pour leur perme-ttre d'appréhender une nouvelle réalité. Et que de gérer le mal au sein de nos sociétés modernes et civilisées ne fut pas un grand projet pour le bonheur de l'humanité, n'est-ce pas? Mais une façon d'avouer l'incompétence de nos hommes politiques qui, ne l'oublions pas, n'étaient que des vassaux, imposteurs ou usurpateurs et non de grands souverains légitimes à gouverner les Hommes. Où il ne sagissait plus ici, comme chez nos anciens érudits d'apporter aux Hommes de la sagesse ou de la perfectibilité, mais de réprimer leurs frustrations causées par ce monde matérialiste où l'argent et l'arrogance avaient remplacé nos valeurs humaines. L'Occident avait semble-t-il ouvert cette boite de pandore que les dieux anciens avaient voulu tenir très loin des Hommes pour leur bonheur, n'est-ce pas? Apparemment, Napoleon avait essayé de forcer en vain cette boite, puisque son règne n'aura duré qu'une dizaine d'années de 1801 à 1815 qui est la date de son couronnement, puis de sa défaite à Waterloo. De même qu'Hitler dont le règne n'aura duré que de 1933 à 1945. Sans oublier Staline et Mao qui ne furent guère plus resistant dans la durée. Bref, moins de 2 générations, comme l'avaient prédit nos croyances ancestrales. On pourrait ajouter sans se tromper que ce personnel politique, voir fonctionnaires d'Etat ne furent point des conquérants, comme leurs prédecesseurs, mais des gestionnaires des affaires humaines et non comme des projets à se mesurer aux Dieux. Ces derniers étant Georges Was-hington, Churchill, Roosevelt, le général de Gaule etc, qui ne furent qu'en réaction à l'Histoire en marche et non comme des surhommes ou des génies que seule la nature avait le secret de fabrication. Fabien, qui avait entendu le mot Pandore sortir de la bouche de son ami, crut ent-endre le mot Pandora! Bref, le nom de cette déesse qui enflammait, depuis la haute antiquité, l'imagination des Hommes prisonniers de leur désir fou de jouissance! 

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Une sorte de Babylone où cité interdite dédiée aux plaisirs que Fabien aurait tant souhaité vis-iter avant de sombrer dans la mort définitive. Les hommes beaux et bien nés avaient accès en toute gratuité à ce monde inimaginable des plaisirs et des délices. Alors que pour les gens laids comme lui, une entrée peu probable voire très chère payée. Cela ressemblait concrètement à ses rencontres qu'il faisait une fois par mois chez une prostituée qui lui vidait ses bourses aussi bien au sens propre qu'au sens figuré! Sa vie à ce niveau là était pitoyable, bref, dans la négoc-iation permanente de sa laideur contre monnaie sonnante et trébuchante pour accéder à la beau-té. Parfois la prostituée, éffrayée par sa laideur, faisait grimper odieusement ses tarifs en lui pr-étextant un sacrifice de sa part digne d'une sainte, ce que Fabien ne pouvait contester en lui sac-rifiant une partie de ses economies déjà bien entamées. Ainsi se voyait-il comme un  damné pa-rmi les hommes en devant tout le temps négocier avec eux, l'amour, l'amitié, le sexe, etc, bref, un travail à temps plein et harassant pour le malade qu'il était. Sans parler du prix de son loge-ment, de l'eau, de l'électricité, du gaz qu'il ne pouvait pas négocier avec les compagnies, sinon vivre comme un homme préhistorique, ce dont il n'était pas loin vu ses infirmités héréditaires. Malheureusement dans le monde d'aujourd'hui tout était devenu marchandise même nos senti-ments qu'on négociait au prix fort où accorder une petite écoute à un inconnu dans la rue sem-blait nous coûter une vraie fortune en temps et en argent. Et vendre notre liberté et notre dig-nité, contre un salaire dérisoire, comme une chose convenue! Bref, on nous dépouillait sous nos yeux sans que nous n'osions lever la voix et crier au voleur! C'est à dire un dépouillement institutionnel de l'individu par le grand capitalisme. Pour Fabien, dire la vérité, c'était dire cela en toute simplicité. Et mentir, c'était décrire nos comportements dans cette société au diktat économique dont la nouvelle science des Hommes s'appellait la sociologie. Bref, puisque tout dans ce monde était devenu faux, postures et soumissions au totem de l'argent et à ses prêtres sociologues, il fallut bien aux Hommes inventer une nouvelle vérité qui n'était pas la Vérité, mais la post-vérité qui consistait à décrire le comportement des Hommes dans une socièté où l'économie fixait les règles!

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Et qu'en nous décrivant tous ses malheurs, Fabien ne faisait qu'exprimer son grand malaise face à tout cela, mon cher lecteur. Et que sa vérité se trouvait bien dans ce à quoi il aspirait, c'est à dire à devenir un être normal et non à trouver un quelconque plaisir ou occupation  à gérer ses emmerdres quotidiennes! Bref, une colossale fracture ou frontière semblait s'ouvrir entre ses désirs et le monde réel où tout était négocié au prix fort et dans des termes de petits boutiqu-iers. O combien de fois, il aurait aimé sortir de cette boutique mondiale des fantasmes où tout était étiqueté, muni d'un mode d'emploi, d'une garantie d'un an qu'on pouvait étendre moye-nnant un coût supplémentaire. Bref, un monde sûr de lui parce qu'il avait fixé un prix à toute chose, comme une assurance-vie contre la mort, contre l'ennui, contre les incendies, les inonda-tions. Bref, un monde idéalisé qui avait banni de son existence tout risque ou aventure possi-ble, parce que hors de prix ou bien non étiquetée pour l'instant! Ce que Fabien n'était pas con-tre, lui, le malade, mais seulement contre le prix exorbitant de ces choses essentielles pour lui. Il sortait souvent de ces boutiques, les mains et le coeur vides en regardant amèrement toutes ces vitrines formidablement achalandées par la société de consommation, comme des horizons inaccessibles sur le parcourt de son existence. Lècher les vitrines à quoi bon! pensait-il, la gor-ge prises par ses irritations journalières. Et puis à quoi bon regarder si je ne peux pas toucher, manipuler ces objets du quotidien! déplorait-il en pensant à ces prostituées qui lui interdisait de l'embrasser sur la bouche et de les toucher avec ses gros doigts déformés. C'est vrai que Fabien était pauvre et horriblement laid et on pouvait parfaitement comprendre pourquoi il n'avait pas sa place dans ce monde où la beauté et la richesse étaient célébrées comme une icône. Malheur-eusement, sa laideur était comme l'anti-icône de ce monde où les laissez-passers pour le bonh-eur étaient très chers payés.

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Mais ainsi était devenue notre société hypermatérialiste où tout le monde voulait réussir! Et ce qu'il y avait de formidable dans ce monde des illusions et des impostures, c'est que n'importe quel imbécile pouvait se faire passer pour un homme très intelligent s'il avait de l'argent, Ah!Ah!Ah! Et s'il en avait énormément, il pouvait alors être considéré comme un génie que les Ho-mmes porteraient aux nues en le sanctifiant d'icône de la réussite universelle. Regardez les mé-dias et vous verrez de qui et de quoi je veux parler. Mais ici pas de noms, ni de linchages sur les imposteurs puisqu'ils ne sont que des imposteurs. Ayant quitté définitivement le monde des philosophes et de la vérité pour celui du mensonge, il était logique que ce monde devienne cel-ui des images où tout était transformé en illusions, fictions sur grand écran, comme pour nous montrer notre petite valeur existentielle ou réelle. A regarder de près nos vies à travers nos écr-ans, il semblait que nous ne pussions plus nous en libérer en étant devenus les prisonniers de l' info, des statistiques, de l'audimat, des professionnels de la communication, des pseudo-intell-ectuels ou nouveaux philosophes du prêt à cuire pour lesquels la vérité n'existait plus, puisque nous étions enfin libérés de la religion grâce au nouveau temple de la consomation! Apparem-ment, seule l'implosion de l'écran put nous libérer de cette machination diabolique où nos vies sur écran valaient plus que nos vies réelles! Et pour cela trouverons-nous, mon cher lecteur, parmi nos contemporains, un nouvel Homère dans la litteratutre pour écrire une nouvelle Od-yssée? Pour l'instant, je n'en voyais aucun surgir parmi nos écrivains ou sociologues professio-nnels où leur business se trouvait dans la description de nos comportements dans la socièté économique et non de rechercher la vérité, comme l'avait fait avec honneteté nos vieux philos-ophes plein de sagesse et de bienveillance pour le bonheur des Hommes. Où dire à des millions de consommateurs que tout le monde aimait le Nutella pût être compris et entendu comme une grande vérité ou bien prendre de l'aspirine quand vous aviez mal à la tête, comme une ordonna-nce d'un grand prêtre! C'est dire un succès assuré pour nos nouveaux penseurs et littérateurs de kermesses au service du mensonge et de l'imposture. Bref, par cette floraison de prêtre-sociolo-gues en tout genre dans nos médias et dans notre monde intellectuel qui avait honteusement grossie! 

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Où tout était commentaires sur les commentaires, puis commentaires sur les commentaires des commentaires, bref, une spirale sans fin accaparée par les médias qui manquaient de vrais déba-ts puisque la Vérité était devenue pour eux une chose obsolète et vieillotte. Et le futur, la gran-de affaire qu'il fallait explorer afin qu'on découvre la future vérité ou la post-vérité. Au point de coïncider formidablement bien avec la nouvelle technologie d'Internet qui allait nous perme-ttre de l'atteindre sans effort. Ah enfin le miracle que nous attendions tous avec impatience pour nous sauver de notre matérialisme effréné! C'est à dire un monde hyperconnecté où la forme télépathique allait se former sous nos yeux. Apparemment, le haut matérialisme avait besoin lui aussi d'une âme pour respirer ou pour s'éprouver. Et pour cela, il créa le monde virtuel et une nouvelle religion où les concepteurs avaient intégré tous les ingrédients pour qu'elle soit acce-ptée par les Hommes où la matière ne pouvait se défaire d'une âme, le bien du mal, le commun-isme du capitalisme, l'égalité du courage individuel etc. Bref, une formidable imitation des Ho-mmes à copier nos vieilles religions judéo-chrétiennes pour légitimer leur nouvelle religion. Car on devait rester réaliste sur ce sujet et éviter de faire des discours intellectuels trop évasifs qui celle-ci se fera par l'intermédiaire d'interfaces électroniques, comme les serveurs où le big data sera le grand ordonnateur des consciences, bref, notre nouveau Dieu! Cette hyperconnecti-vité ou hyperconscience planétaire aurait pu plaire à Fabien et à Pedro. Mais penser que celle-ci se ferait par l'intermediaire de machines programmées par des logiciels, cela les révulsait d'ava-nce. Et tout particulièrement Fabien, qui avait autrefois fait l'amour par téléphone, puis par le minitel rose pour exposer désormais sa laideur sur Internet devant sa webcam à sa partenaire, il n'y voyait aucun progrès réel à sa situation! A part mettre le masque de Mickey ou de Donald ou d'anonymous sur la figure, il y voyait comme de la perversion qu'il n'aurait pas le courage d' affronter. Apparemment, cette hyperconnectivité ou hyperconscience planétaire n'avait que le seul but de multiplier les échanges économiques et non pas de nous rendre meilleur! 

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Et dire sur sa page Facebook que ce matin, il avait bien fait son caca ou qu'il avait mangé des cornflakes au miel et au chocolat, cela nous apprenait pas grand chose sur nous-même ni pour nous parfaire, n'est-ce pas? Comme ces selfies où des trafiquants de drogue nous montraient de grosses liasses de billets pour attiser notre jalousie, bref, rien non plus de bon à l'horizon pour nous tous. Ainsi Internet nous montrait en gros plan, l'humanité sous sa face la plus hideuse! Sans parler de ces escrocs qui nous promettaient de devenir riche si on leur envoyait la somme de 1 euro sachant qu'ils avaient envoyé ce même message à 1 million d'internautes! Sur l'ense-mble, ils étaient sûr d'empocher un bon magot, n'est ce pas? De même que ces faux magiciens ou docteurs qui nous promettaient de rallonger notre sexe de 20 cm avec leur baume miracle, effacer nos rides de vieillards en trois jours, nos varices, repulper nos lèvres, regonfler nos jou-es creuses, bref, retrouver notre jeunesse en achetant leur DVD où tous les secrets de la jeun-esse éternelle étaient dévoilés pour la modique somme de 20 euros, Ah!Ah!Ah!! Internet, appar-emment, était devenu le grand fourre-tout mondial des causes perdues, c'est à dire la caverne d' Ali Baba du 3 ème millénaire où tout brillait, comme dans une grande illusion. Bref, la science la plus avancée au service de la bêtise humaine et de la plus basse superstition. Car il existait bien une bonne superstition, comme il y avait une folie douce en chacun de nous. Et nos deux amis n'étaient pas contre son retour en permettant aux Hommes d'accéder à Dieu et à nos croy-ances ancestrales où la vérité demeurait toujours. Alors que la mauvaise superstition, qu'on nous vendait sur Internet ou dans nos médias, avait comme seul but de nous tromper et de nous voler notre argent ainsi que notre suffrage pour les prochaines élections démocratiques. Appar-emment, cette mauvaise superstition ou publicité, issue de la sainte raison des lumières, était ni plus ni moins une façon de légitimer ou de rationaliser notre folie. Non pas notre folie douce que tout le monde sait de quoi je veux parler, mais de notre vraie folie niant notre nature méta-physique et harmonieuse au sein du cosmos.

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Bizarrement beaucoup de pseudo-intellectuels ou de nouveaux philosophes pensaient que notre civilisation avait 2500 ans, alors que nous avions changé de civilisation en 1789 au cours de la révolution française! Et que le "Je pense donc je suis" de Descartes, dont tous les Français étai-ent fous amoureux, sonnait horriblement faux à nos oreilles. Car comment savoir si l'on pensait vraiment ou si l'on ne récitait pas une leçon apprise par coeur? En considérant que cette leçon a pu nous être dictée par notre éducation ou par notre culture ou nos traditions, n'est-ce pas? Bref, que le "Je pense donc je suis" de Descartes était peu précis dans ses fondements philoso-phiques, mais s'adaptait parfaitement à l'esprit français, individualiste et opportuniste dans le domaine des idées. Car si à chaque époque, on pensait différemment, le "Je pense donc je suis" devenait aussitôt le grand questionnement du moment et la quête de la pensée occidentale. Et l' important n'était pas de savoir si l'on avait raison ou pas, mais de le crier haut et fort à ses con-temporains! Comme Jean-Paul Sartre, philosophe français, qui ne dérogeait pas à la règle dont le "Je suis ce que je fais" n'échappait pas lui aussi à la légerté de ses fondements philosophiques qu'on pourrait nommer sans se tromper comme la pensée d'un petit bourgeois. C'est à dire dans le paraître, puisque je montre au public ce que je fais dans ma vie, c'est à dire de bonnes actions en vu d'être bien considéré par ce dernier. Et si je fais de mauvaises actions parmi mes sembla-bles, je serais aussitôt désigné comme un méchant homme au service du mal. Bref, une vision bien moraliste du petit bourgeois qui ne vous aura pas échappé, mon cher lecteur, où considérer l'Homme au yeux d'un public nous semblait bien leger et peu solide pour durer vu que beauco-up d'hommes et de femmes agissaient en tout anonymat pour le bien de leurs semblables. Appa-remment, pour Jean-Paul Sartre, seul l'Homme bon et visible socialement avait ses faveurs! C' est bien pour cette raison que sa philosophie fut des plus éphémères. Car le monde intellectuel des idées n'était pas la finalité du monde, mais qu'une façon de le décorer, de l'expliquer ou de le décrire et surtout avec le gros défaut de trouver des alibis aux Hommes pour s'entredéchirer ou s'entretuer.

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Décidément dans ce monde Occidental, plus personne n'arrivait à la cheville de nos vieux philo-sophes, comme Socrate et Platon à part les penseurs Chinois, Confucius et Lao Tseu. Et contra-irement à ce que beaucoup d'intellectuels ou d'historiens croyaient, Socrate n'était pas un pens-eur occidental, mais un penseur oriental et méditerranéen et pas du tout démocrate, mais mon-archiste. Alors que Platon, un penseur occidental par sa croyance aux valeurs d'une République idéale où le bien finirait par l'emporter. Bref, un pré-christianisme qu'il avait entrevu pour les sociétés futures des Hommes. Après son long monologue, Pedro se tut et semblait regarder da-ns le vide

Et pour la Samba, comment ça s'est passé? demanda soudainement Fabien. Pedro, étonné qu'on passa du coq à l'âne aussi rapidement, le prit avec philosophie et lui dit: Tu sais, après mes deux heures de portugais, on poussait la petite table dans un coin pour avoir plus de place et Alphon-so, l'homme à tout faire de la maison, apportait le gramophone de monsieur Victorio pour pas- ser de vieux disques de musiques brésiliennes. Tu disais un gramophone, mais t'en es sûr Ped-ro? lui demanda-t-il quelque peu surpris. Mais oui, je te l'assure et je ne savais pas bien pourq-uoi, mais monsieur Victorio avait un grand attrait pour les vieilles antiquités qui semblaient lui rappeler son pays, le Portugal. Apparemment, ton hôtel, le Novadoria, était un vestige du passé, Ah!Ah!Ah! ria-t-il en se considérant étrangement en bien meilleur état qu'un vieil hôtel perdu au fin fond de l'amazonie malgré toutes ses infirmités. Oui, je te l'accord bien volontier, dit Pedro, mais sâche que Monsieur Victorio comptait ouvrir son propre musée à l'intérieur de son hôtel afin d'attirer plus de clients et disons-le carrement plus de touristes pour faire marcher ses affaires! Décidement, encore un homme bien pragmatique! lâcha-t-il en faisant une petite gri-mace que Pedro prit comme une façon à lui de montrer ses agacements. Et je parie que les deux vieux, assis dans leurs chaises à bascule dans la salle d'accueil, devaient se réjouir de retrouver leur jeunesse grace au gardien du passé nommé monsieur Victorio, ah! ah! ah! ria-t-il en excéc-rant le passé qui lui rappelait toutes ses maladies héréditaires ainsi qu'une vieillesse qu'il n'atte-indrait jamais pour goûter, comme on dit, aux plaisirs surannés des douces nostalgies, malheu-reusement. Et quand Alphonso remontait la manivelle du gramophone, continua Pedro, j'avais l'étrange impression de remonter le passé où la lumière tamisée du petit hôtel semblait nous transporter dans un pays lointain où mes deux vieux, fumant leurs empestant cigares, ressembl-aient à deux fantômes qu'il ne fallait surtout pas déranger tant ils éprouvaient du plaisir à narg-uer le présent où tout était incerain! Oh oui, fatalement! s'écria Fabien, puisque le passé est une chose acquise, n'est-ce pas? continua-t-il en questionnant Pedro dont le regard était lointain comme plongé dans ses souvenirs où l'hôtel de monsieur Victorio était resté pour lui le grand mystère de sa jeunesse!

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Quant à Fabien( qui n'avait aucun souvenir flamboyant à surgir de sa mémoire pour impressio-nner les autres), il n'avait que le choix de se fondre dans ceux de Pedro afin de remplir son vide existentiel. Car il savait intuitivement qu'un Homme sans passé était aussi un Homme sans av-enir tel était son cas où sa laideur était bien évidemment la cause de tous ses malheurs et se fo-ndre dans la vie des autres comme son unique bouée de sauvetage pour ne pas être englouti par le néant du temps! On disait dans de vieilles légendes que le temps était une immense vague aux eaux monstreuses qui s'avançait jour après jour vers nous afin de nous engloutir entièrement! Et que l'approche de la mort n'était au bout du compte que le bruit fracassant de cette terrible tempète qui s'annonçait au dessus de notre tête! Comme vous le voyez, mon cher lecteur, l'im-portant dans la vie était d'avoir beaucoup de courage et surtout d'être un bon navigateur pour ne pas chavirer aux premiers coups de vent, n'est-ce pas? Et que Fabien, malgré toutes ses avaries, essayait de flotter tant bien que mal sur cet ocean démonté de la vie. Il est vrai aussi que son bateau de fortune avait les cales bien vides en termes de richesses et de souvenirs, ce qui d'une certaine façon le sauvait d'un naufrage certain grace à sa flottabilité et malgré qu'il s'en plaign-ait injustement. Mais en écoutant Pedro avec une grande attention, il semblait revivre et remplir à nouveau ses cales de marchandises de contrebande composées d'histoires invraisemblables, de pirates, d'épices orientales, de pierres précieuses, d'or, d'argent ainsi que de vieilles momies Inc-as et Egyptiennes qui semblaient s'éveiller à l'écoute d'un vieux gramophone installé sur le pont du navire. Apparemment, Fabien était parti très loin de la réalité en suivant de près le récit de son ami qui lui dit soudainement : Etrangement, quand la musique retentissait dans le hall de l' hôtel à travers son vieux gramophone et son immense pavillon en forme de lotus, j'apercevais monsieur Victorio derrière son comptoir lâcher d'inconsolables larmes de nostalgie en regar-dant les deux vieux partager la même émotion où avant c'était mieux! Les deux vieux, touchés au coeur, sortaient alors leurs mouchoirs blancs pour essuyer leurs larmes et exprimer ce qu' aucun mot n'aurait su exprimer pour dire leur haine du présent. Pitoyable! Pitoyable! s'écria Fabien dont la seule valeur à laquelle il croyait était le présent, puisqu'il n'avait pas bien le ch-oix. En fait, ce que Fabien contestait dans cette affirmation à l'emporte pièce où avant c'était mieux, c'était le gros mensonge qu'il colportait. Car si bien éffectivement tout était mieux avant( parce qu'on était plus jeune), cela ne signifiait en rien qu'on était plus heureux!

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En était-il pas la preuve vivante? Et souvent, il se demandait si un jour il avait été jeune? Car naitre laid et mourir laid, n'était-ce pas la même chose ou la preuve qu'on avait jamais été jeu-ne? insista-t-il. Apparemment, sa vie était une aberration de la nature qui, ne nous le cachons pas, offrait toujours à ses créatures force et beauté au debut de la vie. Mais lui, visiblement, rien de tout cela ne lui avait été offert, sinon des douleurs ancestrales et une laideur à faire peur un hypopothame et que dire des jolies filles? Décidement pour lui avant, c'était pas mieux, mais peut-être pire, n'est-ce pas? En se rappelant ces époques mémorables de ses disgraces, Fabien avait espéré en prenant de l'âge que la nature aurait pitié de lui en éffaçant sa laideur avec une gomme magique, tel un adroit dessinateur de bandes dessinées pour lui redessiner un nouveau corps et un nouveau visage qui serait digne d'être regardé par les autres et pourquoi pas envié ou désiré? Malheureusement pour lui, ce miracle n'eut jamais lieu comme dans une fatalité où sa laideur d'année en année s'enlaidissait pour devenir monstrueuse. Il parait que les vieux dis-aient qu'autrefois le pain était meilleur, les fruits plus juteux, la joie plus joyeuse et la littér-ature bien meilleur que celle d'aujourd'hui! Hé bien, pendant que vous y êtes, mes vieux réacs, mais pourquoi pas allonger la liste? s'écriait Fabien avec plein de sarcasmes. Décidément, chez nos vieux débris du passé, il y avait quelque chose qui ne fonctionnait plus très bien, pensait-il ironiquement avec ce fait remarquable que ses douleurs chroniques n'avaient pas affecté son sens de l'humour qu'il savait terrible envers ses semblables. Et s'ils se trompaient grandement sur ces choses dites sensibles et importantes pour tout le monde, c'est parce qu'ils n'avaient plus les sens aiguisés pour les saisir au fait qu'ils s'étaient émoussés terriblement au contact du temps et des choses tel un vieux couteau de cuisine. En gros, il ne bandait plus quand il voyait une jolie fille marcher dans la rue ni goûter au fruit juteux de la vie pour ne pas être grossier, Ah!Ah!Ah! Bref, ils n'arrivaient plus à vider leurs vessies où un cailloux bloquait la sortie, tel un vieux bâtiment qui s'éffondrait de l'intérieur! Visiblement, leur vie était bloquée dans le pas-sé et qu'il faudrait sûrement qu'un tsunami leur passa dessus pour reprendre goût à la vie! pensait Fabien dont les sens aiguisés comme des lames de rasoir prenaient plaisir en mettre en charpie l'humanité qui l'avait mis au rebut de la socièté. Pedro à ses côtés, qui était perdu dans ses souvenirs de jeunesse où il entendait toujours le gramophone de monsieur Victorio resonn-er tel un vieux refrain, comprenait entièrement les haines et les douleurs ancestrales de son ami. Et puis entre nous n'était-il pas un homme comme un autre qui désirait le rester afin de goûter aux plaisirs simples de la vie où quelques pas de samba auraient suffi à le rendre à nouveau heureux?

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Mon dieu, mais qu'est-ce qu'elle fabrique encore celle-là? se demandait avec agacement monsi-eur Victorio qui ne voyait toujours pas arriver Manuella pour donner à Pedro ses premiers cou-rs de samba qu'il avait payé avec de vrais dollars! Décidement, cette gamine n'en faisait qu'à sa tête, une fois de plus! s'indignait-il en regardant les deux vieux colonels à la retraite, assis dans leurs chaises à bascule, qui ne comprenaient plus très bien le comportement de cette jeune fille écervelée et tout particulièrement cette jeunesse qui ne respectait plus rien, ni la bonne musi-que, ni l'autorité des anciens! A les voir lâcher de gros nuages de fumée avec leurs empestant cigares, telle une grosse machine en colère, ils n'étaient pas loin de sortir leurs vieux pistolets de leurs étuis( peut-être rangés dans la boite à cigares placée à proximité?) afin de régler une bonne fois pour toute le compte à cette jeunesse dont l'insolence leur était insupportable. De ce point de vue, monsieur Victorio était parfaitement de leur avis où décidement la jeunesse d'au-jourd'hui ne voulait plus recevoir d'ordres des anciens qui pourtant connaissaient la vie! s'alar-mait-il du virage à 180° pris par celle-ci. Pendant qu'il s'interrogeait sur toutes ces choses qui le dépassaient complètement, le gramophone retentissait dans le hall de l'hôtel en déversant av-ec chaleur sa musique surannée, ce qui aurait dû pourtant l'avertir, n'est-ce pas? s'agaçait-il à nouveau en trépignant des pieds derrière son comptoir en observant d'un oeil méfiant Manuella qui dans la salle du restaurant mettait les couverts sur les tables sans se soucier de rien d'autre. Manuella, tu viens où je vais te chercher par les cheveux? cria soudainement monsieur Victorio qui semblait faire claquer sa voix comme une cravache prête à s'abattre sur la pauvre fille! Mais étrangement, Manuella ne daigna même pas lever la tête devant les menaces explicites de son patron et continua son travail comme si de rien n'était et semblait rêver à la nuit dernière où son petit copain Romero l'avait envoyé au septième ciel dans son plumard en esquissant un sourire pour ses prochains jours de congé où jouissances et félicités seront dégagées de l'autorité des tous ces vieux croulants de l'hotel! pensa t-elle perchée sur son nuage. Pour elle, il ne faisait aucun doute que le Novadoria hébergeait entre ses murs une bande de tortionnaires fait de vie-ux fachos, de nazis et des colonels de l'ancienne dictature du Brésil ou peut-être du monde en-tier qui se trouvaient bien ensemble? se demandait-elle en disposant sur les tables les fourchett-es et les couteaux ressemblant étrangement à des instruments de tortures. Tout à coup l'un des vieux se leva de son fauteuil (malgré son arthrose) et balança son cigare à moitié terminé en direction de Manuella où celui-ci finit par atterrir devant ses pieds!

Très étonnée par cet évènement, rarissisme au sein d'un hôtel, elle n'en fit pas une grande affai-re, mais leva les yeux en direction de la salle d'accueil où elle aperçut l'un des vieux lui tendre le poing et lui crier : Connasse, ça fait dix minutes que ton patron t'appelle et tu ne décolles mê-me pas! Rhaaa, femme du démon! lança-t-il très énervé en se cramponnant au fauteuil pour ne pas tomber. Etonnamment, Manuella, au lieu de lui crier à la figure et de le traiter de vieux tortionnaire comme à son habitude, donna un coup de pied dans le cigare qui repartit illico vers son expéditeur qui le recut en plein visage! Ah!Ah!Ah! ria aussitôt Alphonso, l'homme à tout faire de la maison, qui était considéré par tout le monde comme un débile mental, mais un rôle que ce dernier jouait à merveille pour se dédouaner de toutes ses gaffes. Quant à Pedro, qui était à ses cotés, il ne savait pas quelle attitude prendre devant cette scène qui ressemblait étrangement à un vieil opéra comique où le gramophone débitait un air vieux en total disso-nnace avec l'insolence de Manuella. Apparemment, il existait de la vieille musique, comme il existait du vieux cinéma et des vieux sentiments que la jeunesse d'aujourd'hui n'arrivait plus à saisir ou à comprendre. A ce propos, il m'est souvent arrivé de regarder de vieux films amé-ricains des années 30 sans rien n'y comprendre où la morale chrétienne était apparemment le personnage principal où tous les personnages secondaires devaient  s'y contraindre au risque d' être en disgrace avec la socièté ou d'être jeté tout simplement en prison! En résumé, le cadre était la morale et l'imagination du cinéastre les limites qu'il ne devait pas dépasser pour avoir du succès auprès du public, bien évidemment. En tout cas, ça ne lui empechait pas de pondre des scénarios plus ou moins farfelus où le fond des choses restait toujours le même, bref, ne pas trop bousculer le public qui tenait beaucoup à ses moeurs ou à ses habitudes, comme à la prunelle de ses yeux! C'est la raison pour laquelle, je n'ai jamais trouvé quelque chose de ré-volutionnaire dans le cinéma( sinon son invention) et tout particulièrement dans l'invention de ses scénarios où le public restait tout de même le destinataire ou le juge suprême auquel il ne fallait pas attendre des choses bien révolutionnaires, mais très conventionnelles, n'est-ce pas? En fait, j'ai toujours pensé que la vie réelle était la meilleur place de cinéma qu'on pouvait avoir sans payer sa place et Pedro en ce moment semblait vivre une de ces scènes où tout se passait en temps réel, bref, mieux qu'au cinéma! Ah!Ah!Ah! ria de plus belle Alphonso en reg-ardant le visage de Dimitrio noirci par le cigare propulsé par Manuella comme une bombe. Ce dernier très en colère dit à son vieux compagnon de route : Mais tu as vu, j'ai failli perdre un oeil à cause de cette connasse!

Mais ne te fâches pas comme ça, Dimitrio, elle est bête comme ses pieds même si elle a un très bon coup de pied du droit! dit-il sans savoir le mal qu'il faisait à son vieil ami. Ah!Ah!Ah! ria à nouveau  Alphonso qui, pris dans son délire, lança subitement : Manuella, Manuella, au poste d'avant centre de l'équipe du Brésil! Manuella, Manuella, au poste d' avant centre de l'équipe du Brésil! Monsieur Victorio, niché derrière son comptoir, était sidéré par la débilité et l'incompé-tence de son personnel et rongeait son frein pour ne pas mettre tout le monde dehors et regar-dait Pedro comme son sauveur et un soutien vital pour ne pas se jeter dans les eaux boueuses du fleuve Amazone! Espèce de con! lança Dimitrio très énervé contre Alphonso qui démontrait qu'il était un vrai débile mental. Mais ne te fâches comme ça, lui dit son vieil ami, c'est très mauvais pour ton coeur! De plus, il ne sait pas pourquoi il rigole tellement il est idiot, ajouta-t-il. Aussitôt Alphonso pour enfonçer le clou en rajouta une couche en riant de plus fort au mo-ment où le gramophone débitait un vieil air d'opéra dégoulinant d'un romantisme écoeurant. Sainte mère de l'Eglise, mais qu'ai-je fait au bon dieu pour mériter une telle équipe de bran-quignoles? se lamentait Victorio en les regardant tous comme des diables en excluant Pedro qui ne semblait pas vouloir prendre part à cet opéra comique joué en pleine Amazonie en res-tant stupéfait. Tout à coup, Manuella voulant faire avancer la situation, lança brutalement à son patron : Je suis désolé, monsieur Victorio, mais comment voulez-vous que j'apprenne la samba à Pedro avec cette musique de vieux! Ah!Ah!Ah! ria de plus belle Alphonso qui voulait prouver qu'il existait toujours et malgré sa débilité viscèrale, ce qui provoqua au sein de l'hôtel une gra-nde indignation venant aussi bien du vieux mobilier que des personnes transformées en vieux bibelots ou en hôtes perpétuels! Quant au gramophone, imperturbable comme une machine à remonter le temps où tournait un vieux 78 tours, il s'en moquait éperdument de s'adresser ou non à des êtres vivants, mais compressait les mollécules d'air comme un vieux piston du passé. Pouet! Pouet! semblait-il dire au monde contemporain, comme une vieille Torpédo dont les occupants étaient morts depuis belle lurette. Pouet! Pouet! semblait-il lâcher comme les pets d' un cadavre en putréfaction que la jeunesse de Manuella et d'Alphonso refusait de voir le corps décomposé en considérant que sa résurrection fut une chose ridicule malgré l'insistance des vie-ux moribonds de l'hôtel à vouloir le faire ressuciter. Dimitrio, épuisé par ses vaines tentatives de se faire comprendre et de prouver son existence à la jeunesse insolente, se laissa tomber dans son fauteuil comme une vieille carcasse. A ses côtés, son vieux compagnon de route lui donna une petite tape dans le dos pour le consoler et lui dit : Dimitrio, mais ne te fais de mauvais sang, car eux aussi deviendront vieux!

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Aussitôt le regard de Dimitrio s'illumina d'un air diabolique quand il regarda Alphonso rire co-mme un idiot en le voyant comme un futur cadavre où il était inutile de lui tirer une balle dans la tête pour se venger, parce que la vie le ferait à sa place et que tout ceci n'était qu'une question de temps. Ah!Ah!Ah! Ah!Ah!Ah! ria-t-il à son tour d'une manière grotesque en visant symboliquem-ent Alphonso avec ses doigts comme un enfant muni d'un pistolet imaginaire. Pan! Pan! Pan! Pan! surgit aussitôt de la bouche de Dimitrio revenu en enfance ou peut-être au temps de sa jeu-nesse sous la dictature des colonels? Par solidarité, son vieil ami l'imita au point qu'on entendit dans la salle d'acueil, une salve de Pan! Pan! Pan! Pan! dirigée vers Alphonso qui pris de frayeur se couvrit le visage avec ses mains pour éviter les balles, puis se laissa tomber au sol en faisant le mort! Monsieur Victorio, horrifié de voir son respectable établissement se transformer en asi-le psychatrique sous le regard médusé des clients qui entraient dans la salle d'accueil, bondit ho-rs de sa loge comme un diable et cria à tous : Maintenant, ça suffit! et vous les vieux cessez vos gamineries, sinon je vais me fâcher! Et toi, Alphonso, releves-toi immédiatement, sinon tu ne te relevras plus jamais de ta vie! le menaça-t-il avec des yeux injectés de sang. Alphonso, saisissant sa folie qui avait dépassée les bornes, honteux se releva et regarda Manuella avec tendresse, comme si toute cette comèdie avait été jouée pour elle afin de la séduire. Pédro, pétrifié dans son coin par la situation et seulement pour un cours de Samba, était convaincu qu'Alphono était amoureux de Manuella, mais qu'il ne le lui avait jamais déclaré sa flamme. Car dans cet hôtel, planté au milieu de cette cathédrale amazonienne, il se sentait comme Quasimodo dans le célèbre roman de Victor Hugo " Notre Dame de Paris" où Esmeralda s'appelait Manuella. Henrique, qui avait assisté de loin à la scène, furieux, revint pour décrocher du mur le portrait de Pierre 1er (le premier empereur du Brésil) et leur lança d'une manière véhémente: Oh mon dieu, mais comme-nt voulez-vous que le Brésil sorte la tête hors de l'eau avec des gens comme vous? Puis fila dés-espéré vers la sortie les yeux remplis de larmes. Ce qui plongea tout le monde dans une profonde indignation aussi bien Monsieur Victorio que les deux vieux colonels à la retraite ainsi que la jeunesse de Manuella et d'Alphonso qui semblait prendre conscience de leur magistrale bêtise ou immaturité causée par le monde moderne où la grandeur de leur pays était devenue un objet de rigolade! Quand à Pedro, qui était Chilien, il observait tout cela avec une grande curiosité ou peut-être comme un futur projet ethnologique ou sociologique sur la socièté Brésilienne? En fait, il n'en savait rien pour l'instant et attendait un peu bêtement la décision de monsieur Victo-rio quant à son cours de Samba qui semblait très mal engagé. Bon, dit-il à Alphonso, range le gramophone dans mon bureau et demain tu apporteras des disques plus récents pour permettre à Pédro d'apprendre la Samba qui est le pilier de notre culture Brésilienne! Ce qui attérra aussitôt les deux vieux colonels assis dans leurs chaises à bascule, mais provoqua un grand sourire sur le visage de Manuella.

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Fabien, qui était absorbé par l'histoire de Pedro, semblait en admiration devant les prestations guignolesques d'Alphonso qui, malgré sa débilité mentale, avait une vie sociale. Alors que lui, n'en avait aucune, saisit-il avec effroi. Apparemment, l'homme à tout faire de la maison avait trouvé une façon géniale pour être accepté parmi ses semblables! pensa-t-il ébloui par le génie des imbéciles. Et prêt à changer son lourd handicap physique contre un gros handicap mental ou, tout compte fait, il aurait l'avantage de faire rire ses semblables avec des gaffes incontrôlées et à répétitions. Bref, comme un bouffon chargé de faire rire le peuple ou le Roi qui lui donnerait alors un statut social pour service rendu à la nation ou bien au royaume contre la dépression, bien évidemment Ainsi constatait-il que la fonction du débile mental ou du comique dans la socièté n'avait guère évoluée depuis des siècles ou à l'évidence il avait trouvé une façon géniale de négocier sa folie contre un couvert, un toit, une couche et pourquoi pas la fortune pour certa-ins qui en faisaient profession? Ah mon dieu et tout ça parce qu'ils débitaient de grosses conn-eries à longueur de journée! s'indignait Fabien en se massant la jambe où ses handicaps physi-ques l'empêchaient souvent de rire pour un rien et surtout pour des conneries débitées à la télé toutes les 3 secondes! Mais bon, c'était notre époque et l'on y pouvait rien! admettait-il amère-ment où la débilité était devenue une marchandise comme une autre, mais avec le défaut de ren-dre idiot toute une population et tout particulèrement les Français alors très heureux d'alléger leurs consciences de ce lourd poids qu' on appelait la Culture pour une culture de chiottes ou du tout à l'égout! Bref, une chose bien pratique pour la jeunesse d'aujourd'hui, n'est-ce pas? s'indig-nait-il à nouveau en maudissant ses tares héréditaires issues de ses origines françaises! Bref, un mal incurable qui lui était impossible de guérir malgré les incantations magiques de son ami Pedro, le sorcier des Andes. Visiblement, la télé d'aujourd'hui ressemblait beaucoup à la cour d' autrefois où l'on s'y bousculait pour obtenir du Roi des faveurs ou bien une rente annuelle con-tre des flatteries bien orchestrées, mais totalement hypocrites, il faut se l'avouer. Bref, une resse-mblance étonnante avec nos moeurs audiovisuelles où l'on voyait toute l'année les mêmes indi-vidus ou courtisans prêts à vendre leur âme pour un succès populaire, comme nos comiques débiles ainsi que nos écrivains-journalistes qui pullulaient comme des mouches sur une grosse merde! Et si je vous parlais méchamment de tous ces écrivains-journalistes, ce n'était pas par gratuité, croyez-le bien. Mais parce qu' un jour, en lisant un livre sur l'occupation Allemande, j'ai appris que la plupart des collaborateurs nazis était des écrivains-journalistes prêts à tout pour avoir du succès auprès du public et surtout auprès des puissants, ce qui n'avait guère changé aujourd'hui, n'est-ce pas?

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Visiblement, l'écrivain-journalisme était une profession tordue faite tout particulièrement pour les gens tordus, comme nous le savons tous désormais. Et ce qui me subjugue toujours, quand je regarde la télévision, c'est de constater chez la plupart des journalistes, un grand pragmatisme à propos des sujets qu'ils vont traiter à l'antenne. Comme par exemple en sortant à chaque fois de leur boite à malices, un certain docteur " mal au cul " pour nous parler des hémorroïdes ou bien d'un docteur "Bernard Henry Levy ou Michel Onfray" pour nous parler de la Vérité déconnectée de toute réalité sans oublier nos supers heros de bandes dessinées prêts à sauver la planète et la civilisation française, comme SuperHulot ou Capt'aine Zemmour, Ah!Ah!Ah! Décidément à la télé, les Yesmens ou les Ouiseurs (les gens qui disaient toujours Oui pour avoir du succès) étaient fort nombreux, n'est-ce pas? En fait, ce qu'il y avait de formidable quand on était laid (ce que pensait souvent Fabien), c'était de pouvoir dire des méchancetés sur ses semblables sans que cela vous pose véritablement des questions de conscience. Car bien même vous leur diriez des choses agréables, jamais ils ne vous croiront au fait que ces compliments étaient exprimés par un être hideux (qui les aiderait en rien à reussir leur carrière, mais plutôt à la faire échouer, ce que tout le monde de sensé pourrait comprendre) et deuxièmement parce qu'ils ne vous aimerons jamais à cause de votre laideur. A ce propos, la nuit dernière, j'ai fait un horrible cauchemar où un gros cafard me disait qu'il me trouvait très beau! Ce qui m'avait profondément choqué, alors que je n'aurai pas dû l'être vu que j'étais laid comme un cafard! Mais bon, l'amour propre était en chacun de nous comme une sangsue dont il était très difficile de se débarrasser, n'est-ce pas, mon cher semblable? Pour moi, il était évident que la laideur avait toute sa légitimité pour dire des méchancetés à ses semblables en ne comportant aucune dissonnace ou contradiction dans son expression. Et moi qui suis laid comme un babouin, je sais de quoi je parle, croyez-le bien. En fait, ce qu'il y avait de remarquable chez les gens laids ou leur plus grand défaut, c'était leur in-capacité à imiter les autres qui les empêchaient à proprement parler d'être admis au sein de la communauté humaine, comme pour les génies dont la conversation trop brillante faisait fuir la plupart des Hommes égocentriques, mais bêtes! En fait, ce que je trouvais horriblement laid, ce n'était pas lorsque la laideur s'exprimait en toute liberté et d'une manière naturelle, comme nous l'avons dit, mais lorsque qu'une belle personne s'exprimait avec une grande vulgarité, comme si elle voulait s'emparer du langage de la laideur, alors qu'elle n'en avait pas la légitimité! Et si je vous parlais de tout ceci, c'était en toute connaissance de cause. Car un jour, je fus confronté à ce grand paradoxe( où après avoir énervé une jolie fille qui pensait avoir toujours raison parce qu'elle était belle, mon dieu quelle foutaise!), je l'ai entendu me dire en me regardant dans les yeux : Vas-te faire enculer!

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Ce qui m'avait horriblement choqué en entendant cette expression sortir de sa jolie bouche où il y avait comme une dissonnace, mais aussi parce que je n'étais pas homosexuel. En fait, j'avais empiré mon cas en lui disant que son expression directe aurait pu plaire à un homosexuel, mais pas à moi, car je n'étais pas homosexuel. Ce qui l'horrifia ainsi que ses amis qui me traitèrent aussitôt d'homophobe! Apparemment, quand les imposteurs s'emparaient du rôle des autres sans aucune légitimité, ça sonnait horriblement faux, comme la bêtise voulant revêtir les habits de l' intelligence ou bien la beauté singeant la laideur. Bref, j'ai toujours eu horreur des gens qui vo-ulaient parler à ma place, comme ces psychologues, sociologues, psychanalistes, psychiatres, ho-mmes politiques etc. Car pour me sentir exister, j'ai un besoin vital de m'exprimer avec mes pro-pres mots et malgré qu'ils soient imparfaits. C'est comme si vous enlevier à une bête ses grogne-ments de mécontentements ou bien ses gémissements de plaisir qui je pense la tuerait au bout de trois jours sans vous parler du grognement du peuple qui pourrait vite tourner en révolution. Ce qui aurait beaucoup étonné, je pense, Georges Orwell( l'auteur de 1984, un livre sur les dictatu-res modernes) de voir notre soi-disant parfaite démocratie se transformer en une dictature de l' imposture. Ce qui n'était pas très éloigné du fachisme ou du nazisme, je vous l'assure. A ce pro-pos, hier après-midi, en allant chercher mon pain à la boulangerie, j'ai été très surpris de voir da-ns la rue plein des beaux gosses et de belles nanas sortir de superbes bagnoles. Bien évidemment, pour ne pas vivre cet enfer, j'ai dû fermer les yeux jusqu'à la boulangerie. Et je pense que la sem-aine prochaine, j'irai m'acheter une canne pour aveugle afin de passer inaperçu auprès de mes encombrants contemporains. Comme vous le voyez, mon cher lecteur, sans conteste, le monde moderne avait tendance à nous rendre muet et aveugle par les faits que je venais de vous mentio-nner, bref, par tous ces usurpateurs qui voulaient parler à votre place et par tous ces gens biens nés qui voulaient vous imposer leur dictature, celle de l'image. A l'évidence, cette caractéristique déficiente d'être muet et aveugle en même temps nous rendrait à l'avenir complètement sourds comme des carpes, n'est-ce pas? Avec de forte chance que le monde de demain devienne un mo-nde tridéficient, c'est à dire sourd, muet et aveugle pour pouvoir supporter cette vie infernale, hum? Décidément, la grande généralisation opérée par nos médias( pour le soi-disant bonheur du peuple) était une funeste fumisterie! Mais dont personne ne s'apercevait parce que la commun-ication médiatique avait pris l'ascendant sur nos sens réels. Où dire "Oui" suffisait pour dire qu' on était capable de faire les choses et dire "Non" comme une erreur de communication quand on s'adressait au peuple sauf pour dire qu'on était contre la violence, le racisme, le cancer, la bar-barie etc, ce que tout le monde admettait facilement même le voyou qui vous mettait son flingue sur la tempe en vous disant : Donne-moi ton portefeuille, si tu ne veux pas que abuse de la viol-ence pour te prendre votre oseille! Décidément, nos hommes politiques ou communicants nous prenaient pour des imbéciles parce que nous étions devenus déficients à force d'écouter les au-tres parler, penser et imaginer à notre place!

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Bref, en étant devenus des êtres invertébrés, comme des insectes qui n'avaient plus aucune ante-nne pour se diriger dans la bonne direction. Apparemment, nous déambulions dans un monde très opaque où seuls les genies pouvaient nous aider à trouver une sortie digne pour notre civilisa-tion. Fabien, qui était revenu à la réalité, demanda soudainement à Pedro : Mais alors qu'as-tu fait après cette scène mémorable au Novadoria? Eh ben, je suis sorti visiter la ville de Manaus pour me changer les idées! lui répondit-il content de voir son ami reprendre le fil de son histoire. Mais comprends bien, mon cher fabien, que mon but n'était pas de faire tous les tripots de Ma-naus et de voir des filles pour me divertir! lui avoua-t-il avec une grande franchise. Ah bon? lui demanda -t-il très étonné par la sobriété de son ami qui était une force de la nature. Oui, car Alberto m'a-vait dit de ne pas fréquenter ce genre d'établissement où je risquais de me faire voler mon argent, puis de me faire assassiner! Et je pense que tu as eu parfaitement raison, lui dit-il, car les filles ça porte la poisse. Ah!Ah!Ah! ria Pedro qui comprenait entièrement les haines de son ami qui n' av-ait jamais connu de femmes dans sa vie, sinon sa mère qui l'avait abandonné à sa naissance pour cause de laideur. Bref, pressé de sortir de l'hôtel pour ne pas devenir fou, je remarquai sur le co-mptoir de monsieur Victorio de petits prospectus destinés aux touristes, me sembla-t-il, où j'ape-rçus sur l'un d'eux, la publicité d'un musée flottant sur les rives de l'ama-zone. Monsieur Victorio, auquel rien n'échappait dans son hôtel où son âme respirait dans cha-que recoin comme un grand fantôme, me dit spontanément : Mais oui, Pedro, n'hésitez pas à y allez, car vous ne serez pas dèçu par la visite! Et d'après mes lointains souvenirs, c'est l'un des plus beau musée que nous avons ici à Manaus dont l'originalité est de se trouver sur un vieux bateau à vapeur datant du 19 ème siècle. Et vous qui vous destinez à l'archéologie, c'est une visite à ne surtout pas manquer afin de connaitre l'histoire de notre belle ville de Manaus qui mériterait d'être connu dans le mo-nde entier autant que Paris! lança-t-il un peu pompeusement. Mais une chose que j'avais beau-coup de mal à saisir sachant que la plupart des gens ignorait totalement l'existence de la ville de Manaus! Me voyant toujours hésiter à faire mon choix, il me dit : Si cette visite vous ennuie un peu, vous pouvez aussi aller visiter notre grand opéra dont nous allons fêter le bicentenaire cette année! Prenez le petit prospectus qui s'y rapporte où la magnificence et l'excellence nous sont en-viées même par Rio de Janero! me dit-il emporté par un lyrisme que je lui connaisais pas. Quoi, Monsieur Victorio, vous avez ici à Manaus un grand opéra? lui demandai-je d'une manière ah-urie en pensant à la folie des Hommes qui avaient eu cette idée extravagante de construire un opéra au fond de l'amazonie! Mais oui, mon cher Pedro, ça vous étonne, n'est-ce pas? m'envoya-t-il en me narguant presque. Mais comprenez bien que ce n'est pas parce que nous vivons au fond de la jungle que nous sommes pour autant des sauvages! précisa-t-il comme pour me metre à l' épreuve.

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Monsieur Victorio, vous savez bien que je suis totalement d'accord avec vous et que je n'ai jam-ais eu ce genre de préjugé sur les sauvages qui sont souvent plus humains que la plupart des Ho-mmes modernes vivant dans les mégalopoles! lui dis-je afin de le rassurer sur mon ethique perso-nnelle. Vous êtes quelqu'un de bien, mon cher Pedro, finit-il par me dire en me glissant les deux prospectus dans la poche de ma chemise. Les adresses sont indiquées dessus et se trouvent près du port, vous ne pouvez pas vous tromper! Monsieur Victorio, vous êtes pour moi comme un second père et sans vous, je serais complètement perdu dans ce nouvel univers, lui dis-je avant de prendre la route pour le port de Manaus. Fabien à côté semblait rêveur devant l'histoire fabul-euse de Pedro où il allait pouvoir enfin visiter un musée ancré sur les bords de l'amazone, mais aussi visiter le grand opéra de la ville de Manaus où il imaginait le grand Caruso chanter le jour de son inauguration! Depuis sa rencontre inespérée avec Pedro, grâce à la mort de la vieille, il avait le sentiment que son imagination s'était développée considérablement au point d'entrape-rcevoir un possible amour avec cette humanité qui l'avait mis au rebut de la socièté. Désormais libéré de toutes ses haines et de ses rancoeurs, grâce au sorcier Pedro, il était prêt à prendre part à toutes ces festivités dont la ville de Manaus se préparait avec exubérance pour recevoir le grand tenor italien Caruso! Et par toutes ses facultés retrouvées, il pouvait entendre le son des fanfares retentir dans les rues boueuses de Manaus où la foule en liesse lançait des tonnes de confettis et des rubans de couleur sur le char fleuri où Caruso entonnait le célèbre O sole Mio! Tout en ima-ginant la périlleuse aventure qui l'avait fallu à cette troupe d'artistes Napolitains pour remonter le fleuve amazone en bateau à vapeur au risque d'attraper des maladies tropicales ou de se faire manger par des piranhas! salivait-il pendant que Pedro sortait du Novadoria en se dirigeant vers le port où se dressaient à l'horizon ses immenses grues qui semblaient danser au rythme d'un air de Rossini! Plus il avançait dans leur direction, plus les grues semblaient grandir tels des mon-stres d'acier où émanaient des odeurs de cambouis, de fer et de caoutchouc ainsi que le bruit in-fernal des sirènes de bâteaux et des alarmes destinées aux dockers. Tout ce boucan d'enfer fait d' acier, de trompes, de vents et d'odeurs de sel marin et de pétrole ne lui déplaisaient pas à vrai dire en y voyant tout le travail des Hommes à nourrir leurs rêves les plus fous! Et puis cette odeur de cambouis qu'il y avait dans l'air lui rappelait son enfance sur le port de Santiago où avec ses copains ils aimaient visiter les vieux bâteaux échoués sur l'embarcadaire. Au dessus de sa tête semblait valser des tonnes de marchandises qui étaient prêtent à s'écrouler sur sa petite existence où passé et modernité étaient inséparables de la vie des Hommes. Décidé-ment, il entendait toujours dans sa tête le vieux gramophone de Monsieur Victorio lui rappeler d'une manière lancinante qu'il était hors du monde et dans une socièté brésilienne qui n' avait pas bougé depuis le 19 ème siècle en ressemblant à un immense opéra à ciel ouvert!

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Fabien à ses côtés était entièrement d'accord avec son ami et regardait avec nostalgie sa vieille guitare appuiée contre le carreau de la fenêtre qui n'avait pas résonné depuis des siècles dans son appartement, regrettait-il amèrement lui qui pourtant avait un joli brin de voix, mais dont la lai-deur avait gâché la carrière! Et si Pedro ne lui avait jamais posé de question sur cette guitare recouverte de vieux autoccollants( en ne sachant pas que Fabien avait joué dans un groupe de rock dans sa jeunesse), c'est parce qu'il devait penser qu'elle était un objet de décoration, comme on en trouvait souvent dans les appartements des bobos. Malheureusement, Fabien n'était pas du tout un bobo, mais constatait avec le temps que ses maladies héréditaires s'étaient beaucoup agr-avées au point de ne plus pouvoir plaquer le moindre accord sur sa guitare sans lui occasionner de terribles souffrances articulaires. Parfois par nostalgie, il allait chercher au fond d'un tiroir secret son vieux cahier de compositions, le ramenait sur le canapé et le lisait en étant sidéré par la débilité des paroles de ses chansons! Mais c'était comme ça à l'époque où le rock 'n' roll ne s' embarrassait guère avec la littérature afin de provoquer le public qui lui aussi était bête comme ses pieds! pensa-t-il en regrettant de ne plus pouvoir s'accompagner avec sa guitare pour adoucir ses souffrances éternelles. Mais bon pourquoi chanter sur son pauvre sort quand on était laid co-mme un crapaud que personne n'était prêt à écouter à cause de sa laideur? insista-t-il en pensant étrangement au musicien Antonio Vivaldi qui, par pénurie de voix d'enfants pour ses choeurs, allait les chercher dans les orphelinats de Vénise. Tout en faisant l'horrible constat que la grande majorité des enfants qui avaient une voix sublime était frappé par la laideur où les uns étaient borgnes, les autres amputés d'un membre à cause de leurs parents tortionnaires ou bien touchés par la petite vérole sans parler de certains qui avaient perdu complètement la tête après avoir été violés! Bref, voyant son impossibilité d'exposer ce choeur hideux au public( qui prendrait aussi-tôt la fuite en voyant des monstres chanter des louanges à dieu!), il avait intercalé entre le choeur et le public de hauts paravents décorés afin que personne ne puisse voir le visage des enfants cha-nter divinement à la gloire de dieu! Décidément, Antonio Vivaldi n'était pas seulement un grand compositeur, mais aussi un grand illusionniste où le plus important pour lui était la musique et non l'image de la musique, comme on le voyait malheureusement aujourd'hui dans nos émissi-ons débiles types" A la recherche de la nouvelle star!" s'indignait Fabien en revenant à la réalité afin de suivre le périple de Pedro sur le port de Manaus. Mais il faut dire à notre cher lecteur que le secret des chants célestes de Vivaldi fut révélé par Casanova dans ses confessions où il nous avouait sans honte être un débauché, mais aussi un amoureux fou des voix d'enfants lui rappel-ant son innocence perdue! Pedro dans les méandres du port avait le sentiment d'être suivi avec cette peur horrible d'être égorgé pour une poignée de dollars!

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Tout à coup, ne se contrôlant plus, il partit en courant vers un immense hangar où il aperçut d' innombrables caisses de marchandises s'élevant jusqu'au plafond où il pourrait s'y cacher. Après avoir couru une longue distance, sans même se retourner un seul instant, il remarqua devant lui un container en acier où il était inscrit dessus Eldorado! Pensant aussitôt à un signe de la provi-dence, il s'engoufra derrière où de hautes caisses en bois cachaient la vue de l'allée principale. A bout de souffle et les poumons prêts à exploser et tous ses sens aux aguets, soudainement, il en-tendit des voix d'hommes lui parvenir depuis l'allée de circulation! Tu l'as vu? demanda un ho-mme à son complice avec un ton de voyou qui n'échappa pas à Pedro, malgré son ignorance pour l'instant de la langue portugaise. Non, dit-il, fait chier, je crois bien qu'il nous a échappé, le Chi-lien! Alluciné d'entendre le mot Chilien prononcé à son égard, il comprit aussitôt que ses intui-tions s'étaient révélées exactes et qu'il était apparemment surveillé depuis son arrivée au Nova-doria par la mafia locale. Pourtant, il s'était toujours montré discret en ne prenant jamais son sac à dos quand il sortait en ville, car le signe évident pour les voyous qu'ils avaient affaire à un tou-riste portant sa maison sur le dos ainsi que son argent. Même avec ses traits amérindiens, il pou-vait passer inaperçu auprès des Brésiliens, mais comprenait que sa peau blanche héritée des con-quistadors espagnols l'avait comme trahi! Instinctivement, il grimpa à l'echelle du container pour s'allonger avec toute la prudence du monde sur le toit où la tôle en acier avait des résonances éff-rayantes! Sentant le danger pour sa vie, Pedro, grâce à ses dons de sorcier, se transforma aussitôt en petit lézard dont le souffle était quasiment inaudible ainsi que les membres rendus totalement immobiles. Fabien, qui suivait l'aventure de son ami par la pensée, avait l'impression que son visage s'était figé, non pas dans une torpeur, mais dans un vide émotionnel où il lui était impos-sible de bouger le moindre petit doigt! Espérons qu'il ne se fige pas trop longtemps dans cette position, pensa-t-il en sentant son souffle et son rythme cardiaque baisser anormalement. Afin de contrôler son souffle intérieur, il ferma les yeux, puis attendit que Pedro sorte de son sommeil éveillé propre aux sorciers Incas. Celui-ci sembla durer une éternité où aucune pensée ne lui traversait l'esprit, mais où tous ses sens étaient en pleine activité, comme chez ses petits animaux amazoniens dont la mission était la survie. Mais à ce propos qu'avait-il fait d'autre chose depuis sa naissance, sinon survivre au drame de sa vie marqué par son abandon par sa mère? Et qui d' entre nous n'a jamais ressenti au fond de sa chair, ce terrible sentiment d'être abandonné par ceux qui nous avaient enfanté dont la mission était de nous protéger des dangers de la vie sans pour autant se suicider? Car instinctivement, nous savions tous que la vie l'exigeait pour chacun d' entre nous afin de gagner notre autonomie et notre liberté. Et Fabien, malgré ses plaintes const-antes d'avoir été injustement maltraité par la vie, connaissait parfaitement cette vérité, non écrite, qui s'appelait la nécessité de survivre que les biologistes appelaient l'instinct de conservation!

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Pedro, n'entendant plus aucun bruit autour de lui, retrouva son apparence humaine en voyant ses écails de lézard disparaître de sa peau et Fabien sentit affluer à nouveau son sang vers l'extrémité de ses membres! Aussitôt, il se massa la jambe qui était engourdie par l'expérience extrasensorie-lle de son ami, le sorcier des Andes. Il avait le sentiment d'être connecté à chaque instant au cerv-eau de Pedro, non par un fil électrique, comme l'auraient rêvé les scientistes, mais grâce à un mi-roir métaphysique dont la plupart des gens ignoraient l'existence! En le confondant souvent avec le miroir de leur salle de bain où ils se voyaient seuls et nus ou bien avec celui des médias où ils se voyaient en constante compétition avec les autres! Ce qui n'était pas très réjouissant pour no-us, n'est-ce pas, mon cher lecteur? Aussitôt, Fabien comprit, grâce à son miroir métaphysique, qu'aucun voyage initiatique ne pût être sérieusement entrepris sans un fidèle compagnon. Com-me Dante visitant l'enfer sur le dos de Virgile ou comme la terre et la lune fidèles amies depuis la création du monde ou comme l'amour indestrucible entre une mère et son fils. Ce qui pouvait être parfaitement compris par les homosexuels, les lesbiennes et les transgenres que la nature av-ait fabriqué comme des êtres solitaires et déprimés! Fabien, qui n'avait jamais connu l'amour d' une mère, d'un père et de ses semblables, sentit que son miroir métaphysique était sa planche de salut où il pouvait entrapercevoir une possible fusion avec les autres! Pedro, en se redressant sur jambres engourdies, comprit qu'il s'était passé des heures depuis sa fuite à travers le port et sa métamorphose en lézard sur le toit du container en remarquant que sa montre marquait 8 heures du soir. Mon dieu, j'ai pas vu l'heure passer! lâcha-il en ésperant que le musée de Manaus soit toujours ouvert. Aussitôt, il descendit du container et se dirigea vers la sortie du hangar où l'ob-scurité avait envahi le port par ses lampes au sodium diffusant une lumière de fin du monde. Sans pour autant ralentir son activité portuaire où importations et exportations devaient assurer l'expansion de la ville de Manaus au fond de l'amazonie. Arrivé près des portes du hangar, où un immense lampadaire diffusait une lumière d'apocalypse, il sortit de la poche de sa chemise le pe-tit prospectus et regarda avec attention les horaires d'ouvertures du musée dont le nom était l' Amazonias. Mais s'attarda quelques instants sur le dessin imprimé où l'on voyait le musée flotta-nt bâti sur un vieux bâteau à vapeur avec sa grande roue à aubes, comme il en avait vu dans les livres de son enfance en suivant les aventures de Tom sawyer sur le bord du Mississippi! Visible-ment, nous n'étions pas au bord du Misisippi, mais au bord de l'amazone avec ses eaux boueus-es, déplora-t-il en comprenant vite que les heures d'ouvertures du musée étaient dépassées. Mais étrangement, par goût de l'aventure, après avoir échappé à des malfras qui l'auraient bien mis en compote pour lui piquer son argent, il ne souhaita pas revenir bredouille à l'hôtel pour dormir comme un petit vieux, pensa-t-il héroïquement, en voulant prolonger cette nuit magique où il pouvait se métamorphoser à tout instant en petit animal invisible et pourquoi pas en bale de co-ton comme il en voyait beaucoup autour de lui?

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Sans hésiter un instant, il reprit sa déambulation à travers le port en faisant très attention à ne pas se faire écraser par ses énormes engins roulants qui transportaient des containers d'acier comme de petites brindilles en sachant que son point de chute était le musée de Manaus pour ne pas être englouti par la nuit. Fabien, qui suivait l'histoire de Pedro par la pensée, n'était pas entièrement d' accord avec son ami qui prenait des risques inconsidérés vu que le musée devait être fermé à cette heure-ci. Avec la crainte qu'il rencontre à nouveau une bande de malfrats qui lui ferait la peau pour une poignée de dollars ainsi que des prostituées transportant dans leurs vagins des ma-ladies tropicales plus grave que le sida! s'alarmait-il pour son ami dont le visage était en feu dans la nuit obscure. Avant de partir à la recherche de l'arche perdue, comme on dit pour tout voyage initiatique, Pedro avait lu sur le petit prospectus que le musée se trouvait à la sortie du port soit à 300 mètres d'où il se trouvait. Ce qui rassura Fabien dont les tremblements céssèrent sur le ca-napé. Longeant les entrepôts du port pour ne pas être happé par des monstres d'acier qui pour-raient l'envoyer dans les eaux boueuses de l'amazone et l'engloutir à tout jamais, il semblait danser au rythme du port où tous ses sens s'étaient décuplés d'une manière considérable tel un animal nocturne. En regardant à l'horizon, barré par les grues et les gros tankers, il aperçut enfin le bout du port où un vieux bâteau à vapeur était éclairé de mille feux d'où s'échappait de la musique carnavalesque! A travers la pénombre, il pouvait apercevoir de la fumée blanche sortir de la hau-te cheminée du navire et entendre sa grande roue à aubes brasser les eaux boueuses du fleuve et le tout accompagné par un petit tintement de cloche. Comme s'il était prêt à prendre le large et à s'embarquer pour un long voyage dans le passé, pensaient-il tous les deux subjugués de pouvoir remonter le temps où Fabien pourrait anéantir toutes ses maladies héréditaires. Bondissant com-me un singe, en quelques enjambées, Pedro parvint à atteindre le navire où il fut surpris par une brume soudaine qui l'enveloppa dans un étrange mystère ou de no man's land. En niant pas qu'un un port sans sa brume légendaire à découper au couteau ne pût exister. Mais sans crainte pour sa vie, tel un fantôme, il s'avança à l'intérieur où il perçut de la vie en se sentant comme prise dans ses bras et embrassé sur la bouche par une fée blanche! Quelques instants plus tard, il sortit de cette brume chaude enivrante et vit apparaître sous ses yeux, l'Amazonias éti-ncelant de lumière où se trouvait à proximité beaucoup de monde qui semblait feter un évèn-ement. Apparemment, une soirée cocktail! comprit-il en entendant le rire des convives et le bruit des verres s'entrechoquer. Stupéfiant! s'écria Fabien étonné par l'audace et les dons divinatoirs de son ami. Mais comment a-t-il pu savoir que le musée serait ouvert à cette heure-ci? se demand-ait-il en étant connecté au cerveau de celui-ci qui pour autant ne semblait pas vouloir lui fournir la moindre explication. Pedro, sans hesiter, fendit la foule où il fut très étonné d'entendre parler toutes les langues du monde!

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Ce qui avait de quoi en perdre son latin! pensa Fabien impatient de connaître la suite. En remar-quant que la plupart des convives était d'âge divers et ressemblait à des savants très imbus de le-urs personnes! Mais pour ne pas être impoli et interrompre la conversation des uns et des autres, il alla droit vers la passerelle du navire où il aperçut un officier de marine dans son bel unifor-me posté tel un maître de cérémonie qui devait savoir forcément parler l'espagnol après avoir fait le tour du monde! pensa-t-il avec raison. Face à ce personnage prestigieux dont il avait idolatré les exploits durant son enfance en lisant des romans d'aventures de corsaires et de pirates, sans hésiter, il lui dit : Bonsoir, mon Capitaine, je voudrais savoir en quel honneur à lieu cet évènem-ent. Car si ma mémoire est bonne, le musée devrait être fermé à cette heure-ci, n'est-ce pas? Oui, cela est parfaitement exact, jeune homme! Mais en tant que capitaine du navire, je ne peux ma-lheureusement pas vous répondre avec exactitude. Allez plutôt demander au professeur Sanchez qui j'en suis sûr se fera un plaisir de vous donner toutes les explications, lui dit-il en le montrant du doigt avec discrétion. Merci, mon Capitaine! dit-il heureux d'avoir pu rencontrer le bon inter-locuteur qui lui avait montré un petit groupe de personnes où le personnage central semblait être le professeur Sanchez vu l'effet hypnotisant qu'il avait sur tout son auditoire grâce à sa grande érudition. Bref, après avoir pris une coupe de champagne sur un plateau qui passait par là( afin de passer inaperçu), il alla directement vers le petit groupe de savants où il comprit assez rapide-ment qu'ils parlaient tous l'espagnol! Ce que le mit aussitôt en joie afin de connaître les raisons de cette étrange cérémonie où ses intuitions l'avaient mené par une nuit brumeuse sur le port de Manaus. Professeur Sanchez? demanda soudainement Pedro à un petit homme aux larges épaul-es et aux yeux cerclés d'une monture dorée. Pendant un instant, la petite assemblée se demanda quel était cet audacieux jeune homme, beau comme un dieu, qui était venu interrompre leur sav-ante conversation? Oui, c'est bien moi et que puis-je faire pour vous, jeune homme? lui deman-da-t-il sûr de son immense savoir. Fabien avait l'impression que tout ceci était iréel et que l'Am-azonias était un vaisseau fantôme venant du passé! Ce qui n'était pas entièrement faux pour un musée, pensa-t-il avec raison. Sans parler de ces personnages mondains sortis de nulle part, sinon d'une brume mystèrieuse sur le port de Manaus, s'alarmait-il pour son ami de peur qu'on le kidn-appe et qu'on le fasse prisonnier sur le vaisseau fantôme. Dans sa folle imagination, il pensait que les pirates du navire s'étaient métamorphosés en éminents savants ou en joyeux notables après qu'ils aient écumé tous les océans du globe! s'imaginait-il en tremblant de peur. Professeur, je voudrais savoir en quel honneur à lieu cette cérémonie. Car à cette heure-ci, le musée devrait être fermé, n'est-ce pas? demanda Pedro avec une audace inouïe. Ah!Ah!Ah!Ah!Ah!Ah! ria soud-ainement la petite assemblée qui ne semblait pas bien comprendre le sens de sa question.

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Très gèné par sa possible question idiote, il ravala sa salive en ne sachant pas où se mettre en attendant que le professeur veuille bien lui donner une explication. Mais, jeune homme, vous devriez le savoir si vous aviez reçu le carton d'invitation! lui dit-il d'un air chargé de reproches. Je suis désolé, professeur, mais je n'ai reçu aucun carton d'invitation! avoua-t-il à la petite asse-mblée qui commença à grincer des dents devant cet intrus qui ne manquait pas d'audace. Mais c'est quoi ces petits cartons que vous avez dans la poche de votre chemise? lui demanda-t-il en les fixant des yeux à travers ses lunettes à monture dorée où sa vue perçante transparaissait. Surpris par la clairvoyance de l'éminent savant, il dit : Oh professeur, ce n'est rien, ce sont seule-ment de petits prospectus que m'a donné Monsieur Victorio Novida, le propriètaire de l'hôtel Novadoria! Entendant soudainement le nom de Victorio, la petite assemblée exprima comme un grand soulagement. Dans son for intérieur, Fabien pensait que Monsieur Victorio, par son goût pour les vieilles antiquités, devait faire partie lui aussi de cette confrérie de fantômes qui se réu-nissait tous les soirs sur le port de Manaus en vu d'enlever de jeunes gens pour les immoler sur l'autel du passé. Bien, bien, si c'est monsieur Victorio qui vous a envoyé ici, jeune homme, soyez le bienvenu! dit le professeur d'une manière solennel que la petite compagnie répéta mécanique-ment comme s'il se trouvait dans une secte : Soyez le bienvenu parmi nous, jeune homme! lâcha-t-elle avec une voix d'outre-tombe et un rictus diabolique. Puis reprenant la main, l'éminent savant dit : Je me présente, je m'appelle Carlos Sanchez, je suis directeur des antiqutés au musée de Medellin en Colombie ainsi que professeur émérite et doyen à l'université où j'enseigne l'arc-héologie et l'ethnologie sans oublier mon doctorat en cuisine molléculaire concernant la patate douce! précisa-t-il en toute modestie. Ce qui mit aussitôt la compagnie en éffervésence qui lança avec ferveur : Bravo, professeur! Bravo pour votre réussite! en ne s'épargnant pas de l'applaudir bruyamment pour lui montrer une grande admiration. Pedro avait alors le sentiment d'être tombé dans un colloque universitaire où visiblement on aimait bien se jeter des fleurs, mais qui ne sem-blait pas pressé de lui apporter une réponse concrête à sa question. Le professeur ému jusqu'aux larmes, sortit de sa poche un mouchoir où Pedro aperçut une petite tête de mort brodée! Ce qui ne semblait pas coincider avec le personnage, pensa-t-il, pour lequel il était prêt à s' attendrir. Bref, après s'étre mouché avec un grand fracas et essuyé ses yeux comme on essuie une grosse tempète, il retrouva le calme et dit à la compagnie qui avait tout l'aspect d'un équipage de pirates : Messieurs, il est temps pour nous de repondre à notre cher invité dont nous avons abusé la pat-ience, n'est-ce pas? Oui, professeur Sanchez! Oui, professeur Sanchez! lançèrent-ils en coeur comme s'ils s'adressaient à un éminent savant qui possédait toutes les réponses à toutes les que-stions que le monde se posait.

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Pedro, se sentant pris entre deux feux, s'armait de patience en attendant l'allucinante révélation sur l'ouverture exceptionnelle du musée hors de ses horaires habituels! Aussitôt, le professeur se rapprocha de Pedro, lui posa la main sur l'épaule et lui dit : Saviez-vous qu'on avait retrouvé le collier de perles de la princesse Olabrasilia et la lance rituelle de son père, le roi Orania? Pendant un instant, il parut secoué par cette stupéfiante révélation en se rappelant les travaux de son père, archéologue à l'université de Santiago, qui n'avaient abouti à rien, sans pouvoir cacher bien long-temps sa grande émotion devant cette immense découverte faite par le grand archéologie Colom-bien! Mais comment est-ce possible, professeur, vous avez enfin trouvé les traces de cette cité perdue que les légendes du Machu Picchu décrivaient comme un paradis sur terre, mais que la malédiction de la princesse Olabrasilia avait précipité dans le chaos? lui demanda-t-il les yeux rêveurs. Toute la petite assemblée semblait suspendue aux lèvres du grand archéologue et prête à boire ses paroles tel un élixir de jouvence où la jeunesse éternelle lui serait promise par un reto-ur au passé! songeait-elle comme remuée par d'obscurs désirs de résurrections sataniques. Mais oui, Pedro, pourquoi doutez-vous de moi, puisque je viens de vous le dire! expédia-t-il en lâch-ant un grand éclat de rire, Ah!Ah!Ah! où il aperçut l'éclat étincelant de sa dentition tout en or! Il avait le sentiment que le professeur durant ses fouilles en Amérique du sud avait pillié les tom-bes des puissants chefs de guerre amérindiens et arracher leurs dents afin de posséder leurs pou-voirs magiques! pensa-t-il dont les origines Incas et Mayas ne pouvaient le tromper. Mais où av- ez-vous trouvé tous ces objets rituels? lui demanda-t-il en revenant soudainement à réalité. Mais là, juste sous vos yeux, mon cher Pedro! Mais où exactement? insista-t-il afin de connaître la vérité. Mais ici dans la Rio Négro! dit-il de la plus simple façon du monde en lui montrant du doigt le musée qui flottait précisément sur les rives du Rio Négro. Il avait alors l'impression, non pas d'être pris pour un imbécile, mais que son voyage initiatique en Amazonie n'était pas lié au hasard, mais peut-être au rêve de son père de découvrir un jour les secrets de la cité engloutie! Pendant un instant, il voulut retourner à l'hôtel pour téléphoner au Chili et lui annoncer la stupé-fiante découverte du professeur Sanchez. Mais sachant qu'il était près de minuit à sa montre et que le téléphone de Monsieur Victorio ne sortait pas de la ville de Manaus, il se résigna à écou-ter la suite de récit du grand archéologue Colombien. Quant à Fabien, entre rêve et réalité, il av-ait l'impression que son ami était entré dans un grand délire magistralement orchestré par la ten-taculaire amazonie! Car qui d'entre nous n'a jamais rêvé un jour de voir ses rêves se réaliser sous ses yeux, mon cher lecteur? Comme Pedro qui en ce moment semblait rêver à l'intérieur de son propre rêve où il découvrait enfin les ruines de la cité engloutie grâce à un personnage farfelu qui s'appelait le professeur Sanchez.

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Venez, mon cher Pedro, allons voir le collier de la princesse Olabrasilia! dit-il en l'entraînant ve-rs la passerelle où la petite compagnie sembla très excitée de voir de ses propres yeux l'immense découverte de l'éminent archéologue. Bonsoir, professeur! lança solennellement le capitaine en le voyant s'avancer comme un grand amiral suivi de ses officiers à ses bottes. Bonsoir, mon cap-itaine! Et comment se présente la météo pour la navigation? lui demanda-t-il étonnamment, alors qu'il faisait très sombre sur le fleuve. Elle se présente très bien et je n'attendais que vos ordres pour embarquer! dit-il d'une voix claire où Pedro avait une fois de plus l'impression d'être mené en bâteau. A propos de la malédiction de la princesse Olabrasilia, pensez-vous que celle-ci avait été lancée par les dieux Obzou et Nefram pour faire tomber la dynastie de son père? demanda soudainement Pedro. Vous voulez parler très certainement de la maladie de peau dont souffrait la princesse qui l'interdisait de s'exposer au soleil et de célébrer avec son père et le peuple, la fête du soleil, n'est-ce pas? précisa-t-il en connaissant la légende du Machu Picchu. Oui et qui provo-qua la révolte du peuple et l'anéantissement de la cité! enchaîna Pedro qui connaîssait la légende grâce aux découvertes faites par son père. Mon cher Pédro, je suis désolé de vous le dire, mais tout cela est absolument faux! expédia-t-il tel un coup de tonnerre suivi d'un lourd silence ass-ourdissant. Une fois de plus, il parut ébranlé par les nouvelles révélations du professeur qui rem-ettaient en question tout le travail de son père oû il crut un instant perdre pied en montant à bord du musée flottant. Mais allons voir l'objet en question! dit-il en le poussant légèrement vers un grand escalier en colimaçon qui descendait au coeur du musée où il avait le sentiment de pénétr-er dans l'éffroyable passé du continent sud-américain! Quand le directeur des antiquités poussa les portes d'or donnant accès à la grande salle, la première chose que Pedro aperçut, ce fut des têtes réduites suspendues au plafond! Est-ce des vraies? demanda-t-il avec étonnement .Voyons, Pedro, mais ici tout est vrai, nous ne sommes pas à Hollywood, Ah!Ah!Ah! ria-t-il en lançant un signe amical aux têtes réduites qui soudainement se mirent à parler : Bonsoir, professeur San-chez, il faut tuer Cortez, il faut tuer Cortez! lançèrent-elle d'une manière obsessionnelle et maca-bre. Oui, je sais, oui, je sais, mais ne vous inquiètez pas mes petites chéries, ça viendra, ça vien-dra! dit-il comme pour les rassurer. Pendant un instant, Pedro crut être la victime d'une allucina-tion sonore; mais quand il les vit tirer la langue pour exprimer de l'amour à leur protecteur, il sembla tétanisé pour la suite à venir. Mon ami, je ne vous apprendrai rien en vous disant que ces têtes avaient été réduites par les conquistadors! Oui, apparamment, dit-il quelque peu secoué en entrant dans le musée des horreurs. Juste à côté sur le mur se trouvait un ratelier où était épinglé une colonie d'insectes d'une taille inhabituelle, peut-être datant du temps des dinosaures, qui se mirent soudainement à bourdonner, à battre des ailes et à agiter leurs longues antennes quand le professeur passa à proximité!

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Sacre bleu, j'avais l'impression que le directeur des antiquités avait le don de ressuciter les chos-es du passé! pensai-je en m'attendant au pire. A quelques mètres de moi, située au centre de la pièce, trônait une armure de consquistador transpercée au niveau de la poitrine par une lance am-érindienne! En m'approchant, j''aperçus un homme momifié à l'intérieur, comme s'il sagissait d' un comtemporain de Cortez. Aussitôt, le professeur devinant mes pensées, me dit : Bonne intui-tion, mon cher Pedro, c'était le garde du corps personnel de Cortez, le sous-lieutenant Miguel, que malheureusement l'Histoire n'a pas retenu le nom! précisa-t-il en la considérant comme la pièce maîtresse de son exposition. Aux pieds de ce géant Espagnol, cuirassé de fer, se trouvait prostrée une momie Astèque avec un couteau au travers de la gorge illustrant sans filtre la sang-lante conquête du nouveau monde par les Espagnols. Mais c'est une pièce admirable que vous avez là, professeur! lança heroïquement Pedro qui malgré tout s'interessait à l'archéologie. Sûr et c'est pas du toc! lâcha-t-il en l'accompagnant d'un grand éclat de rire, Ah!Ah!Ah! Derrière nous, la petite assemblée semblait subjugée par le génie du professeur qui pourrait ressuciter, s'il le voulait, le sous-lieutenant Miguel pour avoir ses confessions d'outre-tombe? se demandait-elle remuée par d'obscurs désirs de résurrection. Mais il n'en fit rien et me poussa devant un énorme nid contenant apparamment des oeufs de dinosaures vu leurs tailles! Transporté par l'émotion, il s'élança vers ces énormes coquilles et se mit à les caresser au point de les réveiller de leur prof-ond sommeil, puis s'approcha et leur dit : Petits, petits, petits, maman vous attend. Maman vous attend. Ce qui agita aussitôt les oeufs au point d'éclore! Mais conscient de ses pouvoirs magi-ques, il s'arrêta à temps pour ne pas jouer à la maman de service. Une fois de plus, moi qui poss-édait des pouvoirs de métamorphoses, j'étais en admiration devant les pouvoirs du professeur Sanchez qui visiblement pouvaient ressuciter les morts. Allez, jeune homme, après ces petits am-use-gueules, allons voir le collier de la princesse Olabrasilia, dit-il en m'entraînant dans un cou-loir, puis dans une autre salle où j'aperçus enfin le collier de la princesse, brillant de mille feux, à l'intérieur d'une vitrine blindée! Au même instant, je sentis les vibrations du navire ébranlé lég-èrement les installations en devinant qu'il avait dû larguer les amarres pour une destination inco-nnue que le professeur n'était pas prêt à m'annoncer! J'avais le sentiment que l'Amazonias prenait vie sous mes yeux avec la ferme intention de remonter le temps en entendant sa grande roue à aubes brasser les eaux du fleuve et ses jets de vapeur transpercer la nuit d'un cri strident! Quant à Fabien, qui suivait l'histoire de Pedro par la pensée, il avait le sentiment désagréable d'être pris en otage avec son ami sur un vaisseau fantôme où le pirate, capt'aine Sanchez, avait apparamm-ent des rêves messianiques. Quand le professeur eteignit subitement la lumière de la pièce, le collier de la princesse émit soudainement une lumière éblouissante, comme s'il possédait une mystérieuse source d'energie à l'intérieur de ses perles!

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Mon dieu, professeur, mais comment est-ce possible? lui demandai-je en me cachant les yeux pour ne pas devenir aveugle. Mais si vous êtes là, c'est bien pour le savoir, n'est-ce pas? m'expé-dia-t-il avec un sourire dont l'éclat de ses dents en or valait plus de 18 carats. Oui, vous avez ent-ièrement raison, je lui dis afin de ne pas me défiler et lui montrer que le courage ne me manqu-ait pas. C'est bien! me dit-il en rallumant la lumière, puis s'approcha de moi et me dit avec un gr-and calme : Je suis désolé, Pedro, mais la malédiction de la princesse Olabrésilia n'a jamais exi-sté! Une fois de plus, j'étais secoué par les nouvelles stupéfiantes de l'éminent archéologue que je ne pouvais remettre en question vu les preuves qu'il m'apportait en possédant le collier de la princesse et l'histoire qui allait avec. Car voyez-vous, reprit-il, la maladie de peau dont souffrait la princesse n'était pas le résultat de la malédiction, envoyée par on ne sait qui, mais à cause des perles du collier qui contenaient de la radioactivité! m'expédia-t-il comme une bombe, alors que je m'y attendais pas. Aussitôt, je compris que la princesse Olabrasilia ignorait qu'elle était atte-inte d'un cancer de la peau qui l'interdisait de s'exposer au soleil et de célèbrer avec son père et le peuple, la fête du soleil, ce qui avait entraîné la destruction de la cité que les légendes du Machu Picchu avaient décrites comme un paradis sur Terre, pensai-je en regardant mon mentor d'un air ahuri, mais visiblement très satisfait par l'effet obtenu sur ma personne. Par souci d'authenticié, il avait installé à proximité du collier de la princesse, la lance de son père pour ne pas séparer les deux objets rituels qu'on employait à chaque fois pour célébrer la communion harmonieuse entre le peuple et le Soleil. Quant à la lance du roi Orania, elle était recouverte de plumes de perroqu-ets surmontée d'une longue pointe éffilée en diamant! J'imaginais alors l'effet que ça pouvait pr-oduire sur le peuple qui était prêt à verser du sang humain en offrande au dieu solaire source de toute vie. J'avais le sentiment que le professeur voulut me mener vers une enquète policière afin de savoir qui avait offert ce collier contaminé à la jolie princesse Olabrasilia? Peut-être que mon lecteur en avait une petite idée vu qu'il suivait à la loupe mon histoire extraordinaire, n'est-ce pas? Car se plonger dans un livre d'archéologie ou dans une enquête policière, n'était-ce pas un peu la même chose pour découvrir la vérité? Et qu'en vous interpellant, un peu brutalement, mon cher lecteur, à travers mon récit, je voulais simplement vous rappeler que vous faisiez partie dés-ormais de mon voyage initiatique à bord de l'Amazonias, la machine à remonter le temps du pro-fesseur Sanchez! Bref, puisque nous étions embarqués vous et moi sur le même bâteau, il était inutile de nous jeter dans les eaux boueuses du Rio Négro au risque de nous noyer ou de mourir de froid, n'est-ce pas? Mais écoutons plutôt notre éminent archéologue qui apparamment, suite à ses très nombreux voyages spaciotemporels, connaissait le nom de l'assasssin qui non seulement avait provoqué la mort de la princesse Olabrasilia, mais aussi la destruction de la cité du bonheur qui s'appelait Kantapulka! Brutalement, le professeur me lança sans prévenir : C'est Sassania, sa demi-soeur, qui par jalousie, lui avait offert ce collier de perles contaminées!

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Mais comment pouvez-vous savoir toutes ces choses, professeur, car vous n'y êtes jamais allé à ce que je sais? je lui demandai en étant pétrifié par son savoir colossal. Mais ça, c'est vous qui le dites, Ah!Ah!Ah! m'expédia-t-il à la figure en me montrant ses dents en or qui visiblement n'éta-ient pas du toc. Je ne vous cacherai pas que j'ai eu un peu honte de moi en voulant remettre en question l'immense savoir du grand archéologue, car ses dons dans l'echelle de la magie étaient bien supérieurs aux miens en pouvant ressuciter les morts! Mais à ma grande surprise, il ne me montra aucune animosité et me dit : Oui, je peux bien comprendre que tout cela vous paraisse invraisemblable. Mais j'ai visité à plusieurs reprises la ville de Kantapulka et je connais person-nellement le roi Orania et sa fille, la princesse Olabrasilia! Quoi professeur, vous les avez ren-contré en chair et en os? je lui demandai au bord de l'évanouissement. Mais oui, jeune homme et reçu à chaque fois avec tous les honneurs, comme un grand magicien! me dit-il en exprimant sur son visage cuivré une immense fierté. Autrefois, les gens étaient honnêtes avec les génies. Mais aujourd'hui, ils étaient tellement idiots qu'ils les méprisaient! lança-t-il avec exaspération tout en admirant sa stature de génie à travers l'éclat des vitrines. Ce qui était totalement justifié par ses découvertes monumentales en archéologie! pensa Pedro en attendant la suite qui serait forcéme-nt du même calibre. Sur les murs de la salle du trésor étaient suspendues des tuniques amérindie-nnes finement tissées avec du fil d'or et d'argent ainsi qu'un beau Panama blanc que je soupçonn-ais appartenir au professeur. Juste en dessous était posé un énorme coffre recouvert de feuilles d'or d'où je sentis étrangement des odeurs de café et de chocolat me taquiner les narines! Vous me semblez bien intrigué! me dit-il avec un sourire enigmatique. Mais approchez-vous et venez admirer le travail remarquable des anciens qui avaient confectionné ces tenues, il y a 4000 ans! me jura-t-il en passant ses doigts sur la soie apparamment indestructible des tuniques. A côté, Ives Saint-Laurent et Coco Chanel, c'est de la nioniotte, je vous l'assure! dit-il en lâchant un énorme éclat de rire, Ah!Ah!Ah! Si vous le dites professeur, je ne peux que vous croire! je lui ex-pédiai afin de connaître la fonction rituelle de ces objets mystérieux. Ivre de me livrer ses secrets, il me dit : Je ne vous cacherai pas un instant de plus, mon cher Pedro, que ces tuniques admira-bles nous les revêtissions, moi et mon équipage, pour aller rendre visite au roi Orania et sa fille ainsi qu'aux autres dignitaires amérindiens qui attendaient avec impatience de recevoir nos offra-ndes! Aussitôt, je le vis ouvrir devant moi le coffre, non pas pour me montrer un tas de pièces d'or et de rubis, mais des lingots de chocolat, des sacs de café pur Colombie, des bouteilles de vin de Bordeaux, du champagne, de la bière Corona et un grand pot de Ketchup épicé! Halluciné par toutes choses sommes toutes banales à offrir à un grand dignitaire, je failllis bien éclater de rires. Mais je me retins en pouvant admettre qu'en ces temps si reculés de l'Histoire, l'or ne fut pas obligatoirement une monnaie d'échange en ne valant pas une cacahouète! Devançant mes pensées, il me dit, très justement et si Kantapulka était nommée la cité du bonheur, c'est parce que la nourriture avait plus de valeur que l'or et tous les joyaux de la terre!

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Décidément, des gens pragmatiques! lâcha Pedro. Oui, très justement, mais que les Hommes d' aujourd'hui ne pouvaient comprendre tellement ils étaient devenus des imbéciles! ajouta-t-il co-mme si sa famille appartenait à une civilisation disparue et non au monde moderne. En l'imagin-ant sans mal offrir à l'empereur Moctézuma, une bière Corona afin de lier un pacte éternel avec lui où bière, café et chocolat étaient les nourritures préférées des Dieux! pensai-je en le regardant comme un véhicule formidable pour explorer le passé comme nul autre être humain l'avait fait auparavant. Visiblement, il souhaitait que je fasse partie de son équipe d'explorateurs parce qu'il avait senti en moi des dons qui ne demandaient qu'à être developpé par un grand magicien. Plon-gée imminente! Plongée imminente! retentit soudainement des haut-parleurs une alarme assou-dissante. Plongée imminente! Plongèe imminente! Aussitôt, le professeur appuya sur un interph-one et dit : Ok, capitaine, dites à mon assistance de rejoindre ses quartiers, car cela risque de sec-ouer un peu! Reçu 5/5! répondit-il afin de respecter la procédure d'immersion. Sans plus atten-dre, il glissa sa main sous son beau Panama blanc et tira sur la patère qui déclencha instantaném-ment l'ouverture d'un passage secret dans le mur donnant accès très problablement à ses quarti-ers privés. Bizarrement, j'avais le sentiment d'avoir déjà vécu ce type d'allucination peut-être dans mon enfance en lisant les vingt mille lieues sous les mers en compagnie du capitaine Né-mo? me demandai-je, quand subitement mon mentor me fit signe de le suivre. M'attendant à ent-endre de grands orgues funèbres retentirent en entrant dans ses appartements, comme dans le Na-utylus, je fus surpris d'entendre de la musique latino-américaine plutôt gaie et enjouée où je crus un instant reconnaitre la lambada! Ce qui me surpris beaucoup de la part d'un éminent archéo-logue! Visiblement nos deux génies n'étaient pas de la même race où l'un était féru de sciences et l'autre de magies en saisissant que l'Amazonias n'était pas une prouesse de la science, mais une créature vivante! Avec l'étrange sensation d'habiter le ventre d'un animal aquatique, mais sans co-nnaitre sa forme exterieure! Et contrairement aux appartements privés du capitaine Nemo sur le Nautylus, ceux du professeur Sanchez étaient peu meublés afin d'alléger au maximum le poids de la créature sous-marine. Ici, pas de grosses tentures lourdes et épaisses sur les murs, ni de me-ubles encombrants du 19 ème, style rococo, mais de grandes fresques murales illustant ses voy-ages spaciotemporels au cours de sa vie. En remarquant qu'il avait visité Alexandrie et sa célèbre bibliothèque avant qu'elle fut détruite par un incendie criminel( indiqué sur la fresque par de gra-ndes flammes et par les mots incendio provocado!) avec l'étrange intuition qu'il y avait puisé to-us ses secrets de magies! songeai-je un instant. Pedro, me dit-il soudainement, mais à quoi rêvez-vous? Venez ici vous asseoir près de moi, car le choc transtemporel risque de vous désintégrer d'un instant à l'autre! D'accord, j'arrive! lui lançai-je en m'avançant vers une dalle de lumière où le professeur manipulait de petits cailloux magiques.

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Mais où comptez-vous m'emmener, professeur? lui demandai-je intrigué. Mais à Kantapulka, voyons! me dit-il sans hésiter un instant, comme si nous allions visiter New York ou Toronto. D'accord, je suis partant! lui dis-je en prenant place à ses côtés en bouclant ma ceinture de sé-curité pour supporter le choc transtemporel. J'avais le sentiment en le voyant manipuler ses petits cailloux blancs sur la dalle de lumière qu'il ressemblait au petit Poucet partant à la recherche de son passé! Visiblement, il était l'antithèse du capitaine Nemo en sachant parfaitement que le pas-sé était traçable et non l'avenir! Digne héritier du magicien d'Oz et de Merlin l'enchanteur, sou-dainement, il lâcha des paroles magiques dont le sens m'échappait complètement : Nogabuch, Té-léstor, la bonne fée, Sesamia, Nubilis, Barazoum en alignant les petits cailloux à des points pré-cis sur la dalle qui tout à coup s'illuminèrent en traçant un chemin vers Kantapulka! Une fois de plus, j' étais ébloui par ses pouvoirs magiques qui allaient nous permettre d'ouvrir les portes du passé où visiblement sa formule magique signifiait ni plus ni moins : Sésame, ouvres-toi! Auss-itôt, il se tourna vers moi et me lança un sourire mystérieux, comme s'il avait lu dans mes pen-sées ou peut-être pour me proposer d'être son disciple? je me demandai non sans inquiètude en attendant une réponse de sa part. Sâchez, mon cher Pedro, si vous êtes parvenu jusque ici, ce n'est pas un hasard, mais c'est la volonté des dieux! me dit-il avec une voix de prophète. Car quel homme sensé serait allé au musée en sachant parfaitement qu'il était fermé? m'expédia-t-il co-mme s'il me prenait pour un imbécile. Professeur, je ne vois pas ce que vous voulez dire! je lui repliquai afin de connaître le fond de sa pensée. Sans vouloir vous offenser une seconde fois, Pedro, mais quel homme sensé aurait traversé l'Amazonie pour se perdre dans un petit hôtel à Manaus, puis mettre sa vie en péril pour venir voir un vieux bateau à vapeur? continua-t-il à me questionner comme pour enfoncer le clou. Professeur, je suis désolé, mais je ne vois toujours pas à quoi vous voulez en venir? Voyons, mon cher Pedro, n'ai-je pas été assez clair? Je voudrais que vous deveniez mon disciple afin de vous enseigner ma magie! m'expédia-t-il brutalement, alors que je m'y attendais pas. Assommé une nouvelle fois par son imprévisibilité, je dûs adm-ettre que je n' attendais que ça en vérité en lui lançant un grand sourire pour lui dire que j'étais d'accord. Je suis très heureux que nous soyons sur la même longueur d'onde! me dit-il avec ch-aleur, puis m' expliqua en détail la signification des petits cailloux blancs et des noms énumérés dans sa formule magique qui symolisaient les portes du temps et le nom des gardiens qui les ga-rdaient. En fait, c'était bête et méchant, comme un jeu d'enfant! pensai-je en admirant la simpl-icité pour voyager à travers le temps. Ce qu'aucun scientifique n'aurait pu concevoir tellement il était obnubilé par le futur et non par le passé. Visiblement, j'étais assis à côté d'un petit enfant dont la seule ambition était de retrouver le chemin du bonheur!

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Tenez-vous solidement à votre siège, Pedro, car ça va sécouer! m'expédia-t-il en scrutant l'écran où l'Amazonias terminait sa métamorphose en animal sous-marin. Secoué par d'horribles vibrati-ons pendant quelques secondes, je m'aperçus en ouvrant les yeux que l'Amazonias s'était transfo-rmé en pieuve avec huit tentacules et trois coeurs que le professeur admirait avec des yeux d'en-fants, comme une machine merveilleuse pour remonter le temps. Alluciné par ses dons de magic-ien, je l'interrogeai du regard pour avoir une petite explication. Mais sans prévenir, il éclata de rire et me dit: Mais Pedro, auriez-vous oublié que la pieuvre était la reine de l'évasion, Ah!Ah!Ah! Aussitôt, je compris que pour passer les portes du temps, il nous fallait une agilité redouta-ble ainsi que trois coeurs pour endurer des temps incommensurables! Je vois que vous commen-cez à comprendre! me dit-il, quand tout à coup la première porte du temps de Nogabuch se mit à clignoter pour annoncer son imminente ouverture! En m'accrochant solidement à mon siège, je remarquai que celui-ci était recouvert d'une peau de poisson et que ma ceinture de sécurité était ni plus ni moins une algue très résistante. Apparamment rien ici n'appartenait à la science, com-me dans le Nautylus, mais à un monde organique où le cerveau du professeur était connecté dire-ctement au système nerveux de l'animal, si je pouvais m'exprimer ainsi. Car devant moi, il n'y avait aucun bouton électrique, ni cadran pour afficher la profondeur, la vitesse, le temps écoulé et les obstacles que l'on pourrait rencontrer au cours de notre immersion temporelle, mais le sentiment que la pieuvre possédait son propre sonar doublée d'une intelligence exceptionnelle. Que je sentais désormais vibrer en moi comme ses trois coeurs afin de nous confondre l'un et l'autre pour atteindre le meilleur des mondes! En m'approchant plus près de l'écran, je m'aperçus que sa surface était recouverte d'écailles de poissons argentés et que l'éclairage au dessus de nos têtes était produit par des méduses fluoresentes et que les haut-parleurs sur les murs étaient de gros coquillages nacrés! Visiblement nous ne faisions qu'un avec le monstre marin! pensai-je, non pas avec frayeur (car il était trop tard), mais en attendant les prochaines secouses. Fabien, qui suivait par la pensée le voyage extratemporel de son ami, commençait à avoir le mal de mer et se balançait de gauche à droite sur la canapé en souhaitant au plus vite franchir la porte de No-gabuch! Car étrangement, il pensait que son retour vers le passé pourrait le guérir de toutes ses maladies héréditaires et faire de lui un homme nouveau promis à tous les succès. Esquissant un sourire un peu niais sur la bouche, il attendit avec impatience le bing-bang transtemporel! Et qu-and la bête sous-marine franchit la porte de Nogabuch, elle poussa un long mugissement suivi d'un choc transdimentionnel où l'espace semblait s'étirer d'une manière infinie! Au point que je crus mes membres se disloquer et s'étirer comme du fil à fromage!

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En remarquant que mes bras faisaient désormais plus d'un kilomêtre de long et que ma montre s' éloignait de moi à une vitesse vertigineuse, puis se désintégrait en dispersant tous ses rouages à l' intérieur d'un trou noir! J'avais le sentiment que le présent disparaissait sous mes yeux et que seul le génie du professeur pourrait nous permettre de le regagner. Autour de moi, les murs de la pièce s'étaient distendus considérablement au point d'avoir perdu de vue le professeur. Quand tout à coup, je sentis une tentacule se poser amicalement sur mon épaule! En levant les yeux, je m'aperçus qu'il était suspendu au plafond sous la forme d'un poulpe géant et me regardait avec des yeux plein d'étonnements. Nul doute que c'était lui, pensai-je, en voyant la marque de ses lunettes autour de ses yeux. Ne t'inquiète pas, Pedro, ne t'inquiète pas, ça ne va pas durer! essay-ait-il de me faire comprendre en me tapotant l'épaule avec sa tentacule munie de ventouses. C'est le rite obligatoire pour passer la porte de Nogabuch, finit-il par me dire sous une forme télépath-ique. Ainsi, je compris que pour parvenir jusqu'à Kantapulka, nous allions devoir subir tous les caprices des gardiens des portes du temps. Quand à Fabien, il avait le sentiment d'avoir vécu ce choc transdimentionnel comme un orgasme cosmique et lévitait au dessus de son canapé dans la position du lotus. Où toutes ses souffrances morales et physiques avaient disparu comme par en-chantement en se demandant étrangement s'il n'avait pas rencontré Dieu au cours de son bing- bang, transtemporel appelé le Nirvana? Mais avec la désagréable sensation de revenir sur terre en quittant cet état de béatitude bien trop beau pour lui! pensa-t-il en se reconnectant au cerveau de Pedro. Quelques instants plus tard tout rentra dans l'ordre quand Pedro reprit sa forme humaine, mais en faisant le triste constat de voir que sa montre s'était brisée au cours du choc transdim-entionnel. Le professeur, assis à nouveau à ses côtés, voyant sa deception, lui dit : Ne vous en faites pas pour cela, car là où nous allons vous n'en aurez pas besoin! Mais apparemment affecté par cette perte, il lui répliqua : Oui, je l'entends bien. Mais j'y tenais absolument, car c'est mon père qui me l'avait offerte pour mes 18 ans! lui rappelait-il avec émotion. Faites en ce que vous voulez! lui expédia-t-il sans aucune animosité. Mais sachez bien que les prochaines portes du temps ne lui feront pas de cadeaux! ajouta-t-il à titre d'avertissement. Par cette petite anecdote, apparemment sans importance, je compris que pour explorer le passé, il nous faudrait abando-nner tous nos souvenirs, avec cette hantise de devenir un homme sans mémoire à notre retour. Mais pour ne rien vous cacher, mon cher lecteur, j'avais une entière confiance en mon mentor, comme Platon envers Socrate qui lui enseignait la vérité. Car souvent, je me suis demandé si la vérité appartenait au présent ou bien au passé ou peut-être au futur? En sachant désormais que mon voyage spaciotemporel allait remettre tout ça en question où le temps me paraissait comme la meilleur réponse à mes questionnements intuitifs. A coté de moi, Socrate semblait très dubi-tatif avec au coin de la bouche un sourire ironique auquel je n'osais répondre!

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Bon, allons manger maintenant! me dit-il en détachant sa ceinture de sécurité pour se diriger vers la cuisine où de bonnes choses se préparaient sans aucune intervention humaine! J'avais le senti-ment que le monstre sous-marin pendant sa plongée alimentait tout l'équipage en crustacés et poissons par des conduits mystérieux. Encastrés dans la chair de l'animal, il y avait des fours d' où s'échappaient de la vapeur et des fumets délicieux! Je ne vous cacherai pas que j'avais hâte de dévorer un de ces homards des hautes profondeurs, mon cher lecteur. Au milieu de la pièce se trouvait un canapé fabriqué à partir d'un os géant de calamar recouvert d'une peau de saumon tannée. A côté, il y avait une petite table en os de baleine et des chaises en arêtes de poisson gar-antissant leur confort! Sur la table était posé des assiettes et des verres magnifiquement taillés dans du corail ainsi que des fourchettes et des couteaux en os et dents de requin connus pour leur grand tranchant. Tout cela me semblait bien étrange, mais formidablement adapté pour un voya-ge de longue haleine comme le nôtre, non pas au centre de la Terre, mais aux sources du temps! Pour se sentir plus à l'aise, le professeur enleva sa veste et la posa sur le bord du canapé, puis sif-flota un air d'opéra italien que je ne connaissais pas. Visiblement de bonne humeur, il alla direct-ement ouvrir le four et me dit : Pedro, ce soir, c'est crabe royal avec spaghettis des hautes prof-ondeurs, Ah!Ah!Ah! Vous voulez dire quoi par spaghettis des hautes profondeurs, professeur? je lui demandai très intrigué. Ce sont des spaghettis fabriqués à partir du blé marin qui pousse dans les abysses que notre amie la pieuvre récolte à chacune de nos expéditions peu communes, il faut le dire, mais ignorée par la plupart des humains. En fait, ils ignorent tout des hautes profondeurs et pensent que rien n'y pousse, alors qu'il y a des champs de culture aussi importants que ceux de l'Amazonie! me dit-il en le voyant revêtir un tablier de cuisine puis des gants pour sortir du four un énorme crabe par les pinces. Hou, chaud la bête! lâcha-t-il en le posant dans un grand plat en corail, puis sortit d'un sous-compartiment, une casserole pleine de spaghettis de couleur bleue! Allez, Pedro, asseyez-vous, j'arrive dans une minute! me dit-il tel un grand chef cuisinier. En fait, je trouvais que mon nouveau maitre avait tous les talents du monde au point d'imaginer sa magie comme un ensemble de recettes de cuisines, mais dont le grand livre pour l'instant m'était inter-dit! pensai-je avec l'estomac dans les talons et prêt à vénérer celui qui le remplirait sans rien me demander en échange, sinon ma présence auprès de lui. Tiens "El Pulpo"(la pieuvre) nous a aussi ramassé des olives! dit-il soudainement en regardant dans le garde-manger de l'animal où il sto-kait les vivres pour l'équipage. Pardon, professeur, mais il y a aussi des olives dans les bas fon-ds? je lui demandai très étonné. En fait, pour ne rien vous cacher, ce sont des yeux de barracuda qui sont excellents pour la vue et les problèmes de transit! me dit-il comme un grand medecin. Une fois de plus, le professeur Sanchez me surprenait par son savoir colossal qu'aucun homme normal n'aurait pu acquérir aux cours d'une vie à moins qu'il en eut plusieurs! pensai-je en le voyant arriver vers moi comme un immortel aux bras chargés de bonnes choses.

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Mais je ne vous cacherai pas, mon cher lecteur, quand il posa sur la table le bol rempli d'olives des bas fonds que je ne comptais pas y goûter vu leurs tailles impressionnantes et leurs couleurs vitreuses bleues fluorescentes! Hum, comme c'est bon! dit-il avec gourmandise en en gobant une comme un oeuf. L'avantage avec les yeux de barracuda, c'est qu'ils n'ont pas de noyaux, Ah!Ah!Ah! Vous devriez y goûter, mon cher Pedro, car c'est très bon pour le transit intestinal ainsi qu' un signe de remerciement pour notre amie El Pulpo qui risquerait de se fâcher! me menaça-t-il comme d'un ultimatum. Mais qui est au juste El Pulpo, je lui demandai avec curiosité. Voyez-vous, El Pulpo, c'est la pieuvre dans laquelle nous voyageons, mon cher Pedro, qui ressent tou-tes nos émotions et nos pensées en ne faisant plus qu'un avec elle désormais! m'expédia-t-il bru-talement en me sentant soudainement prisonnier dans le ventre de l'animal. Ce qui provoqua au-ssitôt dans la pièce une sorte de grognement à me faire vraiment peur. Ah!Ah!Ah! Je vous l'avais dit, El Pulpo n'est pas méchante, mais elle a ses humeurs qu'ils ne faut pas contrarier! précisa-t-il en me tendant le bol d'olivres des bas fonds. D'accord, je tente! je lui dis en me saisissant d'un de ces gros bigarreaux vitreux dans lequel je croquais avec toutes les craintes du monde. Quelques instants plus tard, très étonné d'y trouver un goût de noisette et de pistache, je lui lançai : Mais professeur, c'est délicieux! Ah!Ah!Ah! ria-t-il en provoquant simultanément un tressaillement de joie de la part d'El Pulpo qui visiblement était contente de mes efforts. Comprenez bien, mon ch-er Pedro, que nous ne faisons plus qu'un avec l'animal qui ne veut que notre bonheur et rien que notre bonheur! insista-t-il pour être bien compris. Mais restaurons-nous, maintenant, mon cher ami, car notre route est longue, dit-il en commencant à décortiquer l'énorme crabe avec un cou-teau en os de requin. En fait, son expression "restaurons-nous" n'était pas du tout anodine, mais signifiait tout simplement "restaurons notre passé afin d'être à nouveau heureux ". En quelques manipulations magiques, il décortiqua le crabe au point de voir nos assiettes remplies de chair tendre sans aucun débris de carapace et accompagnées par de jolies spaghettis bleues! Visiblem-ent quelque chose m'avait échappé en m'avouant vaincu et conquis par ses dons de magicien. Bon appétit! me souhaita-t-il en remplissant son verre d'un liquide fluorescent qu'il vida d'une trait. Vous de même, professeur! je lui expédiai en étant ahuri de pouvoir voyager dans le ventre d'une pieuvre et de déguster un excellent crabe des hautes profondeurs! Autour de moi, les fres-ques murales semblaient prendre vie sous mes yeux que les pulsations cardiaques d'El Pulpo agitaient légèrement comme un beau paysage traversé par un vent calme et doux. Etonnamment, ça ressemblait beaucoup aux tapisseries de Bayeux( qui relataient la conquête sanguinaire de Guillaume le conquérant sur le royaume d'Angleterre), alors que les voyages spaciotemporels du professeur étaient tout à fait pacifiques. En le voyant habillé en grand magicien accompagné par son équipe d'explorateurs apportant des offrandes aux grands dignitaires amérindiens! Tout cela était formidablement représenté sur la fresque et qu'il contemplait comme un doux souvenir.

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Mais visiblement ses voyages ne se limitaient pas seulement au continent sud-américain en aper-cevant une représentation de lui devant Pompei avant la catastrophe du Vesuve!  Un petit tour là-bas ne m'aurait pas déplu, mon cher lecteur! Mais en contemplant mon mentor, manger avec gra-nd appétit, je n'osai pas le déranger et lui proposer un petit détour vers la méditéranée où nous risquions de nous trouver sous une éruption volcanique! A travers ses lunettes à montures doré-es, j'observai une grande volonté de sa part d'aller à Kantapulka pour peut-être sauver la princ-esse Olabrasilia? je me demandai en me servant un verre de ce liquide fluorescent qui avait tout l'aspect d'une boisson à l'anis. Je vais chercher les desserts! me dit-il subitement comme s'il vou-lait me montrer les richesses produites par l'ocean. Quelques instants plus tard, je le vis revenir avec un plateau sur lequel était posé deux gros cristaux de couleurs orange. Ah! Ah, voilà les pe-rles de l'ocean! lança-t-il en déposant ma part sur une petite soucoupe en corail. N'ayez crainte, mon cher Pedro, ce sont des oranges des abysses qui sont formées de cristaux de fruits vraiment délicieux, vraiment trop délicieux! répéta-il comme s'il sagissait d'un trésor gustatif que nul ho-mme n'avait goûté auparavant. Bien, si vous le dites professeur, je me lance! je lui dis en plonge-ant ma petite cuillère en os de requin à l'intérieur de ce cristal fait apparamment de sucre dont la consistance était plutôt friable comme les bonbons de mon enfance. Une fois de plus, je ne pus retenir mon émotion devant les découvertes du professeur, non pas seulement archéologiques, mais aussi gastronomiques en trouvant cela meveilleusement bon. Voyant mon extase devant ces cristaux de fruits cueillis au fond des abysses, il éclata de rire, Ah!Ah!Ah! puis me dit, jeune ho-mme, je crois que vous avez encore beaucoup de choses à apprendre, n'est-ce pas? Interpelé par sa question, qui n'était pas innocente, je sortis la tête de mon dessert pour lui dire : Voyons, pro-fesseur, si je suis là c'est bien pour cette raison! Très bien, Pedro, finissons notre dessert et nous parlerons après de cette possibilié de sauver la princesse Olabrasilia pour sauver le Brésil de son funeste destin. Mais ne vous faites pas trop d'illusions à ce sujet, car en tant que conservateur des antiquités, je ne suis pas habilité à changer le passé! Mais qu'il est toujours possible de modifier par une ruse que seule El Pulpo est capable à condition d'ouvrir pour l'humanité un monde meil-leur! Aussitôt, je compris par les mots prophétiques du professeur qu'il nous était permis de cha-nger notre passé afin d'avoir un avenir plus radieux. Ce qui me semblait remettre en question toute l'Histoire des Hommes qui fut jusque là traversée par des torrents de sang! pensai-je com-me ébranlé par un nouveau monde qui s'ouvrait à nous. Mais n'allons pas trop vite en besogne, mon cher Pedro, car il nous reste encore cinq portes du temps à passer pour atteindre Kantapul-ka! me dit le génie d'El Pulpo. Enthousiasmé par la proposition allucinante du professeur, Pedro n'y trouvait aucune immoralité, mais un formidable moyen vertueux d'éviter à l'humanité de gra-ndes catastrophes.

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Comme la destruction de la ville de Kantapulka qui avait entraîné la misère économique et poli-tique du Brésil en la recouvrant d'une végetation sauvage suivi de la sanglante conquête espagn-ole du nouveau monde, puis des conflits mondiaux qui avaient entrainé des millions de mort et d'orphelins sur les routes sans oublier l'accession au pouvoir du général Pinochet dans son pays, le Chili qui avait entraîné son exil ainsi quie la mort de son frère Pablo! pensait-il comme remué par d'obscurs désirs de vengeances, mais que le génie du professeur se refusait d'assouvir en sou-haitant modifier le passé d'une manière totalement pacifiste grâce à El Pulpo. Apparamment, elle n'était pas seulement un gros animal aquatique, mais une créature muée par une intelligence sup-érieure! pensait Fabien qui comptait conjurer son passé par son abandon à sa naissance par sa mère à cause de sa laideur et de ses infirmités! Le professeur, qui était assis en face de moi, sem-blait me regarder étrangement, comme s'il me disait : Oh, oh, ne nous emballons pas trop vite et faisons les choses les unes après les autres, mon cher Pedro! Et si la pieuvre était la reine de l' évasion, comme il m' avait dit, j'étais sûr et certain qu'elle arriverait à nous sortir de notre passé calamiteux. Où la grande difficulté serait de trouver notre point d'entrée nous permettant de mo-difier le cours de l'Histoire. Car j'ai toujours pensé que les évènements politiques etaient une su-ite de ricochets dont le premier lancer était déterminant pour connaître leurs directions et leurs étendues! Comme une pierre plate qu'on lançait à la surface de l'eau sans savoir à l'avance la di-stance qu'elle parcourrait! Mais qu'en modifiant sa trajectoire initiable, il nous serait possible de changer complêtement le sens de l'Histoire, Ah!Ah!Ah! ria soudainement le professeur pour une raison que je n'arrivais pas bien à comprendre. Mon cher Pedro, mais c'est exactement ce que pense El Pulpo! Mais comment est-ce possible? lui demandai-je d'un air sidéré. Je suis désolé de vous le dire une seconde fois, mais votre cerveau a été absorbé par celui d'El Pulpo qui désorm-ais pense pour vous! m'expédia-t-il brutalement comme si on m'avait amputé d'un membre auq-uel je tenais beaucoup. Mais n'ayez aucune crainte, car malgré sa laideur apparente, El Pulpo est une créature pleine de bienveillance dotée d'une intelligence supérieure qui  ne pourra que vous aider à mieux réfléchir et à trouver la vérité! me balança-t-il en me prenant visiblement pour un petit imbécile ou peut-être pour un jeune disciple qui avait tout à apprendre de son maitre à pen-ser? je m'interrogeai en consultant, non plus mon cerveau humain, mais celui d'El Pulpo qui m' encourageait à la patience et à la vertu. Apparamment, El Pulpo était un philosophe plus grand que Socrate et Platon réunis en possédant des pouvoirs magiques pouvant changer le monde et le cours de l'Histoire pour le bien de l'humanité! pensai-je en regardant le professeur se diriger vers le canapé prendre sa veste d'un air nonchalant et l'accrocher sur un porte manteau en os fixé dans la chair de l'animal, puis s'asseoir sur le canapé en me faisant un signe de le rejoindre!

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En un instant, Fabien sentit qu'il avait atteint un stade supérieur de la pensée en étant assis sur le même canapé que le professeur Sanchez où visiblement il assistait au rite initiatique de Pedro pour qu'il devienne un grand magicien. Emballé lui aussi de faire partie de ce voyage extraordi-naire vers un nouveau monde, il était prêt à se laisser absorber par El Pulpo pour vivre enfin une enfance heureuse avec des parents aimants, bref, avoir une vie normale sans aucune infirmité! priait-il le coeur gonflé d'espoir. Quand le professeur appuya sur un petit coquillage incrusté da-ns le canapé, une grande baie vitrée s'ouvrit devant nous où nous aperçûmes les fonds sous-ma-rins d'une remarquable beauté! Personnellement, je ne pensais pas les voir si tôt vu que nous co-mmençions à peine notre voyage transtemporel. Mais visiblement, le professeur était un homme imprévisible qui semblait toujours prêt à m'étonner, comme un magicien qui comptait me faire des tours de magies pour combler mon ennui jusqu'à Kantalpulka. Tout en n'excluant pas que cela puisse faire partie aussi de mon rite d'initiation à la magie! pensai-je en admirant avec fasci-nation le fond bleuté des océans recouvert de blé marin légèrement agité par des courants océani-ques ainsi que des vergers aquatiques où les fruits d'une grosseur inhabituelle emettaient curieu-sement une lumière jaune étincelante quand ils étaient mûrs, puis des mines de sucre qui emerge-aient des abysses sous la forme de gros cristaux délicieusement bons que le professeur m'avait fait goûter.Tout en observant à proximité une grande activité agricole où d'étranges créatures avaient des gueules en forme de moissonneuse-batteuse, de tractopelle ou bien munis de longs bras téléscopiques! C'est le peuple des Amouratchis! me dit-il soudainement comme s'il les con-naissait de longue date depuis ses nombreux voyages transtemporels. C'est une civilisation très avancée, voyez-vous, qui vit sous les océans depuis 10000 ans et s'en porte à merveille puisqu' elle n'a jamais connu la guerre ni la famine! me dit-il en étant visiblement très ému par ce qu'il venait de me dire. Quelques instants plus tard, nous survolâmes leur cité étincelante de lumière qui avait la forme d'une gigantesque méduse dont les murs étaient d'une parfaite transparence! Bref, aux antipodes des sociètés humaines où toutes les grandes decisions étaient prises dans l' obscurité des lieux du pouvoir! pensai-je en observant avec enthousiasme cette cité idéale bâtie au fond des oceans où visiblement on ne cachait rien à la communauté qui oeuvrait pour le bon-heur commun! Où apparamment, il n'y avait aucune lutte pour le pouvoir, ni de classe sociale puisque toutes les créatures avaient atteint un stade de perfection où l'ambition personnelle était devenue une hérésie ou le symptôme d'une maladie mentale! Le professeur ne disait rien, mais semblait approuver mes pensées dont j'ignorais totalement l'origine( car je ne connaissais rien à la civilisation des Amouratchis!) à moins qu'elles m'aient été induites télépathiquement par l'int-elligence d'El Pulpo? je me demandai, non pas en me sentant destitué de ma propre intelligence, mais plutôt renforcé par un état supérieur de la conscience!

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Ainsi, je compris que mon rite d'initiation à la magie consistait en grande partie à me laisser env-ahir par l'esprit d'El Puplo dont les ambitions étaient d'une grande noblesse. Car je la sentais d'un courage hors norme pour envisager une refonte complète de l'humanité pour qu'elle puisse accé-der à un bonheur supérieur. Comprenez bien, mon cher lecteur, qu'El Pulpo ne me parlait pas de politique ni de démocratie( qui étaient des concepts dépassés), mais d'un nouveau monde où la magie ferait partie de notre vie quotidienne. Bref, comme si on vivait éternellement en enfance où tous nos désirs seraient exhaussés à l'instant même où ils éfleurraient notre imagination! pensai-je en étant fortement secoué par toutes ces possibilités qui s'ouvraient à nous. Mais à la seule condition que l'on ait atteint un état de perfection! me dit subitement le professeur qui semblait suivre le déroulement de ma pensée par télépathie tout en ajoutant avec raison que nos rêves ne deviennent pas les cauchemars des autres! Bien évidemment, au stade où se trouvait mon initiation, je ne voulais pas remettre en question son immense savoir au risque d'échouer ma mission de devenir un grand magicien. A travers la grande baie vitrée, je remarquai que la cité des Amouratchis était traversée par de grands éclairs de lumière ressemblant à des aurores boré-ales. Avec le sentiment que la socièté Amouratchique n'avait pas de pouvoir central, comme dans nos sociétés humaines, mais que tous ses membres communiquaient ensemble grâce à des mess-ages lumineux diffusés sur les plafonds de la cité où tout le monde s'harmonisait pour le bon-heur de la communauté en atteignant une parfaite résonance! Personnellement, je ne connaissais pas la signification exacte de chaque couleur; mais quand surgit soudainement un grand flash blanc de lumière, je compris aussitôt que la cité avait atteint un état supérieur du bonheur s'app-arentant à un grand orgasme collectif ouvrant pour ainsi dire à de grandes fêstivités! En fait, nous étions en face d' une civilisation très avancée qui avait trouvé la paix et la prospérité grâce à des moyens de communications très simples auxquels tout le monde participait afin d'évacuer sa mauvaise humeur passagère dans cette formidable bonne humeur collective. Bref, c'était simple comme bonjour! pensai-je en regardant le professeur qui semblait jubiler d'entendre El Pulpo parler par mon intermédiaire. C'est bien Pedro, vous apprenez vite! me dit-il avec bienveillance. Et s'il m' avait pris comme disciple, ce n'était pas un hasard, mais grâce à mes dons de métamor-phoses qui me permettaient d'épouser la pensée d'El Pulpo avec une grande agilité. A travers la grande baie vitrée, j'apercevais de temps en temps les bras tentaculaires d'El Pulpo entamer une danse mystérieuse ou peut-être pour exprimer son bonheur à ses hôtes? je me demandai en regar-dant mon mentor apparamment touché par la grâce de son enfant appelé El Pulpo. Professeur êtes-vous marié? je le lui demandai subitement. Voyons, Pedro, je vous trouve bien indiscret! me dit-il en me trouvant un peu trop famillier. Mais bon, puisque nous en sommes là, jeune homme, je me suis marié 150 fois exactement! lâcha-t-il comme une chose tout à fait banale.

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Mais comment est-ce possible, professeur? je lui demandai en y croyant pas mes oreilles. En fait, il faut bien comprendre que je me suis marié à chaque fois durant mes voyages spaciotemporels où j'ai pris une épouse et fondé une famille. Avec toujours ce grand souci de leur rendre visite lors de mes voyages afin de prendre de leurs nouvelles! lança-t-il comme s'il sagissait d'une évid-ence pour tout le monde, alors qu'il était le seul dans ce cas. Tenez, à ce propos, quand nous arri-verons à Kantapulka, je vous présenterai mes dix enfants et mon épouse Ramachmaya qui est d' une très grande beauté! dit-il avec fierté dont la progéniture s'étendait visiblement sur plusieurs milliers d'années. Bref, le grand rêve de tout directeur des antiquités, Ah!Ah! ria-t-il en étant plo-ngé dans ses souvenirs où le bonheur était visible sur son visage comme un rendez-vous avec le passé dont il était amoureux fou. En faisant un simple calcul, j'arrivais à concevoir que le profe-sseur Sanchez avait conçu à lui tout seul un peuple de 100 milles individus au cours de ses voya-ges spaciotemporels dont seul un génie était capable! pensai-je en observant les fonds océaniques où nous traversions un grand canyon parsemé de grottes mystérieuse. Avec le sentiment que cha-que grotte donnait accès à une civilisation inconnue des Hommes dont j'avais hâte de traverser la porte du temps pour découvrir des mondes merveilleux. Tel un sous-marin des hautes profonde-urs El Pulpo semblait chercher notre prochaine porte du temps qui se nommait la porte de Télés-tor! Le nom de son gardien qui me semblait particulièrement mystérieux dont les excentricités n'étaient pas à exclure! pensai-je en regardant le professeur attentif à l'activité des petites pierres magiques sur la dalle de lumière. Quand tout à coup, l'une d'elles clignota et déclencha une alar-me dans la pièce. Pedro, attachez votre ceinture car d'un instant à l'autre nous allons être sécoué, me dit-il en ajustant ses lunettes qui étaient maintenues par du scotch pour ne pas les perdre. Ap-rès un choc brutal où El pulpo jeta un cri strident, nous entrâmes à une vitesse vertigineuse dans une grotte creusée dans une falaise, puis entendîmes étrangement un petit air d'opera sortir d'une boite à musique. C'était étrange avec le sentiment que le temps était égrené d'une manière métal-lique et nostalgique. C'est Téléstor! lâcha soudainement le professeur dont la voix s'était muée en celle d'une petite fille. Je faillis bien éclater de rire, mais je compris qu'avec Téléstor, on allait être pris pour des jouets ou pour des enfants, pensai-je en m'attendant au pire. Quelques minutes plus tard, à ma grande surprise, je vis ma taille se réduire de moitié ainsi que celle du professeur avec qui je jouais par terre aux billes!

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Ne t'inquiéte pas Pedro! me dit-il avec sa voix de petite fille, c'est la procédure, c'est la procédu-re. Mais continuons à jouer comme des enfants pour faire plaisir à Téléstor qui, je ne te cacherai pas, est un enfant capricieux n'accordant que son passage aux enfants innocents, précisa-t-il en s' allongeant sur le sol pour viser mon gros bigarreau mis en jeu. Quand sa bille frappa le gros big-arreau, on entendit soudainement dans la pièce, un grand applaudissement suivi par le grand éclat de rire d'un enfant, Ah!Ah!Ah! Aussitôt, le professeur lança, j'ai gagné, j'ai gagné, le bigarreau est à moi! Ce qui me choqua beaucoup, car je ne comptais pas lui laisser! Mais ne faites pas l'enfant, me dit-il en se jetant étrangement sur le gros bigarreau qui était entre mes mains. Mais allez-vous le lâcher? m'expédia-t-il avec emportement au point qu'on roula par terre pour se battre comme deux garnements. Pendant ce temps là, Téléstor riait, riait aux éclats où la petite boite à musique s'était mise à jouer "Y'a d'la joie", un air de Charles Trenet. Enfin, pour ne pas me fâcher avec mon mentor, je lui cédai le bigarreau. Eh ben, c'est pas trop tôt, m'envoya-t-il à la figure sans que je lui en veuille vraiment. Quand nous nous relevâmes, nous avions les mains sales et les vête-ments pleine de suie, ce qui nous choqua pas vraiment en tant qu'enfant. Puis apparues mystéri-eusement sur le mur de grandes étagères sur lesquelles étaient assises des poupées, habillées dans leurs habits du dimanche et apparemment très agitées en balançant leurs petites jambes au dessus du vide. Veux-tu être mon ami? me demanda soudainement la plus courageuse d'entre elles en étant surpris par une telle proposition. Hésitant à lui répondre, le professeur, qui semblait conn-aître par expérience la règle du jeu du gardien Téléstor, me balança un coup de coude pour me faire comprendre que je devais accepter sa proposition, sinon fini pour nous le voyage vers Kantapulca. Ce que je compris assez vite en lui disant avec une grande sincérité : Mais oui, je veux bien être ton ami, si tu le veux! Et comment t'appelles-tu, ma petite, je lui demandai en m'approchant d'elle avec des yeux pleins de tendresse. Je m'appelle Bianca et je ne supporte plus d'être seule sur mon étagère, car mes copines sont toutes des chippies qui ne pensent qu'à elles! leur expédia-t-elle avec remontrance en leur tirant la langue. Na, Na, moi, j'ai un ami! Na, Na pas toi! lâcha-t-elle pour leur montrer qu'elle n'était désormais plus seule. Veux-tu te marier avec moi? poursuivit une autre poupée habillée de sa robe de mariée en s'adressant au professeur avec une grande audace. Pendant qu'elle attendait sa réponse, elle clignait des yeux et peignait ses lon-gs cheveux soyeux avec une grande coqueterie, il faut le dire.

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Mais oui, ma petite, marions-nous maintenant! dit-il sans tergiverser en sentant son impatience à se marier. Aussitôt, elle sauta de l'étagère et prit la main du professeur pour être son futur épo-ux. Au même instant surgit de la boite à musique, la marche nuptiale tant rêvée par les poupées en manque d'amour. Ce qui déclencha pour le moins étrange, une crise de jalousie collective au point qu'elles fondirent en larmes en s'arrachant les cheveux dans une grande hystérie! assistai-je impuissant. Ce que je trouvais très injuste pour elles en prenant dans mes bras Bianca qui tout sourire semblait soulagée de partir de cette maudite étagère où elle s'était sentie très seule, com-me un objet de décoration. Sans bien comprendre au sens de cette comédie inventée par Téléstor où les cris des poupées s'amplifièrent d'une manière alarmante au point d'en rire ou de nous faire pitié. Bref, pendant qu'on célébrait un mariage atypique entre un enfant et une poupée où les uns riaient et les autres pleuraient des larmes d'ametumes, j'avais le sentiment de me retrouver dans Alice au pays des merveilles vues nos tailles réduites et le ridicule de notre situation. Voulez-vous prendre pour épouse, Natacha, pour le meilleur et pour le pire? demanda soudainement une voix enfantine qui était apparemment, celle de Téléstor. Sans hésiter un instant, le professeur dit "Oui" en embrassant sur la bouche la poupée qui était deux fois plus petite que lui! Ce qui était totalement ridicule, mais indispensable pour que nous sortions de la porte de temps. Quand la cérémonie se termina avec apothéose, où les époux se jugèrent fidélité jusqu'à la mort, une ala-rme retentit dans la pièce où nos corps retrouvèrent instantanément leurs tailles normales avec la surprise de voir assises sur le canapé, nos deux petites poupées afficher un grand sourire de satis-faction. Apparemment, nous les avions rendus heureuses, ces deux là, Ah!Ah!Ah! ria le profess-eur en attendant d'ouvrir la prochaine porte du temps. Mon cher Pedro, il faut dire que nous av-ons eu beaucoup de chance cette fois-ci; car d'habitude Téléstor prolonge le jeu interminable-ment pour son propre plaisir. Comme la dernière fois où il m'a fait jouer une partie d'echec où les pions étaient vivants et se déplaçaient comme ils l'entendaient au point de me rendre complè-tement fou! Au juste, professeur, mais quel était le sens exact de cette initiation, je lui demandai à propos des poupées. Comprends-bien que Téléstor est toujours resté en enfance où ses jeux se situent dans l'ordre de l'imagination pour ne pas devenir un adulte ennuyeux. Où donner la parole à des objets inertes lui procure plus de plaisir que d'écouter des hommes sûrs de leurs convic-tions, Ah!Ah!Ah! Ce que je trouve parfaitement judicieux si on a été un enfant invisible pour ses parents ou bien un orphelin, n'est-ce pas? je lui demandai en voulant approfondir la reflexion. Oui, sûrement, mais terriblement égoïste, ne nous le cachons pas, ajouta le professeur en détac-hant sa ceinture de sécurité pour aller se dégourdir les jambes dans le salon.

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Lorsque nos sortîmes de la porte de Téléstor, El Pulpo jeta un cri de joie en plongeant dans une vaste vallée éclairée de mille feux. Ce qui ne nous échappa pas en ouvrant aussitôt la grande baie vitrée où nous aperçumes une charmante cité où les manèges se comptaient par milliers accom-pagnés par le rire des enfants qu'on commençait à percevoir. C'est la cité des enfants! lança soud-ainement le professeur ému par l'insouciance qui devait y règner. Aussitôt, les deux petites poup-ées s'agitèrent et sautèrent du canapé pour se placer devant la grande baie vitrée où elles laissè-rent éclater leur joie : Yahou, Yahou, enfin nous voilà revenues à la maison! lâchèrent-elles tout en regardant Pedro et le professeur comme leurs deux héros. Apparemment, Téléstor voulut pro-longer le jeu! pensa le professeur en voyant El Pulpo se glisser le long des manèges et suivre avec une grande agilité les grands toboggans se jeter d'une hauteur impressionnante. A l'intérieur se trouvaient des enfants qui criaient d'effroi et de joie en même temps, ce qui ne sembla choquer personne où étaient posées au fond de l'océan d'immenses éponges de mer prévues pour amortir les chutes accidentelles! Ainsi que des dauphins-sauveteurs, qui récupéraient des enfants égarés dans la grande foire en les rendant à leurs parents. Décidément, le monde rêvé pour les enfants où le jeu était leur grande occupation quotidienne! pensai-je touché et en même temps déçu par tant de superficialité. De même que nous aperçumes avec surprise des vâches de mer qui produisaient du lait pour confectionner des glaces et des boissons lactées pour les enfants ainsi que des our-sins géants dont on avait enlevé les épines pour faire des sièges confortables devant les manèges. Quand tout à coup, on sentit une odeur de beignets à la crevette dans la pièce qui nous ouvrit comme l'appétit. El Pulpo, avec laquelle nous étions en communication télépathique, brandit aussitôt ses grandes tentacules pour attraper à la volée des beignets à la crevette qu'elle déposa dans le garde-manger en nous le signalant par une alarme. Hum, j'ai hâte d'en manger! dit le pro-fesseur en se frottant le ventre. Vous en voulez un, mon cher Pedro? me demanda-t-il avec l'en-vie de me faire plaisir. J'dirai pas non, mais cela dépend de leurs tailles vu que dans l'océan tout est hors norme. Mais ne vous inquiètez pas pour ça, on pourra toujours le couper et pourquoi pas le donner à l' ensemble de l'équipage, hum? me dit-il en retrouvant ses compétences de cap-itaine du navire animal El Pulpo. D'accord, mon capitaine! je lui lançai comme un second afin de ne pas le fâcher. Bien, bien, dit-il en sortant du garde-manger, un énorme beignet à la crevette de la taille d'une tarte qu' il posa sur la table et qu'il coupa en tranches afin de ne pas s'étouffer com-me des idiots. Tout en reconnaissant ici, le bon sens du professeur de ne pas jeter inutilement de la nourriture qui allait nous permettre d'aller jusqu'à kantapulca sans mourir de faim.

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Mais c'est très bon! dit-il en ne lâchant pas des yeux, le spectacle qui se passait derrière la grande baie vitrée où la joie des enfants illuminait le visage des deux poupées qui auraient tant voulu y participer. Assises devant la grande baie vitrée, elles semblaient malheureuses comme les pierres et regardaient Pedro et le professeur avec plein d'attente. Désolé, ma chère Natacha, mais vous êtes désormais ma femme et je ne peux pas vous laissez partir! dit le professeur d'un air tyrani-que. Visiblement secouée par cette vérité, elle n'osa pas répondre et baissa la tête, comme regret-tant s'être mariée si jeune. Et puis, vous n'êtes plus une enfant! lui rappelait-il en la regardant fix-ement. Mais elle n'osait toujours pas lui répondre en se murant dans un silence de poupée. Qu-and tout à coup, Pedro dit à Bianca : Désolé, mais je ne veux pas aussi vous perdre, car vous êtes ma seule amie et malheureusement, je ne peux pas vous laisser rejoindre les enfants dans la cité de la joie. Puisque vous voulez absolument être mon ami, je n'y perdrai rien en restant à vos cô-tés pour toujours, dit-elle comme soulagée de n'être désormais plus jamais seule. Très ému, il l'a pris dans ses bras, alors que Natacha était au bord des larmes en plaquant ses mains sur la vitre où la cité des enfants allait disparaître sous ses yeux. A l'horizon se trouvait une grande roue où était écrit en lettres lumineuses : Au revoir, à votre prochaine visité! Aussitôt, Natacha tourna la tête et partit se cacher sous le canapé pour montrer au professeur, sa mauvaise humeur d'avoir perdu son enfance. Ah les femmes! dit-il à regret, on arrivera jamais à les comprendre, Ah!Ah!Ah! Et vous Pedro, vous avez bien de la chance d'avoir une amie pour la vie qui je pense ne vous fera jamais de scènes de ménages, Ah!Ah!Ah! ria-t-il en se souciant peu de Natacha qui forcé-ment s' arrêtera un jour de pleurer. Il leur sembla que l'amour et l'amitié étaient en opposition où l'on ne pouvait pas choisir l'un sans trahir l'autre où le mariage mettait tout en péril pour la conservation de l'espèce, n'est-ce pas? Tandis qu'avec l'amitié aucune espèce de sacrement officiel ni de publication ostentatoire pour dire qu'on est ami pour la vie jusqu'à que la mort nous sépare, bien entendu. Et si les femmes avaient l'étrange désir, après le mariage, qu'on soit ami, amant, mari, frère ou soeur, cela ressemblait à de la pure folie! admettait-on le après avoir subi un douloureux divorce. Pendant que Bianca partit consoler Natacha sous le canapé, El Pulpo s'amusait comme un fou en tirant sur des boites de conserves avec ses huit tentacules d'une remarquable agilité. Le forain, désabusé par le score, ferma aussitôt son stand en jugeant le jeu non reglementaire. On remarquait que les boites de conserves étaient des boites de soupe de poissons que les humains avaient jeté au fond des océans par négligeance, mais aussitôt recy-clées par les êtres sous-marins. Tout en remarqu-ant avec surprise que les enfants n'avaient pas d'oreilles, mais des ouies!

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Décidément, une humanité différente de la nôtre qui vivait dans les fonds sous-marins sans que nous le sachions! pensait Pedro étonné par ce surprenant voyage qui lui en apprenait beaucoup sur lui-même et sur la complexité du monde ou des mondes inconnus. Quand nous survolâmes la grande roue illuminée, les enfants sur les nacelles lançèrent de grands signes amicaux à El Pul-po qui, visiblement très touchée par cette attention, forma aussitôt un grand coeur avec deux de ses tentacules. Décidément, El Pulpo était l'animal le plus intelligent du monde! reconnaissait le professeur en caressant le flanc intérieur de l'animal. Fabien, assis en position du lotus sur son canapé, suivait avec une grande attention le voyage de Pedro pour Kantapulca dont la mission était de sauver la princesse Olabrazilia de la mort ainsi que la cité perdue de la destruction! D' une certaine façon, son voyage était un voyage ethique qu'il ne pouvait que réussir où le passé serait épuré de tous ses crimes, pensa-t-il en oubliant toutes ses douleurs héréditaires. Ce voyage intérieur lui sembla plus important que le voyage réel où ses douleurs le clouaient toute la jou-rnée sur son canapé à fumer des cigarettes et à faire bouillir son cerveau inutilement. Et cette rencontre avec Pedro était pour lui, comme une aubaine pour le sortir de son mortel ennui d'as-sisté en ressentant son inutilité sociale tel un lourd fardeau. Un homme inutile, mais qu' est-que cela pouvait signifier exactement, sinon qu'on était un légume? se demandait-il tous les jours en regardant par la fenêtre la couleur du ciel ou le bas de sa rue où la socièté s'agitait pour des ra-isons qui ne le concernaient plus. Il avait sans aucun doute perdu ce lien social avec ses sembl-ables à cause de sa laideur et de ses infirmités, comprenait-il en se replongeant dans son voyage intérieur où Pedro comptait l'emmener pour résoudre son lourd passé d'infirme avec l'espoir de changer son Karma pour vivre enfin une vie sans douleur. C'était bien évidemment pour lui le graal en croyant au miracle. Car s'il n'avait jamais cru en Dieu à cause de ses malheurs, il était prêt à croire en lui en l'imaginant comme le grand medecin de l'univers. En ignorant souvent qu' il lançait des appels à l'aide, mais qu'il ne voulait pas entendre à cause d'un orgueil mal placé. Ce qui était totalement ridicule! saisissait-il après qu'il ait atteint un stade supérieur de l'éveil. Avec le sentiment d'être en suspension au dessus de son canapé où la gravité n'avait plus d'effet sur lui et sur ses membres dégradés par la maladie. Vivre sans corps fut sans aucun doute pour lui, le meilleur remède à son mal héréditaire, pensa-t-il en rejoignant l'amazonias où El Pulpo était en train de plonger au coeur d'une cité antique sous-marine.

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Par goût du jeu, elle passa sous un arc de triompe où des sculptures magistrales étaient dédièes à un empereur dont on ignorait le nom ou le prestige. Décidément, une cité antique engloutie sous les eaux pour des raisons qu'on ignorait totalement peut-être dûe à une catastrophe naturelle ou non ou tout simplement à la montée des eaux depuis des millions d'années? spéculait le profess-eur en regardant le spectacle grandiose et pitoyable des hommes. Alors que Pedro pensait plutôt à la conquête inutile des hommes pour se croire immortels où des monuments désormais vidés de toute vie humaine faisaient le bonheur des poissons et de la flore sous-marine. C'était d'une certaine façon, la reconquête de la nature sur les lieux-mêmes où les hommes avaient voulu in-scrire une trace indélibile de leur passage, mais ô combien inutile où la force et la santé ne dur-aient qu'un temps, celui de la jeunesse, n'est-ce pas? Comme si la nature et le dieu créateur av-aient eu le fameux projet de limiter le pouvoir des hommes sur la planète afin de leur éviter de tout détruire? se demandait-on avec raison. Et si les hommes devenaient sages en prenant de l' âge, ne serait-il pas plus intelligent pour nous d'être vieux avant d'être jeune? C'est ce qu'on se demandait souvent, mon cher semblable, en jugeant nos actions plutôt pitoyables après coup, n' est-ce pas? L'inaction serait-elle alors le meilleur remède à nos folies pour éviter le pire? je me demandais souvent en revisitant mon passé où tous les objets étaient désormais obsolêtes et bris-és à part quelques uns dont je n'aurai pas soupçonné la solidité pour être des plus simples. Où seul notre présence à l'autre était un gage d'amitié et non les promesses jetées pour la vie au cours d'une soirée trop arrosée, Ah!Ah!Ah! Et être à jeun dans la vie, comme une assurance de ne pas délirer pour combler ses frustrations, mais d'être à l'écoute de l'autre pour qu'il soit moins seul et qu'il ne perdre pas pied dans la multitude. Décidément, l'amour et l'amitié était d'attendre l'autre, n'est-ce pas? Car qu'est-ce que l'humanité, sinon un monstre anonyme? C'est à dire sans visage avec lequel aucun homme sensé n'aurait eu l'idée de s'entretenir pour ne pas devenir fou, n'est-ce pas? Fabien, dont le visage était défiguré par la laideur et ses maladies héréditaires, sav-ait très bien ce que signifiait de n'avoir pas de visage. C'est à dire un visage non identifiable par les autres pour être admis en leur sein. Ce qui l'avait plongé dans la plus grande des solitudes avant de rencontrer Pedro. Avec le sentiment de n'être plus un homme, mais une espèce animale inconnue. Où vivre dans un cirque aurait pu lui apporter plus de satisfactions que de vivre au sein des hommes, pensa-t-il en se reconnectant au cerveau de Pedro pour recommencer à vivre.

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Plus on avançait dans la cité, plus on apercevait des signes de destructions massives sans bien comprendre pourquoi. Avec le sentiment que la moitié de la ville avait subi un rouleau comp-resseur du temps peut-être des hommes où la guerre civile avait fait rage pour un bien funeste projet? Le professeur méditatif, dont la science était immense, semblait connaître la réponse pour avoir déjà traversé cette cité au cours de ses précédents voyages spaciotemporels. Et Pedro semblait suspendu à ses lèvres où le silence de son mentor lui parut glacial. Un grand silence règnait dans l'amazonias où El Pulpo glissait le long des grands aqueducs éffondrés par endroits comme par une main invisible. Parfois, la lumière du soleil éclairait le fond où de merveilleuses mozaïques apparaissaient comme une image flamboyante du passé! Quand soudainement, El Pu-lpo jeta un cri d'effroi lorsqu'elle aperçut au fond, une ombre grandissante se mouvant comme un animal gigantesque. Aussitôt dans la pièce de commande retentirent des alarmes qui jetèrent tout l'équipage dans un grand affolement. Mais qu'est-ce qui se passe, professeur? demanda Pe-dro pris de frayeur. Ne vous inquiètez pas, mon cher Pedro, c'est l'ombre qui avance sur la cité en vue de la dévorer, mais qui ne nous concerne pas. Car nous sommes des voyageurs du temps sur lesquels, elle n'a pas de prise. Ouf! lâcha-t-il ainsi que les deux petites poupées qui se prirent dans les bras pour se rassurer. Par prudence, El Pulpo s'abrita dans une cavité creusée dans une falaise afin que ses hôtes puissent observer le phénomène où l'ombre gigantesque grignotait les monuments avec des dents invisibles en laissant derrière elle, un terrain sabloneux propice à la vie sous-marine. On se demandait même si cette ombre, sans véritable forme, ne représentait pas le temps qui avançait inexorablement malgré notre folle envie de vivre le plus longtemps poss-ible? Sous entendu que le temps enveloppait tous nos instants dérisoires ou importants, n'est-ce pas? Où vivre absolument était comme une fàçon de perdre son temps inutilement en sachant que le temps absorbera tout. Et que de refuser de vivre, comme une façon de devenir immortel? C'était bien évidemment à chacun de choisir son destin, n'est-ce pas? Et tout particulièrement quand nous parlions de l'immortalité de l'âme en vue d'une resurrection possible, mon cher lect-eur. Bref, pendant que le commun des mortels s'obtinait à vivre malgré des conditions de vie très dures, les grands prêtres priaient pour tous ces gens dont l'âme était pleine de regrets avant de mourir. Ah mourir sans regrets, serait-il le graal pour nous tous qui avions épuisé nos jours à des choses insignifiantes? C'était la question que je me posais souvent en regardant ma vie dont la moitié avait été occupée à des imbécilités, comme à l'amour propre, à des discutions stériles, au jeu d'argent et à la jouissance physique.

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En prenant conscience subitement que ma jeunesse était terminée et que je devais grandir pour ne pas devenir fou, mais sage. Où pendant ma jeunesse, par prudence, j'avais évité de faire trop de saloperies pour pouvoir supporter le regard des autres. Bref, éviter le pire pour avoir une chance d'atteindre l'immortalité de l'âme sans trop d'efforts de néttoyage, Ah!Ah!Ah! Car il faut dire que la mort n'était qu'un grand nettoyage de l'âme pour atteindre le sommet de la vie où il fallait être le moins chargé possible pour y arriver. Comme l'ombre grandissante qui dévorait cette cité anti-que sous-marine où les crimes devaient être expurgés pour rétablir l'ordre harmonieux du cos-mos. Fabien, qui n'avait jamais atteint la jouissance physique ni la reconnaissance des autres à cause de sa laideur et de ses infimités, n'était pas en quête de sagesse, comme on aurait pu le pen-ser, mais de la non-douleur. Car à quoi lui servirait-il d'être sage si ses semlables lui montraient toujours autant d'hostilité? se demandait-il en suivant la pensée profonde de Pedro. Sans savoir que ce prénom signifiait le père en espagnol. Fabien, qui avait été abandonné à sa naissance par sa mère et son père, cherchait sans aucun doute une famille de substitution, mais qu'il n'avait ja-mais pu trouver à cause de sa laideur. Et s'il considérait Pedro comme son seul ami, il avait du mal à le considérer comme un père de substitution en sachant que ce dernier était beaucoup plus jeune que lui. Mais l'impossible pouvait-il être possible? insista-t-il dans un élan mystique où le sorcier des Andes avait des capacités gigantesques de métamorphose? Mais quel âge avait-il réel-lement, 20 ou 300 ans? s'interrogeait-il en se coulant dans l'esprit de Pedro où un petit carillon retentit dans l'Amazonias, comme le signal d'un repos bien mérité pour El Pulpo. Aussitôt, la grande baie vitrée se referma et le rythme cardiaque d'El Pulpo se réduisit cosidérablement au point de ne plus l'entendre. C'est l'heure d'aller se coucher! annonça le professeur Sanchez à tout l'équipage qui, il faut le dire, méritait lui aussi quelques heures de sommeil, après qu'il ait trave-rsé deux portes du temps dont les passages avaient été d'une grande brutalité. La lumière dans la salle de commande commença à faiblir et le professeur nous invita à rejoindre la salle de repos où le son du carillon retentit comme une invitation à aller nous coucher avant de reprendre le voyage pour Kantapulka. Les deux petites, poupées épuisées par la folle journée qu'elles vena-ient de passer, sautèrent du canapé en se tenant par la taille et se précipitèrent vers Pedro et le professeur afin d'être rassurées par la nuit qui les effrayait horriblement.

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En actionnant une pince de crabe encastrée dans le mur, le professeur ouvrit la salle de repos où il y avait des hamacs, comme le voulait la tradition dans la marine où personne à vrai dire n'avait le temps de faire son lit et surtout l'avantage de prendre peu de place pour un équipage prêt à tout avarie. Natacha prit la main du professeur avec qui il monta dans le hamac pour se blottir contre lui. Bianca, qui était un peu jalouse, fit de même avec Pedro qu'elle embrassa sur la joue pour lui montrer son amitié indéfectible. Quand l'obscurité gagna les lieux, comme dans un no made's land, tous le monde plongea dans un profond sommeil où El Pulpo n'était pas étranger. En contr-ôlant leurs esprits grâce à sa grande intelligence où le voyage spaciotemporel demandait énormé-ment d'énergie à chacun. Mais qu'ils ne devaient en aucune fàçon s'inquièter pour la suite du vo-yage où El Pulpo, la reine de l'évasion, connaissait le chemin mystérieux depuis des lustres. En leur évitant le cauchemar nocturne, la peur de l'enfermement ainsi que la nostalgie pour la terre. Un rêve blanc semblait meubler leurs consciences où le professeur ne rêvait plus à ses titres hon-orifiques et universitaires, mais à une image calme de sa vie où tout était immobile et pleine de sérénité. Pedro, qui était toujours en connexion télépathique avec Fabien, coupa la transmition en lui disant : il est temps d'aller te coucher, mon ami. Demain, on se reverra et je te raconterai la suite du voyage. Fabien, quelque peu deçu, atterrissait à nouveau sur son canapé où il s'endormit comme épuisé par un très long voyage. Blotti dans son canapé où tous les continents de la terre étaient imprimés sur la housse, il avait le sentiment de voyager au dessus de la terre tel un hom-me qui avait aboli, par un pouvoir magique, la force de gravité.

Le lendemain matin

Quand retentit le carillon dans la salle de repos, tout le monde se reveilla avec l'impression d'av-oir dormi une éternité. Aussitôt, la lumière réapparut au plafond à travers des globes lumineux contenant des méduses fluorescentes. D'une manière impercepective, on entendait à nouveau battre les trois coeurs d'El Pulpo avec une régularité étonnante. Ce qui nous rassura pour la suite du voyage pour Kantapulka. Impatientes à se dégourdir les jambes, les deux petites poupées sau-tèrent de leurs hamacs pour rejoindre le salon où elles se sentaient plus à l'aise. Mais elles durent attendre que le professeur Sanchez leur ouvrit la porte où le crochet en forme de crabe était pla-cée trop haut pour elles. Tout en se demandant avec étrangété si un jour elles pourront devenir de vraies et grandes personnes afin de concretiser l'amour pour Natacha et l'amitié pour Bianca. Br-ef, le rêve d'une poupée que le voyage extraordinaire de l'Amazonias pourrait réaliser! s'impat-ientaient-elles en y voyant comme la seule issue possible. Car si Telestor, le gardien de la deux-ième porte du temps, les avaient réveillé de leur profond sommeil de poupée, ce n'était pas un hasard, mais la volonté de celui-ci de réaliser un caprice d'enfant. Car quoi de plus extraordi-naire que de donner vie à des objets en chiffon, en plastique ou en bois fabriquer par l'homme, mon cher lecteur? Sous entendu que le créateur de l'objet y avait mis toute son âme à l'intérieur pour réaliser peut-être ce rêve impossible? Et si sur Terre, on ne pouvait malheureusement pas leur donner la vie, il sembla que le voyage spaciotemporel eut ce pouvoir. C'est ce que Pedro comprit assez vite en tenant par la main Bianca qui désirait au plus vite devenir une grande per-sonne pour réaliser ses rêves de jeune fille. Ce qu'il pressentit quand il vit Bianca courir à travers le salon pour prendre ses aises non loin de la baie vitrée pour assister au nouveau spectacle de la journée.  Et si à l'origine, l'Amazonias était un bâteau musée, contenant des milliers d'antiquités rapportées par le professeur Sanchez au cours de ses multiples voyages spaciotemporels, on se demandait comment il avait pu acquérir ce navire extraordinaire dont la capacité était de se tran-sformer en animal aquatique sous le forme d'une pieuvre appelée El Pulpo? C'était un grand mystère aussi bien pour Pedro que pour les quelques brillants universitaires que le professeur avait convié à bord pour voyager dans le passé où notre desastreuse Histoire moderne n'avait pas encore commencée. Avec l'idée utopique ou extravagante qu'on puisse modifier le passé afin d' éviter aux hommes les guerres fraticides qui n'avaient servies à rien à l'humanité, sinon à se mé-fier de son prochain comme de la peste.

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Ce qui avait peu de comparaison avec le Nautylus, le vaisseau sous-marin du capitaine Nemo fabriqué par la science dure des hommes qu'on avait cru au service de la paix dans le monde, alors qu'il n'en fut rien, malheureusement. A l'évidence, un navire-animal venant d'une autre civ-ilisation où l'homme et l'animal avaient conclu un pacte pour vivre en paix sur la planète. C'est à dire une alliance sacrée pour protéger toutes les créatures vivantes de la terre, comme le pensait avec conviction le professeur Sanchez et El Pulpo, la reine de l'évasion.  Dans un autre comparti-ment, l'équipage qui assurait la maintenance de l'Amazonias se leva pour aller déjeuner et repren-dre des forces. Sans croire un instant qu'il y eut seulement au repas des algues ou du poisson, mais du café et du chocolat ainsi que du pain afin de satisfaire un équipage voulant garder un lien avec la terre et son alimentation. Sans oublier de dire que les brillants universitaires avaient été particulièrement choyés par le professeur qu'il leur avait donné un compartiment spacieux avec une immense biblihotèque et un hublot géant où ils pouvaient observer les abysses de très près. Au mileu de la salle se trouvait une immense table en os de baleine où ils pouvaient travai-ller sans être génés par les autres. Sur les rayons de la bibliothèque étaient rangés des milliers de livres racontant les voyages extraordinaires du professeur Sanchez où il avait rencontré Alexan-dre le grand, Ramses 2, Socrate, Platon ainsi que Périclès, par exemple. Mais avec la particulari-té de n'avoir rien changé au passé pour ne pas chambouler l'ordre du monde. Telle était alors la philosophie de ses premiers voyages hors du temps où il visita le passé tel un archéologue et un collectionneur d'antiquités pour meubler son bâteau musée où les objets étaient d'origines, cela va de soi. Et si le voyage pour Kantapulka avait comme mission de sauver la princesse Olabra-silia de la mort à cause d'un collier radioactif que lui avait offert sa demi-soeur pour prendre sa place auprés du roi Orania, tout le monde à bord de l'amazonias était conscient que le profess-eur avait l'ambition de changer le passé et l'ordre des choses. Ce qui était d'une grande audace pour un archéologue colombien qui semble-t-il n'avait pas froid aux yeux, n'est-ce pas? Pour Pedro sauver la princesse de la mort était ni plus ni moins sauver la cité de Kantapulka de la des-truction! Sachant que sa maladie de peau lui empêchait de célébrer la fête du soleil avec son père et le peuple, ce qu avait entrainé des troubles causant la destruction de la cité. Où d'après la cro-yance populaire, les dieux étaient en colère contre le pouvoir en place en jetant une malediction sur la princesse dont la peau ne supportait plus la présence du soleil. Pour Pedro, dont le père archéologue avait trouvé la trace de cette cité perdue sur les murs du temple du Machu Piccu, cela induirait automatiquement la réapparition de la cité au milieu de la forêt! Bref, un éve-nement hors du commun qui ferait la une des journaux du monde entier, où son père Emillio et le professeur Sanchez seraient les grands découvreurs.

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Pendant que le professeur et Pedro déjeunaient tout en s'échangeant des idées, les deux petites poupées sur le canapé semblaient entretenir une étrange discution où Bianca confessa à Natacha vouloir devenir un garçon! Ah!Ah!Ah! ria le professeur où visiblement plus rien ne l'étonnait vraiment. C'est l'art des possibles! expédia-t-il à Pedro qui sembla destabilisé par cette nouvelle annonce. Mais ne soyez pas choqué, mon cher Pedro, car nous sommes hors du temps où tout est désormais possible. Mais je vous assure, mon cher professeur, que je ne suis pas du tout choqué par la métamorphose possible de Bianca en garçon. Car dernièrement, il m'est arrivé de me mé-tamorphoser en lézard pour échapper à mes poursuivants sur le port de Manaus. Je sais tout cela, Pedro et c'est la raison pour laquelle je vous ai invité à bord de l'Amazonias pour expérimenter vos dons, n'est-ce pas? lui demanda-t-il d'une manière troublante. Oui, comme je le crois afin de connaître mes limites, lui répondit-il avec le grand délire de se transformer à l'instant en tasse à café pour le lui prouver. Mais le professeur, dont la pensée de Pedro ne lui avait pas échappé, se mit à rire, Ah!Ah!Ah! en lui disant que ça ne lui servirait à rien de se changer en tasse à café pour faire avancer les choses, sinon être mis au placard, Ah!Ah!Ah! Ce qui fit sourire Pedro dont les origines amérindiennes avaient un goût immodéré pour la liberté et non pour l'esclavage instauré par les conquistadors espagnols sur le continent sud-américain. Ce qui était bien évidemment, une vieille histoire, mais qui taraudait toujours ces peuples Mayas, Incas et Astèques par un co-mplexe d'infériorité qui leur gâchait la vie de tous les jours où leurs cultures avaient été détruite pour quelques pepites d'or! Un grand gâchis! pensaient-ils tous les deux avec l'espoir d'y remé-dier par un voyage dans le temps où le professeur espérait un jour sauver Moctézuma des mains des Conquistadors et sauver la civilisation Astèque.  A l'évidence, il avait la mission messianique de sauver le continent sud-américain avec comme bras droit, Pedro, le sorcier des Andes afin de rétablir la justice longtemps bafouée par l'occident inquisiteur. Nous n'étions pas dans le wokis-me, ou dans la cancel-culture comme on aurait pu le croire, mais dans une refondation de l'hu-manité pour le meilleur des mondes. Et tout cela était désormais possible grâce au génie du pro-fesseur Sanchez dont les plans avaient été longtemps étudiés pour sortir notre civilisation du dé-clin. Où l'équipe de brillants universitaires, formée d'historiens, de mathématiciens, de géologu-es et de géographes, lui servirait à établir les points d'entrées et de sorties pour changer l'ordre du monde avec le moins de dégats collatéraux possible.

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Et largement aidée par El Pulpo, la reine de l'évasion qui utiliserait les failles du temps pour s'approcher du but où les gardiens des portes mettaient à rude épreuve le moral et le physique des voyageurs du temps, comme nous le savons.  En sachant bien que tout le reste de l'équipage n'ét-ait pas épargné par les disloquations du temps ou par son étirement où une bonne santé fut le seul gage de réussite afin de traverser les portes ressemblant à un goulot d'étranglement spacio-temporel. Où tout le monde à bord n'avait pas, comme le professeur et Pedro, le don de se méta-morphoser en animal ou en objet inhumain, mais expérimentait les bonds spaciotemporels telle une grande catapulte identique à celle qu'on trouvait dans les fêtes foraines. C'est à dire un jeu qui nécessitait aux explorateurs d'avoir le coeur bien accroché, cela va de soi, Ah!h!Ah!. Avec la chance de n'avoir constaté pour l'instant aucun déces. Ce qui encourageait tout le monde à pou-rsuivre le voyage pour Kantapulka où il était possible que nous avions passé pour l'instant le plus dure avec Nogabuch et Téléstor. Mais ceci n'était qu'une supposition afin de garder un bon moral dans l'équipe. Fernando, un brillant universitaire en littérature appliquée, avait commencé à écrire son journal de bord où il décrivait avec le plus de précision possible la vie à bord et l' expérience spaciotemporelle où il fut rudement secoué, mais sans se plaindre ouvertement aux autres membres de l'équipage. Car avant de monter à bord de l'Amazonias, ils avaient tous signé une décharge où ils dégageaient de toute responsabilité le professeur Sanchez en cas où le voy-age se passerait mal avec la possibilité de rester bloqué dans le passé. A l'évidence, un contrat d'explorateur où le voyage retour n'était pas prévu où le célibat était exigé pour ne pas faire des malheureux, sinon les parents et les frères et soeurs. Mais comme le professeur avaient un mill-ier d'épouses et autant d'enfants procréés au cours de ses voyages spaciotemporels, ils avaient aussi la possibilité de faire de même pour ne pas finir célibataire, Ah!Ah!Ah! Et que de faire sa vie dans le passé était une possibilité comme une autre à condition de choisir la bonne époque pour ne pas être malheureux, cela s'entend. Toutes ces pensées hantaient l'esprit des universitai-res et non celui de l'équipage qui pour l'instant étaient revenus à la maison en un seul morceau, Ah!Ah!Ah! Sur le canapé Natacha et Bianca semblaient se remonter le moral en se serrant l'une contre l'autre. Tu sais, si tu deviens un garçon grâce à la porte de la bonne fée, je t'en voudrais pas. Car j'ai toujours rêvé d'avoir un petit frère, lui dit Natacha avec une grande sincérité. Et moi donc, une grande soeur, souligna Bianca en l'embrassant sur la joue.

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Et quel prénom voudrais-tu porter désormais? Soletto, dit-elle sans hésiter un instant. Et pourq-uoi donc? Parce que Soletto veut dire petit soleil, ce que je souhaite vraiment devenir pour Pedro. Et bien sûr, tu lui en a parlé? Mais non, il n'en sais rien pour l'instant. Mais l'amitié que je lui porte ne pourra que le convaincre de ma métamorphose en garçon, comme je le crois. Si cela est ton désir, je pense qu'il sera d'accord avec toi, mon petit soleil, Ah!Ah!Ah! ria Natacha en regardant le professeur Sanchez et Pedro qui semblaient avoir tout entendu en finissant leurs petit-déjeuners. Natacha était pressée elle aussi de franchir la porte de la bonne fée afin de deve-nir l'épouse modèle pour le professeur Sanchez dont elle avait toujours rêvé. C'est à dire auprès d'un éminent chercheur dont elle était prête à sacrifier sa vie pour le rendre heureux, fonder une famille et avoir d'adorables enfants dont le QI serait exceptionnel. Pourtant, elle n'était qu'une poupée comme toutes les autres, mais que Téléstor, l'enfant capricieux de la deuxième porte, av-ait doté d'une grande ambition. On en connaissait pas vraiment les raisons à moins de vouloir aider le professeur à supporter sa solitude durant son voyage spaciotemporel qui avait tendance à le rendre fou. Bien évidemment, Natacha ne le connaissait pas assez bien pour pouvoir juger l'homme qu'il était et le découvrirait à ses dépends si ce ne fut point le cas. Mais pour l'instant, elle le regardait avec admiration en rêvant devenir une vraie jeune femme où elle connaîtrait enfin l'amour, le grand amour! Mais au juste, c'est quoi la porte de la bonne fée? demanda subit-ement Pedro au professeur. C'est la prochaine porte où chacun sera libre d'exausser un voeux, mon cher Pedro. Et n'importe lequel? lui demanda-t-il en y croyant qu'à moitie. Oui, car avant d'entrer dans le gros de la tempête, où le voyage risque de tourner cours, la bonne fée nous dem-andera de faire un testament si l'on ne revenait pas. Il sagit seulement d'un voeux et pas d'une liste à la Prevert pour dire simplement les choses. Bien évidemment, dans mon cas, dit le profe-sseur, c'est que notre voyage se passe bien afin d'atteindre notre destination pour sauver la princ-esse Olabrasilia ainsi que la cité de Kantapulka. Sous entendu que si nous y arrivons, nous pou-rrons aussi sauver le continent sud-américain de la conquête sanguinaire des espagnols et chan-ger l'Histoire pour rendre les peuples heureux. Pedro l'écoutait avec attention et ne pouvait être que d'accord avec lui, un éminent archéologue Colombien, dont le pays était dévasté par la cri-minalité et le trafic de drogue dûes en grande partie à la conquête espagnole qui avait dévasté la culture et les peuples pacifiques qui le constituaient.

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C'est à dire un fleuve de sang qui continuait à couler sur le continent latino-américain où les âmes avaient été écorchées vives pour des raisons sordides d'argent et de pouvoir. A moins de changer le début, pensa-t-il en ajustant ses lunettes à montures dorées. L'horrible début, où les amérindiens avaient cru voir chez les Espagnols des extraterrestres venir les sauver, alors qu'ils étaient venus les mettre en esclavage pour s'emparer de l'or et enrichir les coures européennes! Bref, le debut du capitalisme dont nous commaissons désormais l'horrible drame, n'est-ce pas? On sentait chez le professeur et Pedro, une envie de revanche qui ne se ferait pas à nouveau par le sang, mais par une réparation du passé par où tout avait commencé. C'est à dire un combat contre le capitalisme de la première heure afin de rendre à nouveau les peuples libres et heureux! Et toi quel est ton voeux, Pedro? lui demanda-t-il dont les yeux perçants refletaient une grande ambition de vouloir libérer les peuples enchaînés par l'occident inquisiteur. Le mien serait celui de vouloir guerir le monde et tout particulièrement, un ami français dont les maladies hérédit-aires l'empêchaient de vivre heureux! expedia-t-il sans trembler devant l'éminent chercheur. Pou-rtant la France, le pays des droits de l'homme, mais comment cela est-il possible? lui opposait-il en étant étonné par cette situation paradoxale. Mais quel est son véritable problème? lui dema-nda-t-il afin de comprendre le voeux de son ami. C'est qu'il est horriblement laid et à moitié handicapé avec la certitude que cela était dû à ses maladies héréditaires où la socièté française était la coupable. Hum, hum, très intéressante cette thèse! lâcha l'éminent chercheur où les idées extravagantes des autres étaient à prendre au sérieux où la vérité pouvait se trouver. Et s'il le pensait au plus profond de lui-même, c'est qu'il avait forcément raison, dit le professeur. Car qu' en savons-nous sur la métamorphose des hommes en socièté où la laideur serait le révélateur d'une civilisation en déclin, n'est-ce pas? demanda-t-il à Pedro qui comptait reprendre contact avec Fabien afin de lui raconter son voyage extraordinaire où le voeux qu'il guerisse serait com-me l'hapothéose. Le professeur, qui savait tout à bord de son vaisseau et de la relation télépa-thique que Pedro entretenait avec son ami français, se leva de sa chaise et lui dit : Annonce-lui la bonne nouvelle où à la fin de notre voyage pour Kantalpulka, il pourra retrouver la santé et voir la haine pour ses compatriotes disparaître! Merci, merci, professeur pour votre soutient! dit Pe-dro en lui serrant les mains comme un apôtre.

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Mais, mon cher Pedro, il ne faut pas me remercier personnellement, mais plutôt la bonne fée que nous rencontrerons qu'une seule fois durant notre voyage, ce qui est déjà une bonne chose, Ah!Ah!Ah! ria-t-il en se dirigeant vers la baie vitrée afin de voir l'état des fonds sous-marins où l' ombre de la mort était passée pour dévorer la cité antique ne méritant plus d'exister. Quand il ouvrit les écrans de protection en appuyant sur un bouton en forme de coquillage, il eut la bonne surprise de les voir recouverts d'un sable blanc d'une grande pureté. Visiblement, le temps avait fait un admirable travail pour recommencer la vie, pensa-t-il, en tapant amicalement sur les fl-ancs d'El Pulpo qui aussitôt jeta un cri de contentement semblable à celui d'une baleine. Ce que tout le monde comprit instantanément en reprenant son poste de travail avec joie et confiance pour l'avenir. Quand Fabien entendit parler Pedro de la bonne fée, il tressailla de joie sur son canapé. Car n' avait-il pas rêvé toute sa vie de rencontrer une bonne fée avec sa baguette magique qui le transformerait en prince charmant ou en bourreau des coeurs? s'interrogeait-il avec plein de malice où ce rêve étrange hantait souvent ses nuits, il faut le dire. Ce qu'on pouvait tout à fait comprendre quand on était laid et sans avenir dans la socièté des hommes, n'est-ce pas, mon cher lecteur? Où un matin, il pourrait sortir dans la rue avec toute la confiance du monde pour se mèler aux affaires des hommes sans ressentir la moindre haine sur leurs visages, pensa-t-il avec une sorte de jubilation. Mais pour l'instant ce rêve, il n'avait jamais pu le réaliser faute de magie dans sa vie, admettait-il avec lucidité. Mais cette fois-ci grâce à Pedro, le sorcier des Andes et l'éminent  professeur Sanchez, l'explorateur du temps, il pourrait enfin le réaliser quand la porte de la bonne fée sera atteinte.  Espérons qu'El Pulpo ne se perdre pas en chemin et que mon rêve se réalise cette foi-ci, lâcha-t-il en pensant à ses nouveaux amis qu'il suivait par la pensée minute par minute. Pour savourer cette future perspective, ou la fin de sa malediction, il s'alluma une cigarette sur son canapé, puis regarda d'un air rêveur les volutes de fumée s'élever au dessus de lui comme des chateaux en Espagne. D'un geste inconscient, il déplaça le cendrier sur le tissu pour le poser au centre de l'amazonie qui devait représenter pour lui, comme la renaissance du monde et celles des espèces nouvelles qui attendaient leur tour, bref, comme lui qui assis sur son canapé méditait sur sa future renaissance.

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C'est du moins ce que lui avait promis Pedro et le professeur Sanchez quand ils passerons la porte de la bonne fée et qu'ils seront revenus sains et saufs de leur voyage vers Kantapulka. Bref, quand ils seront revenus à la réalité avec peut-être une potion magique? s'interrogeait-il avec inquiètude en regar-dant son piteux état avec des doutes qui commençèrent à poindre dans son esprit. Mais restons positifs! lâcha-t-il du bout des lèvres, comme pour conjurer son sort où il faut le dire, sa maladie lui faisait voir les choses tout en noir, ce qui représentait pour lui un rude combat existentiel. Mais au juste, comment s'appelle la bonne fée? demanda Pedro au profess-eur. Elle s'appelle Aquiso et elle chante merveilleusement bien comme toutes les syrènes! Mais c'est une syrène? lui demanda-t-il étonné avec le sentiment de se replonger dans l'Iliade et l'Ody-ssée d'Homer. Mais oui, mon cher Pedro, et de plus elle est admirablement belle. En espérant qu' elle ne rende pas jalouses Bianca et Natacha, Ah!Ah!Ah! ria-t-il au nez des deux poupées qui, assises sur le canapé, attendaient patiemment de devenir de grandes personnes afin de concretiser l'amour pour l'une et l'amitié pour l'autre. A bord de l'Amazonias tout le monde attendait de concrêtiser ses rêves, bref, d'exprimer ses voeux à la bonne fée pour qu'elle les réalise et les ren-dent heureux. On sentait à bord, comme une grande effervescence d'atteindre un nouveau monde ou chacun repartirait sur un pied nouveau. Seuls le professeur et Pedro ne comptaient pas cha-nger leurs vies puisque l'un avait obtenu toutes les distinctions universitaires de son vivant et l' autre exprimé son voeux de rétablir la santé de Fabien pour qu'il puisse goûter enfin au bonheur parmi les hommes. Quand tout à coup surgit des fonds sous-marins, un chant admirable qui en-vouta El Pulpo et tout l'équipage de l'Amazonias qui restèrent comme pétrifiés d'admiration. C'est Aquiso! lança le professeur en écoutant El Pulpo pousser un cri de joie de retrouver la bonne fée.. C'est vrai qu'ils s'adorent ces deux là depuis des lustres et dans un lieu qu'elle n'a ja-mais quitté puisque hors de temps où l'ombre de la mort n'avait pas de prise. A travers la grande baie vitrée, ils aperçurent soudainement un temple, ni romain, ni perse, mais apparemment hin-dou ou boudiste où des milliers de sculptures hornaient la facade étincelante comme de l'or!

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Mais c'est magnifique! s'écria Pedro séduit de voir une telle merveille au fond des océans où visiblement la bonne fée était une princesse dans son royaume. Aussitôt une armée de syrènes, apparemment les gardes de la bonne fée, se pressèrent autour d'El Pulpo où un mystèrieux lan-gage télépathique s'engagea afin de faire les présentations et surtout rassurer les gardes armées de tridents prettent à se battre pour défendre la princesse Aquiso. Dans le compartiment où loge-aient les universitaires, tous regardaient avec attention l'évènement insolite à travers les hublots et essayaient de comprendre ce qui se disaient entre une pieuvre( El Pulpo) et des syrènes aux corps magnifiques. Où certains d'entre eux commençérent à croquer la scène sur une feuille de papier tandis que d'autres décrire l'événement dans leurs journaux intimes afin de pouvoir le raconter à leurs petits enfants. On était pas loin des vingts milles lieues sous les mers de Jules Vernes, mais avec des rencontres que l'auteur n'aurait jamais pu imaginer où l'Amazonias voyag-eait non pas seulement au fonds des océans, mais à travers le temps! Professeur, mais qu'est-ce qu'ils se racontent ces deux là? demanda Pedro curieux de tout. Ils se présentent uniquement afin que vos voeux soient présenter à la bonne fée. Car sachez, mon cher Pedro, que tous les voeux ne seront pas exaucés s'ils ne sont pas raisonnables ou du moins sincèrement honnêtes. Oui, tout cela me semble bien venue, dit Pedro en espérant que son voeux pour Fabien se réalise. Mais au juste comment allons nous présenter nos voeux à la bonne fée? demanda-t-il en doutant un peu sur cette rencontre ou du moins sans plonger dans les fonds sous-marins et risquer sa vie. Ah!Ah!Ah! ria le professeur en faisant éclater ses dents en or. Mais ne vous inquiètez pas pour ça, mon ami, car El Pulpo à entendu tous nos voeux s'exprimer et les exposera à la bonne fée sans notre intervention, Ah!Ah!Ah! ria-t-il à nouveau. Mais comment est-ce possible? insista-t-il interloqué en ayant oublié qu'El Pulpo était devenue leur subconscient à tous pendant le voyage jusqu'à Kantapulka. Je vois qu'Elle vous a repondu, n'est-ce pas? dit le professeur en regardant à travers la baie vitrée, El Pulpo s'avancer vers le temple accompagnée d'une armée de syrènes. D'accord, j'ai compris, dit- il impatient de rencontrer la bonne fée par l'intermédiaire d'El Pulpo: la pieuvre aux trois coeurs et aux pouvoirs insoupçonnés, bref, capable d'un amour gigantesque.

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Quand nous entrâmes dans le temple scintillant de lumière, El Pulpo entama une danse étrange avec ses longues tentacules en réalisant des figues énigmatiques, puis se prosterna devant la bo-nne fée tel un adèpte à qui il semblait avoir une grande reconnaissance en matière de pouvoirs. C'est ce qu'on pensait tous à bord de l'Amazonias où apparemment El Pulpo ne s'épargnait jam-ais de visiter la bonne fée non pas seulement par courtoisie, mais pour lui apprendre des nou-velles des hommes qu'il transportait jusqu'à Kantapulka. Sous entendu qu'elle était curieuse de tout et tout particulièrement des hommes qui avaient une très mauvaise réputation dans tous les univers non humains. Assise sur son trône recouverts d'écailles d'or et d'argent, elle leva plus-ieurs fois son trident étincelant de lumière pour lui souhaiter la bienvenue et engager la conver-sation qu'aucun d'entre nous pouvions comprendre. Visiblement dans les océans, nous les hom-mes malgré notre haute technologie étions bien ignorants en matière de langage qui se pratiquait entre les espèces aquatiques. Seul le professeur semblait comprendre ce qui se disait puisque à plusieurs reprises, il avait rendu visite à la bonne fée au cours de ses voyages précédents. Bref, on aurait tant aimé avoir des haut-parleurs dans l'abitacle pour entendre la mystèrieuse discution sachant que nous étions tous concernés par les bontés de la bonne fée. Autour d'Aquiso se trouv-ait apparemment un conseil de sages composé d'une tortue géante, d'un éléphant de mer, d'un da-uphin blanc, d'un groupe d'hippocantes, d'un banc de sardines( représentant apparemment le peu-ple des mers) et des méduses qui assuraient l'éclairage des lieux. Quand El Pulpo commença à présenter les voeux de chaque membre d'équipage, la bonne fée les soumis au vote du conseil des sages pour les déclarer soit recevables soit non recevables. Et après une agitation tout à fait ordinaire comme dans toute assemblée, le membre éminent du conseil des sages( l'elephant de mer) présenta le résultat à la bonne fée qui aussitôt statua en lançant avec son trident un éclair blanc lumineux en direcion de l'équipage de l'Amazonias. Bien évidemment, nous avions tous compris le sens de ce signal lumineux qui était la façon pour les animaux aquatiques de comm-uniquer avec nous sans les mots. Car il faut dire que dans les civilisations non humaines, on avait banni les mots sachant qu'ils pouvaient revêtir des mensonges pour cacher ses intentions.

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Et la raison pour laquelle les hommes avaient une très mauvaise réputation pour assurer la paix entre les créatures vivantes sur la planète. Au point que certaines espèces avaient décidé de vivre dans le ciel, comme les oiseaux ou bien dans les oceans, les forêts etc pour échapper à la tyranie des hommes et à leurs mensonges. Toutes ces pensées étaient ressenties par tout l'équipage grâce à El Pulpo, non pas pour les culpabiliser, mais pour leur dire la vérité sur ce qu'ils étaient. Le professeur, touché par l'évènement insolite, lâcha un petit sourire de contentement quand il com-prit que les votes avaient été acceptés par le conseil des sages et que son équipage avait été rais-onnable en matière de voeux. C'est bien, c'est bien, je vois qu'il avait gardé la tete sur les épaules et qu'il n'avait pas enfreint les règles morales! murmura-t-il du bout des lèvres sachant qu'ils avaient encore un long voyage à parcourir. A ses côtés, Pedro semblait tendu et regardait le pro-fesseur avec plein d'attention. Tandis que les deux poupées, assises au bord du canapé, semblèr-ent perplexes en attendant comme un miracle de devenir des grandes personnes! Instantanément, Fabien comprit par la pensée de Pedro que son voeux avait été accepté par la bonne fée et qu'il deviendrait un homme nouveau dès leur retour de Kantaplulka. De ce fait, il se sentit plus leger et prêt à sortir dehors dans la rue pour montrer à la socièté des hommes qu'il était heureux. Ce qui était assez rare, il faut le dire, entre nous. Aussitôt, il se leva du canapé, chaussa ses chau-ssures orthopédiques et prit sa canne d'un air guilleret. Décidément, ses nouveaux amis, qu'il av-ait rencontré tout à fait pas hasard, était une aubaine et une source de joie pour lui depuis la mort de la vieille, cette vieille chipie, Ah!Ah!Ah! ria-t-il comme reprenant goût au cynisme et surtout à la liberté de pouvoir s'exprimer comme il l'entendait. Cette fois-ci, c'est moi qui aura le dernier mot! pensa-t-il avec arogance sans savoir qui il allait rencontrer. Car cela faisait très longtemps qu'il ne fréquentait plus les bars de son quartier pour ne pas gaspiller son argent inutilement où alcool et médicaments ne faisaient pas bon ménage avec sa santé, mais aussi à cause de ses ancie-nnes fréquentations qui l'avaient fort déçues au point d'éprouver desormais de l'amerume pour le passé. Et allait-il retrouver d'anciennes connaissances? se demandait-il avec inquiètude sachant qu'il s'était retiré de l'humanité depuis de nombreuses années.

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Mais tout cela était désormais terminé, pensa-t-il en claquant la porte de son appartement. Dans son immeuble, situé rue de la lanterne rouge, il n'y avait malheureusement pas d'ascenseur et la raison pour laquelle il descendait peu de chez lui. Bref, avec l'impression d'être enfermé chez lui toute la journée comme un petit vieux jusquà la fin de ses jours. Tout à coup, il entendit surgir dans sa tête une vieille chanson de Johnny Haliday" pour moi la vie va commencer", comme le signe d'un âge d'or qui montrait à nouveau le bout de son nez! pensa-t-il avec ironie. Et un fou rire lui vint spontanément avec le sentiment de redecouvrir la jeunesse qu'il n'avait jamais eue. C'est le début de ma renaissance! dit-il du bout des lèvres devant les escaliers en colimaçon qu'il redoutait, mais qui cette fois-ci ne l'effrayait plus sachant qu'il était habité par une force nouvelle qu'on appelait la confiance en l'avenir. Quand il s'élança dans les escaliers, la main glissant le lo-ng de la rampe pour assurer sa sécurité, il se sentit soulagé de pouvoir tenir sur ses jambes sans qu'elles ne fléchissent pour un rien. Mais c'est miraculeux qu'elles tiennent à ce point là! lâcha-t-il en s'émerveillant du progrès qu'elles faisaient depuis la venue de la bonne fée dans sa vie. Enj-ambant une à une les marches avec une grande souplesse, il avait le sentiment de voler tel un jeune faune au dessus de la réalité et arriva en un temps record devant la porte de l'allée. D' habitude lourde à ouvrir, cette fois-ci, il l'ouvrit avec facilité en sentant la force revenir dans ses bras et dans ses mains. Visiblement, les pouvoirs de la bonne fée commençaient à faire leurs eff-ets sur son corps et sur son esprit, reconnaissait-il en se réjouissant et malgré quelques crampes qui persistaient au niveau des cuisses. Et qui n'était que le début de la magie qui prendra toute sa dimension quand mes amis seront revenus de Kantapulka, pensa-t-il en sortant dans la rue où il se sentit soudainement happé par la vie trépidente des hommes. Les sens aux aguets, il sentit qu'il n'était plus en sécurité entre ses quatres murs, mais dehors où tout devenait possible, le meilleur comme le pire au niveau des rencontres. Car qu'est-ce qu'une rencontre hasardeuse sinon qu'un accident que seule la cité urbaine put provoquer par sa multitude d'individus, n'est-ce pas? Sou-dainement, son coeur se mit à battre en reprenant goût à la vie, mais aussi au risque qu' engen-drait toute mobilité.

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Glissant sa canne sous son bras, il se risquait sans filet de sécurité dans sa rue lègèrement en pente et qui aboutissait sur la place de l'hotel de ville où il y avait toujours beaucoup de monde aux terrasses des cafés. C'est parti, mon kiki! lança-t-il d'un air guilleret. Le ciel bleu au dessus de sa tête lui donnait l'impression de voyager dans le cosmos où le soleil le suivait à chacun de ses pas tel un fidèle compagnon. A l'air libre, il sentit ses poumons se remplir d'un air neuf et ses yeux boire la clarté du jour tel un homme qui se réveillait d'un profond sommeil, ce qui lui chan-geait beaucoup de chez lui où l'air était confiné et l'éclairage artificiel des ampoules. Quelque peu ébloui par la clarté du jour et ébranlé par les bruits de la ville, son sens de la musique se réveilla aussitôt en percevant au loin des bruits ponctués par un marteau piqueur et un comp-resseur, puis par un groupe d'arabe montant vers lui avec l'impression qu'ils se criaient dessus alors qu'ils se parlait comme à l'ordinaire. Décidément, les habitudes ne se perdaient pas! Ah!Ah!Ah ria-t-il en sachant qu'autrefois beaucoup de ses amis étaient maghrebins et qu'ils se chamai-llaient souvent pour un rien et uniquement pour faire du bruit, Ah!Ah!Ah! Mais au juste pouvait-on changer les peuples pour qu'ils nous ressemblent comme nous les français qui parlions à voix basse pour ne pas déranger ses voisins? se demanda-t-il en passant devant une boite gay où la de-vanture était d'une grande discrétion afin d'éviter d'être reconnue par les extremistes ou homo-phobes. Il avait alors l'impression que les habitués devaient montrer pattes blanches quand ils so-nnaient à l'entrée ou peut-être avoir un mot de passe tel que sésame ouvre-toi pour pénétrer ces lieux hors du monde où les hommes étaient des filles ou vis versa. Car même si Fabien n'était pas homosexuel, cette boite se trouvait en bas de chez lui depuis longtemps et qui malgré la crise économique tenait encore debout comme par magie. Décidément, l'anormal avait de l'avenir, co-mme l'industrie du luxe qui échappait à toute crise, n'est-ce pas? s'étonnait-il en continuant sa promenade. Décidément dans sa rue beaucoup de commerces et tout particulièrement des bouti-ques de prêt à porter, de meubles d'occasion ou vintage, des salons de thé où l'on pouvait dégus-ter des patisseries orientales et des boutiques à chicha où l'on pouvait fumer du narguilé etc.

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Bref, c'était l'orient à sa porte et qui ne le dérangeait pas, car il aimait le cosmopolitisme des vi-lles. Où son sens musical s'amusait d'entendre toutes les langues du monde sans rien y compr-endre, mais avec le sentiment d'être transporté dans un autre monde comme dans une tour de ba-bel, la première cité du monde. Même s'il était de souche française, il avait le sentiment d'avoir hérité de toutes les tares de sa race sans être pour autant antifrançais. Puisque abandonné à sa naissance, il avait beaucoup de rancune envers les auteurs de sa vie, mais sans savoir de quelle nationalité ils étaient exactement en baignant dans le flou total de sa naissance. Et la France dev-enait alors comme un bouc émissaire idéal pour évacuer sa rage, comme beaucoup d'autres qui n'avaient pas trouvé leur place dans la socièté française, il faut le dire. Mais avec le grand para-doxe que la France lui venait en aide en lui accordant une allocation d'handicapé! Décidément peu de reconnaissance envers son pays qui était le champion du monde des aides sociales sans entendre merci de la part de ses malades, n'est-ce pas? Mais bon, nous allions pas juger Fabien en ce moment pour ce qu'il était devenu où une grande partie de sa vie avait été occupée par une grande solitude. Etait-il un apatride? se demandait-il souvent en vivant dans une histoire qui ne semblait pas la sienne. Et son nom de Fabien Bonneant était-il vraiment le sien ou bien inventé par l'administration française pour lui donner une identité suite à son abandon sauvage par ses parents? N'étant pas complètement idiot, malgré le peu d'études qu'il avait faites, il sentait que son nom avait une résonnance bizarre à ses oreilles où le mot neant sonnait comme un aveux sur ses origines et visiblement choisi habilement par un fonctionnaire de la DDASS qui ne manquait pas d'ironie, n'est-ce pas, mon cher lecteur? Tout en continuant sa promende, il esperait ne pas rencontrer d'âme solitaire comme la sienne pour ne pas retomber dans son passé, mais rencontrer des jeunes gens pour voir la vie d'un oeil neuf. Pendant ce temps à bord de l'Amazonias, on fes-toyait en l'honneur de la bonne fée qui avait en grande partie exhaussé les voeux de tout l'équi-page. Pour feter l' occasion, le professeur Sanchez, grand amateur de chansons populaires avait mis, la lambada pour que son équipage puisse se distraire après un début de voyage qui n'avait pas été de tout repos, il faut le dire.

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Car il leur restait encore trois portes du temps à franchir : Sesamia, Nubilis et Barazoum avant de parvenir à la cité interdite de Kantapulka. Et personne ne savait combien de temps, il allait pr-endre pour les franchir et combien d'épreuves à subir en sachant que les gardiens des portes étai-ent d'une grande perversité, comme nous l'avions remarqué. A ce sujet, le professeur Sanchez ne semblait pas inquiet puisqu'il avait déjà fait le voyage à plusieurs reprises et était revenu en un seul morceau, Ah!Ah!Ah! riaient les universitaires en levant leurs verres à leur future réussite universitaire et médiatique quand ils seront revenus de cette expédition insolite où les medias du monde entier les appelleront desormais les nouveaux explorateurs du temps! Et si l'éminent cher-cheur, professeur émerite d'archéologie, les avait emené avec lui sur l'Amazonias, c'était dans le but qu'ils deviennent ses fils spirituels et fondent une nouvelle université où le voyage dans le temps sera la suprême discipline des archéologues des temps futurs. Mais pour l'instant Pedro semblait avoir ses faveurs, car il avait le don de se métamorphoser en n'importe quel objet ou animal qui le plaçait au dessus des universitaires ou de ses étudiants. On sentait parfois quelqu-es jalousies envers Pedro qui lui seul avait accés à la salle de commande où le professeur lui prodiguait des conseils pour la navigation hors du temps. Où chacun devait garder ses quartiers pour ne pas se mèler les pinceaux. Comme les universitaires qui devaient étudier les voyages sp-aciotemporels du professeur grâce à une immense bibliothèque qui avait été mise à leur dispo-sition. De même que l'équipage veiller au bon fonctionnement du navire et palier à toute avarie en cas de collision. Sans oublier El Pulpo qui restait l'âme de l'Amazonias en leur garantissant l'assurance d'arriver en un seul morceaux jusqu'à Kantapulka. C'est dire les bonnes relations dip-lomatiques indispensables entre le commandant de bord et El Pulpo pour que tout se passe bien, n'est-ce pas? Tout en précisant qu'El Pulpo était une pieuvre possédant trois coeurs et huit ten-tacules pour se mouvoir aisément dans le labyrinte du temps! Et parfois l'on se demandait à bord comment le professeur avait pu acquérir ce navire hors norme où un musée flottant pouvait se transformer en animal aquatique et voyager dans le temps? Sous entendu que ce navire avait une âme avec laquelle, l'éminent archéologue, pouvait dialoguer sous forme télépathique! C'esr ce qu'il essayait apparemment d'enseigner à son disciple Pedro.

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Seules Natacha et Bianca semblèrent déçues par leur rencontre avec la bonne fée où leur métam-orphose en grande personne tardait à venir. Bref, en restant des poupées qui ne pouvaient tou-jours pas avaler le moindre aliment et participer à la fête où tout le monde mangeait exagére-ment, buvait sans retenue et riait à gorge déployée. Et pour imiter les grandes personnes, de tem-ps à autre, elles portaient à leurs bouches un verre de champagne en se souhaitant une bonne san-té : Bonne santé, ma chère Bianca! A la vôtre, ma chère Natacha! Ce qui faisait rire toute la com-pagnie, Ah!Ah!Ah! Visiblement de mauvaise humeur à cause de leur métamorphose qui n'arriv-ait pas, Natacha s'alarmait que son mariage avec le professeur Sanchez n'avait pas été consom-mé et pleurait intérieurement sans verser la moindre larme sur son visage! Décidément, un vrai calvaire pour une poupée qui ne pouvait exprimer ses émotions intérieures! s'insugreait-elle par-mi les rires des convives qui se lâchaient pour l'occasion. Quant à Bianca, qui avait désiré deve-nir un garçon, elle regardait Pedro en attendant de lui un signe de tendresse. Mais les deux comp-arses, accaparés par les convives et ne sachant pas où donner de la tête, semblèrent indifférents à leur drame respectif! Où l'amour et l'amitié recevaient ses premiers contre coups à en perdre la raison, n'est-ce pas? Mais pouvions-nous dire en toute objectivité qu'une poupée eut le pouvoir d'exprimer ses désirs en sachant qu'elle n'était qu'une marionnette de chiffon où seuls les enfants avaient le pouvoir de les faire parler ou bouger? Décidément Telestor, qui avait libéré ces deux poupées de leurs étagères et de leur sommeil profond, était d'une grande perversité en sachant qu' il était lui-même un enfant qui ne manquait pas de cruauté, dirons-nous sans mentir. Tout en concevant que la bonne fée s'était peut-être trop avancée quant à la métamorphose en chair et en os de ces deux poupées en silicone; ce que tout le monde se demandait. En relation avec toutes les bonnes fées depuis des lustres, elle connaîssait bien l'histoire de Pinocchio: cette marionnette en bois qu'une de ses collègues avait transformé en chair et en os pour combler le désir d'enfant de Jepetto, un pauvre menuisier. Un désir qu'elle avait exhaussé et malgré le mauvais caractère de Pinocchio qui n'en faisait qu'à sa tête au point de faire tourner en bourrique le pauvre Jep-petto.

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Mais ce désir de transformer deux poupées en personnes humaines, dont on ne connaissait pas le passé, avait-il tous les arguments pour le rendre possible? Et quand le professeur lui passait la man dans la culotte, Natacha ressentait-elle quelque chose ou rien du tout? Et quand Pedro lui parlait d'amitié éternelle, Bianca comprenait-elle bien ce qu'il voulait dire? Je crois, ma pauvre Bianca, qu'on nous a complètement oublié! lâcha amèrement Natacha en regardant le spectacle pitoyable des hommes qu'elle avait sous les yeux. Je suis entièrement d'accord avec toi! lui dit-elle en se croisant les bras, puis en regardant au plafond. Quand la fête prit fin et que tout le mo-nde regagna ses quartiers ainsi que le calme dans le grand salon, Natacha cria soudainement : Y'a t-il quelqu'un ici qui voudrait jouer avec des poupées? Apparemment, elle semblait très en colère d'avoir joué les potiches au cours de la fête. A ses côtés, Bianca la regardait avec des yeux étonn-és et se demandait pourquoi elle criait autant alors que le calme était revenu et lui permettait de soulager ses oreilles. Mais pourquoi cries-tu? Es-tu devenue folle? Mais non, je dis uniquement ce que je pense! répondit-elle avec emportement, car je ne supporte pas d'être humilée. Humiliée, humiliée, c'est un grand mot et je ne pense pas que les hommes en sont responsables, mais plutôt la bonne fée qui nous a menti, n'est-ce pas? Cela ne fait aucun doute pour moi en nous prenant pour des imbéciles, la soi-disant fée qui faisait des miracles, Ah!Ah!Ah! ria-t-elle. Je comprends entièrement ton amertume, ma petite Natacha en attendant que notre situation s'améliore, n'est-ce pas? Mais moi, j'en ai assez d'être une poupée qui n'a pas son mot à dire en socièté et qui mesure 50 centimêtres de haut qu'on peut déplacer comme un objet de décoration! Oh, comme je te co-mprends, car moi aussi, j'en ai un peu marre qu'on me traite de jolie petite poupée qui n'a pas de cervelle pour penser par elle-même. Je vois que tu résumes très bien la situation, ma petite Bian-ca, toi qui désire tant devenir un petit garçon grâce à la bonne fée. Mais à ce que je vois, tu as toujours tes jupes et toujours pas de zizi pour l'instant, Ah!Ah!Ah! ria-telle pour se moquer de sa petite copine.

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Bianca, génée par cette remarque blessante, lui tourna le dos et mit sa main entre ses cuisses pour essayer de démentir Natacha qui ne croyait pas aux miracles de la bonne fée. Quand tout à coup, le professeur et Pedro surgirent dans le grand salon suite au bruit qu'ils avaient entendu. Mais qu'avez-vous, mes petites, vous n'êtes pas contentes de la soirée qui s'est pourtant bien passée pour tout le monde? Mais pas pour nous! lâcha brutalement Natacha qui voulait prendre la parole. Ah bon? demandèrent-ils de concert en voulant une explication logique ou du moins résonnable de la part de ces deux poupées qui étaient visiblement de mauvaise humeur. Oui, parce que la bonne fée n'a pas réalisé nos souhaits! Mais que dites-vous là, mes petites? Je vois que vous êtes bien pressées! dit le professeur en ajustant ses lunettes à montures dorées en s'ap-prochant de Natacha. Donne-moi ton poignet, lui dit-il, je vais regarder quelque chose. Tenez, professeur qui n'oubliez pas est mon époux, n'est-ce pas? Oui, oui, d'accord, je le sais bien, dit-il un peu exaspéré par sa remarque. Tout le monde semblait intrigué par les manoeuvres du prof-esseur qui n'était pas seulement un éminent chercheur en archéologie, mais aussi medecin légiste afin d'étudier les ossements au cours de ses fouilles. Mais que dites-vous là, ma petite Natacha, ne voyez-vous pas un petit vaisseau sanguin au niveau du poignet? dit-il content de lui annoncer une bonne nouvelle. Comment ça? demanda-t-elle avec surprise en approchant son poignet de ses yeux où elle aperçut une ligne bleue sous sa peau translucide de poupée! Mais vous avez entièrement raison, professeur, Youhaa! lança-t-elle avec joie en direction de Bianca qui sembl-ait un peu jalouse de sa future métamorphose en jolie jeune fille. Fait-voir! lui demanda-t-elle curieuse en se penchant d'elle. Mais c''est vrai, Natacha, Ah!Ah!Ah! et quand je pense que tu ne croyais pas aux miracles de la bonne fée, te voilà maintenant démenti par le professeur. Mais ce dernier, n'ayant pas fini la visite du corps de Natacha, lui palpa la poitrine. Mais que faites-vous? lui expédia-t-elle quelque peu en colère. Mais je vérifie quelque chose, ma petite Natacha. D'acc-ord, docteur, mais faites vite, lui dit-elle en tournant la tête pour ne pas voir les mains baladeuses du professeur.

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C'est ce que je pensais, dit-il, en sentant soudainement sous ses doigts, les deux pointes de ses seins se durcir. Ah!Ah!Ah! ria-t-il. Ma chère Natacha vos seins prennent formes et je pense que dans trois jours vous vous serez métamorphoser en jolie jeune fille, Ah!Ah!Ah! ria-t-il à nou-veau en lui faisant un clin d'oeil qui voulait tout dire sur leurs prochaines relations. Bianca, à ses côtés, qui n'avait pas été palpé par le professeur ni par Pedro, semblait un peu jalouse et attendait son tour en faisant la moue. Bien évidemment, elle aurait voulu qu'elle le soit par Pedro auquel elle avait juré une amitié éternelle. Mais le professeur, un peu brutalement, lui mit soudainement la main entre les cuisses pour vérifier quelque chose. Mais professeur, que faites-vous? lui expé-dia-t-elle genée par son geste en essayant de lui retirer sa main. Mais laissez moi faire, ma petite, c'est pour votre bien! Quand tout à coup, il sentit entre ses cuisses, une petite protubérance: apparemment la naissance d'un zizi, pensa-t-il, en lâchant un sourire pour lui dire dans les yeux : Je crois que votre métamorphose est en train d'opérer aussi et dans trois jours vous serez devenu un garçon, ma petite Bianca. Moins expansive que Natacha, elle semblait très touchée par cette annonce qu'elle attendait depuis si longtemps en regardant Pedro avec plein d'attention.. Desor-mais, elle devra changer de nom, mais aussi de vêtements quand elle sera devenue un garçon! pensa-t-elle en regardant le professeur heureux de continuer le voyage avec deux presonnes supp-lémentaires ou du moins avec deux adolescents à bord de l'Amazonias. El pulpo, qui était la co-nscience du vaisseau, se réjouissait de cette bonne nouvelle et le communiquait à tout l'équipage qui savait desormais qu'il y aurait deux nouveaux passagers à bord. Tout en attendant leur méta-morphose conplete où il aurait l'occasion de s'amuser avec ces deux jeunes personnes afin d'ou-blier leur enfermement dans l'Amazonias. Et le professeur, ému par cet évènement, se réjouissait d'avance de pouvoir mettre Natacha dans son lit, car il n'oubliait pas que Telestor les avaient marié ensemble pour pouvoir franchir la porte dont il était le gardien. Quand à Bianca, elle rega-rdait avec admiration Pedro en attendant de lui une éternelle amitité. Ce qui semblait le réjouir de pouvoir s'occuper enfin d'un petit garçon dont le nomadisme et l'amour de la liberté l'avaient empêché de créer sa propre famille.

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Bref, d'avoir un fils pour accompagner son voyage spaciotemporel, ce qui n'était pas négligeable pour lui. Avec le sentiment d'avoir réalisé, grace à ce voyage vers Kantapulka, un de ses grands rêves en trouvant à travers le professeur Sanchez, un père spirituel et un fils qu'il comptait édu-quer de la plus noble façon comme son père l'avait fait pour lui. C'est à dire pour devenir un homme libre et un citoyen du monde. Et un bonheur soudain l'envahit en oubliant un peu Fabi-en qui dans sa réalité était sorti dehors pour retrouver la vie dans toutes ses apparences. Visible-ment lui aussi allait mieux, pensa-t-il, en le voyant déambuler dans les rues grâce à ses dons de double vue. Après ces moments plein d'émotion, le professeur et Pedro regagnèrent la salle de contrôle où la quatrième porte du temps( Sésamias )semblait impatiente d'être franchie pour re-joindre Kantapulka. A voir le professeur afficher une bonne humeur sur son visage, Pedro com-prit que le franchissement des dernières portes serait plus faciles ou du moins moins brutales que les précédentes. Mais qui est Sésamias ? lui demanda-t-il soudainement. Ah, je vois que vous vous interressez à notre prochain gardien, mon cher Pedro. Oui, car je voudrais savoir à quoi m' attendre sachant que tous les gardiens des portes sont des exentriques d'après notre expérience. Oui, vous avez entière raison! dit le professeur. Mais n'ayez crainte sur Sésamias qui, si exen-trique soit-il, adore être flatté et qu'on lui dise qu'il est le plus beau et le plus riche du monde! A ce point là! s'exclama Pedro quelque peu interloqué. Oui, et c'est la raison pour laquelle nous franchirons sa porte comme une lettre à la poste. En êtes-vous sûr? insista Pedro. Mais oui, car il est si facile pour nous de flatter les autres en pratiquant le mensonge, n'est-ce pas? Ah!Ah!Ah! ria-t-il en essayant d'étouffer ses fous rires. A ce propos, lors de notre dernière rencontre, je lui avais dit qu'il était plus beau qu' Apollon et plus riche que Crésus, ce qui l'avait beaucoup ému. Sans aucun doute! dit Pedro en restant pensif sur ce personnage exentrique en se massant le menton. Bien qu'il était prêt à rire lui aussi, il resta prudent en ne sachant rien de la prochaine aventure où les gardiens des portes étaient des inconnus pur lui.

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A ce propos, je compte reprendre l'histoire que je lui avais raconté la dernière fois. Et qu'elle était-elle? demanda-t-il curieux de tout savoir. Il s'agissait des contes des milles et une nuits où je me prenais pour Shérazade afin qu'il me laisse franchir la porte pour rejoindre une cité perdue pour mes recherches archéologiques. Et l'histoire d'Ali Baba l'avait beaucoup ému en lui disant que les richesses des 40 voleurs n'étaient rien par rapport aux siennes. Eh bien en voilà un pers-onnage exentrique! s'exclama Pedro proche de l'ilarité. Bref, c'est sésame ouvre-toi pour ainsi dire, n'est -ce pas? Vous avez tout compris, mon cher Pedro. Quand tout à coup, une alarme re-tentit sur le tableau de bord où le professeur aperçut un point lumineux clignoter sur la dalle de commande. C'est notre homme ! s'écria-il en surveillant tous les indicateurs où El Pulpo était le maître de l'action. Aussitot, il s'enfonça à l'intérieur d'une falaise où la porte d'entrée était cachée par une végétation épaisse. Ca y'es, nous y sommes! dit-il à Pedro pour le rassurer. Ce qui ne semblait pas le rassurer pour autant sachant qu'ils étaient entrés dans un endroit très sombre où ils étaient à la merci du gardien de la porte. Quand tout à coup, ils débouchèrent de l'autre côté de la falaise où le paysage était irréel. En apercevant des dunes de sables allant à l'infini, comme dans un sahara situé au fond des abysses où des bateaux de toutes sortes s'étaient échoués faute d'avoir su répondre à l'enigme de Sésamias. Ce qui fit sourire le professeur Sanchez en voyant le spectacle pitoyable des hommes où lui seul, le grand archéologue Colombien, avait su déchiffrer les messages venant du passé pour servir les temps futurs. Au loin se trouvaient des colonnes an- tiques comme montrant la route à suivre où un temple d'une blancheur éclatante était visiblem-ent érigé pour séduire les voyageurs. Sans plus attendre, El Pulpo s'y dirigea et entra à l'intérieur pour se présenter au gardien de la porte, Sésamias, qui siègeait sur un trône jetant mille éclats autour de lui! Au point que tout l'équipage de l'Amazonias fut ébloui pendant un instant en ne voyant pas le visage de l'illustre personnage qui apparemment aimait tout ce qui brillait. Le prof-esseur, qui savait tout sur ce personnage exentrique, ne se moqua point de ses désirs de grandeu-rs, mais attendit qu'El Puplo se prosterna devant le trône de Sésamias pour lui présenter ses hom- mages et ses félicitations quant à la maginificence de sa demeure.

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Ce que ce dernier considéra comme tout naturel vu sa stature d'homme exceptionnel en étant le plus beau et le plus riche de la terre. Mais pas entièrement juste puisque gâché par une vilaine cicatrice sur le nez qu'il essayait de cacher avec ses doigts devant les visiteurs. Ce que remarqua tout l'équipage ainsi que Pedro, mais sans en lui faire la remarque désobligeante afin de passer cette porte pour joindre Kantapulka. Lorsque tout à coup, on entendit résonner à bord de l'amaz-onias une question étrange : Qui suis-je? Aussitôt, le professeur prit la parole et dit : Vous êtes le plus beau de la Terre! Mais que suis-je aussi? Vous êtes le plus riche de la Terre, seigneur Sés-amias. Aussitôt de grands applaudissements surgirent de nulle part, comme pour couronner le tout où tous à bord purent apercevoir le visage de Sésamais qui semblait ravi de cette visite qui l'avait comme rassuré sur sa beauté et sur sa richesse. Et enlevant ses doigts sur son nez abîmé, tous remarquaient que Sésamias était redevenu beau où sa cicatrice avait disparu, comme par magie! Le professeur, fin diplomate, applaudit immédiatement à la beauté retrouvée de Sésamias, ce qui déclencha une cascade d'applaudissement de la part de tout l'équipage qui voulait particip-er à l'évènement insolite. Le gardien de la porte semblait aux anges où visiblement éloges et con-gratulations avaient de vrais pouvoirs magiques sur sa personne et sûrement sur tout le monde! pensait Pedro dont l'amour du père l'avait rendu sensible aux autres et au monde en constante mutation. Quelques instants plus tard, on entendit Sésamias dire à l'ensemble de l'équipage : Je vous accorde le passage, mes amis! Ce qui réchauffa le coeur de tout le monde à bord qui ne voulait pas finir comme ces milliers de vaisseaux échoués au fond faute d'avoir su répondre avec tact au gardien de la porte. El Pulpo, qui était la conscience de l'amazonias, se réjouissait de la bonne nouvelle et sortit du temple en gesticulant ses tentacules avec joie. Aussitôt, le paysage désertique se transforma en pleine verdoyante où le soleil était au zénith! Le professeur, ému que son plan ait bien marché, sera la main de Pedro pour le remercier de son aide, alors qu'il n'y était pour pas grand chose à vrai dire. Mais comme nous nous trouvions dans le règne du mensonge avec Sésamias, il appréçia cette poignée de main tel un compliment justement gagné.

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Allons manger, car cette petite aventure m'a donné de l'appetit! dit le professeur en se frottant les mains. Par cette petite confrontation avec Sésamias, le maître du mensonge, tout le monde à bord comprenait que pour arriver à ses fins, il était parfois utile d'abandonner son orgueil ou de le lai-sser au placard, comme on disait vulgairement. On devinait déjà les conversations qu'il y aurait autour de la table ou tout l'équipage parlerait du professeur Sanchez comme d'un génie qui allait sauver l'humanité! Et qu'allons-nous manger? demanda Pedro dont l'estomac était dans les talo-ns. Ne vous inquiétez pas pour ça, mon cher Pedro, car nous allons traverser une région connue pour sa richesse agricole où El Pulpo choisira pour nous, les meilleurs aliments ainsi que les meilleurs fruits dont les vergers sont pleins à craquer, Ah!Ah!Ah! ria-t-il en allant disposer les assiettes en corail sur la table faite avec un os plat de baleine. Natacha et Bianca, qui avaient as-sisté à ce tour de force du professeur, se levèrent sans réelle motivation sachant que leur métam-orphose n'était pas terminée et qu'elles ne pouvaient pour l'instant ingurgiter aucun aliment. Et Natacha ne faisait que regarder son poignet où la naissance de petits vaissaux sanguins bleus se-mblait la subjuguer. Quant à Bianca, elle regardait son bas ventre en esperant voir la naissance de son zizi déformer légèrement sa robe. Bref, à bord les choses semblaient avoir repris leur nor-malité ou du moins dans une dimension spaciotemporelle où la normalité n'était pas la réalité comme on la connaissait tous. Mais où le voyage dans le temps avait tendance à déformer les ch-oses pour ainsi dire, mon cher lecteur. A travers la baie vitrée, on pouvait apercevoir la richesse agricole et minière de la région où El Pulpo faisait son marché en récoltant avec ses longues tentacules des fruits d'une grosseur inhabituelle, il faut le dire. Et comme tout le monde à bord avait un peu marre de manger du poisson, ce qu' El Pulpo savait très bien en étant la conscience du vaisseau, elle décida d'attraper des animaux qui ressemblaient étrangement à des vaches de mer. Ca leur fera de bons steaks! pensa-t-elle avec humour. Quant aux frites légendaires accomp-agnant ce plat connu universellement dans tous les pays, elle ramassa des pommes de terre aussi grosses que des ballons de football!

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Ce qui plairait forcément au professeur Sanchez, un éminent chercheur en archéologie, mais aus-si un passionné de ballon rond en étant d'origine colombienne. Décidément, El Pulpo pensait à tout même aux petits détails afin que tout l'équipage de l'Amazonias soit heureux et arrive en bonne santé à Kantapulka. Tallonné par la faim, le professeur se leva de sa chaise en arêtes de poisson et partit observer les manoeuvres d'El Pulpo à travers la baie vitrée. Quand soudainem-ent, il s'écria : Mes amis, aujourd'hui nous allons manger un bon steak frites, Ah! Ah!Ah! Ce qui étonna beaucoup Pedro dont le dernier souvenir d'un bon steak frites remontait à une éternité! pensa-t-il en sentant ses premières crampes d'estomac le tenailler. Quant aux deux poupées, qui n'avaient jamais mangé quoi que ce soit de comestibles depuis leur fabrication par Téléstor, elles se regardaient d'une manière interrogative et se demandaient à quoi ça ressemblait un steak frites et quel goût ça avait? Malheureusement, ce n'était pas le bon jour pour elles pour apprécier un bon steak frites sachant que leur métamorphose n'était pas terminée et que leur odorat était quasi inexistant pour l'instant. Ma pauvre fille! dit-elle à Natacha avec regret, nous allons encore dev-oir attendre longtemps pour ressembler aux Hommes, n'est-ce pas? Eh oui, ma pauvre Natacha et les regarder manger sans que nous prenions du plaisir. Ma foi, c'est comme ça pour l'instant où nous ignorons totalement ce qu'est le plaisir et c'est malheureux! dit-elle avec amertume en reg-ardant le professeur se frotter les mains qui voyait El Pulpo revenir les tentacules chargées de bonnes nourritures. Et de jouissance! ajouta Bianca en posant les coudes de dépit sur la table à manger. Quelques instants plus tard, on entendit une alarme se déclencher sur le tableau de bord indiquant qu'El Pulpo avait chargé la réserve de nourriture. Où ce dernier avait prédécoupé la vache de mer en morceaux afin que tout l'équipage se fasse de bons steaks sans attendre une éter-nité, nécéssairement. Sans plus attendre, le professeur ouvrit la trappe du buffet, intégré dans les flancs d'El Pulpo, et sortit une bonne piece de viande sanguignolante qu'il posa sur une planche à découper avec une grande dextérité, il faut dire. Au point de provoquer un grand dégoût à Nata-cha et Bianca en voyant ce spectacle pour la première fois de leurs vies, il faut le dire.

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Alors que Pedro attendait impatiemment sa tranche de steak, le professeur semblait prendre son temps en voulant lui montrer, semble-t-il, l'art de découper la viande. En étant pas seulement un archéologue éminent, mais aussi medecin légiste pour avoir éffectué des autopsies pendant ses années universitaires. Ce qui n'était pas loin du metier de boucher, n'est-ce pas, mon cher lecte-ur? Aussitôt, il partit chercher dans le tiroir du buffet de la cuisine, un long couteau en os de req-uin et commença à tailler des steaks avec art. Tout en interrogeant du regard Pedro pour savoir si l'épaisseur de sa tranche de steak lui convenait? Ce qu'il approuva immédiatement par un hoche-ment de tête et par un appêtit grandissant, il faut dire. Quant aux deux poupées, elles trouvaient cela répugnant que l'on puisse manger cette masse rouge sanguignolante et trouver du plaisir! Sans oublier de dire au lecteur que le professeur Sanchez et Pedro n'étaient pas en vérité de gros mangeurs afin de garder la ligne et de pouvoir marcher pendant des heures sans fatigue sur des sites archéologiques. Par sa vitalité retrouvée, on sentait clairement chez le professeur de la bon-ne humeur en sachant qui lui restait une seule porte à franchir pour atteindre Kantapulka, celle de Barazoum! En ne considérant pas la cité de Kantapulka comme un site archéologique à visi-ter pour être toujours habitée par une vraie population où il connaissait très bien les autorités en place pour y avoir éffectué plusieurs voyages auparavant. Mais le but de ce voyage n'était plus du tout le même, mais de sauver la princesse Olabrasilia, la fille du roi Orania, puis la cité de Kan-tapulka de la destruction. Car malheureusement atteinte d'une grave maladie de peau, on lui inte-rdisait de s'exposer au soleil au risque de sa vie, mais aussi de pouvoir célébrer avec son père, la fête du soleil! Cette grande fête adulée par le peuple, mais qui supprimée par le roi, avait prov-oqué de graves dissensions au sein de son gouvernement ainsi que des révoltes populaires. Tout en précisant au cher lecteur que le cancer de la peau de la princesse n'était pas lié au hasard, mais provoquée intentionnellement par sa demi-soeur, Séssania, qui pour son 19 ème anniversaire lui avait un collier de perles d'un grand éclat, mais surtout radioactives! C'est ce que l'éminent arch-éologue, le professeur Sanchez, avait découvert lors des fouilles sur l'ancienne cité de Kantap-ulka en découvrant le collier radioactif ainsi que la lance en pointe de diamant du roi Orania!

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Où visiblement sa demi-soeur avait des ambitions de pouvoirs et de prendre sa place, n'est-ce pas? D'ou l'importance pour lui d'arriver avant la catastrophe et d'arrêter le massacre ainsi que la destruction de la cité amazonienne qui préfigurait le génocide des peuples amérindiens par les occidentaux! Ce qu'il consisérait comme une mission quasi messianique de sauver le continent sud-américain où ses recherches archéologiques l'avaient entraîné à voyager dans le temps afin de réparer le passé et de remettre les pendules à l'heure, pour être clair. A bord, tout l'équipage de l'Amazonias était de fervents partisans de la doctrine du professeur Sanchez dont le projet messi-anique était de changer le monde en modifiant le passé. Et à ce titre là, il semblait plutôt confiant en constatant que son voyage se déroulait comme prévu et qu'il avait programmé son arrivée à Kantapulka quelques mois avant la catastrophe. C'est dire à bord du navire, une grande éffervesc-ence! Heu, mon cher Pedro, pendant ce temps là, voulez-vous éplucher les pommes de terre? lui demanda-t-il d'une façon impromptue. Mais sans problème, mon capitaine, l'appela-t-il ainsi, po-ur ses grandes capacités d'adaptations de commander aussi bien un navire que des hommes à bo-rd. Et vous, mes petites poupées que je vois oisives, vous aller l' aider. Car ce n'est pas souhaita-ble si vous voulez devenir des grandes personnes, n'est-ce pas? leur demanda-t-elles d'un ton au-toritaire et paternel. Aussitôt, Natacha et Bianca furent consternées par sa remarque en regardant leurs petites mains de poupées qui semblèrent incapable de tenir un épluche patate ou un quel-conque ustensile de cuisine! lui firent-elles comprendre. Bon, bon, si vous ne pouvez pas aider Pedro, alors finissez de mettre la table, insista-t-il. Ce qui mit une fois de plus mal à l'aise les deux poupées dont l'adresse manuelle n'était pas assez convanquante pour participer aux tâches humaines. Elles n'étaient pas loin de verser des larmes, mais sans pouvoir le faire, en étant toujo-urs des poupées sans véritable utilité, sinon décorer les chambres d'enfants pour les aider à s'end-ormir le soir, constatèrent-elles avec amertume en regardant le professeur qui semblait vouloir les harceler pour des raisons qu'elles ne comprenaient pas. Allez, activez-vous et je vois qu'il manque les verres sur la table ainsi que les fourchettes et les couteaux! les menaça-t-elles en bra-ndissant son couteau en os de requin sans le faire exprès!

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Effrayées, elles sautèrent aussitôt de leurs chaises pour se diriger vers le placard de la cuisine où visiblement les portes étaient bien trop hautes pour elles en montant sur la pointe des pieds! Ce qui mit le professeur hors de lui, mais aussi sur le fait accompli qu'il ne pourrait rien faire d'ell-es avant leurs métamorphoses complètes en grandes personnes. Pedro, témoin de cette scène coc-asse, dit au professeur : Laissez-les, je vais m'en occuper! Aussitôt, il sortit les verres, les fourc-chettes et les couteaux du placard pour les poser à la hauteur des poupées qui s'empressèrent de les prendre avec un désir de faire plaisir au professeur. Et surtout Natacha, épouse de ce dernier, quoique encore petite pour l'instant, mais prête à sacrifier sa vie pour le grand homme. Quant à Bianca, dont le désir était de devenir un garçon, les tâches ménagèrent semblèrent déjà l'embarra-sser, mais sans vraiment le montrer aux autres. Malgré leurs petites mains, elles portaient les ver-res comme elles le pouvaient en s'aidant des deux mains, alors que les couteaux et les fourchett-es ne semblaient pas leur poser de problème. Tout en leur signalant le danger de se blesser en ne connaissant rien aux blessures sachant que leur peau était en silicone! Mais motivées pour deve-nir de grandes personnes, elles ne montrèrent aucune frayeur devant ce danger. Le professeur, vo-yant leut bonne volonté à mettre la main à la pâte, semblait se réjouir de cette activité autour de lui et souriait avec éclat en montrant ses dents en or! Quand il sortit de la reserve de nourriture, une pomme de terre aussi grosse qu'un ballon de football, Pedro se demandait comment il allait faire pour l'éplucher sans prendre des heures? Car il savait que son mentor aimait les gens prag-matiques et plein de créativité en se demandant si ce dernier ne l'avait pas mis au défit? Sous en-tendu que c'était la première fois qu'il avait àffaire à un légume de cette taille. Mais futé comme un singe, il ne prit aucun épluche patate pour ne pas se rendre ridicule aux yeux du professeur, mais un long couteau afin de couper la pomme de terre en rondelles, puis en quartiers. C'est ça qu'il faut faire, mons cher Pedro, bravo! lui lança-t-il à travers la pièce. Rassuré par son agilité d'esprit, il regagna la table de la salle à manger avec un saladier afin de finir son travail. Quand tout à coup, Natacha poussa un cri : Aïe! ou visiblement elle s'était blessée avec un couteau.

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Ce qui intrigua tout le monde en sachant que les poupées ne ressentaient pas la douleur! Aussi-tôt, le professeur se précipita vers Natacha et, lui saisissant la main, il s'aperçut qu'elle s'aignait aux bouts des doigts. Ah!Ah!Ah! ria-t-il, mais c'est formidable, je vois que votre état s'améliore, ma petite Natacha. Ah oui? lui rétorqua-t-elle en ignorant l'évolution de son état. Mais oui, car si vous saignez, cela veut dire que vous allez devenir comme nous, c'est à dire fait de chair et de sang, lui signifia-t-il rassuré de pouvoir la mettre bientôt dans son lit, Ah!Ah!Ah! Bianca à ses côtés, émue par les progrés desormais visible de sa copine, lui disait : Fait voir! Fait voir! Et Na-tacha fièrement lui montrait ses doigts ensanglantés comme un trophée! Pour ne pas qu'elle per-de le peu de sang qu'elle avait dans les veines, le professeur arrêta l'hémoragie en lui mettant un bout de scotch sur sa peau en silicone. Professeur, vous ne pouvez pas savoir comme je suis heureuse! Mais moi aussi, ma chère épouse! s'exclama-t-il en lui appliquant un baiser fougueux sur la bouche. En éveillant aussitôt en elle ses premiers désirs charnels en sentant les lèvres char-nues du grand homme s'écraser contre les siennes où une rougeur soudaine monta à ses joues de poupée. Bref, comme étant la preuve de sa prochaine métamorphose en jolie jeune fille, se réjo-uissait-il en se mettant à rire à comme un fou, Ah!Ah!Ah! Ma petite Natacha, je vous aime, je vous aime! répéta-t-il comme un homme ivre aux regards de Pedro et de Bianca, qui ne purent que rire à leur tour afin de faire plaisir au grand homme. Professeur, vous ne pouvez pas savoir comme j'ai mal aux pieds! dit-elle soudainement en constatant que la boucle de son soulier la fa-isait horriblement souffrir. Ce dernier, aux petits soins pour sa petite chérie, prit aussitôt son pet-it pied entre ses mains et s'aperçut que la boucle était sur le point de craquer! Mais votre pied gr-andit, ma petite Natacha, lui fit-il remarquer en lui enlevant son soulier pour la soulager. Aaaah, comme ça fait du bien! dit-elle en lâchant un grand sourire aux autres pour leur prouver qu'elle ne faisait pas un caprice ou jouait la comédie. Quant à Bianca, qui était pâle comme un linge, elle se demandait quand sa métamorphose aura lieu? Sans ignorer que la fabrication par la nature d'un garçon était plus compliqué que de fabriquer une fille, n'est-ce pas? C'est ce que pensaient, le professeur et Pedro en regardant Bianca qui semblait éffrondée par les progrés de sa petite copine.

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Quand le professeur entendit gargouiller l'estomac de Natacha, il fut étonné et lui demanda si elle avait faim? Elle, surprise par sa question, semblait vivre comme dans un rêve en se disant qu'elle allait pouvoir enfin manger avec des grandes personnes et pourquoi pas participer à leur discution? se demandait-elle en répondant par un oui affirmatif au professeur.  Ce qui le mit aus-sitôt en joie en disant à tout le monde : Natacha va desormais manger avec nous, Ah!Ah!Ah! Quant à Bianca, qui touchait son estomac sans rien ressentir, elle était démoralisée de ne pas se joindre à ce repas où Natacha aurait visiblement tous les honneurs, pensa-t-elle en regardant Pedro qui était occupé à couper les pommes de terres en fines tranches pour ne pas mettre une heure à les faire cuire, mais 10 minutes au maximum. C'est ce que la vie en collectivité lui avait appris depuis son voyage spaciotemporel sur l'Amazonias en prenant apparemment du plaisir aux taches ménagères. Dans les autres quartiers du vaisseau, on s'affalait aussi autour des cuisines où visiblement l'on était plus éfficace que chez le professeur où l'on perdait un temps interminable à s'occuper des poupées. Les marins, qui avaient leur propre cuisinier, étaient déjà à table et dévo-raient leurs steaks frites avec un grand enthousiasme en sachant que cela faisait des mois qu'il n' avait pas mangé un seul morceau de viande, mais du poisson et des crustacés. Avec le sentiment de reprendre goût à la vie terrestre où l'odeur des champs et des prairies semblait s'exaler de leurs assiettes. Quant aux universitaires, qui étudiaient toue la journée l'oeuvre monumentale du pro-fesseur Sanchez, ils semblaient plutôt maladroits à préparer le repas en faisant un peu tout et n' importe quoi. En ne sachant pas comment découper un morceau de viande dans les bonnes por-portions, ni les pommes de terres qui devenaient aussitôt des objets aux formes curieuses impo-ssibles à cuir, Ah!Ah!Ah! Apparemment, à force d'étudier et de cotoyer les cantines universitai-res, ils avaient perdu le sens pratique des choses, n'est-ce pas? Et tout en négligeant l'exercice physique, ils avaient peu d'appêtit pour ainsi dire. C'est ce que l'on ressentait dans la salle à ma-nger ou chacun semblait perdu dans ses idées intellectuelles en négligeant le présent. Avec l'im-pression qu'ils vivaient en colocation comme dans une auberge espagnole, Ah!Ah!Ah!

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Pourtant un présent qu'ils essayaient tous de comprendre, mais que le voyage spaciotemporel avait déformé les contours où parfois, Alvez avait le sentiment de nager dans un trouble sens-oriel. Spécialisé en neurologie et en étude comportementale, il était chargé par le professeur d'ét-udier avec discrétion le comportement de ses collègues en notant chaque jours leur humeur, leur état d'âme etc afin de connaitre leur évolution mentale dans ce voyage insolite à travers le temps. Sous entendu que tout ceci devait rester confidentiel pour ne pas alerter ses collègues qu'ils soient pris pour des cobayes ou dans un quelconque espionnage malsain. Tout en notant à travers son cahier intime depuis son embarquement, ses propres impressions où le dérèglement de ses sens serait la matière première de sa future thèse pour accéder enfin à une notoriété académique. Telle était son ambition cachée afin de joindre l'utile à l'agréable en voulant garder un esprit sci-entifique pour être clair. Sans nier aucunement le danger de l'expédition où lui et ses collègues pourraient ne pas revenir en se perdant définitivement dans le passé ou bien revenir à moitié fou? s'interrogeait-il avec lucidité. Visiblement, c'était la question qui le taraudait en ce moment en prenant place autour de la table où ses collègues semblaient apparemment de bonne humeur vu qu'ils allaient manger un bon steak frites, comme à la maison, pensaient-ils en y voyant comme un retour à la vie normale. Afin de répondre à votre curiosité toute légitime, mon cher lecteur, voici un petit extrait de son carnet de voyage qu'il ne montrait jamais à personne afin de ne pas éveiller le moindre soupçon auprès de ses collègues universitaires.

Manaos, le 23 Juin sur les rives du Rio Négro

Soirée formidable avec le professeur Sanchez qui nous a fait visiter son bateau musée où toutes les antiquités étaient authentiques puisque récoltées au cours de ses voyages spaciotemporels!

Bref, un grand moment pour tous les invités qui avaient été sélectionnés pour participer à ce vo-yage à travers le temps. Et tout particulièrement pour nous les universitaires dont le travail allait consister à raconter, à peindre, à analyser, à conceptualiser tout ce que nous allions rencontrer d' inconnu ou de bizarre au cours de cette expédition hors du commun.

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C'est dire mon excitation d'entreprendre un tel voyage où le danger ne sera pas à exclure, bien évidemment. Mais du fait de mon jeune âge et de l'esprit aventurier dont j'étais animé, ainsi que mes collègues, cette crainte se dissipa assez rapidement après quelques verres et surtout grâce au discours rassurant du professeur et du capitaine du navire qui n'étaient pas novices en matière de navigation. Où parait-il leur vaisseau avait des capacités extraordinaires pour plonger dans le pa-ssé et revenir au présent sans dommage, sinon provoquer un choc émotionnel chez tous les pass-agers qui avaient l'ambition de changer leurs vieilles habitudes, Ah!Ah!Ah! nous avaient-il dit non sans humour. Au cours de la soirée, un jeune homme d'origine amérindienne s'est présenté au quai d'embarquement en dérangeant quelque peu la cérémonie en souhaitant parler absolu-ment au professeur Sanchez. Ce qui nous avait beaucoup intrigué en sachant que personne ne le connaissait. Avec la question de savoir s'il n'était pas un espion ou bien un individu qui voulait faire capoter notre expédition ou bien fuir les autorités brésiliennes en voulant s'embarquer avec nous? Car nous savions tous que les rives du Rio Négro était un endroit mal fréquenté et tout particulièrement par la mafia locale où le trafic de bois précieux et de drogue était connu de tous. Intrigués, il nous fallait rester sur nos gardes pour éviter le pire où la soirée avait si bien commencé. Le professeur, qui n'avait peur de rien, lui demanda droit dans les yeux, ce qu'il venait faire ici car la visité du bateau musée était terminée depuis plus deux heures! Mais le jeune homme ne sachant pas quoi répondre lui dit qu'il venait de la part de Monsieur Victorio, le propriètaire de l'hôtel Novadoria. Ce qui mit aussitôt le professeur en confiance en connaissant bien Monsieur Victorio auquel il avait donné des prospectus pour les distribuer aux touristes afin qu'ils visitent son musée flottant amaré près du port de Manaos. Car lorsque le grand achéo-logue n'était pas en expédition, il rentabilisait son musée grâce aux visites au prix de trois reals. Ce qui n'était vraiment pas cher vu l'authenticité de ses antiquités où tout le monde s'y précipi-tait pour voir quelque chose d'unique, il faut dire. Puis pour une raison inexpliquée, j'aperçus le professeur et le jeune homme s'écarter de notre groupe pour discuter entre eux en toute discr-étion.  

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Ce qui préfigurait selon moi une future amitié entre les deux hommes. mais sans savoir pour quelles raisons exactes. Avec l'intuition que le jeune homme ferait parti lui aussi du voyage. Ce qui ne me dérangeait aucunement car le professeur avait tout pouvoir sur l'Amazonias dont la destination serait la cité de Kantapulka : la cité amazonienne que le grand archéologue comptait sauver de la destruction! A minuit pile tout le monde embarqua à bord pour rejoindre ses quar-tiers avec de grands espoirs, il faut dire. Fin de la première journée.

Retour à bord de l'Amazonias où Alvez et ses camarades universitaires parlaient avec fougue autour de la table où visiblement les esprits s'échauffaient par le sentiment que le voyage tempo-rel durait interminablement. Et tout particulièrement pour Rodrigo qui semblait au bout du ro-uleau en ne supportant plus l'enfermement à bord du vaisseau. Ce que tout le monde pouvait comprendre en sachant que le voyage spaciotemporel étirait le temps d'une manière considérable sans savoir quelle année nous étions exactement et mystèrieusement cachée par le professeur Sanchez. Ce qui irritait les nerfs des plus sensibles d'entre nous qui y voyaient comme un compl-ot ou une perversité du professeur que nous ne connaissions pas. Pourtant, je savais que nous étions pas loin d'arriver à destination, c'est à dire à Kantapulka. Pour avoir lu dans les voyages extraordinaires du grand archéologue qu'il nous restait qu'une seule porte du temps à franchir pour accéder à Kantapulka, c'est à dire Barazoum. Apparemment, j'étais le seul à le savoir en consultant son immense bibliothèque mise à la disposition de tous et visiblement peu consultée par mes camarades universitaires. Ce qui m'indiquait de leur par un manque de curiosité où le déréglement de leurs sens n'était pas étranger, ainsi notai-je dans mon rapport destiné au profes-seur qui n'était pas insensible au moral de l'équipage. Et tout particulièrement Rodrigo, qui pou-rtant armée d'un master de psychologie, commençait à montrer des failles en ayant des alluci-nations à bord. Alors que chez mes autres camarades à l'esprit plus scientifiques, ils semblaient plus insensibles à l'étirement du temps en s'occupant plutôt de chiffres qu'à leurs sentiments. Sans oublier Francis, un artiste d'un grand talent dont les aquarelles montraient désormais les prémices de la folie par la représentation de personnages irréels et fantômatiques dans ses oeu-vres.

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Mais auxquels nous ne voulions pas donner notre avis pour ne pas enfoncer le clou pour ainsi clair. Et qu'il accrochait au mur de notre quartier sans notre accord et sans savoir qu'elles affect-aient notre moral et disons même notre raison. Quelques jours plus tard, nous fumes surpris d' apprendre que toutes les aquarelles de Francis avaient été arrachées du mur et mises en morceau dans la poubelle par on ne savait qui! Ce qui le mit en fureur dont la folie n'attendait que ça pour tous nous accuser d'un complot contre lui. Bref, on était pas loin de la guerre civile dans nos quartiers! Mais par diplomatie, je n'alertai pas le professeur sur ce conflit en espérant le régler moi-même en m'adressant directement à mes camarades touchés par le dérèglement de leurs sens où l'étirement du temps et l'enfermement en vase clos montraient ses premiers symptômes. Ce que je comprenais entièrement en ne les accusant aucunement de jouer la comédie, mais en parl-ant avec eux comme un bon camarade qu'ils connaissaient bien. Tu sais Rodrigo, je comprends entièrement ce que tu ressens et je ne suis pas là pour te faire la morale. mais pour t'apprendre que nous sommes proches de notre destination. Ah oui, c'est vrai ce que tu racontes là? lui demanda-t-il avec sur le visage comme une joie retrouvée. Oui, je te le certifie car il est écrit dans les voyages extraordinaires du professeur que nous arriverons bientôt à Kantapulka après avoir franchi la dernière porte du temps qui s'appelle Barazoum. Chouette, c'est une très bonne nouvelle que tu me donnes là et que je n'attendais pour te dire le fond de ma pensée! lui confes-sa-t-il en le regardant comme un camarade de haute estime. En sachant qu'Alvez aimait bien s'o-ccuper des autres pour être un garçon très sociable qu'on pourrait appeler d'altruiste sans défor-mer la vérité. Ce que le professeur avait pressenti avant l'embarquement sur l'Amazonias afin qu'il puisse résoudre lui-même les petits conflits avant qu'ils ne dégénérent en muitinerie ou en sabotage pouvant mettre en péril l'expédition spaciotemporelle. Visiblement, il avait vu juste en lui accordant cette mission, non pas officiellement, mais officieusement pour ne pas créer de jal-ousies au sein de l'équipe d'universitaires. Ce qui était politiquement bien joué où nommer un chef parmi ces jeunes gens ambitieux aurait créer des dissensions en sachant que la plupart était de gauche et souvent hostile à toute forme d'autoritarisme, ce que nous savions tous, n'est-ce pas, mon cher lecteur?

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Quand Alvez quitta Rodrigo pour rejoindre Francis dont les oeuvres avaient été mises en morc-eau dans la poubelle par un des leurs en toute anonymat, il se demandait comment il allait faire pour résoudre un problème d'amour propre. Où visiblement Francis était révolté que quelqu'un ait pu déchirer ses aquarelles qu'il considérait comme des oeuvres d'art en se trouvant dans le cas de l'artiste bafoué par ses camarades. Quand tout à coup, pris dans ses pensées altruistes, il s'arr-êta devant la poubelle et récupéra les aquarelles déchirées pour les lui apporter. En constatant qu'elles n'étaient pas déchirées en milles morceaux, mais en plusieurs morceaux. Ce qu'il consi-dérait comme des oeuvres récupérables par l'auteur soit en les recollant avec du scotch soit en les repeignant selon le modèle. Apparemment satisfait par son raisonnement pouvant plaire à un artiste bafoué, il partit rejoindre Francis avec ses morceaux d'aquarelles sous le bras avec la cert-itude que ça le calmerait pendant un certain temps, bref, le temps d'arriver à Kantapulka. Et lors-que ce dernier l'aperçut avec ses aquarelles déchirées sous le bras, il fut sidéré que quelqu'un voulut bien s'occuper de son cas qu'il croyait désespéré. Mais en ne croyant aucunement qu' Al-vez put être l'auteur du massacre de ses oeuvres, pensa-t-il en le voyant arriver vers lui avec bien-veillance. Tiens Francis, j'ai récupéré tes oeuvres dans la poubelle en estimant que tu pourrais les sauver! lui dit-il en les posant sur la table comme des choses ayant une valeur inestimable pour l'artiste. Mais sans avoir pu malheureusement trouver l'auteur des faits qui avait bien manigancé son coup, n'est-ce pas? Oui, je le sais bien! répondit Francis d'un air abattu en regardant ses oeu-vres déchirées auxquelles il avait tant travaillé en croyant bien faire, mais sans savoir qu'elles dé-plairaient à certains de ses camarades. C'est dire un rude contre coup pour l'artiste qui voyait so-udainement ses illusions partir en fumée, comme pour beaucoup d'entre eux, ne nous le cachons pas, mon cher lecteur. Seul apparemment Alvez avait l'esprit assez large pour comprendre les an-goisses de l'artiste qui vivait souvent hors de la réalité où seule la nature avait le secret. Pour s'intéresser peu à la politique et à la vie des hommes en socièté où le travail alimentaire était leur principale occupation.

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Alors que l'artiste, qui était un homme libre, faisait feu de tout bois pour créer son oeuvre où cauchemars et allucinations étaient une matière première comme une autre pour créer son futur chef-d'oeuvre tel que Francis le concevait d'une manière existentielle. Car qui d'entre nous, mon cher lecteur, pourrait comprendre les ambitions de l'artiste, s'il n'était pas fou? En sachant bien qu'aucun homme ordinaire était prêt à sacrifier sa vie pour une gloire hypothétique, n'est-ce pas? A l'évidence, nous étions ici dans un autre mondre, hors de la réalité, où l'artiste sans le savoir jouait sa vie à chaque instant dans la réalisation de ses oeuvres souvent à titre posthume, il faut le reconnaître. Sous entendu que seuls les artistes savaient que chanter, danser, peindre etc était un acte de survie pour exister. Sinon, ils mouraient à petit feu par désespoir, tel était le cas de Francis où Alvez avait tout compris sur la dimension métaphysique de l'artiste où créer était leur façon de respirer dans un monde devenu irrespirable. Tel était devenu l'air à bord de l'Amazonias pour Francis et Rodrigo pour des raisons différentes, mais tout de même légitimes pour s'en al-armer. Oui, j'avais pensé en te les ramenant que tu pourrais les recoller ou bien en faire un tabl-eau plus large! Qu'est-ce tu veux dire par la? lui demanda Francis intrigué par les idées farfelues de son camarade en matière artistique. Tu vas voir ce que je veux dire, dit-il en étalant les morce-aux d'aquarelles déchirées sur la table pour en faire une sorte de patchwork ou tableau qui, il est vrai n'avait pas de sens, mais qui pouvait donner à l'artiste une idée nouvelle de concevoir ses oeuvres. Mais oui, mais oui, ton idée est géniale! lâcha-t-il soudainement en pressentant chez lui un artiste qui s'ignorait. Aussiôt, Francis déplaça les morceaux pour en faire un tableau plus en adéquation avec ses idées artistiques. Et puis n'oublie pas Francis que Matisse à la fin de sa vie créait ses oeuvres à partir de morceaux de papier découpés qu'il collait sur un tissu afin de ren-ouveler son art quitte ensuite à repeindre ses collages sur une toile. Oui, oui c'est très exact! lui dit-il enthousiasmé par son idée géniale afin de l'aider à continuer son oeuvre dans une direction pleine de promesses. Sans oublier, bien évidemment, Picasso dont les oeuvres ressemblent étran-gement à des pièces rapportées, comme si elles avaient été conçues par découpage, puis peintes sans ordre apparent pour exprimer l'anarchie de la peinture abstraite. 

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Oui et je dirai même que j'ai souvent comparé ses oeuvres avec des tapisseries ou des tissus d' ameublements parfaitement adaptées pour décorer les murs, Ah!Ah!Ah! ria-t-il afin de dissiper ses angoisses d'artiste et rendre des comptes à ce peintre du passé dont il n'était pas un fervent admirateur en trouvant ses oeuvres d'une grande froideur où les couleurs flamboyantes étaient quasiment inexistantes. Alors que lui, l'artiste du nouveau monde aimait tout particulièrement les couleurs chaudes et flamboyantes de son pays, la Colombie. Ce qu'Alvez entendait pafaite-ment en aimant pas les oeuvres de Picasso pour les raisons identiques à celles de son compatrio-te. Apparemment, le calme était revenu dans le quartier des universitaires où Alvez avait joué un rôle déterminant afin que l'expédition se poursuive telle que le professeur Sanchez l'avait progr-ammée pour sauver la ville de Kantapulka de la destruction! Mais avec une arrière pensée de savoir qui était le perturbateur qui avait déchiré les oeuvres de Francis pour semer la zizanie dans leur équipe? Car il était possible que ce dernier ne soit pas à son premier coup d'essai, mais envisageait de saboter l'expédition pour des raisons que tout le monde ignorait à ce moment là. Peut-être une jalousie envers ses collègues universitaires où peut-être envers le professeur San-chez dont le génie pouvait irriter certains? Telles étaient les questions qu'il se posait avec acuité avec le sentiment de revêtir le costume d'un commissaire de police à bord de l'Amazonias. Ce qui l'enthousiasmait en y voyant comme une façon ludique et intelligente d'occuper son temps pour trouver ce fauteur de troubles ou un possible futur criminel? s'interrogeait-il avec lucidité en quittant Francis qui, sur la grande table en os de baleine, esquissait dèjà sa future grande oeu-vre, mais qu'il ne comptait pas placarder sur les murs pour les raisons qu'il connaissait bien. Quand tout à coup, une alarme retentit à bord, puis la voix du capitaine Turing annoncer à tout l'équipage :Messieurs, veuillez attacher vos ceintures, car dans quelques minutes nous allons fra-nchir la porte de Barazoum pour atteindre notre destination de Kantapulka. Aussitôt, tous les universitaires se précipitèrent sur leurs sièges équipées de ceintures de sécurité avec un grand soulagement, il faut le dire.

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Et tout particulièrement Rodrigo qui voyait enfin son cauchemar se terminer. Alors que dans la salle de commandement du professeur clignotait sur la dalle lumineuse, la porte de Barazoum où Pedro attaché solidement à son siège se demandait qui était son gardien en ignorant totalement ses perversités ou excentricités? Pour avoir bien compris depuis le début de l'expédition que les gardiens des portes n'étaient pas des enfants de coeur, mais plutôt des tyrans, pensa-t-il en se cra-mponnant à son siège. Mais ne vous inquiètez pas, mon cher Pedro! dit tout à coup le professeur, Barazoum est un grand sage qu'il faut prendre très au serieux et ne pas lui raconter des bobards, Ah!Ah!Ah! ria-t-il en observant le cailloux sur la dalle clignoter de plus en plus fort. C'est à dire? lui demanda-t-il abruptement. Mais de lui dire tout simplement ce que nous venons faire à Ka-ntapulka. C'est à dire sauver la cité amazonienne de la destruction ainsi que la vie de la princes-se Olabrazilia! expédia-t-il sans tergiverser. Si c'est comme ça, je touve ça formidable de rencon-trer enfin un honnête homme, reconnaissait-il comme étonné par la bonne tournure des évènem-ents. Vous avez entièrement raison et sachez que Barazoum ressemble beaucoup à un soixante huitard par ses côtés peace and love, Ah!Ah!Ah! ria le professeur pris d'un fou rire. Vous croyez vraiment? répliqua Pedro surpris de rencontrer au cours d'un voyage spaciotemporel un tel pers-onnage qu'on appelait aujourd'hui un has been. Oui, car voyez-vous, le pacifisme n'a jamais été créée pendant les périodes heureuses pour l'humanité, mais toujours lors des grands conflits mo-ndiaux où l'homme était devenu de la chair à canon! expédia le savant sans mâcher ses mots. Mais pourquoi parliez-vous d'un soixante huitard à popos de Barazoum? insista-t-il en étant un peu perdu dans les références du grand archéologue. Parce qu'en mai 68, c' était la guerre entre la jeunesse et les vieux! expédia-t-il d'un ton qui ne manquait pas de reproches envers cette jeune-sse qui était prête à détruire la socièté pour jouir d'une liberté totale et sans limite. Ce qu'il co-nsidérait comme une abérration existentielle en sachant que la liberté totale s'appelait l'anarch-ie ou le chaos! Propos qui toucha profondément Pedro qui comprit que son mentor était contre les guerres de toutes sortes en voulant réparer le passé par ses voyages spaciotemporels.

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Quand tout à coup, El Pulpo poussa un cri de joie en s'engouffrant dans une long tunnel de lu-mière dont la sortie était obstruée par une immence porte où il était marqué dessus en lettres lumineuses: Peace and Love pour tous les voyageurs du temps! Ah!Ah!Ah!, j'vous l'avais dit, mon cher Pedro, Barazoum est un grand sage qui sait exactement ce que la paix signifie et pas du tout une idée intellectuelle comme on la concevait en mai 68 par tous ses idéologues. Vous avez entièrement raison, professeur, ajouta Pedro qui savait de quoi était fait la liberté, non pas d'idé-es intellectuelles, mais d'un respect mutuel entre les individus datant depuis l'aube de l'humanité. A travers la baie vitrée, on apercevait les tentacules d'El Pulpo frapper contre la porte afin qu'on la lui ouvre. Puis quelques instants plus tard, on entendit la voix solennelle de Barazoum retentir à bord du vaisseau pour demander aux occupants : Mais qui êtes vous et que venez-vous faire ici? Le professeur, impatient d'arriver à destination, prit la parole et lui dit : ô grand sage Bara-zoum, je suis le grand archéologue du temps et je suis venu sauver la ville de Kantapulka de la destruction! Mais après un long silence dû à une profonde méditation, Barazoum comprit qu'il avait affaire ici à des hommes de bonne volonté et aux intentions pacifiques et leur dit : Si telle est votre noble ambition, mes amis, je vous ouvre la porte en vous souhaitant tous les succès dans votre entreprise. Oh merci, grand sage Barazoum de nous ouvrir le chemin vers la paix car le monde actuel est menacé d'exploser à tout instant si nous agissons pas maintenant! Oui, cela est entièrement vrai, mes amis, et c'est la raison pour laquelle vous ne devez pas perdre votre te-mps inutilement afin d'apporter à l'humanité le bonheur qu'elle attend depuis des lustres, ajouta-t-il en profond respect pour ces visiteurs du temps. Aussitôt que la porte s'ouvrit, El Pulpo s'en-gouffra à l'intérieur pour être aspiré vers la surface où la lumière du jour brillait de mille feu, comme la promesse d'un nouveau monde. En émergeant à la surface, El Pulpo se transforma aussitôt, par une opération magique, en bateau à aube fendant désormais les flots d' un grand lac connu seulement par les marins et le professeur Sanchez qui connaissaient les lieux pour être déjà venus.

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Mais tout à fait inconnus pour les universitaires qui ne savaient pas qu'ils se trouvaient dans un lac formé par le cratère d'un volcan. Au loin, on apercevait la ville de Kantapulka surgir au mi-lieu de l'amazonie tel un joyau formé par ses temples et ses monuments se dressant vers le ciel et ses champs de culture alentours s'étalant à perte de vue. Tout l'équipage, impatient de voir la lu-mière du jour et de respirer à nouveau à l'air libre, monta sur le pont du bateau sans se bouscu-ler, mais avec dicipline tel que le capitaine leur ordonna. Tout en remarquant à leur teint palot que l'expédition spaciotemporelle les avait moralement et physiquement épuisé. Mais quand ils aperçurent un paysage flamboyant sous leurs yeux, ils semblèrent revivre comme après un long cauchemar. Puis se dégourdissant les jambes sur le pont, ils apprècièrent d'être arrivé à Kantapu-lka en un seul morceau, Ah!Ah!Ah! rirent certains avec soulagement. Au bord du lac, des enfan-ts amérindiens jouaient dans l'eau en se jetant d'un plongeoir improvisé fait à partir d'un tronc d'arbre déraciné. A bord de l'Amazonias, ils entendaient les rires des enfants leur parvenir avec une grande clarté avec le sentiment de retrouver leurs enfances perdues. Capitaine Turing, dem-anda soudainement le professeur, pouvez-vous hisser notre pavillon afin de prévenir les autorités de notre arrivée? Oui, professeur, j'y vais tout de suite, lui dit-il heureux d'effectuer une tache officielle qui lui tenait à coeur. Quand le pavillon se mit à flotter au dessus de la cabine de pil-otage tout le monde pu voir enfin les couleurs officielles du professeur Sanchez. Il s'agissait d'un drapeau vert sur lequel était dessiné la tête de Géronimo: le symbole de la résistance indienne face aux Américains blancs colonisateurs! Ce qui boulversa tout le monde à bord et tout partic-ulièrement les universitaires Colombiens qui étaient tous de gauche par tradition historique et anticapitalistes forcément. Pedro, aux côtés du professeur, souriait avec ravissement devant ce paysage flamboyant comme s'il était sur le point d'aborder la cité du bonheur. Où lui-même d' origine amérindienne sentit qu'il renouait avec ces ancêtres même si pour l'instant ils n'étaient que des enfants.

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Quant à Francis, un peu plus à l'écart pour ne pas être dérangé, avait sorti son carnet de sa poche et croquait déjà le paysage avec passion en sachant qu'il ne le verrait pas une deuxième fois. Quand tout à coup, les enfants, apercevant l'Amazonias, furent pris de panique et sortirent de l' eau en croyant voir un animal aquatique inconnu lâchant des jets de vapeurs et une roue à aube brassant l'eau avec un grand fracas! A leur côté, un adulte et apparemment un gardien armé d'un arc et d'un carquois, surveillait tout ça de près et leur demanda de garder leur calme, puis se sais-it d'une corne de brume attachée à sa taille dans laquelle il souffla dedant pour donner l'alerte! Ce qui inquièta beaucoup le professeur et le capitaine Turing de voir leur arrivée si mal comm-encée par une population qui ne semblait pas les connaitre! Croyez-vous professeur que le roi Orania ait pu tomber de son trône depuis notre dernière visite? lui demanda-t-il en le regardant avec inquiètude. En fait, je n'en sais rien du tout pour vous dire la vérité, mon capitaine. Mais si nous voyons la cité sous nos yeux en un seul morceau, je doute fort que le roi Orania ait pu perdre le pouvoir, lui dit-il avec discernement. Tout à fait d'accord avec vous professeur et vu la joie de enfants au bord du lac, je ne pense pas qu'une quelconque catastrophe ait pu avoir lieu depuis notre dernière expédition. Oui et ce que nous voyons là, c'est uniquement le résultat de l' ignorance d'une population qui vit dans l'insouciance des jours, n'est-ce pas? Oui, dans la cité du bonheur où les peuples primitifs qui n'ont pas d'Histoire se contentent d'être heureux! ajouta Pe-dro qui savait de qui il parlait en étant issu des peuples primitifs desormais disparus par la con-quête espagnole. Mais visiblement, nous étions dans une époque préhispanique pour parler ainsi où le bonheur d'une population était visible sous leurs yeux, comme le pensait tout l'équipage de l'Amazonias pressé d'accoster sur les rives pour visiter la cité de Kantapulka : la cité amazon-ienne que le grand archéologue comptait sauver de la destruction pour modifier le destin catast-rophique de l'amérique latine! Le capitaine Turing instinctivement sortit sa lunette longue afin de trouver le ponton de débarquement, qu'il connaissait bien pour y être déjà venu, puis tendit le br-as dans sa direction pour dire au professeur : Ponton à tribord, comme la dernière fois!

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Et c'est une très bonne nouvelle pour nous, mon capitaine, en nous prouvant que rien de catastr-ophique s'était passé depuis notre dernière expédition. Aussitôt, le capitaine ordonna à son pilo-te de virer à tribord pour atteindre le ponton qu'on voyait à peine depuis l'Amazonias tellement il était éloigné. Les universitaires, sentant le changement de direction vers la rive, étaient enthousi-asmés de pouvoir enfin poser un pied sur un sol ferme où le voyage spaciotemporel les avait du-rement secoué, ne nous le cachons pas, mon cher lecteur. C'était un ponton en bois intrupécible fait pour durer tel que la cité amazonienne l'envisageait où la socièté de consommation lui était totalement inconnu. A part la production de choses essentielles pour leur survie, comme la nou-rriture, le confort pour leurs habitations et les armes destinées pour se défendre en tant que peu-ple pacifiste, mais pas naif,  comme il le concevait. Sur le pont du navire, les universitaires spéc-ulaient déjà sur le mode de vie qu'ils allaient rencontrer en délirant un peu, il faut dire. En sach-ant que seul le professeur connaissait les moeurs de ce peuple qui avait tout pour être heureux, sans ennemis connus et sans agressivité envers les tributs voisines. Tout ceci, grâce à la finesse politique du roi Orania qui avait su ménager les parties qui s'opposaient à lui en leur accordant des avantages en nature( vu la richesse agriciole de la région), mais aucune fonction régalienne pour éviter la fragilisation de la socièté Kantapulkienne. Sur les rives, les enfants et leur gardien avaient déserté les lieux pour avertir les autorités d'un danger sur le lac où ils avaient aperçu un animal aquatique de race inconnue lâchant des jets de vapeurs et brassant l'eau à grand fracas! En accostant sur le pont d'amarrage où se trouvait quelques coques en bois faites à partir de troncs d'arbres pour pêcher sur le lac, le capitaine prit toutes les précautions pour ne pas les envoyer par le fond en réduisant la vitesse. Puis, agiles comme des singes, des marins sautèrent sur le ponton pour attacher solidement l'Amazonias à des poutres prévues pour les grosses embarcations. A bord, tout le mode était fébrile en ne sachant pas ce qui allait leur attendre à propos de leur acc-ueil : allaient-ils être reçus comme des amis ou bien comme des étrangers indésirables en ce mo-ment? se demandaient-ils prêts à toutes les surprises du monde.

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Telle était la question que se posait avec acuité le professeur Sanchez où ce peuple superstitieux pouvait en ce moment être indisponible à cause d'un calendrier chargé en fêtes ou en sacrifice humain? s'interrogeait-il en attendant avec impatience l'arrivée des autorités. Mais pour l'instant, ils prenaient tous leur mal en patience à bord de l'Amazonias en regardant le paysage flamboyant qu'ils avaient sous leurs yeux où le ciel semblait en feu. Le capitaine, devinant les pensées du professeur, interdit aussitôt à tout le monde de poser un pied à terre pour ne pas être hors la loi en territoire étranger. Ce que tout le monde prit mal, il faut le dire, mais s'y contraint pour ne pas discuter les ordres du capitaine. Quand tout à coup, surgit à l'horizon un groupe d'hommes arm-és de lances précédé par de hauts dignitaires venir dans leur direction! Ce qui inquièta quelque peu l'équipage de l'Amazonias, mais rassura plutôt le professeur de savoir que de hauts dignitai-res venaient à sa rencontre dans leurs plus beaux apparats. C'est bon signe, lâcha-t-il à son capita-ine avec un grand sourire, comme à un vieil ami. Je suis tout à fait d'accord avec vous professe-ur! répliqua-t-il en ajustant sa casquette et son uniforme prestigieux de la marine. Bien, dites maintenant à vos hommes de monter sur le pont les offrandes que je destine aux hauts dignitai-res ainsi qu'au roi Orania! Ce qui me semble la meilleur des choses quand on reçoit une telle dé-légation, n'est-ce pas, professeur? souligna le capitaine qui savait ce que les caisses d'offrandes renfermaient de précieux et de délicieux, comme des lingots de chocolat, des sacs de café pure Colombie, de la bière Corona, des bouteilles de vin de Bordeaux, du champagne, du ketchup épicé et des bijoux fantaisies de bonne facture afin de ne pas être pris pour un charlatan. Tel était la finesse politique du professeur qui savait que les apparences étaient aussi importantes que le contenu des choses où recevoir des hôtes en vêtements déchirés eut été considéré comme une insulte à leur égard. Pedro, allons revêtir nos habits de reception qui sont dans mes appartemen-ts. Oui, j'vous suis, professeur! dit-il avec joie en considérant ceci comme un privilège qui lui était accordé de revêtir une tunique finement brodée de soie d'or et d'argent pouvant impressi-onner n'importe quel public sensible à la superstition.

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Quand ils arrivèrent dans les appartements privés du professeur, ils revetirent rapidement les tu-niques qui s'enfilaient facilement par le haut, puis le professeur se saisit de son beau panama bl-anc qu'il coiffa sur sa tête tel un astre d'une éclatante blancheur lui donnant l'air d'un aventurier prêt à affronter n'importe quel danger. Vous me semblez parfait, cher professeur, avec votre beau panam blanc, lui dit Pedro séduit par son couvre chef lui donnant tant de prestance à l'égard des peuples amérindien. Oui, vous avez tout à fait raison, mon cher Pedro. Mais ne faisons pas trop attendre notre délégation qui je pense doit être arrivée pour nous présenter au roi Orania. Allons-y, professeur, j'ai hâte de rencontrer mes ancêtres amérindiens! lança-t-il ému d'une telle rencon-tre obtenue grâce au voyage spaciotemporel. Quelques instants plus tard, quand ils émergèrent sur le pont, tout le monde fut impressionné par leurs tuniques étincelantes de lumière ainsi que la délégation qui crut apercevoir devant elle, deux grands magiciens aux pouvoirs insoupçonnés. Tel était l'effet qu'ils avaient voulu obtenir afin d'avoir une chance de sauver la cité de Kanta-pulka de la destruction! Mais sans vouloir enter immédiatement dans le vif du sujet afin de ne pas les inquièter dès son premier contact avec le professeur Sanchez et tou son équipage. Sans plus attendre, ils firent monter sur le pont la délégation grâce à un petit escalier retractable que les hauts dignitaires considèrèrent comme une grande marque de respect, mais aussi de grande ingéniosité, il faut dire. Lorsque soudainement, l'un des hauts dignitaires des plus agés lâcha av-ec enthousiasme en langue amérindienne : Oh professeur Sanchez, mais quelle surprise de vous revoir après tant d'années! J'espère bien que votre visite nous apportera la prospérité, comme la dernière fois, n'est-ce pas? lui demanda-t-il avec un sourire en coin. Ce qui intrigua les univer-sitaires qui  ne connaissaient pas la langue amérindienne à part Rodrigo et spéculaient déjà sur les propos du haut dignitaire. Mais rassura plutôt Pedro, dont les origines amérindiennes, lui per-mettaient de comprendre cette langue où visiblement la notoriété du professeur Sanchez parmi le peuple Kantapulkien n'était pas une légende, mais une réalité. Mais qui est ce jeune homme? demanda-t-il curieusement en voyant Pedro pour la première fois.

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C'est Pedro, mon excellence, et il est des vôtres comme vous l'avez remarqué! répondit-il en le présentant comme un jeune homme plein d'avenir, mais aussi de pouvoirs magiques insoupçonn-és. Oui, je l'avais remarqué et j'ai hâte de faire sa connaissance afin qu'il me raconte son parcourt depuis qu'il a quitté la cité du bonheur appartenant à son peuple. Mais oui, j'en serai très heureux et Pedro n'y verra aucun inconvénient quand il aura le temps de le faire, n'est-ce pas? lui dema-nda t-il en lui massant l'épaule, afin de lui signifier un jeu dangereux auquel il devra faire face en ne dévoilant pas le carnage de la conquète espagnole sur le continent sud américain. Mais oui, bien sûr, professeur, je serai très heureux de lui raconter tant de belles choses à son excellence, dit-il en baissant la tete vers le haut dignitaire en signe de respect. Apparemment, tout se passait bien pour l'ensemble de l'équipage de l'Amazonias pour rencontrer le roi Orania dont le palais à l'horizon étincelait de lumière. Pedro, je vous présente, Moctabus, son excellence chargé de la sécurité de la cité de Kantapulka! annonça-t-il pompeusement afin d'impressionner tout son au-ditoire. Aussitôt, Pedro s'inclina devant ce haut responsable qui avait apparemment beaucoup de pouvoirs pour aider le professeur à sauver la civilisation kantapulkienne qui menaçait de dispa-raitre sous des conflits intérieurs. Mon nom est Pedro Delavega et je suis l'élève assidu du pro-fesseur en matière de magie pour apporter la prospérité aux peuples pacifiques, comme le vôtre, mon excellence. Oui, c'est très exact, jeune homme, et le professeur nous a permis d'augmenter notre rendement de blé de 300 % grâce à des méthodes que nous ne connaissions pas ainsi que de fabriquer la meilleur bière qui soit au monde, Ah!Ah!Ah! ria-t-il en lâchant un large sourire au professeur qui semblait ému qu'on le présente comme un messie ou un sauveur de la civilisation amérindienne. Visiblement, le grand archéologue par ses voyages spaciotemporels apportait aux peuples anciens, la science dont ils avaient besoin pour prospérer, mais sans la technologie des armes afin de leur garantir une paix durable. En ne voulant être en aucune façon un révolution-naire ou un Che Guevara voulant libérer les peuples asservis au capitalisme. Car le capitalisme était alors inconnu pour le peuple kantapulkien qui vivait libre et désirait le rester jusqu'à la fin des temps.

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Ce dont le professeur oeuvrait habillement en modifiant le passé pour le meilleur des mondes, nécessairement. Une ambition démesurée que les hauts dignitaires n'ignoraient pas en lui attribu-ant des pouvoirs magiques en le traitant de grand sorcier. Mais sans pour autant les éffrayer en sachant que la magie était le grand privilège des dieux et un signe de la providence pour sauver leur civilisation des périls à venir. Professeur, vous me semblez tomber à point nommé en ce moment, car dans quelques jours nous allons célébrer la fête du soleil. Mais c'est une chose for-midable pour nous tous! s'écria le professeur en se réjouissant d'une telle coincidence. Et j'espère bien que vous y participerez, vous et votre équipage afin d'honorer notre tradition millénaire où le peuple, le roi et sa fille s'unirons pour célébrer sa puissante générosité envers la vie et le peu-ple kantapulkien. Mais je n'y manquerai pas, soyez-en sûr, mon cher Moctabus! lança-t-il en em-brassant du regard l'ensemble de son équipage où Rodrigo leur traduisit le message. Ce qui en-chanta tout le monde sur le pont en détendant l'atmosphère où le mot fête illumina soudainement les esprits telle une formule magique auprès des voyageurs du temps habitués à l'ennui, il faut le dire. Mais avant cela, mon excellence, veuillez accepter ce modeste présent en signe de notre am-itié, dit-il en montrant des caisses à ses pieds contenant des produits formidablement bons à dég-uster. Et d'un geste, demanda à un marin d'ouvrir les caisses où l'odeur des lingots de chocolat, de café pure colombie enivrèrent les narines des hauts digniraires qui se penchèrent aussitôt sur les caisses pour voir d'où pouvait venir ce mircale. C'est un joli présent que nous faites là, pro-fesseur Sanchez, et je le ferai porter au roi Orania pour votre cadeau de bienvenue, dit le haut dignitaire pour ne pas être accusé de corruption ou de voler dans le tresor du royaume. C'est ce que j'avais pensé, mon cher Moctabus, lui répondit-il en laissant la garde des dignitaires empo-rter les caisses comme des objets de grandes valeurs pour le roi. Si cela vous convient, profess-eur, vous pouvez maintenant nous suivre jusqu'au palais du roi, qui je pense, doit être au cou-rant de votre arrivée tellement les langues ici sont rapides comme des flèches, Ah!Ah!Ah! ria-t-il en se réjouissant du retour du grand archéologue synonyme de prospérité à venir.

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Mais en attendant, mon cher Moctabus, je voudrais vous présenter mon équipe d'universitaires qui je pense vous aiderons dans de multiples domaines tel que la medecine, l'architecture, l'agri-culture et bien d'autres aussi où toutes vos questions seront les bienvenues pour ces esprits bril-lants. Ce qui aussitôt réhaussa l'orgueil de ces derniers qui avaient eu l'impression depuis le dé-but de l'expédition d'avoir été maltraité par le professeur. Sans oublier de vous présenter, le cap-itaine Turing qui sans lui nous ne serions jamais arrivé à destination, Ah!Ah!Ah! ria-t-il en le regardant avec admiration. Bien, je crois que tous le monde est prêt, n'est-ce pas? demanda-t-il à tout l'équipage pour le départ, sauf à quelques marins qui devaient rester sur l'Amazonias pour assurer sa sécurité en sachant bien qu'il y avait toujours des personnes mal intentionnées où que l'on se trouvait. Quand ils débarquèrent sur la terre ferme, les deux délégations suivirent un petit sentier qui s'enfonçait dans la forêt où les odeurs de la végétation et les cris d'animaux firent le plus grand bien à l'équipage de l'Amazonias avec le sentiment de renaître à la vie! Où certains, qui avaient une formation de botaniste, regardant la forêt primitive, spéculèrent sur l'époque où ils devaient se trouver peut-être 4000 ans avant JC. Mais sans être confirmé par le professeur qui semblait cacher cette information pour des raisons bien mystérieuses. En se disant que c'était pour ne pas les inquiéter inutilement et tout particulièrement parce que le calendrier Grégorien n'existait pas encore et que toutes les horloges à bords avaient été détraquées au cours du voyage spaciotemprel! Avec l'espoir d'étudier le calendrier kantapulkien pour se faire une idée sur l'épo-que où ils se trouvaient. Bref, tout ça trottait dans leurs têtes au fur et à mesure qu'ils s'appro-chaient de la cité de Kantapulka où ils virent les premiers habitants qui, vêtus d'un simple pagne, néttoyaient lez fossés où des feuilles mortes et divers branchages avaient obstrué le passage d'un cours d'eau vers la cité. Comme vous le voyez, professeur, nous prenons soin de toutes nos voies de circulation aussi bien terrestres qu'hydrauliques afin que la cité ne manque jamais de rien au-ssi bien en homme qu'en eau! dit Moctabus en lui montrant des ouvriers heureux de travailler pour le bien de la cité avec des moyens rudimentaires grâce aux bras qui ne manquaient pas.

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Oui, je le vois bien, mon cher Moctabus, et je suis heureux que mes leçons sur vous aient servies à améliorer l'acheminement de l'eau vers la cité dont le besoin est vitale, n'est-ce pas? Oui, c'est très exact, professeur, et nous nettoyons régulièrement les fossés ou cours d'eau où des animaux morts pourraient contaminer notre eau et empoisonner la population. Mais oui, vous avez entièr-ement raison, mon cher Moctabus, où la sécurité de la cité n'est pas seulement militaire, mais au-ssi sanitaire. Et nous nous en chargeons, croyez-le bien! affirma le responsable de la cité en su-ivant le sentier parfaitement entretenus par des ouvriers forestiers pour ne pas être blessé par des branches ou bien mordu par des serpents vénineux. Visiblement, le cours d'eau était alimenté par les eaux du lac et suivait une pente légère où la gravité naturelle lui permettait d'atteindre la cité sans grands travaux de terrassement. C'était bien pensé! observaient les universitaires qui n'ava-ient aucun préjugé sur l'intelligence des peuples primitifs en étant pas plus bête que nous l'étions. Bref où le pragmatisme était une ressource inépuisable pour la survie des peuples. Même si le professseur, dans ce cas là, les avait aidé considérablement à économiser leur énergie pour d'aut-res projets plus ambitieux, comme l'urbanisation de la cité. Pour être un écologiste convaincu afin de garder propre la planète où les destin de l'humanité était une question de survie. Mais sans pour autant être une idée bien nouvelle, à vrai dire, en sachant que les peuples primitifs l'ét-aient avant l'heure ou l'économie des ressources terrestres étaient pour eux une question de surv-ie, mais aussi une question de morale voire de metaphysique. Sous entendu qu'ils étaient des gens superstitieux où les dieux de la nature le verraient d'un mauvais oeil et les puniraient en conséquence. C'est dire que la superstition, malheureusement jugée comme mauvaise par les ho-mmes de raison, avait des bons côtés qu'on ne voulait pas reconnaître, n'est-ce pas, mon cher lecteur?