LE SECOND JOURNAL DE JEAN-JACQUES
OU
UN MONDE POUR UN AUTRE
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Aussitôt que le mot fut prononcé par moi-même, les lions se mirent à rugir respectivement au fond de leur cage dorée! Bon sang, mais qu'avais-je commis encore d'idiot pour les exciter autant, ces bêt-es de cirque? L'idée qu'ils se seraient mis en colère parce que j'aurai pu aussi le faire exprès, m'étonna beaucoup. Quoi, un mot, disons bien placé dans notre conversation, aurait pu susciter autant de hai-ne? Ah non, sincèrement, non, m'écriai-je, car je savais bien au plus profond de ma raison que les lio-ns ne pouvaient saisir et comprendre les nuances du langage! Mais je restais méfiant, fidèle à mes ha-bitudes, pour ne pas être étonné par les oracles extraordinaires des diseuses de bonnes aventures. Sans plus attendre, j'entrepris de me rappeler ce mot que j'avais bien pu prononcer dans notre dernière con-versation qui était tout à fait anodine pour moi, mais qui ne l'avait pas été pour certains. Aussitôt, je repris mon discours auprès de mes amis et lâchai subitement le mot fatidique qui une nouvelle fois fit rugir les lions au fond de leur cage dorée! Monsieur Descarte, qui avait assisté à la scène, voulut me dire quelque chose, comme pour me confirmer mes propres pensées; mais un petit homme pres-que bossu et couvert d'un ponpon rouge éssaya de lui en empêcher en le tirant par la manche. Ce fut si drôle et si surprenant que ses proches voisins se mirent à rire inconsidérablement fort et longuem-ent où chacun tirant du côté opposé( où il voulait obtenir l'effet) avait finit par faire rire, mais aussi que la manche craqua et le petit homme presque bossu tomba au sol ainsi que son ponpon rouge qui roula, roula sous les jupes pétales de ces dames. Tout le monde était d'accord dans le grand salon qu' un clown s'était infiltré par inadvertance parmi eux où des rires fusèrent de partout comme de petits pétards brillants. Monsieur Descarte, qui avait réussi à se défaire de ce bossu presque nain, digne d' un cirque baroque, s'approcha de moi et me dit : L'expérience, mon cher! L'expérience! A la longue, vous aussi vous apprendrez! |
Sincèrement, je ne comprenais pas ce qu'il voulait me dire et mon regard resta perplexe malgré son grand savoir. Puis il me dit ces mots d'une grande sagesse philosophique que je me fais échos de vous répéter : Sâchez, mon ami, que les mêmes causes provoquent toujours les mêmes éffets! Et que vous n'y pourrez rien, mon cher Jean-Jacques, sâchez-le bien! Puis il s'éloigna de moi, non sans avoir au coin des lèvres, un petit rire enfantin. |
A vrai dire, le savoir mainenant, cela me procurait une certaine joie intellectuelle, je ne le nierai pas. Mais le Savoir et pour tout ce qu'il pouvait représenter à ce moment là, celui-ci s'avoua inutile à co-mpter sur lui et, tout particlièrement, dans cette situation baroque où les lions pouvaient à tout insta-nt surgir de leur cage dorèe et me dévorer tout cru! J'étais surveillé par leurs yeux immensément be-aux et veloutés, comme ceux de ces hypnotiseurs de kermesse et de ces tireuses de cartes solaires au-xquels je comptais survivre. Debout en face de mes amis depuis plus de 2 heures, je commençais à avoir mal aux pieds et demandais une chaise en espérant qu'un domestique passa par là pour la lui demander. Puis en regardant un peu à l'écart de la bonne socièté, j'aperçus un homme grand et maigre, vêtu d'un gilet jaune et d'un frac couleur acajou, venir dans ma direction. Il avait aussi( je l'avais rem-arqué) un énorme trousseau de clefs suspendu à sa ceinture. Quand il fut à ma hauteur, je lui deman-dai cette chaise dont j'avais besoin pour m'asseoir. Mais il me dit que cela ne le concernait pas, car il était l'homme des clefs et non celui des chaises! Je fus abasourdi par cette réponse quelque peu étran-ge, non? |
Peut-être que mon collègue passera tout à l'heure. Mais je ne peux vous le confirmer, monsieur! me dit-il avec une grande politesse. Puis il repartit après qu'il m'ait fait cette réponse qui lui sembla tout à fait correcte en disparaissant par une porte étroite du salon. |
C'était merveilleux de les écouter rêver beaucoup et tendis mon oreille comme je pus pour ne pas en laisser échapper une seule bride. L'actualité, elle aussi, des journaux et des gazettes parisiennes y pas-sait à travers le crible de cette jeune socièté quelque peu ambitieuse et emblèmatique. Les faits divers avaient eux aussi beaucoup de succès malgré la mauvaise image qu'en donnait la folie journalistique du moment où c'était la corruption qui semblait rythmer l'actualité de la presse à scandales. |
Ah!Ah!Ah! Quoi de plus normal en politique que de faire toujours les choses en retard, j'entendis soudainement! |
-Saviez-vous que mon beau frère avait reçu la semaine dernière, un coup de téléphone surréaliste? |
-Non! répondirent-ils tous en même temps. |
Hé ben vas-y, raconte! |
-Voilà, un certain monsieur Valien (c'est ainsi qu'il se prénommait au téléphone) avait soi-disant d' importantes informations à propos de monsieur Crakinette qui, comme tout le monde le sait, est adj-oint au maire de la ville de Fontabelle. Mon beau frère demanda à en savoir plus, bien évidemment. Mais celui ci demandait en échange 60 000 euros en liquide et en petite coupure afin qu'il eut à lui seul l'exclusivité de cette information. Mais mon beau frère lui dit textuellement qu'il était bien trop cher pour lui et pour son journal qui tirait même pas à 100 000 exemplaires. Mais qu'il allait deman-der à son patron, monsieur Robert, s'il avait un autre avis sur cette question si sensible des 60 000 euros en liquide et en petite coupure. Attendez! lui dit-il au téléphone, le temps d'appeler son patron. Il posa le combiné sur son bureau et prit le combiné d'un autre téléphone qui se trouvait sur de vieux rangements métalliques où des dossiers de toutes sortes bâillaient en prenant la poussière du plafond. |
-Allo patron? C'est René à l'appareil. Oui, j'ai quelque chose de très important à vous rapporter. Voi-là, un certain monsieur Valien se présente comme une personne possédant des informations très très importantes à propos d'un certain monsieur Crakinette qui est adjoint au maire de la ville de Fon-tabelle : ville qui vous savez est tenue actuellement par notre ministre des finances! |
-Ah oui? |
-Mais oui ! |
Et combien veut-il ce gredin? demanda furieusement Robert en mâchouillant son cigare. |
-60 000 euros en liquide et en petite coupure, répondit René. |
-Quoi, 60 000 euros! Mais il est fou? Il veut notre ruine ou quoi? |
Ses principaux concurrents étaient bien sûr ses confrères de la presse écrite. Et quand il criait "Au scandale!" dans son petit journnal à cent milles exemplaires d'autres à deux cents milles criaient " Au scandale!" deux fois plus que lui, Ah!Ah!Ah! Et que dire des autres qui tiraient à 1 million d'exempl-aires? Parfois, il était abattu en y pensant. Mais est-ce qu'on m'écoute vraiment dans l'opinion publi-que? se demandait-il souvent l'air désespéré et pas loin de la crise de nerf. Car il aurait voulu être le seul à être écouté de tous. Mais un brouhaha indéfinissable couvrait souvent ses articles où le soi-disant scandale devait sortir et alerter l'opinion publique d'un réel danger pour la république et la lib-erté. |
Tout le monde semblait s'être mis d'accord pour le faire tomber! pensait-il comme emporté par une crise de paranoïa. Et qu'ils avaient été peut-être tous payés pour tout arrêter et tout casser dans l'imp-rimerie, ces salopards? s'interrogeait-il afin de se faire plus de mal. Hum, hum, c'était fort possible! pensa-t-il comme s'il venait de recevoir un gros coup de massue sur la tête. Car dans tout ce brou-haha médiatique, syndical, religieux et anarchique, tous les journaux semblaient y participer avec joie et acharnement, comme si leur ambition cachée était d'étouffer la vérité! Et que dire de ces illustres personnages qui venaient à son journal lui faire des caresses idéologiques en lui faisant comprendre que par son journal, il défendait les droits de l'Homme donc ceux de la démocratie! C'était bien sûr à tordre de rire toute cette mascarade, Ah!Ah!Ah! Mais monsieur Robert aimait bien aussi recevoir des caresses. Pouvait-on le lui reprocher? Car qui d'entre nous n'a jamais aimé être cajolé, dorloté ou fe-llationné? |
Ces dessins plus ou moins grotesques et délurés montraient monsieur Robert en gros bonhomme na-geant seul au milieu de l'océan avec son gros cigare. Bien évidemment, personne ne viendrait le cher-cher si sa bouée crevait! Les royalistes nièrent en bloc les articles de son journal et quelques fois pou-ssèrent la cruauté jusqu'à nier son existence même à l'état civil. Mais qui est monsieur Robert? Nous sommes désolés, mais nous ne le connaissons pas! Par contre, les républicains le ménageaient un peu, par solidarité idéologique, mais sans pour autant lui faire de cadeaux. Etant donné que ces derniers tiraient à 1 million d'exemplaires et que le problème de monsieur Robert ne se posait plus dans les mêmes termes, mais de concurrences. Bref, pendant ce temps là, les anarchistes s'entretuaient et les cacophonistes jouaient en sourdine! |
En fait, tout ce beau monde participait directement ou indirectement à la chute de monsieur Robert ainsi qu'à la chute de la prochaine affaire du siècle que personne ne connaîtra. Car la vérité tant atten-due aura tellement été pétrie par des mains expertes qu'elle se sera transformée en une autre chose et très certainement en un vulgaire produit de marketing. Bref, tout le monde y perdra, sauf les journaux et le monde politique. |
Robert y pensait souvent à cette fin de la vérité, mais évitait de lui donner trop d'importance pour ne pas décourager ses actionnaires et amis intimes qui voulaient eux aussi rentrer dans leurs sous. Car ils n'étaient pas non plus des enfants de choeurs et devaient eux aussi gagner leur vie, comme tous ces ouvriers de l'imprimerie de Ringis qui voulaient des augmentations pour nourrir leur famille et tout le reste. Bref, le monde était bien fou et l'important était qu'il crut à cette vérité. Oui, à cette vérité qu'ils attendaient tous impatiemment de connaître et, étrangement, cachés derrière de fausses idées ou de préjugés issues de leur classe sociale. Bref, un monde où le risque intellectuel avait complètement disparu! Telle était cette contradiction que portait en lui chaque homme et chaque femme, comme un sombre espoir qu'une quelconque justice existât sur cette terre! |
Non, non, sur ce terrain, je n'ai aucune chance de les battre! lâcha-t-il furieusement. Pris de panique, il décida de quitter l'imprimerie par une porte dérobée. Il écrasa son gros cigare sur la moquette avec une extrême violence et avait raccroché le téléphone depuis bien longtemps où il avait dit à son réda-cteur en chef, René, de prendre un rendez-vous avec ce monsieur Valien. Un nom sûrement d'empru-nt, pensa-t-il, afin d'éviter tout filage possible de notre petite crapule dont les idées ne manquaient pas! s'agaçait-il. Avant de quitter cette pièce de l'imprimerie, où se trouvait le seul téléphone en état de marche, il pensait que si cette information, touchant de près le ministre des finances était vraie, il pourrait tirer son journal à plus de quatre cents milles exemplaires, ce qui serait un tirage exception-nel qui lui permettrait de le relancer dans le monde de la presse. Si tout cela se vérifiait( moyennant 60 000 euros en liquide, mais tout de même négociable avec une petite crapule!), il serait prêt à faire imprimer ses quatres cents milles exemplaires dans un pays voisin, comme la Belgique ou l'Espagne dans les prochains jours. Une petite porte, qui se trouvait à l'arrière de ce local et donnant sur la rue, Robert l'emprunta, la tête bouillonnante de folles idées. |
-Et après? Et après? demanda la petite troupe de jeunes très impatiente. |
Le jeune homme raconta que cette personne prénommée Valien avait dit vrai. Et après une enquête journalistique, puis judiciaire, on arrêta monsieur Crakinette pour abus de biens sociaux! |
-Voilà, c'est tout. |
-Et ben lui, il a rien eu du tout! |
-Ah!Ah!Ah! |
Tout le monde éclata de rire et ce fut le tollé général dans le grand salon. Un homme, qui avait ente-ndu tout ce vacarme, se mit soudainement à taper des pieds, comme le font si bien les espagnols dans les ferias de Seville ou de Marboz. |
-Silence, messieurs, s'il vous plait! N'oubliez pas que vous avez été invité et nous ne sommes pas au moulin rouge! |
Les jeunes gens obtempérent silencieusement et changèrent de sujet automatiquement, tels de petits automates. |
Où chacun jouait son rôle à merveille, celui qu'il n'avait pas dans la vie! Et ainsi fait pour le bien de tous ces gens réunis dans ces lieux presques irréels. Point de scandales! semblait scander silencieuse-ment la maitresse des lieux. J'entendis ces mots prononcès élégamment s'écraser dans chaque recoin du mobilier contemporain, puis s'évanouir dans ces tiroirs inaccessibles à notre curiosité enfantine. Il semblait que le seul murmure de nos lèvres pouvait agiter et donner vie à cet énorme pendantif que représentait le lustre du grand salon où la lumière sortait agrandie, embellie. Quand subitement, les petites lames affutées dans le cristal de Venise s'entrechoquaient et tout le salon semblait vivre un instant éternel et moi avec. Je ne vous cacherai pas, mon cher lecteur, que le plaisir me prenait alors à revers et me séduisait de tous ses fastes! |
Sincèrement, je n'arrivais pas bien à comprendre en quoi les propos de mon heros puissent-ils être taxés de révolutionnaires, alors qu'ils exprimaient quelque chose de tout à fait banal. Comme le désir de vivre libre sans devoir rendre de comptes au roi de France et à tous ses ministres qui faisaient la fête tous les soirs au château de Versailles! En fait, ce que mon héros voulait dénoncer dans ce livre, c'était le mepris des monarques pour les pauvres gens qu'ils considéraient comme des abrutis, bref, sans avenir. Pour pouvoir dénoncer tout cela et surtout éviter la censure, j'ai dû inventer un person-nage atypique qu'on trouve rarement dans le roman traditionnel. Il s'agissait d'un idiot qui grâce à sa très grande naiveté allait poser aux gens de son village des questions de bon sens, afin de leur révéler leur état d'exploitation. Une prise de conscience allait alors pouvoir se faire et ainsi les libérer de leur joug. Mais pour ne rien vous cacher, ce livre trop en avance sur son temps fut saisi par l'autorité royale de la censure et retiré de toutes les bonnes librairies parisienne ou autres, ce qui fut pour moi comme un coup d'épée dans l'eau. Et j'imaginais alors tout un stratagème pour éviter la future cens-ure de mes livres en les faisant imprimer à l'etranger, puis de les faire passer "sous le manteau" jusq-u'en France afin qu'ils fassent un max de mal à son aristocratie que je considerais comme la plus abjecte au monde pour avoir massacré une partie de ma famille protestante, les Hugenots. Ainsi s'ex-primait dans ce livre ni plus ni moins, mon courage intellectuel. Car il faut vous dire que personne dans mon trou perdu ne parlait de révolution où les hommes et les femmes étaient attachés à la terre de leur maître depuis des lustres et s'y étaient habituès. Où le rôle des femmes était de s'occuper de leurs enfants, de les nourrir, les habiller, les nettoyer, puis de faire ensuite les travaux des champs, comme couper les mauvaises herbes, réparer les haies, nettoyer les étables etc, la suite serait longue. Bref, tout ça pour vous dire qu'ils n'avaient en aucune façon le temps de penser à faire la révolution! |
CHAPITRE 2 |
Je sais que vous m'aimerez après m'avoir lu et que cet amour je le devinerai jusque dans ma tombe. Puisqu'à l'heure où je vous écris ceci, il se sera passé très certainement plusieurs siècles avant que vous me lisiez. Mais séchons ensemble nos larmes, mon ami, afin que nous puissions commencer par le début. |
On me porta sur le lit de la mourante pour un dernier baiser que je reçus sur le front. Mais ce ne fut point ma mère qui me le donna, mais la mort! Que dieu sauve mon âme! Ainsi commença mon enfa-nce avec ce poids énorme sur la conscience d'avoir tué sa propre mère et qu'on me reprochait souvent à la maison au point que mon caractère se marqua définitivement pour un amour immodéré pour la solitude. O surtout loin des hommes! me criait alors ma petite voix d'enfant. J'avais hérité aussi d'un amour profond pour la nature qui fut la seule en vérité à me consoler de toutes mes peines, telle une mère de substitution. Si ma mère pouvait revenir à la vie, voilà ce que je lui dirais : Vois quel destin, j'ai pu accomplir sans le secours de ton amour en devenant un homme bien étrange! Je me serais alors jeté dans ses bras pour pleurer. Au bord du lac, nous nous serions promenés la main dans la main où je lui aurai fait visiter mes bosquets préférés où la lumière tamisée entraîne ses visiteurs à la rêverie et les odeurs d'algues sauvages nous enivrent les sens. Ah, décidément, j'aurais encore rêvé! |
Difficile d'y croire, n'est-ce pas? Mais là est sûrement sa contradiction. Car depuis son berceau, il n' avait fait qu'inventer sa vie et ses amours. Bref, une socièté qui serait peuplée d'amis sincères et gén-éreux qui ne pouvaient que l'aimer, puisque c'était lui-même qui les avait crée par la seule force de son imagination. Comme je suis à plaindre! me dites-vous. Oui, comme je suis à plaindre, vous le dites bien. Mais mon imagination a toujours eu besoin d'un calmant très puissant pour l'apaiser et celle-ci le lui procurait tout naturellement. |
Mon père, ne voulant pas s'occuper de moi, m'envoya quelques semaines plus tard chez ma tante Su-zanne, qui habitait à l'autre bout de Genève tout près du lac où les parfums m'appelaient souvent à la rêverie. Tatie ne m'aima jamais comme son véritable enfant et pendant longemps, je lui en ai voulu pour cette raison. Au dessus de mon berceau, il y avait le portrait d'une femme que je crus pendant toute ma petite enfance être celui de ma mère. Mais j'appris un jour, à l'âge de raison, que celui-ci ét-ait en vérité l'amour idéalisé par le jeune Werther, le jeune heros de Goethe qui finit par se suicider faute d'avoir pu réaliser cet amour sur la Terre! Visiblement, le malheur semblait vouloir me pours-uivre, alors que je n'avais encore rien fait de mal à l'humanité! Sacre bleu, mais était-ce trop lui dem-ander de vouloir un peu de tranquillité dans ce monde? J'avais le sentiment depuis tout jeune que le monde ne voulait pas nous laisser un seul moment de répit et je n'en connaissais pas la raison. La cur-iosité me poussa un jour à allez voir du côté de l'arbre généalogique de ma famille où je découvris avec stupeur que son malheur avait commencé bien avant moi. Sur le coup, j'étais rassuré en pensant que je n'étais pas l'unique mouton noir de ma famille, mais qu'un parmi d'autres. Mais pour être franc avec vous, j'étais plutôt horrifié de l'apprendre comme ça grâce à mon intuition qui m'avait guidé dans la bonne direction pour connaître l'origine de ma malédiction. Mon cher confident, regardons maintenant les origines de ma famille. |
Je devins tout naturellement citoyen Suisse et fier de l'être en m'autorisant enfin de vivre à égal avec mon voisin. Oui, parfaitement libre et définitivement grâce à mon pays : petit par la taille, mais grand par son esprit moderne. Malheureusement, cet état de grâce ne dura pas longtemps pour moi et je ne peux que m'en affliger, moi Jean-Jacques, le libre penseur. Car je fus poursuivi et même calomnié dans mon pays pendant ma retraite pourtant bien méritée! Mais oublions pour l'instant tous ces désag-réments et continuons notre histoire qui, il faut le dire, est peu banale. |
Quelques semaines plus tard, mon frère m'apprit des choses dont je n'aurai pas souspçonné l'existence sans ses confidences. Car mon père avait transformé la maison maternelle en maison close, si j'ose m'exprimer ainsi. Bien sûr beaucoup de gens dans son entourage n'était pas d'accord, et tout particuli-èrement, les amis du père Diètrich qui nous faisait l'école et nous enseignait le cathéchisme à la par-oisse du village pour être de bons chrétiens. Mais bon, lui, il s'en moquait complètement, car il était devenu fou, oui, vraiment fou! Comme la maison donnait sur le lac, la nuit il suspendait à l'extérieur une lanterne afin d'attirer les visiteurs qui venaient souvent de l'autre rive. Ils en venaient bien évide-mment de France, puisque le lac touchait aux deux frontières. D'après des rumeurs très sérieuses, on y avait aperçu de grosses personnalités de Genève y venir s' encanailler. |
Jean-Baptiste se savait prisonnier dans sa propre famille et il prévoyait sa fuite! |
Un jour, il me dit : Tu sais, Jean-Jacques, il me faudra bien partir d'ici. Car vivre ici comme un esc-lave, c'est pas une vie pour moi, le comprends-tu? |
-Mais bien sûr que je le comprends! je lui répondis avec franchise. |
-Ecoute-bien ce que je vais te dire et surtout ne le répète jamais à personne qui soit digne de conf-iance. |
-Pas de problème, tu peux compter sur moi. |
Voilà, la semaine prochaine, je compte faire une nouvelle tentative et voici comment. Une chose que tu ne sais pas, c'est que "les clients" ici sont plutôt du type généreux en matière d'argent. Et grace à eux, j'ai pu mettre de côté une somme d'argent assez rondelette d'environ 3 Louis d'or. Et je pense avec ça pouvoir soudoyer les gardes frontières, Ah!Ah!Ah! |
Il les sortit de sa poche pour me les montrer. |
-Youhaa! |
Les 3 pièces dans sa main brillaient de mille éclats! |
-Tu sais, je les ai astiqué pour que ça fasse plus d'éffet, Ah!Ah!Ah! Avec ça, je pense que les gardes frontières me laisseront passer. |
-Sans aucun doute, Jean-Baptiste. |
La fuite de mon frère provoqua chez mon père une colère folle au point qu'il m'obligea à revenir dans la maison paternelle : j'étais écoeuré! Ma tante avait cédé au chantage de mon père pour des raisons que vous connaissez très bien. Je pensais alors être comme poursuivi par le malheur et que celui-ci me lâcherait pas d'ici tôt. Prendre la place de mon frère au bordel, voilà le projet diabolique que mon père avait eu pour moi! Je ne vous dis pas la terreur que cela provoqua chez moi. Et puis osez m' échapper comme mon frère avait fait recemment, je vous avouerai que j'en avais pas le courage. Mais si les choses se gâtaient, pourquoi pas, je me disais, la tête pleine de fureur. |
Je pris donc ma place comme domestique dans "l'entreprise" de mon père où, il faut le dire, les aff-aires marchaient du tonnerre. Le matin, il comptait devant moi sur la table de la cuisine la recette de la nuit dernière. Celle-ci était composée de différentes monnaies or et argent européennes où il y av-ait des sequins, des louis et des écus. Vu la largesse des clients, mon père engrengea en quelques mois, une véritable petite fortune qu'il crut bizarrement gagnée par son seul génie. Car mon père avait toujours cru posséder du génie, mais ne savait pas à quel endroit exact, Ah!Ah!Ah! Alors avec tout cet argent, comme tombé du ciel et gagné si facilement, son égo surdimensionné fut vite comblé, n' est-ce pas? Mais à vrai dire tout cela me faisait pas bien rire, car dans cette affaire, je ne gagnais rien sinon que quelques pistsols qui ne valaient pas grand chose. Et s'il faisait exprès de me payer si mal, c'était bien évidemment pour éviter que je m'enfuis de cet enfer, bref, de son emprise. Oh le monstre, il avait pensé à tout! Mais une chose agréable me surprit, suite à la réussite de ses affaires, c'est qu'il cessa de me frapper et j'en fus très heureux! |
Ainsi, j'ai pu lire des livres qui avaient été censurés par le conseil culturel de Genève, comme des liv-res hérotiques : les folles nuits de la duchesse Guttenbruch, blanches fesses et les sept mains, mais aussi des livres d'une grande intelligence comme le prince de Machiavel et enfin, l'un de mes auteurs préférés, Plutarque. Je les lisais tous au bord du lac perché sur un arbre que j'appelais mon donjon. Mon nez dans les feuillages et mes yeux sur le lac, où parfois ils se perdaient quand le soleil jouait avec les vagues et les sommets enneigés, voilà en peu de mots en quoi mon bonheur suffisait. Après les avoir dévoré un par un, je les remettais à leur place comme si de rien n'était. De toute façon, j'ét-ais bien obligé de jouer leur jeu malgré ma répugnance à les voir faire leurs saloperies dans la maison maternelle à cause de cette peur ridicule de me faire traiter de petite nature! Il est vrai aussi que j'ai toujours été très sensible, mais physiquement toujours prêt à me défendre pour sauver ma peau. Mais il arrivait certains jours que l'envie de vomir ne fut pas loin, lorsque je pensais aux cochonneries que ces gens faisaient dans le même lit où ma mère avait souffert, puis sombrée dans le neant en me lais-sant seul au monde! Durant ces moments insoutenables pour moi, oui, je l'avoue, j'ai pleuré! |
La surprise fut de taille, puisqu'ils déclarèrent notre maison investit par le diable et qu'il fallait la br-ûler! La vindicte populaire ne se fit pas attendre et 3 jours plus tard, je vis ma maison partir en fum-ée sous les acclamations d'une foule en délire attisées par les hurlements d'un prêtre exorciste qui crut voir dans les flammes dévorant ma maison, les signes du diable! J'étais choqué, oui, véritablem-ent choqué! Ce qui me confirmait que le malheur de notre famille ne faisait que continuer comme il avait commencé, c'est à dire depuis belle lurette! Mon père fut aussitôt arrêté puis jeté en prison et je profitai de tout ce désordre ambiant et familliale pour imiter mon frère. Mais avant de quitter définit-ivement ces lieux de malheurs, par remords, je me sentis obligé d'aller prévénir Tatie Susanne pour lui exppliquer tout ce qui venait de se passer et bien évidemment sans trop entrer dans les détails po-ur ne pas l'éffrayer. Choquée par tout ce que je lui appris sur les activités diaboliques de mon père, elle me plaignit beaucoup et m'en voulut terriblement de n'avoir rien fait pour éviter tout ce drame à notre famille qui se voyait desormais traînée dans la boue par toute la population des environs. J'éta-is outré par tout ce qu'elle venait de me dire et compris, par ses mots très dures à mon encontre, qu' elle ne m'avait jamais véritablement aimé! Mais j'abrégeai aussitôt cette discution pretextant que je devais partir d'ici le plus rapidement possible pour éviter les represailles de la population sur ma per-sonne. Puis je lui demandai un baluchon et quelques victuailles pour régler mon départ pour un très long voyage. |
Elle ne broncha pas et partit à l'intérieur de la maison. Quelques minutes plus tard, elle revint et me donna ce que je lui avais demandé et, bizarrement, m'embrassa sur la joue! Surpris par son geste, je fis un mouvement de recul en ne comprenant pas son attitude. Mon dieu, mais pourquoi avait-elle attendu tout ce temps et surtout cette occasion funeste pour me montrer un peu de tendresse? l'inter-rogeai-je du regard. Soudainement, elle baissa les yeux comme surprise par sa faute. Mais ne sachant pas quoi me répondre, elle me dit : Bon voyage, Jean-Jacques! Bon voyage! puis rentra chez elle co-mme si je n'avais jamais existé! Je ne savais pas bien pourquoi, mais j'étais convaincu une nouvelle fois que personne ne m'aimerait sur cette terre. Et si mon bonheur pût exister parmi mes semblables, je ne le devrais qu'à moi seul et qu'à mes seuls efforts! pensai-je en toute lucidité. |
C'est avec ce sentiment bien étrange que je franchis d'un pas méfiant les portes de la ville de Genève le 28 Juin 1728 où la grande horloge marquait 3 heures de l'après-midi. |
A travers ses rayons étincelants, j'apercevais à l'intérieur de chaque sphère de lumière, la vie en suspe-nsion qui n'attendait que la main du voyageur et surtout sa bouche gourmande pour être délicieusem-ent engloutie dans de sombres entrailles multicolores. Tout en marchant paisiblement, je découvrais que la nature était bonne pour l'Homme dit naturel et non pour cet homosapiens des villes modernes perverti par l'urbanisation et la cohabitation forcée avec ses semblables. Où à la longue, il deviendrait un méchant homme ou une méchante femme entre ses quatres murs! Puisqu'il ne devait plus vivre, selon ses idées, mais en adoptant celles des autres pour ne pas être harcelé dont l'ensemble formait des goûts vulgaires voir méprisables, ne nous le cachons pas. Apparemment, cette majorité informe agissait d'une manière dictatoriale sur chaque individu afin qu'il se fonde en elle et perde ses qualités propres. Par conséquent, l'Homme naturellement sensible et intelligent ne pouvait alors que souffrir de cette inclusion forcée en ne pouvant s'intégrer à cette masse informe et sans aspirations supèrieu-res. Ainsi, je découvris dans ma solitude des pensées simples en ne forçant jamais mon esprit contre lui-même. Et que cet esprit des choses me semblât tout à fait approprié pour connaître la vérité sur le monde et non sur ses apparences. |
La jeune femme pleurait pour des raisons que je ne connaissais pas peut-être pour un mari défunt ou un enfant disparu? Tout ceci me jeta dans d'horribles doutes, car je ne pouvais pas non plus allez le lui demander au risque de briser le déroulement de cette tragédie, qui je savais voulait me délivrer un message de haute importance. Ainsi restais-je assis sur les marches transi de froid et de peur. |
Le lendemain matin, en ouvrant les yeux au milieu des bois, une étrange question tenaillait mon espr-it :Mais qui était-elle exactement? Etait-ce ma mère ou bien une inconnue? Bien évidemment, il était pour moi impossible d'y répondre à cette heure-ci en ne sachant pas si j'avais seulement rêvé ou rée-llement assister au drame de cette nuit. Bref, j'éssayais de ne plus y penser en écoutant autour de moi la nature sauvage qui m'invitait à un concert d'émerveillements, lorsqu'une brise légère agitait la cime des arbres en laissant échapper sous ce plafond végétal des milliers de chants d'oiseaux faits de trilles et d'un gazouillis en apparence incompréhensible, mais célèbrant le bonheur d'être libre. Tout ceci ét-ait pour moi d'une grande pureté malgré la grande confusion qu'il semblait en ressortir, mais qui n'al-lait durer qu'un cours instant, le temps que les humeurs s'assagissent et que le soleil ait donné à tous le tempo, l'heure au cadran aux Hommes et l'éternité aux bêtes de la forêt. Je savourais ainsi ces inst-ants, comme le premier Homme sur la terre! |
A mon grand bonheur, je découvris au milieu de cette végétation baignée par le soleil matinal, des mûriers d'une hauteur inimaginable pour le citadin que j'étais resté malgré ma nuit passée à la belle étoile! J'en dévorais un bon kilo en moins de 10 minutes où jamais de ma vie, j'en avais mangé de si bonnes sans qu'elles me donnent la colique. Et enfin nourri suffisamment pour reprendre ma route. Mais une question dévorante occupait mon esprit : Mais où se tenait la fête des fleurs exactement? Pour vous dire la vérité, j'en savais rien. La seule façon pour moi d'y répondre était de reprendre tout naturellement la route principale que j'avais empruntée hier après-midi où je savais que les idées ne manqueraient pas à nouveau de m'assallir. Car j'avais souvent remarqué chez moi que le seul mouve-ment de mes jambes, au cours d'une marche bien rythmée à travers la campagne, m'apportait souvent la réponse à mes questionnements intuitifs. |
1 heure plus tard.. |
Ohé, Ohé, Attendez-moi! Ohé, Ohé, j'arrive! cria-t-il en courant vers la route. Voyons, voyons! dit-il d'un ton sérieux. |
Mais étrangement personne ne semblait l'entendre ni l'attendre non plus, comme si le convois se sou-ciait guère du monde extérieur, semble-t-il. Il dut alors courir jusqu'à la première voiture pour pou-voir s'expliquer sur sa situation quelque peu extravagante, comme vous le conviendrez. En dépass-ant les véhicules, qui roulaient à faible allure, il remarqua que certains laissaient échapper à travers de sombres grillages toutes sortes de cris d'animaux plus ou moins féroces. Prenant peur, il s'en éca-rta tout naturellement pour ne pas être agrippé par de possibles bras velus et fourchus. Mais bizarre-ment, quand il arriva tout près de la voiture de tête, le cocher et son jeune accompagnateur( dont le front était cerné par un bandeau en soie d'or) ne firent aucunement attention à lui et malgré tout le mal qu'il se donnait pour se faire comprendre. En leur parlant en même temps de la fête des fleurs et de l'éléphant bleu du Bengal! Puis tout à coup ses jambes s'entremélèrent dans des branchages qu'ils y avaient sur le bord de la route et Jean-Jacques tomba dans le fossé où il disparut entièrement de la vue de tout le monde. Aaaaah! surgit soudainement au milieu des bois. |
-Et alors, mon garçon, rien de cassé? |
-Non, non, ça peut aller, à part mes jambes qui me font rudement mal! |
-Laisse-moi regarder! lui dit le jeune garçon qui était déscendu lui aussi de la voiture. Celui-ci sou-leva la jambe de son pantalon pour voir s'il ne saignait pas. |
-Ouille! cria Jean-Jacques. |
-Mais t'as mal où exactement? Moi, j'vois rien. A part quelques bleus sans gravité, dit-il. |
-Mais j'ai mal quand même, c'est à l'intérieur! |
L'adulte et l'enfant semblaient consternés par les plaintes injustifièes du pauvre Jean-Jacques. Mais comme ils se méfiaient de tout ces gens du voyage( d'un possible guet-apens ou d'un coup fourré au milieu des bois), ils regardèrent autour d'eux pendant une bonne minute, mais rien d'extraordinaire n'arriva. |
-Mais c'est rien, mon p'tit gars! lui dit l'homme pour le rassurer. |
-C'est rien? Mais c'est vous qui le dites! Vous auriez pu quand même vous arrêter quand je vous le demandais, non? leur cria-t-il à la figure. |
-Que pouvons nous faire pour toi? lui demanda l'homme. |
-Heu, en fait, je n'sais plus! |
-Comment, tu n' sais plus? |
-Oh, oh, mais ne vous fâchez pas comme ça, messieurs! C'est bête à dire, mais je crois que la chute m'a fait perdre la mémoire. |
Oh merde alors! s'exclama l'homme en regardant le jeune garçon qui à ses côtés semblait être son fils par la forme de leurs yeux en forme d'amande très allongée ainsi que par la remarquable couleur d'un bleu turquoise jusque là inaperçue dans nos campagnes françaises. Il avait aussi la ressemblance des corps où celui de l'enfant présageait un futur corps d'athlète taillé pour les jeux du cirque. Le jeune garçon, pris par la balourdisme de Jean-Jacques, lâcha un petit rire; mais voyant son père lui faire un signe d'incompréhension, il reprit à nouveau son air grave. Tous les deux regardaient maintenant Jean-Jacques, qui semblait affolé par cette situation baroque en se grattant la tête comme pour en ex-tirper la vérité que les autres attendaient avec impatience de connaître jusqu'à secouer ses vêtements pour voir s'il elle n'allait pas tomber de ses poches, comme par magie! Bref, tout ceci fut bien long et très pénible pour ces gens du voyage habitués au mouvement et à l'éfficacité. Un peu plus, ils se de-mandaient s'ils n' allaient pas l'embaucher comme comique dans leur cirque? Ah!Ah!Ah! |
-Ah si, je m'en souviens maintenant! lâcha-t-il soudainement. |
-Ah enfin! lâchèrent en cœur l'homme et l'enfant. |
-Oui, oui, en fait, je voulais vous demander où se trouvait la fête des fleurs? |
-Quoi, la fête des fleurs? Mais tu n'es pas fou, mon garçon? Tu nous a arrêté pour ça? Mais tu aurais pu nous le demander en marchant! |
-Oui. Mais comme vous ne vouliez pas m'écouter, je pensais qu'en vous parlant de l'éléphant bleu du Bengal, j'avais une petite chance, non? |
L'homme devant ces propos farfelus serra aussitôt les dents ainsi que les poings. Où il n'en fallait pas plus pour le mettre en colère, pensa-t-il prêt à exploser. Pendant ce temps là, à l'arrière, on s'impa-tientait vraiment où les gens exposés au grand soleil avaient de nouveau lâché leurs brides enduites par la sueur et les animaux jeté des cris sauvages à travers les grilles de leurs cages surchauffées. Jean-Jacques, éffrayé par tout ce vacarme, prit peur et fit un pas en arrière quand soudainement le jeune garçon sortit son couteau! Pris de terreur, il recula à nouveau et bascula dans l'amas d'herbes d'où il était sorti. Immédiatement, sa chute provoqua une cascade de rires chez l'homme et le jeune garçon. |
-Ah!Ah!Ah! Mon garçon, mais arrête de trembler comme ça, on va pas te tuer! |
-Ah oui? Ah oui? répéta-t-il sous l'effet de l'émotion. D'accord, d'accord, je me relève. |
Dès qu'il se remit sur ses jambes, le jeune garçon s'approcha et lui dit : Tiens, prends-le! Celui-ci venait de lui tendre son couteau pour qu'il le prenne. Mais? s'écria son père devant le geste totalem-ent incompréhensible de son fils sachant que ce couteau au manche finement ciselé, il lui avait offert pour ses 15 ans! Ce dernier sembla choqué par la trop grande générosité de son fils et de plus pour un inconnu. Mais voulant respecter entièrement le choix et la liberté de son fils, il approuva de la tête sa décision. |
-Je te remercie, mon prince! lui dit-il en baissant la tête comme en signe de respect. Il était véritable-ment touché par le geste de ce jeune garçon, qui semblait avoir le même âge que lui et posséder déjà de si grandes qualités humaines, pensa-t-il plein de vénération. |
-Au fait, la fête des fleur se passe à Annecy tous les quinze du mois. Et si tu marches bien, tu pourr-ais y être en 2 jours! |
-Houhha, merci, mon prince! Oh oui, merci pour votre bonté! lança-t-il en lui baisant les mains où il répandit ses larmes en les prenant pour celles de la Madone! Le père excédé, par cette scène exessiv-ement longue à supporter pour lui et le convois, les arracha violemment des mains de Jean-Jacques! |
-Allez, viens Arcan, il est temps de partir! Toutes ces pleurnicheries commencent vraiment à m'énerv-er! lâcha-t-il en regardant le convois qui les attendait avec impatience. |
-Oui, père, je vous suis.. |
Jean-Jacques, choqué par la dureté du père, se rassurait par lui-même en connaissant desormais le no-m de ce jeune garçon que le destin avait mis sur sa route. Il s'en rappellera toute sa vie! jura-t-il ému jusqu'aux larmes. Se sentant une nouvelle fois abandonné par les autres, il les regarda s'éloigner d'un air rempli de dépit. Quelques instants plus tard, le convois s'ébranla et reprit sa route vers une destin-ation qu'il ignorait lui-même. Puis fixant une dernière fois la voiture de tête qui s'éffacait à l'horizon, il leva les bras au ciel et cria : Arcan, Arcan, jamais je ne t'oublierai, sois en certain! Mais avec le bru-it assourdissant des chariots personne en fait ne pouvait l'entendre ni même le voir où la poussière soulevée par ces derniers avait transformé la petite route en champ de carrière. Complètement dépité, il repartit se cacher dans sa tannière à quelques mètres de la route pour pouvoir respirer un peu d'air frais, mais surtout pour pouvoir réfléchir tranquillement sur la prochaine étape de son voyage : Ann-ecy où la fête des fleurs devait se tenir! Couché dans l'herbe fraîche, il finit par s'endormir et bizarr-ement la main posée sur son petit poignard. |
JEAN-JACQUES ET LES POUVOIRS MAGIQUES DU POIGNARD D'ARCAN! |
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Le lendemain matin.. |
-Arrête, jeune garçon! |
Jean-Jacques, stupéfait d'entendre parler pour la première fois de sa vie un poignard, s'éffondra dans l'herbe. |
-Scamustichpolich! lâcha soudainement le poignard. |
-Quoi, qu'est ce tu racontes là? |
-Je te disais dans ma langue : Pas bien courageux ce garçon pour qu'il s'éffondre à la moindre de mes paroles! |
-Oui, mais comprenez bien, mon cher poignard, que c'est la première fois de ma vie qu'un poignard me parle et me fait en plus des remarques déplaisantes. |
-Certes, certes, mon garçon. Mais n'oublie pas que si Arcan t'a donné ma belle personne, c'est pour te rendre service car je possède des pouvoirs magiques! |
Ca, j'en doute pas vu la démonstration que tu m'as faite toute à l'heure. Vraiment très impressionnan-te cette lueur aveuglante. Mais est-ce seulement cela vos pouvoirs magiques? |
-Ah!Ah!Ah! Je crois que je suis tombé sur un garçon qui ne manque pas d'humour et cela me plait beaucoup. Non, non, mes pouvoirs magiques ne se limitent pas uniquement à cela et je peux voir au-ssi bien dans l'avenir que dans le passé. |
-Quoi, qu'est ce que tu racontes là? |
-Oui, tu as très bien entendu et je ne vais pas te le répeter pas une seconde fois! haussa-il le ton. |
-Si tout cela est vrai, j'aimerais bien le voir de mes propres yeux, si cela n'est pas trop vous demand-er, mon cher poignard? |
-Sans aucun problème, mon garçon. Viens, approche-toi et regarde la lame où tu verras tous les évè-nements de ta vie qui se sont déroulés depuis ta naissance jusqu'à aujourd'hui, c'est à dire jusqu'à ta rencontre miraculeuse avec le jeune Arcan. Et sans cette heureuse rencontre, tu errerais encore au milieu de ces bois. Mais maintenant, tu es sous de bonnes mains! dit-il fièrement. |
-Oh, c'est facile à dire quand on est un poignard! répliqua brutalement Jean-Jacques. |
-Allez, arrête de parler et amène-toi! expédia-il comme échauffé par ses propos. |
-Mais je ne suis pas un inspecteur de police, moi! lâcha-t-il furieusement. |
-Oui, je le sais bien...mais ta vocation est de trouver la vérité et qu'elle que soit sa nature. |
-Mais je ne suis pas le bon dieu, non plus! dit-il d'un air navré. |
-Je le sais très bien...mais tu a été désigné par le destin pour accomplir cette noble tâche et j'en suis désolé.. |
-Mais toi qui sais tout et qui vois tout, pourquoi ne le ferais-tu pas toi-même? |
-Parce que personne ne me croirait. Une chose importante à te dire, c'est que seuls les garçons qui ont le cœur pur peuvent m'entendre. Pour les autres, je ne suis qu'un vulgaire couteau à trancher du pain ou du saucisson, te dire, une triste occupation! Pour ne rien te cacher, j'ai aussi servi auprès d'un ass-assin, mais j'évite d'en parler car ça me rappelle de trop mauvais souvenirs. Sur la lame défilait mai-ntenant de nouvelles images où l'on y voyait une femme en un autre lieu sur un petit pont de bois où elle semblait attendre comme son sauveur.Vois-tu, elle t'attend à la fête des fleurs et regarde comme elle est belle! Jean-Jacques s'approcha un peu plus près de la lame et vit une jolie jeune femme habi-llée d'une robe d'une blancheur éclatante et tenant une ombrelle pour se protèger du soleil. Mais cro-is-tu qu'elle m'attend vraiment? lui demanda-t-il avec fébrilité. |
-Oh oui! s'écria Jean-Jacques. Mais comment te dire, mon cher petit poignard, que tout cela me sem-ble trop beau pour être vrai? Et pour ne rien te cacher sur mes sentiments, je ne crois pas être la bon-ne personne qu'elle attend! |
-Comment? |
-Parce que je suis bien trop peureux pour remplir cette noble tâche! |
-Arrêtes de douter de ton propre courage, mon garçon! Et si tu parles ainsi, c'est parce que tu ignores ce qu'est d'être aimé par une femme. Mais quand tu le seras, ton courage renaîtra et tu seras alors prêt à braver la mort pour qu'elle te dise des mots si doux à entendre pour un homme. |
-Certes, certes, mais pour l'instant personne ne m'aime à ce que je sâche, hum? dit-il comme pour se justifier. |
-Fais toi aimer par celle-ci et après on verra. Marie Christine est malheureuse et elle t'attend.. |
-Elle s'appelle Marie Christine? |
-Oui. |
Hum..comme ça sent bon! dit-il en inspirant à plein poumons l'air de la ville d'Annecy. Hé ben, c'est la première fois que j'apprécie l'air d'une ville, car d'habitude ça sent plutôt mauvais. Mais ici les gens ont l'air plutôt propres et c'est miraculeux. Curieux de tout, il remarquait avec émerveillement que tout était fleuri : les balcons ainsi que le seuil des maisons où de ravissantes jardinières avaient été disposées harmonieusement pour le bonheur du passant. Où les plus entreprenants avaient carrément décorés les facades de leurs maisons avec des guirlandes de fleurs tombant comme des cascades col-orées! Les passants émerveillés s'y arrêtaient et jetaient des Oh! et des Ah! d'admirations. Auxquelles Jean-Jacques ne manqua pas d'y participer en pensant à toute cette ambiance bonne enfant qui était du bonheur pour lui. Bref, c'était beau et naïf, comme il avait toujours aimé! s'écria-t-il en arrivant aux abords du lac. Comme il y avait un petit creux, il s'avança devant une étale où il y avait vu des from-ages. Heu..combien pour ce petit morceau de brie? demanda-t-il au commerçant. 1 sou, m'ssieur! Bon, je vais le prendre, dit-il, en sortant la somme de son baluchon et cette fois-ci sans faire de grim-ace en trouvant le prix raisonnable. Merci, répondit le commerçant. Pour accompagner son repas, il trouva non loin d'ici, un marchand de pain, puis retourna s'asseoir près du lac. Sortant son petit poig-nard pour couper son pain, à peine avait-il percé la croûte que le poignard se mit crier son indign-ation! |
-Oooh, mais ça va pas la tête? lança-t-il tout furieux. |
-Mais quoi, qu' est-ce que j'ai fait de mal! Faut bien que je mange, non? |
-Sûrement, mais sans moi! |
-Comment sans toi? |
-Oui, t'as très bien entendu, sans moi. Et je te rappellerais, si tu l'avais oublié, que je ne suis en aucun cas un vulgaire couteau de cuisine, mais un poignard magique! L'aurais-tu déjà oublié, petit garne-ment? |
-Ah oui, c'est vrai, et je m'excuse sincèrement. |
-C'est bien, mon petit.. |
-Mais alors, comment je vais faire pour couper mon pain? |
-Très simple, mon petit. Prends ton pain et casse la croûte sur la pierre qui est juste à côté de toi. Ainsi ton pain débarrassé de sa croûte sera tendre comme de la mie. |
-Youhaa, je n'y aurais pas pensé, mon cher pognard! C'est fou, comme tu es ingénieux.. |
-Mais c'est normal, j'ai servi dans l'armée et me suis battu sur je ne sais combien de fronts! dit-il co-mme un vieux soldat fier de ses états de services. |
-Ah oui? Et tu peux m'en parler un peu, hum? |
-Mange plutôt, car ce ne sont pas des histoires qu'on peut raconter aux enfants. |
-Comment, moi, un enfant? Mais j'ai 16 ans, mon cher petit poignard! lui expédia-t-il en montant sur ses grands chevaux. |
-J'en doute pas. Mais pour moi, tu n'es qu'un enfant qui ne sait rien encore de la vie! |
-Moi, je ne sais rien de la vie? Alors là, tu me déçois vraiment, petit poignard. Tu sais, j'ai déjà vu des choses éffroyables! |
1 heure plus tard.. |
-Hé petit, vite, réveille-toi! lança soudainement le petit poignard. |
-Mais quoi? Mais qu'est-ce qu'il y a encore? demanda Jean-Jacques à moitié dans les vaps. |
-Mais regarde devant toi! |
En se frottant les yeux, il remarqua la soudaine apparition d'un petit pont de bois juste à sa gauche où la foule s'était vaporisée comme par enchantement. Au milieu de celui-ci, il y avait une jolie jeu-ne femme qui semblait attendre on ne savait quoi. Celle-ci portait une robe d'une éclatante blancheur ainsi qu'une ombrelle qu'elle faisait tourner gracieusement sur son épaule. |
-Mon dieu, Marie-Christine! |
-Eh oui, mon garçon! s'écria le petit poignard d'un air enjoué. |
-Mais dis-moi ce que je dois faire? |
-Primo, mon garçon, va acheter une rose là-bas et prends une rose blanche et surtout pas une rouge! |
-Ah oui et pourquoi? |
-Ce serait long à t'expliquer. Mais fait ce que je te dis et tout ira pour le mieux. |
Jean-Jacques, quelque peu décontenancé, partit chercher cette rose blanche que son ami le poignard venait de lui conseillé d'acheter. Quelques minutes plus tard, il revint avec sa rose blanche qu'il tenait au bout des doigts presque d'une façon maladroite. |
-Ca y'est, je l'ai! |
-Fais-la voir. |
-Rasmutic, Calabra, Tipordus, Absoulsas! |
-Mais qu'est ce que tu racontes là, mon petit poignard? |
-Heu..non, non, rien! |
-Je disais seulement qu'elle sentait rudement bon ta rose! |
-Ah d'accord, répondit-il plus ou moins rassuré. |
Ce qu'il ignorait, c'est que le petit poignard venait d'envouter la rose par des paroles magiques, afin que la jeune femme puisse le reconnaitre. Car sans ce pouvoir magique, elle ne serait pour lui qu'un simple inconnu. Le voyant hésiter à y aller, il le rouspéta : Mais vas-y, non de dieu, tu ne vois pas qu' elle t'attend? |
-Heu, t'es sûr? Parce que moi, j'veux pas passer pour un idiot avec ma rose à la main! rouspéta-t-il tétanisé par l'idée de se présenter devant cette jolie personne qui attendait au milieur du pont. |
-Mon dieu, mais fais vite, Jean-Jacques! Car si elle part du pont, ça sera fini pour toi et pour moi aussi. Mais grouilles-toi, non de dieu! |
-Bon, d'accord, j'y vais! dit-il en prenant son courage à deux mains et en réajustant dans un même mouvement ses vêtements et son maintient pour se diriger vers le petit pont avec sa rose au bout des doigts. Plusieurs fois, il faillit rebrousser chemin; mais ne voulant pas décevoir son ami, le poignard d'Arcan, il résista à sa timidité maladive. Se trouvant maintenant sur le pont, il marchait d'un pas me-suré et discret pour ne pas éveiller le moindre soupçon. En quelques secondes, il se trouva tout près d'elle; mais étrangement, la jeune femme ne fit point attention à lui et continuait à regarder en bas du pont où il y avait très certainement des poissons. |
-Madame? Madame? lâcha-t-il timidement. |
Celle-ci tout à coup se retourna et, le voyant avec sa rose blanche à la main, lui demanda ce qu'il voulait? |
Heu..c'est pour? Heu? Heu..c'est le rêve qui.. |
La jeune femme, qui ne comprenait rien à ce qu'il disait, lui demanda son âge. |
-Mais quel âge as-tu, mon garçon? |
-Heu..16 ans, pourquoi? |
-Et tu me disais que c'est le rêve qui? |
-Oui, c'est le rêve qui m'a conduit ici pour que je vous rencontre. |
-Mais de quel rêve veux-tu me parler, mon garçon? |
-Mais du rêve du poignad d'Arcan! |
Tout à coup, il sentit cogner dans sa poche le petit pognard, qui visiblement était furieux qu'il dévoile leur petit secret. Jean-Jacques le comprenant rengagea aussitôt la discution sur un autre sujet. |
-Oui, en fait, j'voulais dire que je cherchais une âme charitable pour s'occuper de moi, car je n'ai plus de famille! De nouveau le poignard cogna dans sa poche. |
-Et bien sûr, tu penses que de demander à la première personne venue ton souhait sera exhaussé? Tu es bien naïf, mon garçon, et puis je te connais même pas! |
Touché dans son orgueil, il sentit soudainement le sang lui monter au visage. La jeune femme, gênée et se sentant coupable d'avoir provoqué une telle chose, le regardait maintenant avec des yeux atten-dris et remplis de sentiments maternels. Aussitôt, elle prit la rose et la porta au bord de ses lèvres qu' elle respira longuement et lui dit: Mais de quel rêve voulais-tu me parler, mon garçon? Jean-Jacques, qui était sur le point de s'éffondrer, lui répondit : Mais de notre rêve, bien sûr! La jeune femme, surp-rise par ce qu'elle venait d'entendre, lui demanda soudainement son nom : Mais comment t'appelles-tu? |
-Je m'appelle Jean-Jacques et je suis là pour vous sauver! |
Je n'irai pas jusqu'à nier que le progrès n'apportait pas d'améliorations à la vie des hommes! Mais ceci à quel prix, sinon au prix de millions de morts? Marie-Christine, qui était intelligente, avait lu aussi Platon qui disait en gros la même chose en étant contre tout progrés aussi bien dans le domaine art-istique que militaire pour des raisons évidentes de stabilité sociale. Pourtant, elle avait cru pendant longtemps que le système aristocratique fut le meilleur des systèmes pour organiser la société des ho-mmes. Mais qu'elle avait dû vite déchanter, quand son frêre Paul avait eu des heurts avec la Baronie du coin. Car celui-ci était tombé amoureux de la fille du baron de Vals, mais que ce dernier fit tout pour le persécuter afin qu'il n'ait pas sa fille. Ce qui pour elle démontrait que la nouvelle aristocratie n'était plus celle dont elle avait lu les exploits dans les livres anciens où les valeureux chevaliers du moyen-âge défendaient la veuve et l'orphelin au péril de leur vie en nous montrant leur grandeur d' âme. Visiblement, ces temps chevaleresques étaient dépassés depuis fort longtemps ainsi que ces âges d'or remplacés par ceux des vanités et des privilèges : privilèges dont les nouveaux aristocrates s'enn-orgueillaient grâce à leur richesse patrimoniale au lieu de préférer l'estime et l'amour de leurs sujets. En considérant ceci comme un grand gâchis vu que l'aristocratie avait elle aussi ses beautés où l'art avait atteint des sommets et surtout ses avantages politiques qui la rendait supérieure à tout autre sy-stème qu'il soit démocratique ou ré-publicain : puisque les problèmes de successions ne se posaient plus grâce à la sucession légitime par le lien du sang. Ceci évitait tout simplement qu'on se batte pour la prise de pouvoir et assurait à la population une certaine stabilité politique en vu du bonheur social. |
Mais avec ce desamour, qu'elle avait ressenti entre ces nouveaux aristocrates et leurs sujets, elle sav-ait désormais que le pire était à venir. Et si dégradation, il y aurait de la société, celle-ci serait forcé-ment la faute à leurs bêtises et à leurs caprices de monarque. L'assassinat de son mari avait bien évid-emment renforcé en elle toutes ces convictions. Revenant doucement à elle, elle aperçut Jean-Jacques qui semblait toujours hésiter à lui dire sa prophétie. Quand il la vit revenir à la réalité, il lui dit subi-tement : Madame, je suis là pour vous aider à retrouver l'assassin de votre mari, le journaliste Pierre Libe! |
Oh mon dieu, je t'ai enfin trouvé! lâcha-t-elle comme sauvée des eaux. Viens près de moi, mon garç-on et appuie-toi sur mon coeur! Jean-Jacques, ému jusqu'aux larmes, s'empressa vivement de serrer contre lui sa bienfaitrice. Marie-Christine, à nouveau heureuse, lâcha des larmes de bonheur sur ses joues. Quant à lui, ces instants lui parurent éternels en retrouvant une mère protectrice : une mère qui jusque là lui avait manqué pour qu'elle fasse un jour éclater son génie. Le petit poignard dans sa poc-he avait tout entendu et se réjouissait maintenant de cet heureux dénouement sachant que tous les de-ux avaient desormais un toit où dormir ce soir! |
-As-tu faim, mon garçon? Veux-tu une glace, une patisserie ou boire un chocolat maintenant que no-us nous quitterons plus jamais? |
-Un choux à la crème, j'dirai pas non! dit-il comme affamé par ce bonheur inattendu. |
-Viens, prends ma main! dit-elle. Il lui prit la main et tous les deux ressemblaient maintenant à deux enfants dont les visages respiraient le bonheur retrouvé. Puis ils coururent à travers la foule en riant comme des fous tout en lui inspirant quelques peurs par cette liberté bien trop naturelle. |
-Tiens, y' a une patisserie là bas, allons-y! |
Nos deux tourtereaux se jetèrent bruyamment sur les sièges installés sur la terrasse où les gens à côté, apparemment bousculés dans leurs petites habitudes, s'esclaffèrent devant ce couple bien étrrange co-mposé d'un adolescent et d'une jeune femme. Une serveuse ne tarda pas à venir pour prendre leur co-mmande. |
-Pour moi, ce sera un choux à la crème et un bol de chocolat, dit Jean-Jacques d'un ton assuré. |
-Pour moi, ce sera un thé au citron avec une viennoiserie, dit Marie-Christine d'un ton naturel. |
-Bien, Monsieur et Madame, je vous apporte tout ça dans un instant! dit la serveuse. |
Devant eux, la foule défilait dans un brouhaha inextricable et couvrait la plupart des conversations intimes. Marie-Christine se pencha soudainement vers Jean-Jacques et lui souffla à l'oreille : Je suis heureuse! Celui-ci, ému et oubliant sa grande timdité, lui répondit : Moi aussi! en la regardant dans les yeux pendant quelques instants, puis tourna son regard vers l'horizon comme par pudeur. Ensuite, la serveuse arriva avec un grand plateau et leur servit leur commande. Jean-Jacques, affamé, sauta au-ssitôt sur son choux à la crème et s'en mit plein autour de la bouche, ce qui la fit éclater de rire, Ah!Ah!Ah! Mais arrête de manger comme un goinfre, on a tout le temps! Hum, hum, comme c'est bon! ne put-il s'empêcher de manifester. Très embarrassé, il reposa son choux sur la soucoupe, puis passa sa langue autour de sa bouche comme un petit animal sauvage. Marie-Christine, s'époumant de rire, devinait que Jean-Jacques n'avait pas beaucoup d'éducation, mais qui ne la dérangeait aucunement. Car cet enfant était tout simplement naturel, ce qui constituait pour elle une très bonne base pour ass-urer sa future éducation, pensa-t-elle. Lui, qui était à dix milles lieux des pensées de sa bienfaitrice, s' essuya ensuite la bouche avec la manche de sa redingote. bref, il n'en manquait pas une pour se faire remarquer! pensa-t-elle en dévisageant la foule. Elle n'avait pas commencé à tremper sa viennoiserie dans son thé qu'il avait déjà tout mangé et but son chocolat dans un vacarme assourdissant. Leurs vo-isins de table se demandaient à quelle espèce animale il avait affaire pour être si mal élevée? Snobis-me, snobisme! semblait-il leur répondre en se tapant maintenant sur le ventre comme en signe de sati-sfaction. Devant ce tableau vivant, Marie-Christine semblait heureuse d'avoir trouvé cet enfant, ce pe-tit animal qui dérangeait quelque peu la population de ses préjugés. Je crois que nous avons de gran-ds projets à faire ensemble! lui souffla-t-elle à l'oreille. Oh oui, je le crois, moi aussi! répondit-il d' un ton clair et assuré. Satisfaite par cette réponse, elle plongea sa brioche dans son thé et mordit de-dans. |
Sans se cacher pour l'instant que Jean-Jacques, avec son petit poignard caché dans sa poche, avait l'air plutôt ridicule devant les exigences, non entièrement dévoilées par sa bienfaitrice. Qui ne manqua pas d'étouffer un petit rire en y pensant et qu'il prit pour un moment de bonheur. Et de là qu'elle le trans-forme un jour en conquérant de la liberté, il y avait comme une montagne à gravir! Mais pour en rev-enir à l'assassinat de son mari, Pierre Libe, son corps fut découvert au fond d'un torrent par des cuei-lleurs de campignons et visiblement transpercé par plusieurs coups de lame. Etrangement, la police au cours de l'enquête trouva dans l'une de ses poches, sa langue coupée avec une extrême precision ainsi que sa main sectionnée posée sur ses parties génitales( qui par chance n'avaient pas été sectionn-ées!) comme s'il s'agissait d'un rite satanique ou d'une mise en garde contre tous ceux qui voudraient imiter les agissemements de ce pauvre journaliste, un fervent défenseur de la liberté de la presse. En fait, on en savait rien et la police se trouva très embarrassée d'être tombée sur ce genre d'affaire qui sentait l'étrangeté voir la magie noire. Mais ne voulant pas tomber dans ce genre de superstition (ou un maquillage du crime fut possible pour tromper les enquêteurs), elle choisit tout simplement d'ex-ercer son métier qui consistait à trouver tous les indices pouvant la mener sur la bonne piste. En reto-urnant la main du journaliste, elle découvrit à sa grande surprise sur sa paume, un étrange tatouage en forme de tête de mort! Ce qui commencait vraiment à en faire un peu trop pour une seule et même journée! pensa-t-elle et mit l'affaire sur le compte d'un fou ou d'un obsédé sexuel. Et il ne fut pas im-posible que son mari ait été à un rendez-vous de sodomites, comme le suggérait un journal royaliste, la couronne, afin de discréditer et de jeter dans la boue l'honneur du journaliste et ami de la liberté. |
Trouvant cette affaire un peu trop complexe à gérer, la justice la confia à l'inspecteur Pugnac de la police royale de Paris et à l'inspecteur Labroque de la police prestigieuse d'Annecy le vieux afin que les deux hommes puissent collaborer et faire avancer l'affaire grâce à leurs enquêtes respectives. Mais pour l'instant aucune piste sérieuse n'avait été trouvée et l'affaire se trouvait toujours au point mort. |
L'inspecteur Pugnac, homme dévoué corps et âme au service de la police royale de Paris dont les orn-ements étaient faits d'une couronne et d'un aigle tenant entre ses serres un petit animal (un lapin ou un renard, on se savait pas bien exactement) avait ses bureaux au dessus de la Seine au 37 rue des Or-nières. Et chaque matin, il ne manquait jamais de faire son petit rite qui consistait à aller à ses fenêtr-es, puis de regarder la ville de Paris et toutes ses rues avec des yeux térrifiants, comme si sa vue eut été dotée de l'oeil perçant de l'aigle afin de prendre sur le fait tous les voyous et criminels qui séviss-aient dans la ville du roi de France, sa majesté Louis 15. Sur son bureau était entassé un nombre imp-ressionnant de dossiers concernant des vols, des rapts, des viols, des assassinats ainsi que des dénonc-iations sur de soi-disant ennemis du Roi qui projetaient de l'assassiner lors des prochaines célébrati-ons qui auront lieu à Paris. Après qu'il ait longuement jeté ses regards haineux sur les faubourgs cra-sseux de Paris, il se retourna brusquement sur son bureau( il est vrai très encombré) et fixa en partic-ulier un dossier qui concernait l'assassinat du journaliste Pierre Libe qu'il n'avait pas fini de lire la veille pour lequel, il semblait très intrigué. Car hier après-midi, il avait reçu de Versailles une note hallucinante lui ordonnant de classer l'affaire, bref, de l'archiver, ce qui l'avait mis un peu en rogne au debut. Mais bon, si c'est le roi qui l'exige, j'obéirais comme je l'ai toujours fait! pensa-t-il en sachant parfaitement tenir son rang et son rôle d'assurer la sûreté du royaume. Pourtant, comme c'est domma-ge! dit-il en se mordant les lèvres. Car il avait fait rapatrier ici, dans son bureau personnel, toutes les pièces à convictions concernant l'affaire en mettant dans des bocaux, remplis de formol, la langue du journaliste ainsi que la main. Fasciné et intrigué en même temps par ces objets visqueux qu'il avait posé sur des étagères, il traversa la pièce d'un pas rapide et se mit à regarder cette main flottant dans le formol où une tête de mort apparaissait sur la paume. En la regardant très attentivement, il se disait que les médecins légistes avaient fait un excellent travail en la déployant avec art afin qu'on puisse voir tous les détails. Puis faisant tourner le bocal entre ses mains, il fut intrigué par deux lett-res, un R et un F tatouèes sur les extrémités des doigts du défunt! |
L'inspecteur Pugnac, qui n'était pas né de la dernière pluie, se mit brutalement à réfléchir sur le sens cacher de ces deux lettres. Mais pour une raison inconnue, il grinça des dents et lâcha dans une langue inconnue des mots imprégnés semble-t-il de magie noire : Pustor, calisch, bastraga, noroton et entra soudainement dans une transe où il fut pris de terrifiantes secousses au point qu'il s'écroula au sol presque évanoui! Haletant et bavant un liquide noir entre ses lèvres, l'inspecteur se releva comme transfiguré en un étrange animal où son nez avait maintenant l'aspect d'un bec d'aigle et ses mains munies de griffes acérées et ses yeux, qu'il ouvrit subitement, avait la couleur d'un acier étincelant à faire froid dans le dos! En regardant à l'intérieur, on vit apparaître comme dans un film, les différen-tes affaires qu'il avait dû résoudre durant toute sa carrière et bien évidemment pleines de crimes et de sang! En auscultant sa mémoire, il s'arrêta soudainement sur une affaire pouvant se rapprocher de celle qu'il était en train d'étudier. Il s'agissait d'une imprimerie clandestine à Clichy-sous-bois où il avait découvert sur des documents les mêmes initiales, un R et un F apposés sur le parchemin comme étant la signature de son auteur. Le propiètaire de l'imprimerie, un certain Ratus Furius, dit le rat fur-ieux, fut aussitôt arrêté et mis en cause sur l'origine de ces documents ou tracts en tout genre qui lançaient, ne nous le cachons pas, des appels au meurtre et en particulier sur le Roi de France où une prime de 1000 écus or serait remise à celui qui arriverait à lui couper la tête! Le Roi, mis au courant sur cette odieuse conspiration sur sa tête en fit une affaire personnelle au point qu'il choisit lui-même le châtiment pour ce Ratus Furius, cet imprimeur de malheur, un vrai démon, comme il l'appelait! Le Roi choisit donc pour lui, non point la roue sur la place publique, ni la décapitation à la hâche par un bourreau, ni les coups de fouets que l'on pouvait à force de soins guérir, mais de le mettre sous une presse afin qu'il dénonce ses complices et qu'il se repente! |
Voici les trois livres écrits par le diable découverts dans l'imprimerie de Ratus Furius! |
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Le feu extraordinairement dura toute une journée. Et le lendemain, le jardinier, censé de nettoyer l'endroit, découvrit dans les cendres encore chaudes les trois volumes en parfait état! et partit sur le champ les porter au Roi. Qui, les apercevant sous le bras de son jardinier, faillit tomber dans les po-mmes! Mais aussitôt les domestiques amernèrent les sels et les eaux parfumées pour ramener le Roi à la vie. |
En racontant cette petite anecdote à son collègue, à la taverne du Puit sans Souci, situé en bas de l'h-ôtel de police, l'inspecteur Pugnac ne manqua pas de lâcher un petit rire que l'autre imita aussitôt, non pour se moquer du Roi, mais pour tout simplement décompresser de toutes ces affaires de crim-es et de sang ou bien étranges qu'ils devaient traiter en apparence sans état d'âme, ce qui était totale-ement faux. |
-Allez chef, buvons un coup! lança Lagruge en levant son verre. |
-Alors buvons au Roi de France! rectifia-t-il en cognant son verre contre celui de son collègue en regardant d'un œil méfiant toute la compagnie qui se trouvait dans la taverne où pouvait se cacher des conspirateurs. |
-Vous savez, mon cher Lagruge, dit l'inspecteur en tritouillant dans son assiette un tablier de sapeur, j'ai appris après cette vaine tentative de destruction par le feu de ces livres infâmes que le Roi avait exigé que ses censeurs les mettent à l'épreuve de l'épée, de la hache et du couteau! |
-Tout ça? s'écria son collègue en écarquillant les yeux en pensant qu'un simple arrachage de feuilles eut suffit. Mais ont-ils au moins essayé d'arracher tout simplement les feuilles? lui demanda-t-il d' une façon fort naïve. |
-Mais ça été fait, mon cher ami. |
-Et alors? |
-Et alors et alors? Eh ben, les feuilles ont résisté! |
-Comment elles ont résisté? Oh sainte mère de l'Eglise, mais comment est-ce possible? le suppliait-il en levant les yeux au ciel. Est-ce possible que ce soit le diable lui-même qui les aurait écrites? |
-Je n'en sais rien. Mais on me rapporta que les feuilles étaient faites dans une matière jusque là incon-nue même de nos plus grands savants! |
Lagruge, qui semblait sonné par tout ce que son chef venait de lui raconter, vida d'un trait son verre et resta en état extatique pendant un petit moment. L'inspecteur, quant à lui, coupa un bon morceau de tablier de sapeur qu'il mit dans sa bouche avec gourmandise. |
-Et l'épreuve de l'épée, de la hache et du couteau, alors comment s'est-elle passée? lui demanda-t-il subitement. |
-Et les a-t-on trouvé? |
-Oui, car le Roi avait à sa disposition les meilleurs armuriers du royaume. Et l'on fabriqua pour l'oc-casion les lames les plus effilées pour l'épée, la hache et le couteau qui serviraient alors à mettre en morceaux ces livres de damnés. |
-Et comme s'est passée l'épreuve? |
-Oh assez simple, voyez-vous, on accrocha ces livres à des chaînes afin que les meilleurs lames du royaume puissent les transpercer avec leurs armes affûtées comme des rasoirs. |
-Et alors, ça a marché, hum ? |
-Malheureusement, non! dit l'inspecteur en ravalant le morceau qu'il avait mis sur le bord de son assiette. En fait, ces livres semblaient indestructibles d'après les dires des plus valeureux chevaliers du roi et lui conseillèrent d'essayer plutôt l'épreuve des balles. |
-L'épreuve des balles? |
-Oui, c'est bien cela. Et le Roi, désemparé par toute cette histoire invraisemblable, convoqua aussitôt le conseil de guerre afin qu'il trouve une solution d'exterminer ces livres. C'était bien là son expressi-on qui, d'après lui, mettait en péril toute la monarchie des Bourbons! |
-Quoi, toute la famille royale? Mais c'est pas possible que trois malheureux bouquins puissent mettre en péril tout le royaume sachant que le Roi tirait son pouvoir de dieu lui-même, n'est-ce pas? deman-da-t-il d'une manière idiote à son chef. |
-L'oeuvre du diable? Mais comment est-ce possible? |
-Personnellement, je n'en sais rien. Mais quand le ministre de la guerre fut convoqué auprès du Roi pour cette raison, celui-ci prit la chose à la lègère en n'en croyant pas un mot et lâcha même un petit rire que le Roi n'apprécia guère. Mais il put se ratrapper en lui proposant l'épreuve des balles et si cela ne marchait pas, l'épreuve du canon! |
-Quoi, l'épreuve du canon? Mais c'est fou, cette histoire! lâcha Lagruge en piochant avec ses doigts un petit morceau de lard dans son assiette. |
-Oui, je sais, dit l'inspecteur en le regardant un peu abattu. Mais bon, ils n'avaient pas trop le choix, n'est-ce pas? |
-Sûr qu'ils n'avaient pas trop le choix après toutes ces épreuves dignes d'une comédie de Dante! lança Lagruge qui voulait montrer à son chef qu'il avait un peu de culture. |
-Heu, vous connaissez Dante? lui demanda-t-il d'un air curieux. |
-Euh, oui, je l'ai lu un peu comme tout le monde. Mais dans sa divine comédie, il y' a quelque chose qui m'a toujours dérouté. C'est sa démarche farfelue pour sauver son salut éternel que je trouve exce-ssive pour être véritablement sincère. Mon dieu, mais pourquoi tant d'épreuves pour un seul homme, sinon prouver qu'il était damné depuis sa naissance? demanda-t-il étrangement à l'inspecteur Pugnac. |
-Euh, oui, ce que vous dites me semble très intéressant. Mais à quoi vous voulez faire allusion exact-ement? lui demanda-t-il en sentant comme un rapprochement avec le sort du Roi et de la monarchie des Bourbons. |
-C'est bien, mon ami, vous parlez bien et c'est pour cela que j'aime votre compagnie, lui dit-il avec sincérité. Et vous n'êtes pas comme tous ces manants et ces misérables qui n'attendent qu'une chose de vous voler ou de vous assassiner par derrière! lâcha violemment l'inspecteur avec des yeux injectés de sang. |
-Ah!Ah! ria Lagruge en regardant d'un air cynique autour de lui des gueux qui mendiaient une pièce pour boire une pinte de bière. |
-Ah!Ah! ria à son tour l'inspecteur en lançant une tape sur l'épaule de son ami. Les gueux, ça ne méritent pas de vivre! dit-il comme un couperet. |
-Ils méritent plutôt une corde au cou, quand on voit leur inutilité dans le royaume, n'est-ce pas? |
-C'est bête à dire, mais ils ne servent strictement à rien sauf à empuantir votre environnement, Ah!Ah!Ah! |
-Dites chef, mais pour en revenir à notre discution, alors comment s'est passée l'épreuve des balles et du canon? |
-Oh, mon ami, ne m'en parlez pas! Voyez-vous, lorsqu'on chargea les mousquets avec du plomb de 45 et qu'on tira dessus, les balles s'écrasèrent comme de la mie de pain sur ces livres de damnés au point qu'on passa directement à l'épreuve du canon, ce que le chef des armées croyait être la solution finale pour se débarrasser une bonne fois pour toute de ces livres écrits par le diable. On alla donc dans un champ accrocher ces livres sur une grande cible en bois, puis on tira dessus avec les meilleurs canons du royaume appartenant à notre majestueuse marine royale. Le Roi était présent, car il voulait absolument voir sa victoire, celle du bien sur le mal, qu'il ne cessait de répéter à son entourage. Mais après le tir et la fumée dissipée, on retrouva les livres à une cinquantaine de mètres plus loin, mais en parfait état! Le Roi, une nouvelle fois, faillit devenir fou et convoqua sur le champ, non pas ceux qui avaient échoué, mais cette fois-ci, les ordres religieux afin qu'ils exorcisent les livres du diable! |
-C'est fou! dit Lagruge. |
-Oui, mais comprenez bien, après tout ce qu'ils avaient éssayé, il était naturel de convoquer les saints hommes pour lutter contre le diable, n'est-ce pas? |
-Oh oui, bien sûr et le Roi a eu entièrement raison! dit Lagruge en essayant bizarrement de tordre sa fourchette avec ses doigts, et quelle fut leur decision? |
-Eh ben, ils décidèrent de couler les trois livres dans du plomb, puis d'enfermer le tout à la Bastille! |
-Ah voilà enfin une bonne résolution! dit-il après avoir retrouvé le sourire en faisant un signe à l'aub-ergiste pour qui lui serve un autre verre. Quelques instants plus tard, l'aubergiste vint près de leur ta-ble et servit aussi l'inspecteur Pugnac auquel il fit un petit coup d'oeil, comme s'ils se connaissaient. |
-Alors, buvons à? Heu? Eh ben, à toi l'aubergiste! lança-t-il en quasi état d'ébriété, non provoqué par l'alcool, mais tout simplement par l'histoire invraisemblable que lui avait raconté son chef. |
-Dites, chef, pensez-vous que toute cette affaire pourrait avoir un lien avec le collier de la reine, le masque de fer et de l'évasion du conte de monté Cristo? demanda-t-il subitement. |
En se levant de table, on remarquait que l'inspecteur Pugnac était un homme de haute taille, mais av-ec le dos lègèrement voûté. Et quand il tourna ses yeux furieux vers la socièté, on vit enfin son visa-ge : un visage taillé à la hache qui n'était pas sans beauté que mêmes femmes put trouver beau, si sa bouche n'exprimât quelques mépris pour elles. On avait le sentiment que l'inspecteur avait des origi-nes aristocratiques lointaines, mais que son sang s'était altéré par un mauvais mélange problablement avec celui de la populace. Avec une forte chance qu'un de ses aïeuls ait forniqué avec une femme de chambre ou bien avec une prostituée. C'était la forte impression qui se dégageait de l'inspecteur, qua-nd celui-ci se leva de table où dans ses yeux, on y perçut comme une revanche à prendre sur la société des hommes! |
En regardant l'heure à sa montre gousset, il dit à son adjoint : il est 19 heures. Demain, on se revoit pour l'affaire du petit maréchal? |
-Pas de problème chef! dit Lagruge en le regardant partir de la taverne tel un démon. |
Pierre Lagruge, en parlant ainsi de son chef, ne s'était pas bien trompé. Car lorsque ce dernier sortit furieux de la taverne, des gens crurent entendre derrère lui comme le bruit d'une tempête! Bref, celui d'un homme honteusement humilié en se retrouvant aux petites affaires du royaume, c'est à dire aux faits divers! |
Ce qui ne pouvait en aucun cas assurer un avenir radieux à notre jeune Rémy, mais plutôt assez terne comme vous le conviendrez. Lui qui rêvait d'un destin auréolé d'étoiles, mais devait suivre inexorabl-ement les pas de ses parents et ancêtres, ceux de ces paysans attachés à la terre, non par amour, mais uniquement par nécessité, malheureusement, à moins que des circonstances extraordinaires intervins-sent pour en changer le destin. Mais bon, le jeune Rémy connaissait très bien la paysannerie du coin ainsi que les terres du Baron de Vals qui se trouvaient à quelques lieues de là où le frère de Marie-Christine, Paul Varenne, avait eu des heurts avec ce dernier. Car le jeune garçon était tombé amou-reux de sa fille unique, Cléantine, pour laquelle il envisageait un mariage digne de ce nom afin d'ajo-uter à sa lignée une branche avec peut-être la famille royale des Bourbons. Mais bizarrement, la jeune fille se terrait aussitôt dans son silence quand son père essayait de lui en parler. Car ce qui semblait retarder ce mariage qui, entre nous, rendait un peu fou le Baron, c'était son refus de reconnaître le jeune âge de sa fille( qui n'avait alors que 16 ans) pour envisager un tel arrangement entre les grandes familles de la noblesse, mais surtout parce qu'il ignorait qu'elle était tombée amoureuse d'un jeune garçon, Paul Varenne, un fils de paysan qu'on appelait tous ici le coureur des bois. Et pas un nom d' herbes, de fleurs, d'un buisson ne lui échappait ni même celui d'une bête de la forêt et des étoiles n'en parlons pas, il semblait toutes les connaître comme sa poche! Des gens du coin disaient que la nuit, il sortait pour parler aux étoiles ainsi qu'à toutes les bêtes de la forêt qui se regroupaient autour de lui pour l'écouter raconter d'étranges histoires dans une langue qui n'était connue que de lui seul et de ses amis, mais que les hommes ne pouvaient comprendre. |
Courant vers les bois pour s'y réfugier, il crut entendre derrière lui comme l'orage se lever ainsi que la foudre s'abattre sur lui. Je te suivrai jusqu'en enfer! entendit-il craquer au dessus de sa tête tout en posant un pied léger dans les bois où il se transforma soudainement en chevreuil! |
Mon dieu, quel doux plaisir mon âme semblait se remplir et se complaire! Parfois, pris par ce vertige étrange, je m'évanouissais et me réveillais quelques heures plus tard quand la nuit commençait à tomber autour de moi. Mon rêve me semblait si fort et plus puissant que la réalité que je faillis plusi-eurs fois renoncer à ce voyage. Mais la dureté de mon travail le lendemain sur les terres du comte m' obligeait à me renier en ne faisant que consolider ma résolution de partir et d'échapper à mon destin funeste. Un soir, à table, je pris la decision de leur annoncer mon départ, ce qui mit tout le monde dans l'embarras vu que chacun y voyait de ma part, comme de la folie ou bien de la lâcheté à ne pas vouloir suivre le chemin tracé par nos ancêtres qui travaillaient depuis 6 générations sur les terres du comte de Bufford. Mon frère Alain et ma soeur Chloé étaient quant à eux très enthousiasmés par ce-tte nouvelle; mais mon père calma vite leur ardeur en leur faisant comprendre que cela ferait deux bras en moins à la ferme. Quand à ma mère, elle resta muette pendant une bonne partie du repas afin de ne pas exprimer ses sentiments. Mais quand on passa au fromage, l'ambiance se réchauffant un peu, je pus leur exprimer en toute confiance les raisons de mon départ pour Paris (qui n'étaient pas farfelues comme ils le croyaient), mais solides comme celles d'un savoyard construisant sa réussite sociale à la force de ses poignets, ce qui aussitôt dégela l'ambiance autour de la table et rassura mon père et ma mère sur mes réelles intentions. Pour fêter cela, mon père ouvrit une bouteille de vin blanc, un Ripaille qu'il gardait toujours pour la fin de l'année et puis, la joie en famile revenue, on entama une nouvelle tomme de Savoie et on veilla ce soir là jusqu'a très tard. Je vous avouerai du fond du coeur, mon cher lecteur, que je ne souhaitais laisser avant mon départ aucune peine à mes parents en prenant le temps de défendre ma cause pendant une bonne partie de la soirée. |
Mais entre nous, combien d'entre eux y réussiraient sans y perdre leur âme? Et personnellement si cette réussite était à ce prix là, l'accepteriez-vous? Mon cher lecteur, je vous laisse le choix de la rép-onse. Quant à notre jeune aventurier Remy Labroque, ce choix avec le diable ne semblait lui poser aucun problème. Quelques jours avant de partir pour Paris, en se promenant dans la forêt, il trouva un collier au milieu des feuilles mortes où était accroché une petite médaille en or. Surpris par sa découverte et par les 2 fémurs croisées qui étaient gravés dessus, il ne put s'empêcher de la ramasser et de la glisser autour de son cou. Un signe du destin! s'écria-t-il en pensant à l'or qu'il pourrait reven-dre pour ne pas mourir de faim à Paris. La veille de son départ et un fois couché, Remy ne trouvant pas le sommeil, s'était mis à astiquer sa médaille avec frénésie, puis s'était endormi en la tenant entre ses lèvres comme un enfant suçant le biberon de sa destinée. |
Ne voulant pas que je fasse des frais excessifs pendant les 6 jours que durerait mon voyage, ma mère me prépara un grand panier composé d'abricots, de noix, de perches péchées dans le lac, d'un poulet entier, d'un gros morceau de tomme de Savoie, des oeufs durs, une grosse couronne de pain, etc. Je savais bien qu'il aurait à chacune de mes étapes une auberge proposant le gîte et couverts, mais je comptais m'autosuffire avec ce panier garni ainsi que dormir sur la paille à l'étable pour éviter tout frais excessif. Ce qui serait bien évidemment mal perçu par ces aubergistes et autres bourgeois; mais bon à chacun ses moyens, n'est-ce pas? Et puis je me ferai discret comme un poisson pour ne pas éve-iller chez les autres, un certain avarisme de ma part. Vous savez, les gens de la capitale ont tellement de préjugés sur les gens de province et surtout sur les savoyards qu'ils les considèrent comme des têt-es de mules, Ah!Ah!Ah! |
Espérons que la discution sera fructueuse pendant ce voyage! méditais-je devant ce tableau où la jeu-ne femme représentait la vie, le croquemort la mort, l'avocat l'habilité à se défendre dans la société et moi la jeunesse qui avait tout à apprendre. Et avant d'arriver à Paris, je tenais absolument à m'inform-er sur les mœurs des parisiens et des parisiennes, bref, connaître leur façon de penser pour ne pas être pris pour un balourd ou un paysan. |
Quand la diligence s'ébranla sous le cri et le fouet du cocher, je me sentis heureux de partir de mon pays, bref, de ce pays que je connaissais trop bien par sa mentalité arriérée et ses injustices séculaires. En regardant à travers la vitre, la ville d'Annecy le vieux défiler sous mes yeux, je ressentis comme un énorme soulagement de la quitter et de la laisser baigner dans son jus telle qu'elle semblait s'y com-plaire et qu'en y revenant un jour, je savais qu'elle n'aurait rien changé à ses habitudes et à ses discut-ions sur le prix du cochon et du pot à lait. Mon seul regret fut de quitter mon lac et ses forêts de sapi-ns que nous longeâmes pendant un long moment où j'aperçus dans les yeux de mes voisins, comme des larmes de nostalgie. Après ces furtives expressions chargées de regrets, chacun rentra en lui-mê-me en plongeant dans ses souvenirs et dans ses pensées pour éprouver des choses plus agréables. Pour l'instant, il régnait à l'intérieur de la diligence un grand silence et je me demandais avec impatience qui allait bien pouvoir le rompre afin de faire de ce voyage une chose agréable et non un tombeau? A propos du croquemort, qui était assis à côté de moi, je savais que je ne pouvais pas compter sur lui pour rompre la glace, ni la jeune femme qui trop imprégnée de convenances y verrait comme de l'im-politesse. Quant à l'avocat, plongé dans la lecture de son livre de droit, je le sentais complètement in-different au monde extérieur, me sembla-t-il. J'avais oublié de vous dire, mon cher lecteur, que j'avais pris avec moi mon panier garni que je tenais sur mes genoux pour ne pas me le faire voler par les postillons ou cochers. |
L'avocat, qui ne voulait pas se sentir vaincu, attaqua par le fait que l'odeur ouvrait l'appétit aux voy-ageurs avant l'heure du repas! Ce qui pouvait être préjudiciable pour voyager dans de bonnes condit-ions en étant pas entièrement faux, il faut se l'avouer. Mais bon, était-ce un crime d'ouvrir l'appétit aux gens, car rien ne les empêchaient d'emmener avec eux leurs casse-croûtes, n'est-ce pas? lui fis-je remarquer en lui tenant tête. Mais ce dernier, ne pouvant combattre ce raisonnement, s'enfonça aussi-tôt dans son siège pour reprendre sa lecture sur les droits féodaux sous l'aristocratie. De tout façon, comme vous l'aviez senti, mon cher lecteur, je l'avais pris en grippe par ses lectures indigestes dont il allait être le défenseur, bref, de tout ce que j'arbhorrais et voulait fuir. Malheureusement, je sentais que la conversation avait très mal commencé et bien que je sois très content de l'avoir provoqué grâ-ce à mon panier garni. Car personnellement, j'ai toujours pensé que pour créer une quelconque conv-ersation avec son prochain, il fallait créer un incident plus ou moins léger pour lui faire décrocher sa mâchoire d'acier ou sa bouche d'ombre. Et comme j'étais pétri de superstitions et d'histoires fantast-iques, qu'on m'avait raconté pendant mon enfance, je souhaitais à tous connaître leur histoire si bana-le soit-elle sachant que l'étrangeté pouvait surgir à tout moment. Comme avec mon croquemort (que j'avais pris au début pour un mort-vivant) qui me montrait son humanité ainsi que la jeune femme( que j'avais cru pleines de convenances) prenant ma défense au point d'en devenir follement amoureux et puis mon avocat( que j'avais pris au premier abord pour un homme intelligent), alors qu'il était pl-ein de préjugés et de suffisance. En me baissant pour me gratter le mollet, ma médaille, représentant deux femurs croisés, sortit de ma chemise et sembla provoquer chez mon voisin un sourire démonia-que. Bref, une chose que je n'arrivais pas bien à comprendre en me demandant subitement dans le co-in de l'oreille si je faisais partie moi aussi de la maison? |
Quand nous recuperâmes le corps au petit matin chez le bourreau, place de la buanderie à Paris, nous nous aperçûmes que le pauvre homme avait eu les yeux arrachés ainsi que les orteils. Mais ce qui nous horrifia le plus, ce fut sa langue qui d'une longueur inhabituelle pendait jusque sa poitrine! Ah quelle horreur! lança la jeune femme en se mettant les mains sur les yeux pour nous cacher son ex-pression. Il faut dire que nous dûmes la rouler pour pouvoir la remettre dans la bouche du défunt, ce qui ne fut pas une mince affaire à effectuer par les collègues. L'avocat, qui avait entendu ce petit dét-ail, passa sa langue sur ses lèvres comme avec délectation! |
Des rats furieux, en êtes vous sûr? demanda le croquemort en mordant dans son chapeau. Oui, oui, entièrement sûr, et je pense que votre jeune défunt en faisait sûrement partie par ce R et ce F tatoués sur les fesses. Bien, si vous le dites! s'exclama-t-il impressionné par le savoir de l'avocat. Et d'après ces livres anciens, c'est ce qui a donné naissance plus tard à la secte des républicains dont l'avenir dépendait entièrement de l'établissement de la démoncratie à la surface du globe. Entendant cela, pour la première fois de ma vie, je fus impressionné moi-même par la version très originale de l'av-ocat qui nous parlait de l'origine de la démocratie dont le sort devait être apparemment funeste pour tous les hommes. Voyez-vous, mes amis, c'est au cours de l'Histoire que de fins politiques, en vu de répandre leur infâme croyance, changèrent le mot de démoncratie avec celui de démocrassie avec deux S. Mais qui ne fit pas l'unanimité en leur sein en faisant reference avec la crasse populaire qu'ils changèrent définitivement en démocratie avec cette fois-ci un T pour faire plus propre et plus admi-ssible par le peuple. Le croquemort, ébahi par cette demonstration fumeuse faite par l'avocat, laissa tomber son chapeau a ses pieds et le remit sur sa tête comme pour dire : Chapeau bas, messieurs! Chapeau bas, messieurs! |
Oh oui, il est tout à fait possible que l'on nous ait suivi depuis Paris! Mais de là qu'ils aient mis le feu à la remise, cela me parait peu probable, monsieur. Excusez-moi, mais je ne voulais pas vous induire cette idée, dit l'avocat, mais plutôt l'idée que les autorités royales et religieuses ne voulaient en aucun cas voir le corps du damné inhumé sur notre belle terre de France pour des raisons toutes à fait légiti-mes, n'est-ce pas? Oui, je peux bien le comprendre. Mais notre travail à nous, les pompes funèbres, était avant tout de rapatrier le corps du défunt dans son pays natal et dans son meilleur état possible où le perdre en route eut été pour nous, comme un manque de professionnalisme. Je suis entièrem-ent d'accord avec vous! dit l'avocat en retrouvant une mine réjouie, et que le travail devait passer avant tout pour ne pas laisser la pourriture envahir notre beau royaume, n'est ce pas? Le croquemort, un peu surpris par cette expression, fut un instant interdit et se demandait si l'avocat parlait de la pou-rriture organique dégagée par les corps en voie de décomposition ou bien de cette pourriture idéolog-ique développée par les rats furieux ou les républicains pour faire tomber la monarchie? Comprenant soudainement la finesse d'esprit de l'avocat, il tourna les yeux à gauche puis à droite, comme pour at-tendre des autres une sorte d'assentiment ou de répobation. Mais étrangement dans la diligence perso-nne ne se manifesta et semblait tout a fait en paix avec leur monarchie où, Louis le quinzième, âgé seulement de 15 ans venait de reprendre les rênes du pouvoir après la régence du duc d'Orléan. Bref, une monarchie quasi-adolescente que tout le monde souhaitât le succès par sa jeunesse prometteuse. Et puis soyons clair avec les choses, dit l'avocat, notre royauté aime tellement les chevaux qui lui au-rait été inhumain de mettre le feu à la grange! Ca c'est certain! dit le croquemort touché par cette att-ention toute particulière adressée à nos chers amis les animaux et par un homme de loi. |
Le croquemort, gêné par tous ces doutes qui planaient sur lui, semblait se cramponner à son chapeau haute forme pour ne pas s'évanouir. Mais voulant lui venir en aide (car il commençait à me faire pit-ié), je dis à l'auditoire que le temps dans ma région natale, la Savoie, changeait souvent brutalement au point qu'on crût pendant longtemps la région investie par le diable. C'est vrai qu'avec toutes ces forêts profondes et ces lacs étranges, on croirait sentir la présence du diable sous chaque buisson! dit l'avocat en inspirant profondèment. Et puis, il ne faut pas se le cacher, mais notre Royaume de France a toujours considéré le Duché de Savoie comme la demeure du diable à laquelle il a fait la guerre à maintes reprises. Et on dit a Versailles que cette dernière hebergerait Merlin l'enchanteur ou autres magiciens occultes qui lui assuraient la victoire à coup sûr. Mais que tout ceci reste entre nous, mes amis, rectifia l'avocat sachant que les relations diplomatiques entre le Royaume de France et le Duché de Savoir étaient revenues au beau fixe. Mais cela n'empêcha aucunement de faire tousser certaines personnes dans la diligence dont la liberté de parole irritait quelque peu les opinions bien ancrées. Sans parler de la communauté des Vaudois dont l'ombre planait encore sur toute la Savoie! lâcha su-bitement l'avocat comme pour enfoncer le clou. Oui, cela est vrai, lui dis-je pour m'introduire dans la disctution. Mais je crois bien, selon les dires des uns et des autres, qu'elle a été complètement dém-antelée voir anéantie par les autorités soutenues par le pouvoir de Rome pour des raisons d'hérésies. Oui, cela est vrai, dit l'avocat, et que ces tous protestants et amis du diable n'avaient reçu que la pun-ition qu'ils méritaient! lâcha-t-il d'une manière virulente. Aussitôt, un froid envahit la diligence sac-hant qu'il pouvait y avoir des protestants qui n'avoueraient jamais leur confession par la peur d'être démasqué. Et pour prouver mes dires sur ce pacte signé ente le diable, la secte des republicains et les protestants, expédia brutalement l'avocat, j'ai ici un document hautement confientiel qui l'atteste, messieurs et mesdames. Le voici! dit-il en le sortant de sa serviette et en nous le montrant. |
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Et une partie centrale où figurent tous les concernants qui peuvent être aussi bien des personnes phy-siques que des partis politiques, organisations ou des sectes sataniques. Et comme vous le voyez, ils ont tous signé cet infâme document avec leur propre sang qui est la condition exigée par le diable pour obtenir tout ce qu'ils veulent sur la Terre. Faites-voir! Faites-voir! surgissait de part et d'autre de la diligence. Après que tout le monde ait retrouvé son calme, le professeur replongea sa main dans sa serviette et sortit, cette fois-ci, un petit miroir qu'il se mit à gesticuler entres ses mains. Mes amis, dit-il, voici l'instrument de la vérité qui va nous permettre de prendre connaissance du contenu de cet odieux document. Car voyez vous, celui-ci, afin de n'être point découvert et compris par nos saints hommes de l'inquisition, avait été écrit à travers le reflet d'un miroir. Oh, à travers le reflet d'un mir-oir! répétèrent en sourdine les occupants de la diligence. C'est une astuce, bien évidemment! lancèrent certains qui auraient souhaité commencer une discution sur l'art de la tromperie. Un débat, oui, mais qui parut un peu trop intellectuel pour la plupart d'entre eux qui préféraient plutôt poursuivre l'his-toire extraordinaire du professeur. Tenez, jeune homme! me dit-il soudainement en me voyant le doc-ument en mains et en me tendant le petit miroir. Merci professeur! acquiesciai-je avec un profond respect. Muni de mon petit miroir, pour prendre enfin connaissance de ce pacte avec le diable, je le plaçais de biais pour pouvoir le lire comme il faut. Instantanément, je vis les lettres et les phrases se remettrent dans le bon sens, mais sans pour autant comprendre la langue mystérieuse qu' elle renfe-rmait. Voici le texte à l'endroit. |
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Désolé, professeur, mais je n'y comprends rien! je lui dis en le regardant d'un air un peu déçu. |
Moi, Satan, ROI des ROIS, du ciel, de la Terre et des ténèbres, offrira toutes les richesses de la Terre ainsi que la jeunesse éternelle à celui qui me cédera son âme en toute conscience. Et pour cela, il lui faudra signer ce document avec son propre sang. Une fois signé, ce pacte est inaliénable et ne pourra être rompu ni par lui-même ni par ses enfants qui deviendront ainsi mes serviteurs jusqu'à la fin des temps. Avant de signer, lisez ce serment qui vous ouvrira toutes les portes de la richesse et de la gloi-re. O Satan, fils de Lucifer et de bélsémuth, nous t'adorons pour tes prouesses et tes générosités ver-sées sur les hommes et les femmes comme nous, qui de tout temps ont été maudits par les hommes injustes. Mais qui désormais, grâce à tes pouvoirs colossaux, vont pouvoir régner sur la terre et po-rter le salut de l'humanité vers Toi, O Suprême ROI des ténèbres! Gloire à Satan! Gloire à Satan et jusqu'à la fin des temps! |
Pendant cette lecture, où le diable avait écrit le texte avec ses propres mots, tout le monde s'était mis a trembler devant de telles propositions que chacun aurait pu signer s'il avait été un jour dans la dè-che, Ah!Ah!Ah! Mais après la fin de cette lecture, où le professeur avait éssuyé quelques gouttes de sueurs sur son front avec son mouchoir, tout le monde se sentit soudainement délivré de toutes ces tentations que le diable leur avait mis comme sur un plateau en or. Où bizarrement, chacun admirait en lui la pureté de son coeur et son honnêteté qui, jusque là, les avaient empêché de tomber dans le piège du diable et tout en déplorant, malheureusement, une bourse bien dégarnie au fond de leur po-che! |
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Et puis je savais en toute lucidité qu'il allait les mettre au diner pour les prochains arrivants, ce qui avait pas de quoi m'enthousiasmer. En ouvrant mon panier, une bonne odeur de perche parfumée au romarin m'envahit aussitôt les narines et me rappelait ma famille que je venais tout juste de quitter. Comme dans un rêve, je revoyais ma mère faire frire à la poêle ces perches que j'avais péchées moi-même dans le lac, puis les enrouler dans de grandes feuilles de Rhubarde pour pou-voir les conserver pendant mon voyage. Chaque feuille en contenait deux et en les comptant à l'in-térieur de mon panier, j'en comptais 4, bref, 8 perches exactement, ce qui avait de quoi me donner du courage pour poursui-vre mon voyage vers je ne savais qu'elle aventure extraordinaire. Quand j'ouvris ma première feuille, hum, je découvris mes perches dorées à point ayant très bien tenu le transport. Aussitôt, je me rappe-lais ce que ma mère m'avait dit avant de partir, bref, de consommer en premier les aliments les plus périssables dont les perches, le pain, le poulet et le demi-gigo d'agneau faisaient parties. Quant au res-te, composé de pommes de terre, de 6 oeuf durs, d'un gros morceau de tomme de Savoie, de noix, d'amandes et de biscuits de minution, ça pouvait être conservé sans problème jusqu'à la fin du voya-ge. Me trouvant ainsi éloigné de ma famille protectrice, je compris aussitôt le bon sens savoyard de ma tendre mère qui m'avait prodigué de si bons conseils pour ne pas gaspiller la nourriture afin d' arriver à bon port sans dommage. Quand je mis dans ma bouche, un morceau de perche que j'avais péchée dans mon lac adoré, ce fut comme un émerveillement au point que je faillis m'évanouir de gourmandise chargée de nostalgie. J'étais bien, assis sur mon talus, loin de la foule et de cette prom-iscuité qui dans la diligence m'avait semblé pas bien naturelle, mais que j'avais dû tolérer en me mê-lant un peu maladroitement à la conversation. |
Au même instant, les deux fémurs reprirent leur position initiale et les orbites de la tête de mort s' éteignirent de tout feu. Médaille que Rémy avait trouvée dans la forêt d'Annecy |
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Pendant un instant, il faillit l'arracher à son cou et la jeter dans l'herbe. Mais étrangement, une voix intèrieure lui interdisait de le faire afin qu'il ne gâche pas toutes ses chances de réussite à Paris et dé-cevoir ses parents qui attendaient beaucoup de lui. Comme si une force magnètique voulait retenir son geste où le métal précieux renfermait des forces de vie et de mort millénairement entremêlées. Bon, pourquoi résister? dit-il lâchement en la glissant aussitôt sous sa chemise. Assis sur son petit talus de verdure, il resta ainsi dans l'expectative, comme pour mesurer son courage de jeune aventu-rier. Et même si cette médaille ressemblait en tout point à une boussole pouvant détecter la présence du diable, je n'avais pour l'instant signé aucun pacte avec lui! se rassurait-il en pensant au professeur Phileas qui détenait entre ses mains le document brûlant de convoitises et de maléfices. Avant de finir son repas, par quelques noix et abricots, il la tapota à travers sa chemise, comme en signe de confiance et d'amitié non moins redoutable. |
Quel monstre, cet homme avide d'or et de richesses! entendait-on se propager autour de la table. Mais où est donc né ce fou, professeur? je ne pus m'empêcher de lui demander vu les faits d'armes halluc-inants de cet homme que j'aurais bien pu nommer, monsieur catastrophe, sans problème. Le profess-eur, ému par ma remarque pertinente, reprit aussitôt son cours d'histoire. Ce fou, comme vous l'avez si bien nommé, mon cher Rémy, est né en Espagne à Medellin dans une famille de l'ancienne noblesse ayant des liens de parenté avec la famille des Pizzaro qui, n'oublions pas, faisait partie de la petite no-blesse voulant redorer leur blason. C'est dire qu'il n'y avait pas de fumée sans feu, n'est-ce pas, mes amis? lâcha-t-il en plaquant ses mains contre la table. Bref, peu doué pour les études, il en fit peu et s' orienta tout naturellement vers la carrière militaire et, plus précisément, vers la conquête du nouveau monde où il y entrevoyait un rêve de richesse afin de redorer le blason de sa famille. A l'époque, Cha-rles Quint, maître de l'Espagne, des 17 provinces des Pays-Bas, du royaume de Naples et des posessi-ons des Haslbourg, encourageait ces expéditions pour enrichir son empire déjà immensément riche. Fernando Cortez, qui quelques années plus tôt avait abandonné ses études et essuyé quelques dépits amoureux et ne sachant toujours pas quoi faire de sa vie, vit ici une occasion inespérée d'oublier tous ses problèmes et s'engagea comme conquistador dans l'une de ces expéditions vers le nouveau mon-de. Conquistador? professeur, mais qu'est-ce que cela veut dire au juste, demanda un curieux dans la compagnie. Bien, bien, je vois que votre curiosité mérite quelle soit satisfaite et je vais m'y appliquer maintenant! dit-il en maitre de cérémonie. Conquistador veut dire: un homme qui part à la conquête de l'or en vu de s'enrichir et quelles en seront les conséquences sur le monde! Quoi, vous voulez dire que la catastrophe était prévisible par nous tous et que l'Espagne serait sans le savoir le pays qui allait délivrer le diable de sa prison? Après avoir essuyé quelques gouttes de sueur sur son front, le profess-eur dit sèchement : Oui, ceci est parfaitement exact! Oh mon dieu, l'Espagne quelle calamité pour le monde entier! lancèrent certains en levant les bras en l'air, alors que d'autres en pleurant de désespoir. |
Au bout de la table, tel un maitre de cérémonie, il sentit qu'il avait atteint l'apogée de son discours et se tut en attendant que son auditoire se soit remis de toutes ses émotions. Après un long silence pe-sant, il enchaîna et dit : Quand les grands prêtres Aztèques et Mayas apprirent la terrible nouvelle( que le diable s'était échappé de la mine appelée mina del diablo à cause de ce Cortez de malheur), il leur fallut peu de temps pour aller prévenir un prêtre catholique missionnaire qui s'appelait le père Don José Luis. Ici, bizarrement, pour la première fois de leur Histoire, ces prêtres se comprirent sur Dieu et Don José Luis écrivit, non sans panique, à son archevêque en Espagne ainsi qu'au Vatican pour leur annoncer que le diable venait de s'échapper de sa prison du Mexique! Aussitôt, la nouvelle enfla-mma toutes les cervelles au point que la folie faillit tout emporter chez ces saintes personnes. |
Voici la dague perdue qui devait à servir à tuer le diable! |
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Le professeur dans son coin semblait jubiler et, huilant ses lèvres, il dit à toute la compagnie : Mes chers amis, buvons maintenant à notre jeune Rémy qui, par son courage et sa loyauté envers notre Ég-lise catholique, est prêt à relever le défit! Que Dieu le bénisse! Que Dieu vous bénisse! enchaina auss-itôt toute la compagnie en levant son verre dans sa direction. A votre réussite! dit enfin le professeur en vidant son verre d'un trait avec un bruit d'enfer. Quant à notre jeune aventurier, buvant son grand verre d'eau, il espérait de tout son coeur que la dague ne soit jamais retrouvée et on pouvait bien le comprendre. Heros malgré lui, il fut aussitôt assaillit de questions par ses voisins de table qui lui de-mandèrent comment le diable s'était manifesté à lui et surtout à quoi il pouvait bien ressembler. Enth-ousiasmé par tant d'intérêts pour son histoire extraordinaire avec le diable, il ne fut pas long à leur répondre en commençant par ces mots : Au début, j'ai cru voir une hallucination quand ma petite mé-daille s'est illuminée de mille feux et le crâne jeter de la fumée blanche! |
-De la fumée blanche, vous dites? lui demanda la petite troupe transportée par l'étrangeté. |
-Oui, de la fumée blanche, comme si la petite médaille sortait d'un sommeil profond, peut-être des catacombes, je ne savais pas exactement. Puis les deux fémurs, pour une raison inconnue, se sont mis à tourner horriblement vite au centre de la médaille au point de la rendre rouge incandescente, mais sans pour autant me brûler les doigts! ajouta-t-il pour rester dans le paranormal. Tout le monde sem-blait stupéfait par son histoire et l'écoutait la bouche grande ouverte et les oreilles tendues comme celles des petits animaux de la forêt. Quelques secondes plus tard, les deux fémurs se sont arrêtés de tourner pour se confondre l'un et l'autre, comme l'aiguille d'une boussole. |
-Comme l'aiguille d'une boussole, vous croyez? |
-Oui, du moins ça y ressemblait, répondit Rémy en écarquillant les yeux. |
Et c'est en levant les yeux dans la direction de l'aiguille que j'ai aperçu le diable devant moi qui était habillé, il faut le dire, comme un clown, Ah!Ah!Ah! ria-t-il sans en mesurer les conséquences en se moquant du diable. |
-Comme un clown, mais en êtes vous sûr? |
-Oui, parfaitement sûr..en portant un chapeau biscornu, une veste rouge écarlate, une chemise à pois verts, un bermuda tenue par des bretelles et une paire de sandalettes assorties à l'ensemble! dit-il d'un air ironiique. |
-Bien, si vous le dites. Mais vous a t-il parlé ou peut-être dit quelque chose le diable? lui demandait-on avec empressement. |
-En fait, il m'a demandé si je m'appelais Rémy Labroque et si je comptais réussir à Paris. |
-Et que lui avez-vous répondu? |
-Que oui, bien effectivement, et qu'il avait vu juste. |
-Mais comment a t-il su que vous vous appeliez Rémy Labroque? |
-En fait, je n'en sais rien, mais qu'il me souhaitait une bonne chance! |
-Ah, c'était évident qu'il vous parlerait ainsi le diable, avec dans la voix un milliard de tentations pour vous acheter votre âme! lui disait-on avec le cœur plein de jalousies inavouées. |
-Et quoi d'autre, mon ami? |
-Rien de plus, dit Rémy qui commençait à être un peu fatigué par cet interrogatoire. |
-Mais à quoi au juste ressemblait le diable? lui demanda subitement quelqu'un parmi les convives qu'il n'avait pas remarqué jusque là. Cet homme le regardait avec un air étrangement cynique, comme s'il fut un disciple du diable, pensait Rémy avant de prendre la parole avec toute la prudence du mo-nde. |
-En fait, le diable ne ressemblait à rien puisqu'il n'avait pas de visage! expédia-t-il à toute la compag-nie qui aussitôt poussa des cris de frayeur. Mais je n'en suis pas entièrement sûr, car un terrible con-tre-jour m'empêchait alors de le voir. Mais fort possible qu'il en eut un des plus banals pour pouvoir s'introduire parmi nous et dans tous les milieux. Bref, comme un beau miroir qu'il nous tendait afin de nous plaire et de nous convaincre de le suivre, rectifia Rémy en voulant rester précis sur les impr-essions que lui avaient laissé le diable. |
Ah!Ah!Ah! surgit soudainement de la table où l'aubergiste trinquait avec une personne qu'il semblait connaître, mais qui cachait sa tête sous un chapeau de feutre vert. |
Et quand le professeur s'était écrié "J'ai une soif d'enfer!" il aurait bien pu s'écrier "J'ai envie de faire la guerre!" que tous les gens dans la diligence l'auraient suivi sans broncher, je pense. En fait, tout dépendait de la situation politique et économique où notre société se trouvait. Et qu'en remplaçant un mot par un autre, on pouvait complètement changer le sens de notre action et bien que le ton em-ployé fut le même. Comme vous le voyez, je ne critiquais pas les actions humaines( auxquelles, je comptais participer pour mes intérêts personnels), mais plutôt l'amusement instructif qu'elles me procuraient afin de pouvoir tirer mes propres épingles du jeu. Et que les gens ou organisations secr-ètes, qui avaient signé le pacte avec le diable, avaient eux aussi beaucoup à m'apprendre sur les hom-mes et sur la vérité. Mais malheureusement, je n'en connaissais pas la liste complète par le peu de temps que j'avais eu le document en mains, sinon que les protestants et les républicains en faisaient partie. Mon futur grand projet serait un jour de tous les connaître afin de comprendre le monde dans tous ses rouages et non dans ses apparences conventionnelles. En regardant le visage angélique de la jeune femme, qui était d'une blancheur éclatante et piqué de taches de rousseur, je ne pouvais que l' imaginer blonde ou rousse. Et par je ne sais quel heureux hasard ou caprice, la nature l'avait fait blo-nde comme un champ de blé où des yeux d'un bleu très pur ne pouvaient que magnifier la candeur. Eut-elle des nattes blondes que je l'imaginais venir des pays scandinaves ou germaniques. Eut-elle des cheveux plaqués et lissés à la perfection que je l'imaginais vivre dans un château en Suède telle une comtesse entourée d'élégants lévriers et de chats angora. Mais à l'observer très attentivement, je vis que sa coupe de cheveux se situait entre le pragmatisme pour un long voyage et la coquetterie d'une femme qui avait attaché ses cheveux avec un bandeau de couleur rouge. La bouche restait mi-gnonne malgré son état d'assèchement visible causé par la chaleur suffoquante dans la diligence. Plusieurs fois, je la vis passer sa langue sur ses lèvres comme pour les assouplir ou pour les rendre plus attirantes envers la compagnie et même parfois étirer son corps telle une liane raidie et désséch-ée. Habillée d'une robe, pas du tout conçue pour le voyage en diligence, elle semblait souffrir attr-ocement de la mode et des convenances de son époque. A la voir étouffer dans son carcan, je la sentis prête à devenir un garçon et porter des pantalons et pourquoi pas un pistolet pour se défendre en cas? Je ne vous cacherai pas, mon cher lecteur, que toutes ces pensées la concernant, me fit bien rire sur le moment et qu'elle dût forcément s'en rendre compte par ma physionomie exprimant mes folles pen-sées. Par là, je voyais la supériorité de l'homme sur la femme par le fait extraordinaire que la femme souhaitait revêtir les habits intellectuels et vestimentaires de l'homme et non le contraire. Car j'avais beaucoup de mal à croire qu'un homme pût un jour porter des jupes pour ressembler à une fille et prendre du plaisir, AhAh!Ah! |
L'inconnu, qui semblait être l'homme à tout faire de l'hôtel, partit prévenir aussitôt son patron pour signaler l'accident mortel et bien évidemment sans lui déclarer les objets qu'on lui avait transmis. Etant donné qu'il pourrait les revendre au poids de l'or et de l'argent pour mettre un peu de beurre da-ns ses épinards, Ah!Ah!Ah! Rémy comprit aussitôt le sens de ce cauchemar qui ressemblait étonnam-ment à l'histoire de maître Balhtazard Mostafort que lui avait racontée le professeur philéas, mais do-nt on avait plus de nouvelles depuis très longtemps. C'est à dire d'un émissaire envoyé par le vatican pour aller tuer le diable! Connaissant désormais d'une manière inattendue les circonstances de sa dis-parition, mais aussi de sa dague en argent qui elle-seule eut le pouvoir de tuer le diable définitivem-ent, Remy se saisit de sa petite médaille et la caressa comme un petit trésor de guerre en sachant qu' elle seule avait été retrouvée dans la région. Peut-être parlerait-il de ce rêve au professeur ou bien le garderait-il pour lui afin que la dague ne soit pas découverte et poursuivre la mission de maître Ba-lthazard Mostafort? se demandait-il en essayant de retrouver le sommeil. Décidément, ce serait non, pensa-t-il, afin de ne pas gâcher son voyage ou Paris l'attendait les bras ouverts! |
Retour chez Marie-Christine au Domaine de l'Espérance |
Qui, il faut le dire, lui était restée à travers de la gorge! Car elle n'était ni une folle ni une sorcière, mais en avance sur son temps. Ce qu'aucun de ses contemporains et de sucroît homme n'était prêt à lui dire, sinon la discréditer par de la sorcellerie en usage courant dans le Duché de Savoie. Car par-ait-il, Merlin l'enchanteur avait servi à maintes reprises les ducs de Savoie à se débarrasser des Fra-nçais occupant leur territoire, comme à la bataille de Saint-Quentin et de Turin. Au point de chanter au jour d'anniversaire un Te Deum pour célébrer leur victoire sur les arrogants Français. Tout ceci faisait bien évidemment la fierté des savoyards dont l'esprit indépendant voir têtu n'était plus à démo-ntrer à notre cher lecteur, n'est-ce pas? Par sa nature originale, Marie-Christine était sans nul doute une femme savante, mais qui avait du coeur, ce qui était assez rare de trouver chez ces êtres qui pas-saient leur temps à sonder l'invisible et peu le coeur des hommes. Mais apparemment la caractéristi-que des génies qui visaient l'humanité toute enière pour trouver une solution globale à ses prob-lèmes. Son labo était la réalisation de ses rêves d'enfant grâce aux fonds de son frère Paul en étant lui aussi un adepte de la science afin d'augmenter le rendement de ses récoltes céréalières en Amérique. Où tout compte fait produire plus permettait de nourrir le monde et d'éviter les famines, n'est-ce pas? A l'évidence, une famille d'humaniste qui ne la savait pas vraiment. Quitte à mettre les mains dans le cambouis pour perfectionner ses machines agricoles et demander des conseils à son érudite soeur sur les engrais et autres produits phytosanitaires pour ne pas appauvrir les sols. Appuyée lég-èrement contre la table de son labo, elle analysait l'échantillon de peinture qu'elle avait dissout dans de l'alcool dans un tube à essai. La consistance était grasse et de couleur rouge, remarqua-t-elle, puis l'agita au dessus d'une flamme où elle aperçut, après évaporation, un dépot de metaux lourds, sem-ble-t-il. Tiens donc du plomb! s'écria-t-elle en remarquant de l'oxyde de plomb à l'intérieur du tube après avoir étudié les principes de Lavoisier où rien ne se perd, rien ne se crée, mais tout se trans-forme. Visiblement, l'auteur des odieuses inscriptions sur les murs de sa proprièté avait utilisé de la peinture au plomb pour commettre son crime! surgit aussitôt de ses pensées heureuse d'avoir un premier indice matériel. Demain, j'enverrai Grandin à Annecy le vieux questionner les marchands de peinture pour savoir qui avait acheté récemment une grosse quantité de peinture rouge! pensa-t-elle pour en avoir le coeur net. Satisfaite par sa découverte, elle sortit du labo pour chercher Grandin: l'homme à tout faire de la maison dont la force physique était indispensable à la proprièté pour cou-per le bois de chauffage, faire du gros oeuvre ainsi que d'assurer la sécurité dans la proprièté avec sa chienne Mirette, un Saint-bernard. |
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