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LA CRISE DE LA FIEVRE BLEUE

 

 

 

 

"Aux regards des événements d'aujourd'hui, ce livre me semble prophétique...

Et je ne vous cacherai pas, au début, que j'ai eu comme une hésitation à le lire, car son auteur( Patrick Maaded)  n'avait rien publié d'officiel.

Mais peut-être avons nous affaire ici à une nouvelle littérature dite numérique qui semble nous dévoiler comme

les clefs de la nouvelle vérité?" Enfin, un livre d'une grande modernité et sans tabou sur la société française!

Jean-Pierre Carré, professeur à la Sorbonne.

 

 

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  Chapitre 1: La crise économique

 

 

Mardi 15 janvier à 11 h du soir..

En commençant mon journal intime ici, dans ce petit quartier de la Croix où je vis depuis quel-ques années, j'ai comme l'impression qu'il me sera très difficile de le terminer en ces lieux mêm-es : car tout change si vite autour de moi que j'ai bien peur de devoir terminer ma vie un jour dans un quelconque asile ou maison de fou! Mais bon, vivre ici ou ailleurs, cela a t-il vraiment de l'importance pour moi? Et puis-je aussi penser un seul instant que j'ai pu être heureux dans ce petit quartier de la Croix? Non, certainement pas et que les habitants de mon quartier pouvaient en être la raison? Oui, indubitablement. Mais comprenez bien, mon cher lecteur, qu'à cette heure si tardive du soir, je n'ai aucune envie de lancer une quelconque polémique sur ce sujet là. Car si je disais publiquement que les habitants de mon quartier sont bêtes comme leurs pieds, je risque-rais tout simplement d'être lapidé par ces derniers au beau milieu de la place de la Croix (émo-tion!). Il le mérite! me lançeraient tout haut et tout fort ainsi que la pierre. Peut-être n'auraient-ils pas tort (j'ose la question?). En fait, je crois que l'homme depuis l'antiquité n'a jamais changé et qu'il sera toujours le sauvage que l'Église de tout temps avait essayé de dompter par une sorte de 10 commandements plus ou moins grotesque : Tu ne tueras point, tu ne voleras point, tu ne violeras point la femme de ton voisin, etc. Bref, vous connaissez la suite qui est malheureusem-ent assez triste pour nous, puisque tout cela n'avait jamais pu empêcher l'homme de se faire éco-rcher vif sur la place publique sans qu'il y eut un seul mouvement de protestation contre cela (prions pour lui!). N'êtes-vous pas du même avis que moi?

Et puis trêve de plaisanterie. En fait, si je me sens si mal aujourd'hui dans mon petit quartier de la Croix, c'est uniquement à cause de ceci : Ce n'est pas moi qui ai décidé d'y vivre! Je sais, me direz-vous, on ne choisit pas sa famille, on ne choisit pas les trottoirs de Manilles, patati, patata, belle chanson, oui, je sais. Mais ce qui me gêne dans ce bel argument, c'est que c'est trop bien dit pour être vrai et en plus avec une belle méodie agrmentée d'un rythme non moins enivrant et syn-copé. Hum, hum, c'est fort joli(ment) fait. Oh excusez moi du jeu de mots! Mais de quoi parlait- on exactement des cours de la bourse ou bien des hauts et des bas de ma petite vie à la Croix? Ceci soit dit en passant, ils n'ont jamais été aussi haut, je parlais des cours, bien évidemment. Oulala que cela doit être dure à vivre quand je pense à tous ces millions de chômeurs qui regar-dent ça à la télé. J'imagine avec une facilité déconcertante le bruit de 3 millions de fourchettes qui tombent étrangement au fond des assiettes ou se mettent à glisser par terre, comme par hasa-rd? D'après les spécialistes, il s'agirait d'un phénomène tout à fait naturel, comme l'est cette ra-dioactivité dite naturelle : article du 3 juillet 1931 parut dans le magazine" le temps de vivre ". Logique quoi! A propos de magazine, puisque nous en sommes là, j'ai lu récemment que ladie Diana (prononcez laidie Dayana) allait de nouveau se remarier avec un homme dont on ne conn-aissait ni l'âge ni le nom. Il semblerait que ce soit avec un ancien chauffeur routier qui se serait reconverti dans la bijouterie de luxe. C'est le dit magazine " Honneur et Patrie" imprimé à Lond-on Square qui le précise à la page 40 où l'on voit tout un ensemble de photos de notre chère la-die Diana ( photos assez floues en plus!).

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Mais ils nous précisent les journalistes english, comme voulant s'excuser auprès du lecteur, qu' ils n'ont pu prendre que celles-ci malheureusement. C'est vrai qu'elles sont prises d'un peu toin, ils l'avouent eux même. Mais précisent une fois de plus, au lecteur averti, que nos photographes ne voulant pas gêner la vie privée de la princesse ont dû rester un peu à l'écart de la scène. Ohlala quels baraguinages! Mais quels baraguinages, ils nous font là ces drôles de canards et tout ça po-ur nous montrer une photo! C'est vrai que l'on arrive quand même à voir Diana avec ses beaux cheveux blond couleur blé de chaume et on devine assez bien que c'est elle avec son physique de grande jeune fille élancée, genre aristocratique, qui est en train de sortir d'un gros camion situé sur le bord d'une route avec une joie toute évidente. Quelle route, je ne pourrais vous le dire! En dessous de cette photo et sur la même page l'on voit aussi Diana sortir de chez un grand bijoutier de Londres avec sur la bouche un sourire extraordinaire. Et le journaliste de noter dans la marge qu'il se demandait pourquoi allait-elle notre princesse chez le bijoutier, alors qu'elle avait dans la bouche ou sur la bouche( je vois très mal ce qui est écrit) le plus beau peut-être des bijoux? Je ne sais pas comment il faut prendre cette remarque du journaliste. Mais pour ma part, je la trou-ve de très très mauvais goût. Vous voyez comme je m'énerve et c'est à chaque fois la même his-toire (pitié pour moi). Ah si j'avais la plume facile, ils verraient ces journalistes à la gomme de quelle pâte je suis faite. Oh oh, ne vous inquiétez pas pour moi, je n'aurai pas du tout peur de leur dire mes 4 vérités sur l'ignoble métier qu'ils exercent malheureusement en toute impunité. Mais pourquoi martyrisent-ils tant notre petite Diana? Oui, pourquoi ne la laissent-ils pas vivre tranquillemernt sa vie comme les autres? N'a t-elle pas droit elle aussi au bonheur et à cette inti-mité dont toutes les femmes réclament au fond de leur coeur? Ce sont des monstres, voilà tout ces journalistes! Cest pour cela que je ne les laisserai pas démolir ma petite Diana! Ah non, ça jamais je ne leur permettrai! Jamais! Tenez, je vais même leur écrire tout d' suite (vite un stylo et du papier!).

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Minuit 15 à la Croix..

A monsieur le directeur du magazine "Honneur et Patrie". Si je me permet de vous écrire direct-ement à Londres, cher monsieur, cela est tout simplement pour éviter de passer par Paris (qui je sais traduit et distribue dans toute la France votre illustre magazine), car je connais trop l'esprit parisien de ces journalistes" aux dents de loup "pour ne pas m'y frotter où l'esprit français y est si savamment dosé que vous obtiendrez la plus parfaite hypocrisie que même les Grecs pourraient nous envier (connaissez-vous le Grec? Non? Moi, non plus). Eux au moins les grecs, ils sont philosophes. Mais les Français, ay ayaille, ils sont tout ce que vous voulez, sauf de grands grands philosophes; ils sont vantards, jaloux et surtout leur plus gros défaut, c'est qu'ils aiment trop l' argent et les honneurs. Mais si je vous écris, monsieur, ce n'est pas uniquement pour descendre mes chers compatriotes, rassurez-vous. Disons que c'est plutôt pour vous signalez( dans votre dernier numéro) une chose qui m'a semblé fortement déplacée de la part de vos journalistes que je considérais avant cela comme des gentlemens Mais comment osent-ils dire que le plus beau bijou que puisse posséder Diana se trouve dans sa bouche, alors qu'elle sortait de chez le bijou-tier? A quoi veulent-ils faire allusion? Je n'arrive pas à comprendre comment un homme comme vous, un gentleman-farmer, puisse laisser dire cela à des millions de lectrices qui achètent votre magazine en toute confiance au prix de 1€50 : prix que je trouve excessivement cher( que ceci soit dit en passant) pour ce ramassis de mensonges! Mais non d'une pipe, pourquoi martyrisez-vous tant Diana? Vous a t-elle fait quelque chose de personnel? Savez-vous ce que peut ressen-tir une femme quand elle se sent humiliée et traînée dans la boue par des individus de votre aca-die, hum?

Mais cela ne me surprend pas du tout, car vous vous y connaissez rien en amour! Vous n'aimez pas votre femme et cela se sent outre-manche. Je sais que je m'exprime très mal en ce moment, mais cela ne m'empêche aucunement de vous dire mes 4 vérités sur le sale métier que vous exer-cez. Oui, en fait, vous n'êtes qu'un connard de journaliste qui recherchez le sensationnalisme à tout prix en roulant les gens dans la boue. Et vous, vous le faites avec toute la froideur d'un en-glish en vous cachant derrière l'élégance de vos cravates. Vous êtes peut-être pire que nos Fran-çais, car eux au moins ils ont des défauts! En attendant vos excuses publiques, monsieur, je vous dis adieu.

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2 mois plus tard en ouvrant ma boite à lettres.

Mon dieu, je n'en crois pas mes yeux, le magazine " Honneur et Patrie " ose enfin me répondre! Et moi qui croyais que cette lettre allait rester sans réponse. Peut-être voulaient-ils tout simple-ment s'excuser pour avoir été trop loin dans leur propos. Car ce que je leur avais écrit, c'était la pure et simple vérité. Mes remarques ont sûrement été entendues et c'est pour cela que le direct-eur a daigné m'écrire. Mais, oh seconde surprise, la lettre ne vient pas d'Angleterre! Mais le tim-bre avec la tour Eiffel dessus, mais ça ne peut venir que de Paris! Oh merde alors, moi qui vou-lais récupérer le timbre anglais pour ma collection, j'étais une nouvelle fois grugé par mes impa-tiences ainsi que par la mauvaise foi des gens. J'ouvre enfin la lettre et voilà ce qu'elle me dit : Monsieur ou Madame? Ayant oublié de nous l'avoir précisé, nous vous informons que n'étant pas abonnné à notre magazine, nous ne vous permettons pas de nous critiquer! Veuillez recevoir tout de même nos sincères salutations. La direction de " Honneur et Patrie". Oh les salauds! Oh oui, les salauds, ils ont osé faire ça! C'est bien les français tout craché : ils sont méchants, envi-eux et tout et tout..hein, hein que j'avais raison? Eux au moins les anglais, ils sont malins, ils n'ont pas osé répondre, ils ont laissé faire ce sale travail aux français! J'aurai dû le deviner, c'est de ma faute (pitié pour moi !). Je déchirais la lettre en mille petits morceaux en me servant de mes dents tellement j'étais humilié en pleurant abondamment.

Ce matin là, dans la sombre cage d'escalier, on entendit comme des pleurs et de petits cris que les voisins ne prêtèrent aucune attention, bien évidemment!

Mercredi 16 mars 12 h30 en sortant ma tête de la couverture. Mon dieu, mais c'est affreux de voir comme la vaisselle s'est accumulée sur le bord de levier! J'ai bien peur qu'elle finisse par tomber par terre si je m'en occupe pas. Il faudrait quand même que je m'y mette, non? Bouge-toi! semblait me dire alors une petite voix intérieure. Allez, bouge-toi avant que la malheur arr-ive! Mais moi, je ne l'écoutais pas et restais couché en pensant que je n'y arriverai jamais.

Jeudi 17 mars à 8 h du matin.

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Je me suis levé tôt ce matin, car en voyant hier tout ce désordre dans la maison, je n'ai pas pu résister à cette saleté qui commençait à s'accumuler. Au fait, il n'y avait pas que la vaisselle à laver et à ranger. En m'apercevant que la nappe de la petite table de la cuisine n'avait pas été bien nettoyée où des miettes de pains traînaient partout ainsi qu'une vieille casserole sur un dessus de plat où une bonne portion de haricots rouges collait encore au fond (je ne les avais pas trop aimé ce jour là, je leur avais trouvé un drôle de goût!). Mais c'était quand ce jour, avant hier ou mar-di? Bref, je ne m'en souviens plus vraiment, bon passons la dessus. Je me suis aperçu aussi que la cuisinière était pleine de graisse et que les carreaux de la fenêtre méritaient un bon coup de chiffon. J'ai commencé tout ce ménage à 6h du matin et je l'ai presque fini. Il me reste encore à donner un coup de serpillère sur le sol pour redonner à la maison l'éclat qu'une bonne maîtresse de maison désire tant au fond de son coeur afin de se donner bonne conscience et de juger son propre travail. Ça y est, j'ai presque fini! Encore un coup sous la cuisinière et sous le lit pour ne pas faire le travail à moitié et un p'tit coup d'insecticide pour tuer les blattes (dans le coin de l'évier et le tour est joué). Ça y est, j'ai fini, je mérite bien un peu de repos, je vais m'allonger sur mon lit en attendant de me préparer mon petit déjeuner. Ca me fera du bien de boire mon café au lait, car j'ai tellement besoin de force et de réconfort!

Un mois plus tard.

Je n'arrive pas à comprendre pourquoi je me suis laissé tomber si bas. J'ai comme l'impression d' avoir perdu la chose qui comptait le plus dans ma vie, c'est à dire mon sens de l'humour. Oh, si vous saviez quel effet d'immense vide que cette perte peut vous causer à l'intérieur de votre ex-istence! Ah non, vous ne pourriez pas l'imaginer en ayant pas le courage de vous le décrire tell-ement cela me fait souffrir. Cela équivaudrait à vous faire ressentir l'affreuse angoisse de perdre en pleine mer son unique bouée et cela je ne voudrai pas vous le faire ressentir à vous qui êtes confortablement installé derrière votre bureau peut-être de ministre qui sait? Mais où est donc passé mon sens de l'humour, je me le demande bien? Où l'ai je égaré? Me l'a t'on volé? J'en ple-ure de rage surtout quand je pense et me souviens de cette époque où mes amis me faisaient co-mprendre que j'étais en vérité fait pour le comique. Et que j'aurais pu facilement être un grand artiste, comme ils me le disaient : Mais arrête ton sale boulot de livreur de pizza! Tu ne vois pas que ce n'est pas un métier pour toi, hein? Et moi, bien sûr avec mon éternelle bêtise( car j'étais alors têtu comme une mule) je leur répondais : Mais de quoi vous mêlez-vous? Mais je fais ce que je veux de ma vie! Vous dire alors le froid que cela jetait au milieu de nos discutions. La suite fut bien évidemment d'une logique quasi-mathèmatique pour moi. Car en m'obstinant à croire que ma vocation était dans la pizza, j'ai dû en supporter toutes les conséquences aussi bien sur mon avenir que sur ma santé, comme vous le verrez.

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A cette époque, je travaillais à la pizzeria Carboni qui se situait dans le quartier de la presqu'île. Bref, un boulot qui ne me déplaisait pas du tout car la vente de pizzas chaudes servies à domi-cile marchait du tonnerre à ce moment là et nous offrait de réelles perspectives d'avenir. En fait, mon idée de génie, si on pouvait l'appeler ainsi, était d'y faire fortune le plus rapidement possib-le. C'est à dire avant 30 ans afin de pouvoir me retirer tranquillement sur une île des caraïbes où je comptais y vivre comme un pacha. La chose demandait bien évidemment du courage, je le nie-rai pas. Mais réellement réalisable par moi même, parce que tout d'abord j'étais jeune( j'avais à peine 19 ans et donc remplis d'illusions, ne nous le cachons pas). Mais si je vous précise cela, mon cher lecteur, c'est qu'entre vouloir réussir son projet et y arriver, il y avait bien évidemment entre ces deux choses, une véritable montagne à gravir. Disons que dans le créneau où j'étais, ce-lui de la pizza chaude servie à domicile, il pouvait vous arriver en cours de route pas mal de pro-blèmes, comme par exemple, une panne de mobylette ou bien un accident de la circulation ou tout simplement une adresse indiquée qui était en fait une fausse adresse donnée par des voyous qui vous attendaient tranquillement caché derrière un immeuble afin de vous voler votre caisse et vous cassez la gueule! En fait, tous ces risques je les connaissais parfaitement, mais j'en fais-ais souvent abstraction afin de ne pas trop y penser et faire échouer ma mission de devenir riche un jour grâce à la pizza chaude servie à domicile. Et cela fut tres certainement mon erreur, car 6 mois seulement après mon embauche chez Carboni, je fus victime d'une agression lors d'une livraison de nuit!

En fait, le client c'était eux et ils m'avaient ni plus ni moins tendu un traquenard, n'ayons pas peur de le dire. Je ne vous cacherai pas qu'ils me volèrent mes 4 pizzas aux anchois ainsi que mon argent. Mais le plus insoutenable pour moi fut, après m'avoir fait cela, ils me passèrent sur le corps avec ma mobylette! J'étais véritablement scandalisé par cette violence gratuite en me vo-yant mort pour pas grand chose et surtout sans avoir pu réaliser mon rêve de devenir riche un jour par la pizza chaude servie à domicile. Et je fus pris d'une telle rage contre cela que je me redressai immédiatement sur mes deux jambes et pris celles ci à mon cou où mes assaillants sur-pris par ma vivacité restèrent comme plantés sur place. C'est ainsi grâce à ce beau réflexe de sur-vie que je pus entrer dans une allée d'immeuble et me cacher ensuite au fond d'une poubelle. La suite est digne d'être racontée. Quelques instants plus tard, je les entendis entrer dans l'allée avec un vrai boucan d'enfer fait de crissement de baskets sur le sol et de coups de poings sur les portes ainsi que des mots jetés comme des ordres genre : Toi, tu vas là! Et moi, je monte en haut! et le tout mélangé d'insultes à faire peur à un mort. Pris par la peur, je m'enfonçai plus profondément dans ma poubelle pour ne pas être vu en cas où ils l'ouvriraient. Mais comme je devais m'y atte-ndre des pas vinrent se glisser tout près de celle-ci ainsi que des voix entrecoupées par des respi-rations où je faillis bien m'évanouir. Puis par chance, on appela au loin et ces pas s'éloignèrent aussitôt du local poubelle.

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En entrouvrant le couvercle de ma poubelle, j'entendis ceci: Hé, les gars, mais qu'est-ce que vous faites? Arrêtez de faire les cons! Mais merde, les pizzas elles vont refroidir! Ah oui, c'est vrai, merde, fait chier, putain! répondirent les autres. Puis ils sortirent tous de l'allée à mon grand sou-lagement. Me sachant à moitié sauvé, je décidai de temporiser au maximum ma sortie de poub-elle; mais l'odeur fut tellement intenable qu'au bout d'une heure je dus en sortir, il faut le dire, tout dégoulinant de sang et d'ordures ménagères sur mon corps. Après un petit nettoyage rapide, je me précipitai sur la première cabine téléphonique qu'il y avait dans la quartier et téléphonai à mon patron pour lui dire tout ce qui venait de se passer : les pizzas volées, la caisse aussi et la mobylette pliée en deux que j'avais aperçu complètement écrasée contre le mur d'un immeuble, comme si elle avait été victime d'un rodéo nocturne. Je ne vous cacherai pas que toutes ces cata-strophes énumérées au téléphone à mon patron et cette demande d'urgence de m'envoyer une am-bulance, le jeta dans une colère pas possible. Mais une colère que j'avais beaucoup de mal à co-mprendre, car dans cette sale  histoire, c'était moi la victime et donc je méritais un peu de resp-ect, non? Mais ce que je compris assez vite, c'est que de ma santé il s'en foutait complètement et que seuls ses biens matériels et son argent le préoccupaient. Au bout de 10 minutes, épuisé de m' insulter, il me dit qu'il enverrait les collègues me chercher et qu'ensuite on réglerait ses comptes à la boutique, puis raccrocha violemment. J'étais vraiment estomaqué par ce qu'il venait de me dire et je pris mon mal en patience en les attendant caché derrière une voiture calcinée qu'il y avait dans le quartier où ils devaient me retrouver. Une demi-heure plus tard, j'aperçus au loin leurs phares et me précipitai aussitôt à leur rencontre. A bout de souffle, je leur demandai où était l'ambulance qui devait normalement m'emmener à l'hôpital? Un peu honteux, ils me dirent que le patron, monsieur Carboni, leur avait dit de me ramener à la pizzeria avec les moyens du bord vu que mes blessures seraient très superficielles et donc ne demanderaient pas d'hospitali-sation et de surcroit l'aide d'une ambulance et tout le vacarme que cela comportait. J'étais une nouvelle fois choqué par les moeurs brutales de mon patron. Mais c'était ça ou rien! me répon-dirent-ils.

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La mort dans l'âme, je montai sur le porte bagage de la mobylette d'André où la route fut si ma-uvaise pour moi, qu'arrivé à la boutique, je tombai évanoui sur le carreau de la cuisine où j'ap-erçus, comme dans un film d'horreur, la tête de mon patron avec son torchon de cuisine autour du cou! Je ne voudrais pas le nier, mais cette horrible vision y contribua beaucoup ainsi que tou-tes ces odeurs d'huiles de fritures mélangées à celles de épices qui précipitèrent mon état en voy-ant monsieur Carboni qui essayait de me soigner avec son torchon de cuisine!

Le lendemain, à  mon grand soulagement, j'ouvris les yeux dans un lit d'hôpital où un joli minois d'infirmière me demanda si j'allai bien. Bien, bien, je lui répondis par un sourire coincé derrière de gros pansements hydrophiles. Faut dire aussi en la voyant devant moi que je me sentis, com-ment dire? Oui, comme sauvé des eaux et malgré un mal de crâne terrible. En discutant avec elle, j'appris qu'ils avaient dû me transfuser plus d'un litre de sang afin de me sauver la vie et qu' elle avait été fort surprise de voir en moi une réelle ténacité à vivre. Je ne vous cacherai pas que ces très beaux compliments, qui étaient directement sortis de sa bouche, me firent presque tourn-er la tête pendant quelques instants. Pris par ce bonheur de circonstance, j'eus l'imprudence de la remercier. Mais remercier de quoi, mon garçon? me demanda-t-elle un peu étonnée. Mais de m' avoir sauvé la vie! je lui répondis fort naïvement. Quand soudainement, elle éclata de rires et me sentis par la situation même un peu bête de lui avoir dit cela. En fait, elle s'excusa après qu' elle m'ait vu rougir derrière mes pansements, puis me laissa tranquille pour que je puisse reprendre des forces. Bref, je l'écoutai et m'endormis un peu comme un bébé, mais avec paradoxalement des rêves d'adultes qui étaient bien sûr de me venger de mon patron. Car je n'oubliais en rien qu' il avait failli me faire mourir pour des raisons que je n'arrivais toujours pas à comprendre. Y'avait un mystère la dessous à éclaircir, pensai-je en état traumatique. Un mois plus tard, après ma sortie d'hôpital, j'allai directement au barreau de Lyon pour porter plainte contre mon patron et un an après je gagnai mon procès. Malgré que l'instruction fut longue( mais c'est comme ça en France) le tribunal me donna enfin l'explication que j'attendais depuis si longtemps.

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En fait, mon patron ne m'avait jamais déclaré à la sécurité sociale afin de faire des économies sur ses charges sociales. Voilà donc où se trouvait ses idées criminelles et mesquines qui avaient fai-lli me coûter la vie. Par la suite, je perdis bien évidemment mon emploi ainsi que mon rêve de devenir un jour un pacha sur une îles des caraïbes. Mais je me consolais comme je pouvais par les paroles de mes amis (les vrais ). Et je les entends encore dans ma mémoire me répéter inlassa-blement: Tu sais Régis, tu devrais monter à Paris au lieu de te laisser croupir dans cette sale ville de province qui ne te conviens pas du tout! Et puis je trouve que tu as mauvaise mine depuis quelques temps, non? me disaient-ils comme pour essayer de me réconforter, mais en si prenant toujours aussi mal. Mais bon, comme vous le savez aussi bien que moi, tous vos amis sont tou-jours là pour vous remonter le moral, n'est-ce pas? Et comme toutes ces anciennes amitiés sont désormais disparues pour moi( à cause de mon éternelle bêtise à ne pas vouloir les croire ). Vo-us verrez, mon cher lecteur, dans ces dernières paroles toutes les traces d'une décadence assurée. Et je pense que c'est cela qui me perdra. Il faut absolument que je change !

Un jour quelconque..

Je ne suis qu'une cloche! Oui, je ne suis qu' une cloche et j'ai tout fait pour tout échouer dans ma vie! Je crie plus que je cogne, je parle plus que je fais, je bafouille plus que je m'exprime etc, etc. C'est mon ancien patron qui me le disait et il avait bien raison! Tanpis pour moi, je ne suis qu'un poids pour la société. Cela va faire plus d'un an que je ne travaille plus et que je vis seul dans mon petit 2 pièces (cuisine + wc) et je commence vraiment à trouver le temps long. Sincèrement, je ne pensais pas que cette mauvaise histoire allait durer si longtemps. Bref, plus de travail, plus de sous, plus d'amis et hop vous voila au fond de la trappe! Jamais un seul instant de ma vie, j' aurai pu penser que l'on pouvait finir sa vie comme ça tout seul et en plus dans un quartier mi-nable. Je me sens mal, je ne sais pas ce que j'ai, je me demande si je vais pas tomber dans les po-mmes? (appelez la police!). Ça va faire 15 jours que je ne me suis pas lavé. Hé oui, c'est normal, car je n'ai pas de douche. Vous vous imaginez pas que je vais me laver dans l'évier de la cuisine, non? Mais c'est pas du tout pratique pour y mettre les pieds dedans. Non, cette vie là, c'est pas fait pour moi! Y' a t-il un dieu sur cette terre? Car point de douche, point de salut, n'est-ce pas? Et puis la propreté, c'est quand même important dans la vie de tous les jours où se laver vous do-nne l'impression de porter des vêtements neufs, n'est-ce pas magique cela, hein? Mais aussi dites-moi ce qu'on peut faire quand on est pauvre et qu'on a pas de quoi se loger correctement et qu'on a une petite envie de se payer une veste chic? Hein, vous pouvez m' le dire? Puis de toute façon, je m'en fous complètement de mon apparence extérieure, puisque même mon propriétaire semble s'en moquer éperdument et pense certainement plus à l'état de son appartement qu'à l'état de ma propre personne( si je peux employer cette expression). Je n'arrive pas à comprendre son attitude et surtout ses allusions personnelles auxquelles j'ai eu droit la semaine dernière à propos de ma soi-disant vie dissolue que je mènerais dans le quartier.Y' aurait-il des espions?

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A peine était-il entré chez moi que celui-ci m'agressa verbalement en me disant que si je n'étais pas content de vivre ici, j'étais tout à fait libre de quitter son appartement! Comment vous dire que cette entrée en matière me perturba quelque peu. Car au lieu de le foutre à la porte, comme j'aurai dû le faire, je restais planté là comme un beau piquet au milieu de ma cuisine en ne sac-hant bien sûr pas quoi lui répondre. Idiotement, je pensais que mon silence pouvait le faire taire. Mais non, le gros en profita encore plus afin de m'achever comme au temps des westerns. Il con-tinua en me disant ceci : je sais bien que les temps sont dures pour tout le monde avec cette cri-se économique qui n'en finit pas (je ne le vous fais pas dire, monsieur!). Mais quand même, il ne vous faudrait pas oublier, avec le nombre croissant de chômeurs et de migrants qui arrivent tous les jours dans les centres d'hébergements collectifs de la ville, que tout est maintenant rationné, surveillé et sévèrement contrôlé: l'eau, le gaz, l'électricité, la nourriture et même la promenade! (Oh non, c'est pas vrai!). Si, si, monsieur, c'est vrai! Et je pense que beaucoup d'entre eux ne se-raient pas malheureux de venir habiter ici en centre ville où tout de même vous rester libre de vos faits et gestes et de plus avec un loyer qui est presque donné, selon moi. (Le gros délirait co-mplètement!). Mais bon, étant donné que c'est la loi qui le fixe, je ne peux malheureusement ri-en faire contre vous. Heu, j'voulais dire contre cet état de fait, bien sûr. Mais bon, franchement, je n'arrive pas à comprendre pourquoi le nouveau gouvernement de la France nous impose un plafond, alors qu' avant la crise il n'y en avait pas. (Ah oui?).

Hé oui, monsieur, car avant cette crise, j'avais pu louer sans aucun problème tout un flan de montagne à une bande de roumains et de Kosovars qui me prenait bizarrement pour un Dieu. Il est vrai aussi que j'avais fait courir le bruit que la France leur donnerait du travail et des papiers, Ah! Ah! plus cons que ça, j'connais pas! Mais moi, j'avais rien promis du tout cela en exigeant de leur part, en attendant des jours meilleurs, qu'ils me versent seulement la somme de 2000 Frs par jour. Ce qui n'était rien par rapport à l'illégalité de leur situation où ils risquaient en retourn-ant dans leur  pays de damnés de se faire tuer par leur apparatchiks, hum? Ah oui, vous trouvez que ça fait beaucoup? Mais n'empêche que j'avais pu leur piquer toutes leurs économies en mo-ins de 2 ans soit environ 2 millions de francs pour moi tout seul et bien sûr exonérés d'impôts, Ah! Ah! C'était formidable avant la crise et même pas besoin de diplômes pour réussir!(Ah oui?) Puisque j'vous le dis, non de dieu! Et pour cela, il m'avait suffit de regarder tout bêtement la télé pour comprendre que tout le business se trouvait au coeur de l'actualité française et même je di-rai étrangère. Je sais que c'est dingue ce que je dis là, mais c'est la pure vérité. Et jamais, je n' au-rais pu faire ce coup sans l'aide des médias qui m'avaient servit, comme sur un plat en or et quo-tidiennement des informations à faire des millions. Les gens ne s'en rendent pas compte, mais ils sont pour la plupart aveugles et même je dirai de naissance. Et ne voient jamais les choses qui pourraient leur rapporter gros et préferent souvent gaspiller leur temps et leur argent à des im-bécilités.

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Mais bon, tout ça c'est tant mieux pour nous, Ah!Ah!Ah! Car dans le cas contraire, nous aurions été bien malheureux de nous partager le festin en 15, alors qu'il aurait pu faire la fortune et le bonheur d'un seul ou de deux au maximum. Heureusement que la nature a bien fait les choses et qu'elle n'a pas donné à tout le monde des yeux de lynx et même je dirai de l'intelligence. (Ah oui?). Mais c'est fou, comme j'ai pu me faire de blé avant la crise, de vraies couilles en or, j'vous le dis et grosses comme ça! Mon propriétaire avait alors accompagné son expression par un geste qui était selon moi très très déplacé et même je dirai assez obscène vu la dimension de son geste. Mais pour qui se prenait-il, ce type là? Et puis gras comme il était, j'avais du mal à le croire tout à fait. Mais je le laissais parler malgré son déballage fantasmagorique qui, en vérité, m'occupait même si j'en prenais plein la poire! Mais convenons ensemble, monsieur, qu'avant la crise c'était le bon vieux temps, n'est-ce pas? (Non !). Comment, non? (Non!). Mon propriétaire ne semblait pas en croire tout à fait ses oreilles par ce qu'elles venaient d'entendre et ses yeux se mirent tout à coup à rouler énergiquement au fond de leurs orbites comme deux planètes affolées par un vide sidérant. J'y avais été un peu fort, c'était évident. Mais pensait-il qu'il pouvait tout se permettre parce qu'il était riche? Non mais! Je profitai de l'occasion pour allez boire un verre d'eau au fond de la cuisine où un petit renfoncement me permettait de me cacher et surtout de ne plus le voir tellement il me dégoûtait. Même caché dans mon coin, je l'entendais se parler à lui tout seul; il était vraiment fou et je faisais bien sûr durer le plaisir, Ah!Ah!Ah! Bigre, de bigre, de bigre! Mais comment ont-ils fait pour rafler aux dernières élections plus de 70 des voix, ces gens là? Il y a sûrement un coup fourré la dessous, hum, hum, et il est fort possible que ces nouveaux dirigean-ts veulent tout simplement notre ruine personnelle. Hé hé, pas si bête l'animal! Tout ça pour nous piquer ensuite nos biens immobilers et peut-être notre épargne? 

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Ces hommes politiques, ce sont tous des malins. Car en nous imposant ce plafond locatif de 200 euros par mois pour un 35 m² toutes charges comprises, ils savent très bien à quoi ils veulent en venir..et que cette misérable somme de 200 euros ne couvrira jamais les frais d'eau, de gaz et d' électricité ainsi que les frais d'entretiens et de désinfections qu'il nous faut compter pour chaque appartement et par mois. A cette allure où vont les choses, j' pense qu'en moins de 2 ans tout mon patrimoine, celui que j'ai acquis en 30 ans avec ma femme Germaine, sera très certainement entre leurs mains et tout ca me dégoûte! Oh ils ont  pensé à tout et leurs amis n'attendent que le signal pour nous les racheter pour une bouchée de pain. Mais tout ça si c'est démoniaque de leur part, alors c'est quoi exactement? Le gros me faisait vraiment très très peur, car je ne comprenais rien à ce qu'il disait. Je n'arrive même plus à joindre les 2 bouts! et la semaine dernière, j'ai eu presque honte de moi, quand mes amis de la jet set m'ont appelé pour allez faire avec eux une petite partie de golf à l'exellesior : petit parcourt de 24 trous. Ah misérable que je suis devenu, car j'ai dû refuser leur invitation leur prétextant un emploi du temps surchargé ou quelque chose comme ça. Mais moi, je pense sincèrement qu'ils ne m'ont pas du tout cru. Et puis comme ils lis-ent eux aussi les journaux économiques, ils ont dû voir que l'immobilier étant en mauvaise passe actuellement, avec toutes ces lois de réquisitionnement, ils ont dû en conclure que j'étais un ho-mme fini, bref, un ancien riche! Peut-être l'ont-ils fait exprès de me téléphoner et uniquement pour se moquer de moi? C'est fort possible. Et comme je les connais, toujours prêts sur le terra-in de golf à se moquer des pauvres et à en rire sans vergogne, j'parie que je suis devenu sur le ga-zon vert de l'exellesior, le nouveau thème à la mode. Et me passer en ce moment à la moulinette en accusant mon manque de clairvoyance dans les affaires tout en buvant leur whisky écossais. Merde, j'ai bien peur qu'ils ne me rappellent plus jamais, ça c'est vraiment la poisse!

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Espérons seulement qu'aux prochaines élections les choses changent pour nous et que l'état de crise sera levé. Le parti populiste est vraiment fou de nous imposer ce cas de force majeur pour une simple crise économique qui est mondiale, selon moi. C'est de la pure démagogie qu'ils nous tiennent là! Oh hé, monsieur, mais vous en mettez du temps pour boire un verre d'eau! J'a-vais la réelle impression, en entendant sa voix granuleuse m'interpeller à travers la cuisine, que mon propriétaire voulait me cuisiner à feu doux. Mais pour quelles raisons? J'en savais rien en m'attendant bien sûr au pire. Pour en revenir à ce nous disions auparavant, monsieur, il parait que la vie qu'ils mènent là bas n'est pas du tout drôle. Vous vous rendez compte, ils vivent dans des sortes de dortoirs où ils n'ont pour ainsi dire aucune vie privée. Brrr, ça doit être terrible de vivre avec sa famille au milieu de tant de promiscuité, n'est-ce pas? Mais bon, comme vous viv-ez tout seul dans un appartement, tout ce je peux bien vous raconter ne peut que vous laissez indifférent, n'est-ce pas, jeune homme? Si, si, vous allez pas me dire le contraire? Vous vivez bien dans mon appartement, non? (mon propriétaire était bien un salopard!). Et pour être com-plet avec vous, monsieur, je vous dirai franchement que tous ces hommes et toutes ces femmes avec leurs enfants en ont sûrement plus besoin que vous! (j'étais bien sûr au bord de l'asphyxie générale!). Vivre ici serait considéré par ces honnêtes gens comme un retour à la vie normale. Et je pense aussi, sans me tromper, qu'ils en feraient un palais et non un dépôt comme le vô..heu? Ah! Ah! Monsieur Régis, vous qui me semblez vivre ici en parfait célibataire et très heureux de votre état, je m'étonne de vous voir faire aucun effort pour améliorer votre habitation. L'hygiène, c'est quant même important dans la vie, non? Vous devriez y réfléchir avant qu'il ne soit trop tard pour vous. Je sais que les temps sont dures pour tout le monde. Mais jeune homme, réve-illez vous, avant de sombrer dans la m..eu! Mon dieu, qu'est-ce que j' voulais dire?

J'étais très mal pour ne rien vous cacher et voulus à ce moment là disparaître sous terre. Mais il se reprit en me disant : Je sais bien qu'il n'y a pas de douche dans l'appartement, mais vous pou-vez toujours vous renseigner auprès de la mairie qui, m'a-t-on dit, distribuait des coupons de bains de douches aux plus démunis. Tenez, je vous laisse le petit dépliant sur la table en espérant que vous le lirez. Une fois de plus, je me demandais si mon propriétaire ne se moquait pas de moi? Je pense sincèrement, s'il y avait eu une bouteille sur la table à ce moment là, que je lui au-rais bien cassé sur la tête. Mais par chance pour lui, ce jour là, aucun objet contondant ne traînait sur la table. Bref, il avait eu comme bien de la chance, mon propriétaire, même je dirai qu'il avait de la chance tout cours dans la vie.

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Il possède dans l'immeuble pas moins de 6 appartements, m'a-t-on dit. Et c'est lui même qui les avait retapé avec l'ensemble de ses frères. Un bruit courait aussi dans ces lieux de damnés qu'il les avaient fait tous travaillé " au noir " et qu'ils étaient au moins 20 dans la famille. Vue l'illég-alité de la chose, je pouvais facilement deviner que tout ceci pouvait donner à pas mal d'inactifs dans l'immeuble, le temps d'occuper leur journée. Car depuis le début de cette crise économique, le nombre de chômeurs avait considérablement augmenté même je dirai un peu partout. Et que beaucoup d'entre eux étaient prêts, selon moi, à enquêter quotidiennement sur ces gens qui viv-aient chichement en profitant du système et s'en mettait plein les fouilles, ce qui était assez im-moral comme vous le conviendrez. La dénonciation à la police en serait alors la fatale issue, ce qui pouvait aussi sous un autre aspect beaucoup moins noble faire naître des vocations, vous voyez ce que je veux dire, mon cher lecteur? Ah!Ah!Ah! Mais pour ne rien vous cacher sur mes propres idées et malgré ma situation économique catastrophique, jamais de la vie, je ne voudrais manger de ce pain là en étant très méfiant à l'égard de mes voisins de palier. Et puis je sens com-me par instinct qu'il est fort possible, après avoir fait le travail à leur place, qu'ils me dénoncent tout simplement à la police en m'accusant de haute trahison dans la vie courante afin de se déba-rrasser de moi et de tous les migrants que j'aurai pu soi-disant abriter ou favoriser la fuite en les cachant chez moi. Le vice est sûrement dans leur peau et la crise économique ne le ferait alors que remonter à la surface. Ils attendent sûrement une erreur de ma part, c'est que je ressens de-puis ces derniers temps dans l'ambiance morbide de mon immeuble. Je pense qu'à partir d'aujou-d'hui, je vais faire très attention à la moindre de mes paroles avec ce genre de personnes et surto-ut ne pas me mêler de leurs affaires qui pourraient à l'avenir devenir de vraies sources d'emmerd-ements. J'ai comme l'impression, en me parlant de cette façon si peureuse, que je commence à délirer sur ma propre situation qui est déplorable, ne nous le cachons pas.

Personnellement, je trouve cette situation tout à fait injuste pour moi, car ce n'est pas parce que je n'ai plus de travail donc plus de sous que je ne dois plus exister socialement! Non, tout ça, c' est pas normal. Des jours, j'ai la folie de croire que je pourrais revenir à des temps plus anciens, comme quand je travaillais à la pizzeria Carboni. Mais ne nous voilons pas la face car j'y étais très mal payé. Mais aujourd'hui avec du recul, je ne peux dire qu'une chose, c'est que malgré mon exploitation légale par mon ancien patron, ce travail me donnait ni plus ni moins une raison de me lever le matin! Hé oui, c'est con de le dire comme ça, mais c'est pourtant la vérité! Et mai-ntenant que je ne fais plus rien de mes dix doigts, je reste pratiquement couché toute la journée dans mon lit à grignoter des cacahouètes et à lire des magazines qui m'abrutissent complèteme-nt. Comme tous ces ramassis de mensonges : Le temps de vivre, Honneur et Patrie, Paris brûle t-il? Paris attrape moi! Le Grand VPD, Bip! Bip! La Cassolette d'Ivry, Le pied dure, La main verte et bien d'autres. Bon, puisque nous en sommes là, aux journaux, je voudrais moi aussi lancer un avis de recherche à travers mon journal intime en vous demandant si parmi vous il y avait quelq-u'un de courageux pour nous sortir de tout ce péril, bref, de cette inculture généralisée? Aidez- moi, je vous en supplie!

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Moi, ces journaux et magazines, je ne les achète jamais, car j'ai du mal à comprendre qu'on pui-sse payer pour lire tout ce ramassis de mensonges. Même si vous pensez que je ne suis un hyp-ocrite, je vous clouerais le bec en vous disant que je vais les chercher gratuitement aux presses des batignolles qui ne sont qu'à 300 mètres de la Croix donc tout près de chez moi, voilà pour l'explication. Là bas, je connais un homme bon qui me les donne gratis, c'est monsieur Bonni-ace qui est chef syndicaliste dans ces mêmes presses mais aussi à la ligue communiste révolutio-nnaire. Étant donné que je ne peux y aller qu'une fois par mois, je lis bien sûr les nouvelles avec 1 mois de retard, sauf bien évidemment, les journaux quotidiens dont j'arrive à lire ceux de la veille. J'ai lu le mois dernier qu'un certain monsieur Gobel, un Allemand je crois, avait obtenu le prix Nobel de chimie et de la paix en même temps pour avoir réussi à multiplier d'une façon miraculeuse les cellules de pain dans une éprouvette. Et ses travaux avaient été couronnés de su-ccès par la fabrication dans son laboratoire de 3 miches de pain pesant chacune 1 kilo pièce! Cet honorable savant prévoyait avec l'aide de dons privés ou publics( il n'en voyait pas l'inconvénie-nt) de lancer dans les mois prochains une fabrication industrielle de ce pain dit nouveau. D' après les scientifiques et du monde entier, nous entrions dans une nouvelle ère économique qu'il nous fallait surtout pas manquer, car nous tenions enfin entre les mains la solution d'éradiquer une bonne fois pour toute la faim dans le monde! Ceci n'étant bien sûr qu'une question de temps peut-être d'un an ou deux au maximum. Pour sauver la faim dans le monde, envoyez vos dons au Professeur Gobel, 15 streect in the pocket 58354 JERSEY.

Surpenant, non? J'ai lu aussi dans un autre journal, disons plus politique, que les écologistes éta-ient très heureux de voir la pollution diminuer dans les grands centres urbains grâce à cette crise qui n'en finissait pas, en nous faisant consommer moins d'énergie, mais se voyaient d'ici 1 an ou 2 eux aussi rendus au chômage! Ils en appelaient le gouvernement à venir les consulter afin d'ét-ablir avec eux, un nouveau plan sur le réquisitionnement de l'essence et de sa répartition jugée par ces derniers comme un enjeux de haute importance( non pas seulement électoral) entre les différents secteurs de l'industrie, de l'armée et des nouvelles forces de sécurité urbaines. Ceci étant bien sûr un message adressé à nos élus, comme le signalait à la fin de l'article : Le comité de soutient pour la sauvegarde des emplois écologiques. La presse d'aujourd'hui est vraiment très étrange, non? Pour revenir à mon bon monsieur Bonniface, je n'arrive toujours pas à compr-endre pourquoi il me couve autant. Et quand il m'entraîne dans son bureau, sort de son tiroir une photo de Karl Marx et la baise sous mes yeux. Quelle étrange attitude! Tous les gens qui tra-vaillent seraient-ils tous comme lui? Lui avait raison! me disait-il alors d'une façon fort émue. Et s'il revenait parmi nous aujourd'hui, oh, oh, oh, il enverrait balader tout le capitalisme fran-çais et son big brother américain dans l'décor tel que je le connais! Moi personnellement, je ne savais pas du tout s'il parlait de l'histoire avec un grand H ou bien de la dernière comédie mus-icale qui se jouait depuis 3 ou 4 semaines à la bourse du travail de la Villette : Carl Mars et les Big brothers dont la télé et les journaux nous parlaient à nous crever les tympans tellement ça marchait pour eux. Mais moi ce qui m'intéressait, c'était surtout mes magazines que je voyais à chaque fois posés à la même place sur une chaise en face de son bureau dont il avait ficelé l'ense-mble avec de la vraie corde de chanvre, comme à l'ancien temps. Cette belle intention me faisait énormément plaisir, car ce paquet de mensonges journalistiques, si bien ficelé, c'était bien sûr une marque d'amour!

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C'étaient aussi des invendus qu'il me donnait là gratuitement et c'était assez lourd à porter. Mais je les portais sur mes épaules, comme j'aurai pu porter une cagette de fruits ou de légumes et c'était bien moins lourd de cette façon. Quand j'arrivais à la porte de l'usine, je m'asseyais sur un petit banc en pierre qu'il y avait là et je m'allumais une cigarette. Et tout en la savourant dans l'air encore frais de la matinée, je regardais avec un certains plaisir l'agitation qu'il avait autour de moi: des camions qui rentraient et qui sortaient de l'usine et des poignées de mains que les ca-mionneurs se donnaient chaleureusement me rappelant mes anciennes amitiés professionnelles à la pizzeria Carboni. Je voyais aussi leur bonheur d'être arrivé à l'heure pour le chargement ou le déchargement et la joie aussi d'aller manger ensemble à la cantine. Il était vers les midi et moi aussi je souffrais de la faim et de bien autre chose. Mais une chose particulièrement me réchau-ffait le coeur, c'était de savoir, lorsque j'arriverai chez moi, que j'y mangerai à la même heure que tous les hommes de la terre! Quand il n'y avait plus rien d'intéressant à lire dans ces fichus magazines et qu'il n'était pas encore trop tard pour sortir, j'allais faire un tour au parc de la tête d'or. Non pour faire, comme ces grands guignols, du sport auour du parc(ô doux seigneur, ayez pitié pour eux!), mais pour rendre visite à mes chers amis les animaux qui étaient enfermés un peu comme moi dans leur cage. Mes préférés étaient les ours, car je leur trouvais quelque chose de beau et de noble à ne vouloir strictement rien faire comme les autres (quand ils vivaient à leur état naturel, bien évidemment) et non comme ils vivaient actuellement dans nos tristes zoos où ils étaient enfermés dans des conditions infectes. Mercredi dernier, j'ai pu voir de mes prop-res yeux que la cage aux ours n'avait pas été bien nettoyée en voyant mes animaux nager presque dans leurs excréments! C'était si insoutenable que je faillis appeler les services vétérinaires de la ville afin de les alerter pour ce cas de négligence notoire de la part de ces soi-disant vétérinaires et amis des animaux.

Constatant cela, j'avais poussé ma réflexion jusqu'à faire le tour des autres cages afin de voir s'il y avait de réelles différences de traitement selon qu'on était ours, lion ou singe. Et la surprise fut bien au rendez-vous en découvrant à mon grand dam! que les cages les mieux entretenues étaient dans un ordre qui me surprit peu à vrai dire. En premier, celle des singes, en second, celle des li-ons et puis tout en dernier, celle des ours. J'étais horrifié de voir par mes propres yeux, le triste constat que mon intuition m'avait induit comme par télépathie. Et ma conclusion fut vite tirée : Oui, il existait bien des injustices sociales au sein même du zoo où les singes, à les voir courir et jouer dans leur cage avec enthousiasme, ressemblaient à de vrais enfants gâtés où ils avaient le poil bien brillant avec presque de l'embompoint et tout ça à cause de cette soi-disante parenté avec l'Homme. Bref, une parenté à laquelle je n'ai jamais cru, mais bon. Un peu plus loin, dans une cage rafistollée avec du fil du fer, je trouvais des lions qui ne rugissaient même plus quand on s'en approchait, mais vous regardaient tendrement à travers leur cage! J'étais véritablement furieux de constater, là sous mes yeux, le triste résultat de la captivité sur le roi de la jungle : un animal sauvage que l'Homme avait réussi à transformer en gros chat inoffensif. Cet exemple me montrait avec une grande cruauté ce dont l'Homme était capable, c'est à dire de pouvoir capturer n'importe quel animal sauvage et ensuite de l'enfermer dans une cage afin qu'il ne nuise plus jamais aux Hommes. Mais alors que dire de cet Homme sauvage qu'il y avait en chacun de nous dont la seule envie était de détruire la société bien-pensante?

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Son sort serait-il si différent que celui du roi de la jungle? Non certainement pas, j'en concluais amèrement. Très à l'écart des autres cages se trouvait celle des ours qui semblait laissée à l'aban-don et leurs occupants comme mourir d'ennuis de ne plus pouvoir grimper aux arbres quand ils le voulaient ou bien d'aller pécher le saumon sauvage au bord d'une rivière tumultueuse. Ils hi-bernaient même plus l'hiver et avaient des horaires comme tous le monde et se levaient à heurres fixes, alors que ce n'était pas du tout dans leur nature et ils en étaient malades en le voyant de mes propres yeux. Ce qui me causait véritablement de la peine de les voir si malmenés par les êtres humains et ceci jusqu'à perpette les oies! Je ressentais alors pour eux une véritable compas-sion qui me faisait douter sur le sens même de notre humanité et j'avais honte moi aussi d'être un homme. Car de toute cette humanité (qu 'il m'est permis de voir et d'entendre à travers les journ-aux, la télé et tous les racontars qui piaillent derrière mon dos dans mon quartier), je ne peux ressentir pour elle qu'un profond dégoût, et plus particulierement, pour tout ce que l'Homme est capable de faire pour soi-disant sauver l'humanité en allant sur la lune y poser un pied ou bien participer aux jeux olympiques d'Athènes, du Mozambique ou de Pékin pour y gagner régulière-ment des médailles d'or, d'argent ou de bronze! Bah, tout cela m'indiffère et m'écoeure à outre mesure, puisqu' aujourd'hui, je n'ai plus goût à rien. J'ai comme l'impression dans ma petite vie que tout se confond et que plus rien n'a de véritable sens. Et si je le dis, ce n'est pas seulement pour me plaindre de cette triste vie que je mène ici à la Croix, non. Mais bien pour essayer de comprendre pourquoi j'en suis arrivé à cet état de déchéance humaine qui me fait haïr aujour-d'hui le monde entier et mes semblables qui y vivent à la sauves-toi de là que je m'y mette! C'est évident que tout ceci pourrait faire peur à pas mal de gens que je sois devenu en si peu de temps, une sorte de monstre anonyme.

Mais rassurez-vous, personne ne le sait, puisque je me meurs ici à la Croix à l'ombre des vivants. Ca y' est, vous êtes rassuré? Et puis comme je me sens un peu mieux aujourd'hui et qu'il me se-mble entendre quelques crépitements d'étincelles à l'intérieur de mon petit cervelet, je pense que je vais dès maintenant entreprendre un long travail sur nous même qui sera de déchiffrer l'énig-me de notre vie. Puisque de toute façon, il nous faudra bien sauver quelque chose de nous même afin d'atteindre cette postérité dont mon coeur aspire ardemment l'écueil : postérité qui ne dépen-dra que de nous même et non de mes tristes et cruels contemporains. Je suis fou! me dites vous. Oui, je le sais bien. Mais ai-je bien le choix? Et puis tous mes problèmes ne viennent-ils pas de là? Encouragez-moi plutôt dans cette nouvelle démarche que de m'accabler de souffrances préo-pératoires. Avant de faire mon examen de conscience, je placerai le procès que j'ai eu à l'encont-re de monsieur Carboni, comme quelque chose d'anecdotique en ne s'agissant que d'un signe av-ant coureur de cette déchéance. En remarquant que tous mes actes, qui ont été plutôt ratés dans la communauté humaine, ne l'ont pas été par le seul fait de ma personnalité( qu'on pourrait dési-gner de fantasque ou d'étrange), mais aussi par cette société que je nommerai d'inhumaine qui devrait elle aussi passer au ban des accusés. Car pour vous dire toute la vérité, je ne me sens pas le seul coupable dans cette triste affaire et vous allez comrendre pourquoi.

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Mais tout d'abord remontons le passé, si vous le voulez bien. Si mes souvenirs sont bons, je me souviens d'une époque assez surréaliste pour nous où tous les médias français nous tenaient qu-otidiennement un discours qui m'hérissait souvent le poil. Le thème tournait à chaque fois sur le monde du travail et, plus précisément, sur l'exploitation de l'Homme par l'Homme en temps de paix en comparaison avec le travail forcé que les vainqueurs imposaient aux vaincus durant les guerres du passé où le travail était pénible puisque non rémunéré. Mais en temps de paix que devenait-elle au juste la rémunération? Bref, c'était la grande question qu'on débattait au cours de l'émission où des intervenants anonymes demandaient aux personnalités présentes pourquoi on continuait d'être si mal payé en France, alors que la guerre était terminée et que la prospérité économique ne demandait qu'à nous enrichir et à nous élever dans l'échelle sociale? Bizarreme-nt, on aurait pu penser que cette question allait mettre à mal nos vieux hommes poitiques, qui étaient installés au pouvoir depuis 30 ans, mais au contraire  prirent la parole et ne la lâchèrent plus. Puis comme dans une ritournelle diabolique( qu'on connaissait pour l'avoir entendu un millier de fois à travers nos petits écrans), ils nous parlèrent amoureusement du Général de Gue-ule qui avait combattu l'ennemi fasciste et nazi au péril de sa vie durant la dernière guerre. Et sans le moindre kopeck en poche avait réussi à libérer la France des envahisseurs. C'était bien sûr un héros que la jeunesse française devait prendre pour modèle pour les temps à venir et non comme idéologie l'argent, comme elle semblait s'y précipiter avec avidité. C'était bien pensé, m-ais personne n'y croyait tout à fait en louchant sur le beau costume du ministre des finances qui valait au moins 2000 euros et de sa bague en or, n'en parlons pas! Son collègue et ami personn-el, le ministre des affaires extérieures avait, bizarrement aux pieds, des chaussures en croco que le cameraman montrait à chaque fois que celui-ci parlait de la misère qu'il avait vu à l'extérieur de notre beau pays. Bref, tout le monde semblait un peu gêné par ce caméraman qui était à l'évi-dence une sorte de bolchevique camouflé en technicien audiovisuel.

C'était bigrement intéressant de voir que tout notre passé n'était pas mort en vérité et qu'il pouv-ait ressurgir à tout instant au cours d'une émission de la télévision française. Mais que se passait-il exactement en France, je me demandais? Mais comment pouvait-on parler de la sorte aux jeu-nes générations en utilisant des arguments qui dataient de la deuxième guerre mondiale? A qu' elle époque vivait-on exactement? Tous ces doutes commençèrent à s'installer dans ma tête avec la furieuse envie que quelqu'un intervint pour remettre les choses à leur place et chasser de nos esprit les fantômes de notre passé que nos vieux hommes politiques et leurs descendances perpé-tuaient jusqu'a la fin des temps. Malheureusement aucun sauveur ne se présenta au cours de l'é-mission et je dus écouter la suite du discours officiel forcément inerte de vie et d'avenir aventur-eux pour notre jeunesse. Le ministre du travail prit alors la parole et clama presque son poème à la jeunesse. Ô jeunesse, Ô beaux bras, Ô Belle figure de nos 20 ans! Vous êtes la force rugissan-te de nos jours radieux.Vous êtes la jeunesse que je n'ai point eue, puisque la guerre! Vous vous croyez malheureuse, ô jeunesse. Mais votre chance est bien celle de vivre en paix! Vivre en paix, comme c'est divin! Cela chante comme le matin, cela sent bon comme le bon pain. Je sais que vous doutez de votre force, Ô jeunesse, Ô beaux bras! Mais aimez-nous comme nous vous aim-ons, je vous en supplie! Je sais que votre insouciance l'emporte souvent au grès du vent et de l'argent. Mais pourquoi pensez-vous que l'argent fera votre bonheur, alors que c'est la France qui demande votre sang! Ô jeunesse, Ô beaux bras, c'est votre jeunesse que j'aime et que je veux!  

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Aussitôt de grands applaudissements retentirent dans le studio de télévision où il semblait que le ministre du travail avait réussi son coup de com' en renvoyant toute la jeunesse au travail, puis-que même les fauchés et les banlieusards avaient applaudi au poème guignolesque du ministre. J'avais presque honte pour eux en ne se doutant pas qu'ils avaient été tous pris pour des cons. Mais bon, la pilule était passée sans le moindre mal. C'est peut être cela l'insouciance de la jeu-nesse, non? Je savais bien que le monde politique s'en mettait plein les fouilles sur le dos de la jeunesse et que cette pratique ne changerait pas du jour au lendemain. Merde, on avait pas bougé d'un chouia depuis la 2 ème guerre et c'était une véritable poisse qui s'était abattue sur nous! je constatais avec amertune. Ainsi grâce à mes reflexions issues du petit écran, j'avais pu donner une dimension quasi-philosophique à notre petite existence et que nous devrions en baver pour au moins 50 ans. Une petite lueur d'espoir s'ouvrit à nous quand les spécialistes prirent à leur tour la parole pour nous dire qu'ils étaient temps de sortir de la guerre, car on ne pouvait pas continuer de la sorte, n'est-ce pas? Bizarrement à ce moment là, il y eut une panne de courant sur le studio qui se trouva soudainement plongé dans l'obscurité. On entendit alors surgir d'un peu partout comme des cris et des bruits bizarres de chaises renversées ou brisées? et des protestati-ons d'une extrême violence. Le micro du journaliste, qui était par chance resté ouvert, rendait à merveille l'ambiance survoltée qu'il y avait sur le studio et qui me réjouissait plutôt pour ne rien vous cacher. Enfin, je trouvais que la télé remplissait véritablement son rôle auprès du service public qui était de rendre le plus vivant possible notre société française où la vraie vie démoc-ratique avait disparu depuis 30 ans. Enfin, la vraie vie réapparaissait sur les studios de la télévi-sion française. Mon dieu, quel bonheur d'entendre à nouveau les gens se disputer et se quereller en direct aux oreilles de la France toute entière même si l'image manquait à la scène! Toute la société française était d'une certaine façon enfermée à l'intérieur de ce petit hublot de verre et réglait ses comptes personnels. Ma joie malheureusement ne dura qu'une courte durée, car le journaliste, qui s'était aperçu que son micro fonctionnait toujours, se mit tout à coup à crier ces mots d'une rare violence journalistique.

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Allô, Cognacq Jay?Allô, Cognacq Jay?Coupez tout! AAAH! Non! Non, pas ça, Salaud! Non, tu ne m'auras pas! BROWM! Une grande émotion envahit aussitôt mon petit chez moi avec l'impre-ssion d'être traversé par un courant électrique qui me galvanisa les muscles fessiers pendant une fraction de seconde! Bref, je souffrais donc j'existais, je me disais en me sentant moins seul. L' écran, qui était resté noir durant 2 ou 3 minutes, s'éclaira à nouveau où il apparut le beau visage d'une speakerine qui avec un grand sourire annonça la suite du programme. Mais ne pouvant retenir son émotion, lâcha : Ouf, il était temps pour nous de reprendre l'antenne, Hi!Hi!Hi! Oh excusez-moi, Messieurs, Mesdames, Hi!Hi!Hi! Reprenons notre sérieux, ma petite Denise! lâcha t-elle sournoisement comme pour se remettre de ses émotions. Puis elle fit son annonce : Messi-eurs et Mesdames, afin de continuer notre programme dans la joie et dans la bonne humeur(com-me vous l'avez sûrement remarqué), hi! hi! hi! Voyons ma petite Denise! La direction des progra-mmes a décidé suite à cet incident technique de changer le programme de ce soir et de mettre à la place de notre feuilleton habituel( le grand vent), un western de John Ford dont le héros principal (un certain John Waine) allait une nouvelle fois nous prouver son courage ainsi que sa virilité en sauvant du massacre horrible des indiens toute la population qui était retenue derrière les murs du Fort Alamo. Ces sauvages avaient, parait-il, l'intention de scalper tous les hommes blancs et de violer leurs femmes qui se trouvaient à l'intérieur du Fort. Ce film étant d'une rare violence est bien sûr interdit aux enfants de moins de 8 ans. Nous espérons que les parents suivrons ce co-nseil et qu'ils enverrons leurs petits bambins au lit afin de les protèger contre la violence télévis-uelle. Ceci étant un message de notre conseil des sages. Quant aux autres, ils pourront regarder ce film sans danger, puisque de toute façon notre héros venant d'Amérique allait sauver tout ce beau monde pour notre plus grand plaisir de téléspectateurs.

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Messieurs, Mesdames, il est temps pour moi de vous souhaiter une bonne soirée sur notre chaî-ne. Allez, bon film! Ainsi se termina l'émission. Mais pour ne rien vous cacher, tout ceci me ren-dit plutôt furax même je dirai très très méchant. En voyant désormais monsieur Carboni en une sorte d'Hitler ou de Mussolini qui avait pu grâce à son intelligence tromper les Américains et les Russes en se métamorphosant en patron capitaliste qui prospérait tranquillement dans sa bouti-que à faire des pizzas aux anchois! Je tombais des nues bien évidemment, puisque la guerre n'av-ait jamais cessé sur notre vieux continent européen et qu'elle ne faisait que continuer d'une autre façon. Et que dans cette sordide affaire, j'allais être une nouvelle victime, non de guerre, mais de paix. Bien évidemment, j'étais totalement contre et on pouvait parfaitement le comprendre après tout ce qui s'était passé d'horrible sur notre vieux continent. Pour traduire en langage d'aujour-d'hui, j'étais un con qui me faisait démocratiquement roulé en temps de paix! Voilà où se trou-vait mon état de conscience, ce qui n'était déjà pas mal pour un pauvre issu des quartiers défa-vorisés, n'est-ce pas? Je ne voulais donc plus être exploité par ces nouveaux dictateurs et leurs soufifes, c'est ce que je me disais. Mais je me demandais si pour autant je devais en faire une révolution? Et seulement pour me dire que j'avais raison? Je n'avais pas bien sûr la réponse. Car les boudistes me disaient de faire ma révolution en silence sans déranger mes voisins. Les chré-tiens m'encourageaient à donner le peu d'argent que j'avais pour être enfin heureux. Les musul-mans de faire beaucoup d'enfants et de ne pas m' inquièter, car la révolution viendra d'elle même. Les juifs de partir de la France puisqu'il n' y avait plus d'affaires à faire. Les bandits de conduire leur auto pour un braquage. Mon dieu, quelle époque! et je devins fou en peu de temps. Ma stra-tégie se trouvant ainsi tracée, je prévoyais qu'à la moindre bévue ou humiliation, j'intenterais alors un procès contre mon patron qui n'en serait informé qu'à la dernière minute (pour lui éviter de m'assassiner au cas où il en aurait l'idée). Car j'avais lu dans le magazine "Paris brûle-t-il?" aux pages des faits divers un cas qui m'avait fortement impressionné. Il s'agissait de l'histoi-re d'un petit vol à l'étalage qui avait fini en triple meurtre!  

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Il fallait donc être très prudent avec ce genre de Mussolinien déguisé en chef d'entreprise qui me faisait parfois un peu peur, quand il me posait ses grosses mains cramoisies sur mes épaules comme pour m'impressionner. Et par un formidable hasard, ma stratégie se trouva comme parac-hevée par une émission de télé où l'on nous disait que l'on pouvait devenir riche en portant tout bêtement plainte pour n'importe quoi. Tout ça se passait, bien évidemment, en Amérique et que ça allait bientôt arriver en France et le bon moment pour en profiter. Une semaine après vint mon accident du travail et je profitai de l'occasion pour porter plainte contre mon patron, afin qu'il crache tout son pognon. Je pensais sincèrement que j'allais gagner gros avec tout ce qu'on m' avait raconté. Et bien que je gagnai mon procès, une chose gâcha mon plaisir, c'est la somme mi-sérable que je reçus comme dommage et intérêt, c'est à dire 50 euros! J'étais bien évidemment effondré. Franchement, avec tout ce qui m'arrive aujourd'hui, je pense que j'aurais dû plutôt lui cirer les pompes à mon Mussolinien de patron que de l'envoyer aux assises populaires. Quelques semaines plus tard, j'appris dans le magazine " Que fait la police?" à propos de son affaire que le parquet l'avait envoyé directement en prison suite à une fouille minutieuse que la police avait opérée dans les sous-sols de sa boutique où elle avait retrouvé la totalité de son magot, soit 1 million d'euros que cet imbécile avait caché dans un vieux four à pizzas soi-disant hors d'usage. Oh le salaud, alors qu'il me payait une misère! C'est bien fait pour lui! La police et la justice av-aient déclaré aux journalistes qu'ils avaient dû utiliser le burin pour aller chercher ces millions étant donné que le propriétaire avait bouché le four avec de la vraie pâte à pizza qui avec le tem-ps était devenue de la vraie pierre!

Les policiers avaient dû enfiler le bleu de chauffe et s'y étaient donné à coeur joie en découvra-nt, après 3 jours d' éfforts, le magot de monsieur Carboni. Emportés par leur découverte, ils déc-larérent à la presse qu'ils garderaient son magot afin de renflouer leurs caisses respectives qui était souvent vide au fait que le gouvernement ne voulait plus les renflouer pour des raisons de grosses avaries sur les navires de la marine marchande. Le gouvernement avait répondu par l'in-termédiaire de son ministre de la justice, monsieur Justin Brisetout, qu'il ne voyait pas d'incon-vénient à se servir directement à la source des profits. Mais que ces sommes devaient être resti-tuées à la nation par l'intermédiare de taxes judicaires. Le ministère des finances, étant sur la mê-me ligne, avait dit qu'il n'y voyait pas non plus d'inconvénients. Le ministre avait dit d'accord. Vraiment incompréhensible tout ça, non? Bien sûr que j'étais moi aussi coupable d'avoir coulé son entreprise et entraîné sa faillite personnelle, je ne vous dirai pas le contraire. Mais moi, j'en savais rien de tout cet argent qui dormait sous nos pieds, merde! Il me semble bien que j'en paye aujourd'hui les pots cassés, ça c'est évident. Car il faut dire avant cette crise que la vie était nor-male pour moi en sachant parfaitement ce qu'allait être ma journée, c'est à dire occupé à faire la fortune de monsieur Carboni! Et bizarrement, j'en étais presque heureux même si je savais que c'était pour me payer bien maigrement après, je ne vous le fais pas dire. Mais aussi pour moi une sécurité d'esprit qui m'évitait de trop penser sur le véritable sens de notre vie. Car maintenant que je connais la vérité sur nous-mêmes, qui est d'une simplicité déconcertante à faire exploser de rire les singes du Zimbabwe, je sais que je suis un nul et que je le resterai jusqu'à la fin de ma vie!

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Que vous dire d'autre, mon ami, sinon que tout cela me fait horriblement mal de le savoir et bien malgré moi, comme vous l'auriez compris. En fait, mon ancien état d'esclave me manque terrib-lement aujourd'hui, ne nous le cachons pas, comme 75% de la population. Et j'en pleure de rage tous les soirs dans mon lit devant la télé où ils nous font voir( ces journalistes à la gomme) la vie des gens dont le bonheur n'a été qu'effleuré par la crise économique. Il m'est arrivé une année (pendant l'année des dragons en 2007) de rester enfermé tout l'été chez moi en ne regardant que la télé et rien que la télé. Je regardais alors les vacances des autres, celles des privilégiés qui se doraient au soleil sur des yatchs ou tout simplement sur du sable fin où la mer était bleue et l' écran aussi. Bizarrement, tous ces gens avaient l'air de sournois hypocrites en ne faisant que ma-ter les fesses de la petite cousine de l'oncle Germain qui était venue en vacances pour soi-disant recharger les batteries et de respirer l'air marin. Plus hypocrite que ça, je ne connais pas, Ah!Ah!Ah! Mais bon, après tout, c'est leur vie, n'est-ce pas? Et ils s'étaient tous passés le mot pour pa-sser incognito en portant pour la plupart de grosses lunettes noires, afin de surprendre leur proie sans se faire démasquer. Ils les portaient en toutes occasions aussi bien sous la douche à la plage qu'au restaurant en décortiquant un homard Taiwanais ou bien avachis et rôtis sur leurs beaux transats bleus en faisant semblant de dormir, alors qu'ils rêvaient de s'envoyer en l'air la petite cousine. Ils s'écoutaient parler sans vraiment s'écouter, mais on savait pourquoi, hé, hé, les petits coquins! Et quand ils en avaient un peu marre de jouer à ce jeu là, ils s'éternisaient autour d'une table de restaurant à boire des boissons fraîches, cocktails ou jus de fruits aux consonances ext-ra-territoriales voires exotiques que personne n'avait jamais entendu le nom.

A les entendre, ils étaient les premiers à les goûter et bizarrement en critiquaient déjà le nectar en le trouvant un peu trop sucré, pas assez naturel d'après eux. Hé ben, voyons, pendant que vous y êtes, mes gars! Mais c'était déjà pas mal pour les plus intellectuels d'entre eux qui prévoyaient avec l'aide de leur amis nantis d'en faire une sorte de sujet de conversation qui durerait bien ent-endu tout l'été. Ils n'en voyaient pas l'inconvénient, se disaient-ils tous d'un air détaché. A part tous ces caprices de stars et ces comportements animals, qui ne me concernaient aucunement, j' avais parfois l'impression de m'identifier tellement à eux que je devenais eux et pas l'inverse, bien sûr. Et je sentais alors parcourir sur mon visage, la douce main d'une jeune femme qui s'ap-pelait bizarrement Pamela Anderson qui me caressait la peau d'une manière si divine que le sole-il semblait lui aussi me brûler la peau. Elle me demandait de lui faire l'amour et moi je ne lui di-sais pas non, bien évidemment. De ce rêve étrange, ô combien je faillis en faire en cette année du dragon une de ces insolations virtuelles et cathodiques! Quand j'avais eu ma dose d'émotion, je baissais le son de ma télé jusqu'à qu'il ne soit plus audible par le moindre de mes sens devenus sensibles à la moindre vibration, puis je me laissais tomber comme un enfant dans les bras de mon divan convertible où je me mettais à rêver beaucoup pour tout vous dire..et à bien d'autres choses, au silence enfin.

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Par la fenêtre de la cuisine, que je laissais souvent ouverte à ces heures creuses de la journée, je respirais à nouveau cet air frais adoucir mon terrible ennui et le soleil de l'après-midi réchauffer ma peau clairsemée d'étoiles imaginaires. J'emportais avec moi, sinon rien que tout l'attirail du parfait campeur troglodyte avec ce sombre espoir que l'image ne puisse tout emporter de nous-mêmes en me réfugiant dans les cavernes de notre coeur où, comme sur des cordes souples, je connaissais encore la bête aimant s'y rafraîchir les pattes et se dorer la tête au soleil. J'entendais très bien me parvenir de la cour d'en bas, tous les cris des enfants maigrichons où la peau encore blanche pointait déjà de belles côtes parfaitement humaines. Le ballon semblait faire de grands bonds et son bruit sec et bruyant nous aiguiser les sens en me laissant présager que leurs petits pieds fussent armées de grosses baskets américaines bien vilaines. Mais j'essayais de les imagin-er autrement avec de petits shorts trop larges et armés de bretelles mexicaines : cartouches ima-ginaires et révolutionnaires de l'âge tendre où de petites jambes malingres en sortiraient toutes vives pour faire, non la guerre, mais le tour de la terre, quitter leurs familles et tout le tralala qu-otidien afin de pouvoir vivre comme de vrais enfants libres, comme de petits oiseaux qui se raf-raichaient aux fontaines du ciel! Ce serait beau comme la vision idéalisée d'une enfance que je n'ai point eue, mais qu'il me faudrait un jour vous raconter quand les poules auront des dents ou quand les grands seront petits ou peut-être au bistrot du coin, ce qui serait pas mal non plus, n'est-ce pas?

C'est peut-être cela qu'il nous faudrait résoudre avant d'entreprendre la moindre rédaction de nos rêves en suspends! Et que nous importe qu'ils soient anciens ou nouveaux ces rêves, puisque nous n'en sommes déjà plus là! Attendons le talon d'Achille pour nous enfuir à reculons, vous le voulez bien? Attendons l'horreur boréale pour nous voir pousser des ailes Californiennes ou Tropéziennes? Mais qu'importe, car l'important pour nous, c'est la drôle, c'est la drôle! C'est la drôle de machine qui est la machine à bonheur qu'il nous faut tuer. C'est un peu cette télé, quoi! Cette maudite télé qui nous sert aussi bien à nous endormir qu'à nous réveiller. Et une véritable torture de ne plus pouvoir imaginer la vie autrement que par ce hublot de verre fabriqué en Chi-ne ou en Tchequie! Merde, y'en a marre, voilà tout! Y'en a ras la soupape de ce tribunal public qui nous accuse de n'être pas tout à fait comme les autres et de ne nous vouloir un autre bon-heur, hélas, un vrai! Non en verre, mais en terre pleine et charnelle, une vie quoi! O maître, notre bonheur serait-il enviable par les autres? Et si oui, suis-je coupable d'un crime que je n'aie point commis? Suis-je l'orange ou la pelure? Suis-je l'estragon de Catalogne ou bien le Nefertiti de la bourgade? C'est un peu comme au tribunal des pauvres où l'on nous parle aussi bien de la bête que de l'homme qu'il y a en chacun de nous. L'important étant bien sûr de comprendre comment l'un avait pu rouler l'autre dans la boue et l'entraîner dans ce putain de tribunal ou malgré tout c'était la vie d'un Homme qu'on jugeait et non celui d'une bête! Indéfendable! me disait-on de la cour d'en bas où les enfants savaient très bien où le jeu se déroulait. C'est à dire dans ce petit qu-artier de la Croix où la vie restait tout de même fouetteuse et bagarreuse à souhaits. Indéfenda-ble! me lançait-on, puisque la vie ferait d'eux de gentils monstres qui s'endormiraient en regard-ant la télévision.

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De toute façon, il n'y avait plus rien à faire pour les hommes qui n'en faisaient qu'à leur tête à regarder une bien mauvaise émission à nous rendre totalement invertébré. Prions pour nous, afin de ne pas nous voir dépérir à l'image de ces gueux de grande beauté que nous expose incessamm-ent notre télé en ces heures creuses de l'été. J'envie parfois les aveugles de ne pas connaître la gueule de Jean-Pierre Foucault et les dents carnassières d'un certains Ardysson. En vérité, il nous faudrait bannir la télé de notre vie pour ne plus devoir souffrir de ces "millions" que l'on donne souvent à pauvre con. Un pauvre con qui joue parfaitement son rôle de pauvre con en recevant ses millions de la main d'une chaine de télévision, alors qu'il n'a jamais rien fait de sa vie! Et pour en finir, avec cette télé qui ne fait que démoraliser la population, pensons un peu à nous où des bruits courent dans mon quartier de malheur que je serai devenu, avec mes deux années de chômage à mon actif, un inactif notoire. Et d'après ces mêmes rumeurs, je ne serai plus qu'un paresseux qui aurait soi-disant trouver son bonheur en ne faisant strictement plus rien d'utile pour la société. Bougre de dieu, mes voisins de paliers seraient-ils devenus des pieuvres du jour au lendemain? Pour ma part, je n'y porterai aucune attention pour la simple raison que tous ces racontars ne visent qu'à me déstabiliser. Il me semble bien, avec tout ce que je viens de vous écr-ire là, c'est pratiquement ma vie que je viens de vous raconter, ce qui me gêne énormément. Vu que vous avez pu pénétrer ma vie privée sans me verser le moindre kopeck, ce qui me fait terrib-lement mal au coeur. En fait, je me demande bien si toute mon histoire vaut bien un kopeck? N'empêche que c'est vraiment du gâteau que je vous donne là où tout est gratuit, petit veinard !

Mais où en étions nous exactement? Ah oui, comme je vous disais à propos de mon ancien tra-vail chez monsieur Carboni, c'était souvent dans la fraîcheur matinale que je descendais les esc-aliers de mon immeuble avec un petit serrement de coeur en sachant que ma journée allait com-mencer. J'allais directement dans la cour intérieure où je détachais ma mobylette de la grosse conduite d'évacuation où elle était solidement fixée avec une chaîne( à cause des petits voleurs dans mon quartier qui essayaient de vous voler des pièces pour les revendre). Donc pour éviter le pire( de me la faire embarquer par des voyous qui pouvaient alors la soulever jusqu'à la porte de l'allée), je l'attachais à ce point fixe qui me rendait véritablement service, comme vous l'auriez compris. Et pour ne pas déranger les gens qui dormaient dans l'immeuble, je la faisais rouler do-ucement jusqu'au portail. Où dehors, je priais le bon dieu qu'elle veuille bien démarrer et puis Vrrroum, Vrrroum, je partais à mon travail, heureux quand même de retrouver les collègues : Jean-Marc aux fourneaux, Stéphane aux grilloirs, monsieur Carboni à la caisse, of course! Gis-laine à la plonge et moi à la préparation des pâtes à pizzas que je congelais immédiatement après dans un immense frigo monté sur roulettes. Je préparais aussi les sauces, je coupais les légumes, les tomates, les champignons, etc, etc. Et quand tout était préparé le matin, on n'avait qu' à attendre les clients.

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Les heures de pointes étaient à midi et le soir à partir de 8 h jusqu'à 23 heures. Le patron ne vou-lait pas que nous dépassions les 63 heures par semaine, parce que nous pourrions le payer de notre poche si la sécurité sociale le savait! Et puis on avait surtout la trouille par la façon qu'il nous le disait avec des yeux alors très méchants. Mais moi, complètement soumis, je ne disais rien en étant satisfait de toucher mes 8 euros 50 de l'heure (heures supplémentaires non payées, bien évidemment!). Pour poursuivre mon histoire, les clients on les attendait aussi bien en salle qu'au téléphone et mon travail consistait à aller les livrer en mobylette. La meilleur saison pour moi était le printemps où mes courses devenaient alors un vrai plaisir. En faisant des détours pas possible par la campagne, afin de savourer les paysages verdoyants où des vaches meuglaient quand je les frôlais au détour d'un petit chemin caillouteux. Mais mon bonheur suprême était de savourer les parfums des champs et des fleurs. Mon patron ne le savait pas bien sûr, mais je lui disais à chaque fois que j'avais eu une panne de carbu ou quelque chose comme cela et il le go-bait. Je m'en souviens comme si c'était hier. Et quand je terminais mon travail à minuit, je ren-trais à la maison en me jetant directement dans mon lit sans même me changer tellement j'étais fatigué! La suite, vous la connaissez, mon cher lecteur, où il y eut mon agression, puis ma plai-nte et mon licenciement. Faudrait-il le regretter maintenant que je ne fais plus rien de mes dix doigts? Ah, je la sens vraiment ma solitude! Et de savoir que cette crise économique va durer tant que le gouvernement ne cessera pas la fuite des capitaux publics à l'étranger, j'en suis d'au-tant  plus malade comme vous le comviendrez. Et puis, j'en ai marre, marre d'entendre tous ces racontars qui piaillent derrière mon dos et derrière mon judas! Je sais que mes voisins sont d'ho-rribles personnages. Et qu'en temps de crise, il vaudrait mieux les laisser enfermer chez eux afin qu'ils fassent le moins de mal à leurs compatriotes, n'est-ce pas?

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Chapitre 2

Le virus de la fièvre bleue

Mais pourquoi mon propriétaire( monsieur Massoni) me parlait-il de ces? Comment avait-il dit? des coupons de bains douches? Oui c'est ça, je crois. Mais moi, je croyais que cela n'existait plus depuis très longtemps toutes ces histoires d'insalubrité publique! Ah vraiment, je n'arrivais pas à comprendre ce qu'il avait voulu me dire avec ces vieilles histoires des années 50? Ne devenait-il pas fou, mon propriétaire? Nous étions en 2035 et il me parlait d'aller chercher à la mairie les coupons de bains douches que la soi-disant société me devait. Ce sont vos droits, monsieur! m'a-vait-il dit avec dans la voix une certaine émotion. Il vous faut les réclamer, c'est votre devoir! Ah!Ah!Ah! j' avais bien failli m'écrouler de rire quand il prononça ces mots : Ce sont vos droits, c'est votre devoir! Je voyais bien que j'avais affaire ici à quelqu'un qui se mélangeait complète-ment les pinceaux avec toutes ces nouvelles lois que le gouvernement avait jugé nécessaire de modifier par ces temps de crise : où les droits de l'Homme avaient rétréci d'une façon honteuse comme une peau de chagrin face aux droits des propriètaires qui avaient grossi d'une façon ex-ponentielle depuis les trentes glorieuses. Tout cela me semblait grotesque de sa part, car il ne po-uvait rien faire contre moi et contre la loi. Et tant que je lui payais son misérable loyer de 200 euros par mois et toutes charges comprises, il n'avait pas à se mêler de ma vie privée! J'avais comme l'impression qu'il se référait encore aux anciens droits utilisés dans le bâtiment, mais qui théoriquement n'existaient plus depuis ce jour où le gouvernement avait décidé de faire voter la loi des 35 m² et des 35 euros par jour et par personne tant que cette crise éconmique durerait, afin bien sûr d'éviter que la population meurt de froid et de faim. J'étais moi-même tout à fait d' accord avec le gouvernement de Monsieur Macador pour lequel j'avais voté aux dernières élec-tions.

Coupon bain douche délivré par la mairie aux plus démunis

C'était la première fois de ma vie que je votais pour un candidat et j'étais bien sûr très content d' avoir voté pour cet homme qui semblait tenir ses promesses. Mon propriétaire, si je voulais, je n' avais qu'à lui rappeler ce qu'avait dit notre président pour l'envoyer balader à ma façon. Mais je n'osais pas le faire par timidité, car je savais bien qu'il était beaucoup plus utile à l'Etat de mon pays que moi( qui en vérité profitais aussi du système). Bref, je n'étais pas tout blanc dans cette histoire où le plus important pour moi était de me préserver de la méchanceté des autres qui sév-issait aussi bien dans des périodes de vaches maigres que dans des périodes dites de pleines pros-pérités. En fait, je voyais très bien à ce moment là qu'il ne parlait en fait que de lui même pour défendre ses intérêts..et cela se voyait, comment dire? Eh ben, comme son gros nez sur sa figure! PS : Je suis très inquiet sur la loi des 35 m² et des 35 euros par personne. Car j'ai lu ce matin da-ns le journal "la vache agonisante" que l'opposition demandait auprès du conseil économique de la république l'annulation pure et simple de cette loi qui comportait en elle-même un véritable danger pour la république et pour son économie dite libérale. Tout ça me fout véritablement la trouille, mais je vais essayer de ne pas trop y penser.

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Le soir même..

Au fait, monsieur Massino m'a dit après notre discution qu'il n'avait pas voulu se moquer de moi en me parlant de ces coupons de bain douche, mais pour m'informer que les services d'hygiènes de la mairie avaient détecté un nouveaux foyer d'infection dans mon quartier. Ouf, j'ai bien eu peur! Eh ben, ça me rassure. Allez à demain les amis, moi j'vais me coucher!

Durant la nuit..

Merde, je ne fais que penser à ce que m'a raconté monsieur Massoni à propos de ces foyers d' infections( j'en profite pour me mettre sur le dos, car je sens comme de petits picotements sur mes jambes). Mais, mais c'est horrible! (un cri me sortit alors de la bouche). Mais, mais le lit, il est peut-être lui aussi infecté? Et j'imaginais avec horreur que des petits monstres étaient en train de me dévorer tout cru pendant mon sommeil. Ces petits picotements sur ma peau commençère-nt à envahir tout mon corps. Au secours, au secours, appelez la mairie! Mais quelle l'heure est-il, ma parole? Quoi, 3h du matin? Mais qu'est-ce que c'est que toute cette histoire? Il y a des jours où l'on croirait devenir fou. Les bureaux sont sûrement fermés à cette heure-ci, avais-je l'idiotie de penser. Je n'en peux plus de rester couché avec cette hantise de me faire dévorer durant mon sommeil. Allez, j'me lève, je vais en profiter pour allez me rafraîchir le visage sous l'eau du rob-inet. Mon dieu, comme elle est froide! Ma parole, j'ai l'impression qu'elle vient directement de Sibérie! Mais c'est fou, comme on se sent si petit et si seul dans sa cuisine à une heure si tardive de la nuit. J'ai presque envie de chialer tellement je me sens seul. Mon dieu, mais pourquoi mon-sieur Massino m'avait-il parlé de cette horrible chose, alors qu'il savait que mes forces ne pourr-aient le supporter? Fallait-il supposer que lui aussi voulait intenter à ma vie et me faire dispara-ître après lui avoir payé tous mes retards de loyers? Bien évidemment que oui en sachant bien que mon retard de loyer pouvait me servir lui aussi à me tenir en vie. Car tant que je lui devais de l'argent, il fera tout pour que je reste en vie afin de le rembourser. J'arrivais même à penser que ma remise à flot au niveau économique pouvait être mon arrêt de mort. Eh oui, parbleu! J'essayais de retrouver le papier qu'il m'avait laissé. Mais merde où l'ai-je mis? Mais bon dieu, dans ce bordel, je n'y vois rien. J'allume la lumière!

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Tout ça, pensais-je, c'était dû à ce monsieur Camus, un employé de la mairie qui venait parait-il de publier à grand fracas un rapport plutôt alarmant sur l'hygiène de la ville et étrangement sous la forme d'un roman néo-réaliste : où les personnages réels et imaginaires se frottaient à une épi-démie de grande envergure dont j'ai bien évidemment oublié le nom. Pour ma part, je trouve ce procédé de faire, auparavant réservé aux écrivains d'imaginations, plutôt étrange de le voir acca-paré par ces nouveaux privilègiés du service public. Y'a quelque chose de louche derrière tout ça, c'est évident. Hum, hum, il semblerait que son travail lui laisserait tout le temps d'écrire pour faire peur à tout le monde. Mon dieu, mais on embauche vraiment n'importe qui aujourd'hui dans l'administration! C'est immoral, ces hommes là, ça ne sert strictement à rien, sauf à vous foutre la trouille. On devrait imaginer un parage contre cette littérature de la terreur qui est aussi une forme du terrorisme. En allant par exemple directement chez ce monsieur Camus dès la nuit tombée où l'on passerait par le jardin, puis par la fenêtre de la chambre, car ces hommes laissent toujours la fenêtre de leur chambre ouverte, je ne sais pas pourquoi, mais c'est comme ça. Puis avec toute la prudence du monde, on se rapprocherait  du lit de notre pseudo-écrivain-foncti-onnaire pour lui faire peur à notre tour en lui criant : C'est moi! C'est moi! On pourrait en rire, mais notre Camus mégalo tout tremblant de peur, nous demanderait alors : Mais qui? Mais qui êtes vous, non de dieu ? Et nous sans un flegme britannique, nous lui répondrions : Mais c'est moi, la peste! Je vous laisse imaginer la suite, mon cher lecteur, Ah!Ah!Ah!

Ça y' est, je l'ai retrouvé le petit dépliant que monsieur Massino m'avait laissé! Il était dans un des tiroirs du buffet couché sur la tranche entre les bols et les pots de confitures. Ah je savais bien que je ne l'avais pas jeté à la poubelle malgré l'humiliation qu'il m'avait faite en le posant sur la table de la cuisine. Mais bien qu'il se soit excusé après, j'étais parti rouge de colère dans les cabinets de toilette, afin de lui montrer mon désaccord. Franchement, je trouve immoral d'hu-milier les gens de cette façon en profitant de leur infortune. Car c'est trop facile d'en faire voir de toutes les couleurs aux autres quand on a plein d'argent! Ou bien d'avoir de la voix avec une bo-urse bien pleine ou d'avoir des initiatives quand on peut se payer les frais d'entreprises. Tout ça n'est bien sûr qu'une question de moyens et de nulle autre chose. Car si monsieur Massino était pauvre comme je le suis, il n'en ferait pas des manières de me parler de la politique de la ville et de ses économies qu'elle devait faire afin de ne pas épuiser la manne financière des riches, de me parler de la salubrité publique comme si j'avais la peste sous mes bras ou sous mon lit, de me parler de tous ces ministres qui soi-disant voulaient lui voler ses biens et bien sûr de tous ces ra-pports bi-mensuels, tri-mestriels, du journal officiel etc. Oh mon dieu, sauvez-nous, il est 3 heu-res du matin et je pense à tout ça! J'suis complètement taré! Essayons plutôt de retrouver notre calme et lisons ce petit dépliant où soi-disant on peut sauver la ville de la fièvre bleue. Tiens, ça c'est original! Mais c'est ce qu'ils essayent de nous faire comprendre par un petit dessin où l'on voit un gros virus bleu attaquer un clochard. C'est assez naïf, mais c'est assez efficace pour être compris par les pauvres bougres comme moi. Il est aussi écrit que les plus démunis seront prior-itaires sur les autres catégories de la population vu que le fléau s'attaque toujours au début aux plus pauvres, comme dans la nature où le méchant s'attaque toujours au plus gentil, le plus fort au plus faible, le plus riche au..etc etc.

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Dépliant délivré par la mairie pour sauver la France de l'épidémie de fièvre bleue!

Ok, ok, tout ça, j'ai bien compris. Mais je ne vois pas où est l'adresse de ce lieu où soi-disant on peut se laver gratuitement. Ah si derrière, il est tracé a l'encre rouge le trajet à suivre pour accé-der au grand bain de jouvence et de désinfection total de la tête aux pieds, comme il est indiqué dans la marge. Suivre le canal de la biche, puis couper par le sentier de la gueule du loup et lors-que vous arriverez en face de la gare de montreuil, vous n'aurez alors plus qu'à faire 5 kilom-ètres vers le nord avant d'arriver à destination, c'est à dire à notre centre d'épuration virale appelé "Aux petits bains de la république". Vous n'aurez qu'à présenter au surveillant votre coupon de bain douche pour vous faire remettre une serviette et un savon particulièrement actif pour éradi-quer la vermine se trouvant sur votre peau. Suivez les indications de notre collaborateur et tout ira pour le mieux. Messieurs, Mesdames, nous vous souhaitons un bon bain et une bonne contin-uation.

De la part des services d'hygiènes de la ville de la Colombe.

Jean-Paul Camus : adjoint au maire

Robert Crassepoite : directeur de cabinet

Ah, je savais bien que ce nabot de Camus avait quelque chose à voir avec cette histoire de fièvre bleue! Maintenant, je comprend tout et je parie qu'il y a comme un coup fourré derrière tout ça. Peut-être veut-il vendre son bouquin comme des petits pains et se faire plein de pognon ce fai-néant de fonctionnaire? Je suis sûr de n'être pas trop loin de la vérité. Car ces gens ne connais-sent aucune morale pour arriver à leurs fins en voulant l'argent et le pouvoir avec. Mais c'est din-gue! Je pense lorsque j'aurai le temps et les moyens, je m' arrangerai pour faire ma petite enquête sur ce type aux extravagances médiatiques et à l'ambition démesurée. Hum, hum, ce serait pas mal pour moi de m'occuper de cela qui me fera oublier un peu ma condition de pauvre con en apparence, bien sûr. Bon, allons nous recouchez, il commence à se faire tard. Et puis comme la nuit porte conseil, je pense que demain mes idées seront encore plus claires qu'elles le sont aujo-urd'hui. Hum, hum, j'ai vraiment l'impression d'avoir pour les prochains jours comme du travail sur la planche et tout ça me réjouit d'avance!

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Le lendemain à midi..

Ouhaa..quelle nuit! Ouhaa, j'ai dormi comme un ours! Midi déja? Pouhaa..comme c'est bon de dormir! Humm, j'connais pas de si grand bonheur que celui de n'avoir plus d'heures à respecter aussi bien pour le lever que pour le coucher. Tout en reconnaissant que les animaux sauvages ont quant même ce petit avantage sur nous les Hommes, qui sommes obligés de nous lever pour aller travailler pour pas grand chose, n'est-ce pas? A ce titre, je trouve la société vraiment très moutonnière qui m'empêche de l'aimer véritablement. Mais comme je ne pense pas comme elle, c'est peut être là tout mon malheur et mon bonheur réunis sous ce même lot ou, l'un ne pouvant se défaire de l'autre, c'est comme parler de nos qualités qui n'existeraient que par nos défauts. Mais là, je pense que je vais un peu trop loin dans mes pensées où personne ne voudra me suivre vu que les préjugés ont encore de beaux jours devant eux, n'est-ce pas? En pensant à hier soir, la la première chose qu'il me faudra faire, ce sera de ne pas trop me précipiter à essayer de résoudre ce genre d'affaire étant donné que la précipitation a touours été mauvaise conseillère, cela ne fait aucun doute. Mais bon réfléchissons un peu avant d'entreprendre cette enquête quelque peu inha-bituelle pour un pauvre misérable que je suis devenu malgré moi. Premièrement, il me faudra passer par dessus les apparence; car je sais que les gens riches s'imaginent si l'on est pauvre, c'est parce que l'on est forcément bête en croyant que l'argent est toujours du côté de l'intelligence et non à l'opposé. Et que ceux qui n'en ont pas sont forcément de sacrés imbéciles vu qu'il est facile à trouver quand on est malin ou intelligent, parait-il. Pour eux, c'est la même chose. Mais en co-nsulant l'origine des fortunes, vous verrez, mon pauvre ami, que 99 % d'entre elles sont issues d' un héritage familial et non de leur soi-disante intelligence exceptionnelle !

Personnellement, je pense qu'ils ont tort de croire à toutes ces balivernes. Car parmi les pauvr-es, comme parmi les riches, il y a toutes sortes de gens où nous avons aussi bien des imbéciles que des gens intelligents des deux côtés. Mais aussi de chaque côté des fous, des vicieux, des as-sassins même des génies qui le clament quand ils se trouvent du côté des riches et qui l'étouffent quand ils sont du côté des pauvres. Du point vue mathématique, comme il y a plus de pauvres que de riches sur la planète, je pense sincèrement qu'il y a plus de gens intelligents du côte des pauvres qui s'ils le savaient d'une manière ou d'une autre déclencheraient une révolution afin de redistribuer les cartes d'une façon équitable et toute nouvelle. Tout en déplorant que les médias soient du côté des riches donc des puissants. Et l'information a vraiment du mal à passer..et c'est notre grande faiblesse à nous les pauvres ainsi qu'aux nouveaux intellectuels qui pourraient alo-rs faire passer le message par des moyens de communications nouveaux peut-être par Internet ou simplement bien dans la rue par des réunions secrètes dans des caves ou dans des ruines cachées dans des catacombes. L'heure viendra un jour où nous pourront, nous les misérables de la soci-été, vivre selon nos moeurs et nos idées. Mais tant que ce monde sera accaparé par une minorité de gens très riches qui se perpétuent indéfiniment par l'argent, on ne pourra strictement rien cha-nger à ce monde qui finira forcément par une aristocratie légitime en apparence. Nul doute que je fais parti pour l'insant des pauvres imbéciles et le monde qui m'environne ne cesse de me le dire!

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Et moi j'essaie, comme je peux, de le camoufler par des apparences trompeuses, par des discours stériles et par des vêtements de survie que l'on trouve facilement à sa portée. On s'adapte pour ne pas mourir de honte, n'est-ce pas? Je suis niais aussi et j'ai de l'embonpoint. Mes gros traits sont héréditaires, mes pieds sont larges comme des roues de tracteurs et mes mains n'en parlons pas, on dirait des mains de charretiers. Tout ça, c'est bien évidemment mon hérédité et tout le monde dans la rue s'en aperçoit. J'ai vraiment l'air d'un homme préhistorique ou d'une sorte de bonho-mme moyenâgeux qui n'aurait pas suivi l'évolution de l'espèce humaine, puisque tous mes con-temporains ont le ventre plat, des mains longues et fines. Ils sont pour la plupart assez grands, alors que moi je suis plutôt petit. Mais est-ce de ma faute si je suis issus du peuple des miséra-bles? Est-ce de ma faute si la fureur de l'alcool à couler dans mes veines avant que je sorte du ventre de ma mère? Si j'ai connu avant les autres, les coups, les cris, les disputes familiales à l' intérieur du ventre de ma mère? Toute les tares de l'humanité sont déjà enfouies dans mon coeur et plus rien ne pourra changer cet état. Ma chair est infectée par la misère humaine et plus perso-nne ne peut me venir en aide. Je suis seul au monde et mon seul avenir sera de devenir soit un saint soit un monstre : une sorte de dictateur pour toute l'humanité! Et si ce voeux se réalise, l'h-umanité héritera soit du bonheur soit du malheur qu'elle m'a donné ou fait subir; elle se bonifie-ra ou bien souffrira de maux qu'elle n'aurait jamais pu imaginer et tout ça pour une question d' argent, nous le savons tous. Mais étrangement personne ne veut y croire, car comment est-il po-ssible qu'un simple morceau de papier, qui représente un billet de banque, puisse entraîner chez les Hommes de tels excès allant jusqu'au crime individuel ou même collectif? Regardez l'Hist-oire, c'est difficilement compréhensible pour notre raison.

Mais c'est bien cela qui nous choque vu que cela se passe tous les jours sous nos yeux. Où ceux qui ont de l'argent déplore que l'on puisse tuer pour simplement de l'argent, puisqu'ils en ont. Alors que ceux qui sont aux abois pensent très différemment, puisqu ils leur faut manger et gar-der leur dignité. On l'oublie souvent, mais l'Homme ne se nourrit pas uniquement de comesti-bles, car il est aussi orgueilleux et prêt à tout pour sauver les apparences d'où les crimes en per-spectives et la prison et la mort selon la chance qui l'aura. La misère est bien sûr mon fardeau et je suis intarissable sur son sujet. En ne lui connaissant aucune limite sauf celle de la richesse ou de cette habitude à la vie simple qu'on les honnêtes gens. Mais soyons réalistes et je ne pense pas qu'il y ait encore parmi nous des personnes véritablement honnêtes pour la simple raison qu'elles semblent toutes vivre comme dans un parfait accord avec leur époque et leurs hommes politiqu-es. Et s'il y avait encore parmi nous des honnêtes gens, je pense sincèrement qu'ils se seraient fo-utues une balle dans la tête depuis longtemps vu la corruption de notre société d'aujourd'hui et des moeurs qui se sont développés au détriment du bon sens et de la générosité. J'ai l'air d'être très vindycatif avec mes contemporains, vous remarquerez, mon cher lecteur. Mais je vous ass-èure que ceci n'est qu'une apparence. Car si j'avais véritablement de la haine envers eux, le pois-on aurait déjà envahi mon corps et mon sang et je serais forcément mort depuis belle lurette. Non, je ne réclame pas vengeance, mais uniquement à la société, ma liberté qu'elle m'a confis-quée depuis ma naissance. Pour être précis depuis l'école jusqu'à aujourd'hui où je me sens comme exproprié de ma propre liberté. Et je voudrais la recouvrir pour seulement avoir une compensation à ma misère et à cet avenir qui m'a été lui aussi confisqué. Étant né pauvre et sans avenir, permettez-moi de vous demander ma liberté et rien que celle-ci. Je vous en supplie pour l'amour de Dieu, donnez-moi l'espérance qu'un jour je serai libre!

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Elle seule pourra alléger mes peines parmi vous. Elle seule pourra me bercer de douces illusio-ns. Elle seule pourra me porter sur des rives inconnues. Elle seule pourra m'endormir aux creux des vallons, aux creux du désespoir. Vous ne me répondez pas? Mais je me doutais bien que vous n'auriez pas le courage de vous trouver devant un homme qui vous réclamerait sa liberté! Je me doutais bien que votre plus grand ennemi serait ma liberté! Vous n'aimez pas les hommes dans ce qu'ils ont de plus beau et de plus terrible. Sauvegardez vos privilèges, éternisez-les par des décrets, par vos amendements, par vos enfants incrédules d'une richesse tombée du ciel, mais qui ne savent pas de quel crime elle est issue. Pauvres innocents, pauvres gosses de riches, un jour vous saurez! Je m'égare, semble-t-il? Mon dieu, mais qu'ai je bien pu boire pour être si vin-dicatif envers mes semblables? Calme-toi, Régis, je t'en prie! Et si ton malheur ne fait que com-mencer avec cette crise économique, il te faudra garder toutes tes forces pour gagner ta subsist-ance et mener à bien cette enquête à propos de ce monsieur Camus, qui semble se moquer de to-ut le monde parce qu'il a la sécurité de l'emploi, comme adjoint au maire à la ville de la Colom-be. Ton cheval de bataille est ici et nullement ailleurs. Oh, excusez-moi, mais je parlais tout seul. Il est vrai qu'avec ce journal intime, tout ce que je peux penser est maintenant consigné et bien malgré moi. Pour tout vous dire, c'est quelque chose d'affreux et en même temps quelque chose de merveilleux de savoir que sa propre pensée est maintenant solidifiée dans ces feuilles volées à l'éternité de nos jours sans phare et sans gloire. Et que mes contemporains n'y auront pas le beau rôle, puisque la grande foire où le présent les invite à un égoïsme terrible à fait que mon coeur n'y trouve plus ses aliments affectifs.

Mais si je m'obstine à écrire durant mes jours de grandes défaites, c'est aussi pour vous montrez, cher lecteur, que je ne connaîtrai sûrement jamais, que je n'écris pas pour attendre d'eux une ce-rtaine reconnaissance ou gloire posthume qui pourrait tomber de leur folie changeante ou capri-cieuse, non. Mais seulement pour pouvoir survivre à l'intérieur de ce monde qui ne me convient plus aussi bien dans ces visions d'avenirs que dans son présent qui n'est pas pour moi, un vérita-ble présent, mais un moment douloureux à passer où le présent nous a été confisqué par les pui-ssants dont les raisons sont d'excécrer notre liberté et notre jugement sur les choses d'ici bas. Bref, sur cette réalité où ils ne veulent pas nous voir comme des êtres agissants, mais comme des larves rampantes afin d'exercer sur nous une véritable oppression qu'on appelle l'esclavage insti-tutionnel. Mon dieu, toutes ces idées me troublent et tout particulerement depuis l'annonce frac-assante de cette épidémie de fièvre bleue par ce monsieur Camus, qui semble devenu une sorte de visionnaire à l'égard de la presse et qui ne me plaît pas beaucoup. Et je parierai bien trois paq-uets de cacahouètes que cet odieux personnage de bureau n'est en fin de compte qu'un petit esc-roc de petite envergure qui serait largement soutenu par ses confrères de la presse écrite même je dirais de l'instistution politique. Si tout cela est vrai, ce serait alors pour la démocratie une véri-table catastrophe! Mais ne nous énervons comme ça, mon petit Regis et revenons à nos moutons. Hum, hum, voyons, voyons...

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Tout d'abord faisons table rase du passé afin d'être plus efficace et essayons de connaître les vrai-es raisons qui ont poussé ce monsieur Camus à vouloir terroriser toute la population en nous faisant croire à une épidémie de fièvre bleue qui, d'après ses propres analyses (parues comme par hasard dans un journal à scandales) devrait dans la prochaine décénnie supprimer une bonne par-tie de la population de la surface de la terre à moins que nous lui achetions son bouquin où, se-mble-t-il, il aurait trouvé le moyen d'éradiquer cette nouvelle épidémie d'un type tout à fait nou-veau. Ce bouquin néo-réaliste, parait-il, lui avait demandé des années de travail à son cabinet et toutes ses intuitions s'étaient révélées juste puisque en quelques années cette fièvre dite bleue avait commencé à faire ses premières victimes parmi les plus démunis. "Il nous fallait donc rester très vigilant afin que cette fièvre bleue ne se répande point aux autres catégories de la pop-ulation restées jusque-là épargnées!" Comme il l'avait laissé entendre dans un article publié la semaine dernière dans le petit parisien déluré : petite gazette parisienne qui ne faisait pas de mi-ne, mais qui tirait quand même à plus de 100 000 exemplaires, ce qui n'était pas mal du tout pour un petit journal à scandales et à connotations exclusivement parisiennes. Avec un succès non négligeable en province en décrivant avec une certaine justesse, les moeurs étranges et biz-arres des parisiens et des parisiennes qui voulaient absolument être à la mode aussi bien vestim-entaire qu'intellectuelle venant comme par hasard de New York, leur ville fétiche où la mode actuelle était de ne pas répondre quand on vous demandait un renseignement dans la rue. Cela faisait ringard! paraît-il. Le parisien et la parisienne avaient aussitôt emboîté le pas à ces extrav-agances anglo-saxonnes pour ne pas être pris en manque d'actualités débiles. Le touriste allait donc devoir se débrouiller tout seul dans la capitale à moins de vouloir se rendre ridicule à ses propres yeux.

Le maire de Paris avait donné son accord que tous les franciliens, durant le temps de la saison estivale, seraient les rois dans leur capitale et que les étrangers seraient alors considérés comme de simples domestiques ou laquais qui devaient se plier à leurs exigences et non plus l'inverse. On craignait bien sûr à des excès du côté des parisiens et des parisiennes dont les moeurs étaient actuellement dépravés. Mais le maire de Paris avait averti le touriste que s'il venait à Paris, c'ét-ait bien pour chercher quelque chose et que s'il lui arrivait quelque chose ce serait forcément de sa faute! Messieurs et Mesdames les touristes, avait-il dit, la ville de Paris n'est pas n'importe qu' elle ville. Et si vous pouviez y dépenser votre argent comme votre bon vouloir, rien ne vous int-erdisait d'y laisser la vie! Propos qui en avait refroidi plus d'un; mais tout avait été prévu dans le moindre détail afin qu'aucune plainte ne puisse aboutir. La ville de Paris se dégageait de toutes responsabilités sur la période du 1er Avril au 30 Septembre où la ville de Paris redevenait la cité des Rois de France, et plus particulièrement, la cité des parisiens et des parisiennes, avait-il dit lors d'un discours sur l'île de Saint-Louis où il fut, paraît-il, très longuement applaudit par ses électeurs et électrices. Et puis de grands panneaux résumeraient l'ensemble au pied de la tour Ei-ffel, afin de ne laisser personne au dépourvu et une amende de 400 euros serait infligée au tou-riste qui ne ferait aucun effort d'accepter son triste sort. Le petit parisien déluré avait semble-t-il trouvé la vraie formule pour plaire aux gens de province grâce à tous ces conseils pratiques pour la visite de la capitale, mais aussi pour servir de divertissement en lecture exotique après le fro-mage, bien évidemment.

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Monsieur Camus, qui était de province, savait très bien jouer avec les médias et la presse parisie-nne. En sachant bien, si le monde venait un jour à disparaître par une quelconque catastrophe, comme par la fièvre bleue, que ce serait les gens des villes qui succomberaient les premiers. To-ut d'abord sur le plan psychologique par la peur de mourir sous d'atroces souffrances et par les positions indécentes où on les retrouveraient après leur mort. Comme le ministre du logement, monsieur Gros Pierre de la Planche, qu'on avait retrouvé mort sous son bureau à quatre pattes en suçant son pouce! et les feraient comme à l'avance mourir de terreur. Puis sur le plan bactér-iologique où le virus ferait réellement ses ravages sur la population et la décimerait en quelques semaines vu que la constitution des gens des villes était bien moins solide que celle des gens de la campagne du fait qu'ils vivaient toute la journée dans la pollution automobile et dans le vaca-rme assourdissant de la vie urbaine, bref, avec leurs pieds souvent dans leurs têtes et non sur le plancher des vaches. L'un des principaux personnages du bouquin de monsieur Camus était le général Parisis qui parlait ainsi dans le deuxième chapitre où il décrivait avec une certaine froi-deur, non dissimulée, la prise du pouvoir comme ultime moyen de sauver l'humanité de la dépra-vation. " On aura plus alors qu'à investir la capitale en prenant tout bêtement le pouvoir puisque les places seront désormais vides grâce au virus de la fièvre bleue dont nous nous auront injecté l'antidote. [antidote conçu par le professeur Banbilock : un savant dont le génie avait été bafoué par ses collègues du CNRS pour avoir fait des manipulations génétiques ou mutations ambiva-lentes sur les gènes de la coqueluche dont les maniplations avaient été interdites par le corps sci-entifique pour des raisons idiotes d'ethiques! Ce qui lui avait valu son licenciement et la perte de tous ses revenus!]. Ainsi, notre suprême mission sera de reconstruire la capitale sur le plan hum-ain vu que l'épidémie n'aura rayé que 50% de la population selon les calculs savants du profess-eur, Ah!Ah!Ah!

Les propos qui suivent sont, me semble-t-il, comme d'autres confessions de l'auteur de la fièvre bleue. Celles-ci avaient été cédées à un journal d'extrême droite française : la bête fauve. L'arti-cle avait été signé très adroitement, non par son véritable nom, mais par des initiales afin de bro-uiller les pistes au coeur des médias français. D'après moi, cela prouverait que ce monsieur Ca-mus avait le génie de se transformer et quand il le voulait en de multiples personnalités plus ou moins sympathiques. Cet homme est certainement très dangereux pour la société française et peut-être pour le monde entier s'il arrivait à ses fins de conquêtes. C'était là pour moi la signa-ture évidente d'un dictateur en herbe, ceci ne fait aucun doute, comme vous le verrez par vous même. "Je pense sincèrement qu'il n'y a en vérité qu'une seule façon de refaire cette humanité qui est aujourd'hui dépravée par des habitudes sociales, disons-le, plutôt flasques. Pour ma part, j' envisagerai de la recréer saine et généreuse et non de la continuer bêtement en croyant que l'ho-mme pourra véritablement changer au fond de son coeur et devenir un être délicieux et parfait. C'est de la pure démagogie de croire que l'homme pourra se changer lui-même et devenir bon un jour. Pour vous dire la vérité, je n'y crois pas trop à cette hypotétique métamorphose en bien de l' homme déjà pervertis par la société et par leurs hommes politiques empêtrés dans leur corrupti-on constitutionnelle. Non, il nous faudrait plutôt, en ces temps décadents, un nouveau type d' ho-mme pour l'avenir de l'humanité. Et pour cela, il nous faudra forcément éliminer les plus dépra-vés ou la totalité si besoin. Ca coule de source et Lapalisse n'aurait pas dit mieux, n'est-ce pas? Mais pour l'instant, nous en sommes pas là et même je dirai encore très loin. Et si la première étape se réalisait, la deuxième étape serait alors d'asseoir confortablement notre pouvoir pour y battir les bases solides d'une nouvelle cvilisation. Et si par hasard des poches de résistances ava-ient pu échapper au virus, on les éliminerait tout simplement. Hum, hum, Paris est une trop belle ville pour la laisser à des avortons de cette espèce, Ah!Ah!Ah! Et tout particulièrement à son maire qui est un sale écolo de gauche dont la doctrine est la décroissance économique!

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Bref, tout ce que je deteste en étant pro-pma, pro-gpa, pro-mariage pour tous, pro-gays etc et j'en passe! En fait, un signe de mauvaise augure face à tous ces grands chamboulements planétaires qui nous attendent. Sans oublier ses gay-prides qu'il organise avec ses amies les grandes folles qui finira forcément en grande partouze urbaine, Ah!Ah!Ah! Et tout ça me dégoûte pour une gr-ande ville comme Paris qui, selon moi, devrait revenir à des valeurs plus sûres, plus saines, plus guerrières à proprement parler. Et je ne voudrais en aucun cas commander une armée de grandes folles ou tapettes qui ne penseraient alors qu'à enfiler son voisin de chambrée! Le résultat serait forcément catastrophique pour nos ambitions extraterritoriales où avec ces tarées on arriverait même pas à dépasser la porte de clichy ou de billancourt sans que cela tourne en fiesta brésil-ienne ou partouze générale, Ah!Ah!Ah! Non, non, moi je veux une vraie armée de guerriers avec la fureur gravée sur le visage comme un beau masque de la mort emprunts d'héroïsmes afin d' effrayer l' ennemi que j'aperçois déjà sur nos futurs champs de bataille. En voulant les façonner à ma façon pour l'avenir du monde et pour nos futures conquêtes européennes ou mondiales. Que nous importera la distance, puisque seul l'enjeu expansionniste comptera pour nous. Et que cette prise de pouvoir à Paris même sera comme le début d'une grande aventure pour moi, mais aussi pour l'humanité toute entière! "

                                                                                                         JPC

Et qui signifie pour moi Jean-Paul Camus. Propos bien évidemment d'une grande audace pour un petit fonctionnaire, je ne vous le fais pas dire, mon cher lecteur. Mais notre Camus à moitié cinglé ne serait-il pas devenu prophète à force de s'ennuyer au milieu de ses dossiers remplis de problèmes insolubles? Disons pour l'instant qu'il rêvait beaucoup dans sa tête, et plus particuli-èrement, quand il se promennait habillé de son beau veston de flanelle blanche, le long du maje-stueux boulevard Hausseman ou bien sur le champ de mars où il peaufinait sa stratégie afin d'ar-river aux plus hautes sphères de la capitale. L'épidémie de fièvre bleue deviendrait alors une arme redoutable à Paris! pensait-il en lissant sa petite moustache brune et convaincu entièrement par son génie.

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Un mois plus tard, il apprit par voix administrative que le gouvernement de monsieur Macador avait bizarrement soutenu son livre et se demandait bien pour quelles raisons? Avait-on réellem-ent compris toutes ses idées ou bien essayait-on de les lui voler? C'est ce qu'il se demandait d' une manière inquiétante. Voulait-on lui piquer la vedette, lui qui était tout de même le créateur ou l'investigateur d'une nouvelle doctrine de vouloir résoudre tous les problèmes de société par la notion de salubrité publique en poussant ses réflexions jusqu'à la notion de propreté ou d'hyg-iène mentale? Y'avait qu'un fossé très étroit pour le croire, bien effectivement, ademettait-il. Mais il fallait attendre un peu afin d'y voir un peu plus clair dans ce gourbis généralisé de la poli-tique française. Hum, hum, attendons un peu de voir ce qui va se passer dans les médias. Car jal-oux comme ils sont, ces journalistes, ils pourraient bien me provoquer en public afin que je me trahisse sur mon antisémitisme refoulé ou bien sur mon racisme, non épidermique, mais pragm-atique à l'égard des autres races qui voudraient par la voie du nombre prendre le pouvoir dans notre pays. Soyons prudent et surtout ménageons cette sacrée opinion publique que les médias exploitent sans morale. Car sans cela, tous mes plans pourraient bien tomber à l'eau, ce qui serait pour moi une véritable condamnation à mort que je souhaite en aucune façon. Soyons coulant, voilà l'expression que je cherchais! Car aujourd'hui, l'air du temps est tellement pourri que je pourrais facilement faire croire à quiconque qu'une bouteille de vinaigre vaut aussi bien qu'un bon champagne, Ah!Ah!Ah!

Mon cher petit Jean-Paul, les temps sont avec nous et le travail se fera tout seul. Prions les dieux pour que mon plan diabolique suive son cours normal, je n'en demande pas plus. Demain sera demain et on verra bien ce qu'on devra faire : suivre tout bêtement le programme d'éradication des races vouées à l'extinction pour le bien de l'humanité, bien sûr. Quelques jours plus tard, il apprit par voie de presse( donc par voix officielle) que le président Macador avait annoncé à la France toute entière que chaque citoyen devrait acheter son livre et en faire son livre de chevet. Car l'épidémie de fièvre bleue gagnait de jour en jour du terrain au point qu'elle avait commencé à faire ses premières victimes à l'intérieur de nos propres ministères où le ministre du logement avait succombé à ses premiers effets en le retrouvant mort à quatre pattes sous son bureau en suçant son pouce! (c'est l'affaire dont je vous ai parlé auparavant). Que dire d'autre sinon que sa joie se renouvela et remonta d'un cran et qu'on allait sûrement l'appeler dans les prochains jours afin qu'il prenne les fonctions ministérielles qui lui incombaient tout naturellement vu l'import-ance de son livre et de ses idées, penssait-il en surveillant d'un oeil maladif le téléphone posé à l'extrémité droite de son bureau. Mais en attendant la voix officielle de l'Etat français, Jean- Paul Camus, pour ne rien faire transparaître de sa joie, continuait à travailler comme d'habitude sur ses dossiers inextricables de chiens kidnappés par des ravisseurs demandant bizarrement une ran-çon à un locataire anonyme, mais aussi, une histoire de squatters sans gênes qui envahissaient maintenant les beaux quartiers de la ville de la Colombe.

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Bref, un contre-temps qui en vérité lui faisait perdre un temps précieux pour son véritable projet. Mais il faisait, comme il avait toujours fait dans ces bureaux de l'administration française et ré-publicaine. C'est à dire envoyer les plaintes au commissariat le plus proche, quand il s'agissait d' affaires touchant à la justice et les lettres de mécontentements de ses concitoyens auprès du mai-re par des billets transformés à cet effet là, car les insultes y étaient courantes comme toutes ces lettres anonymes qu'il gardait précieusement dans le fond de son tiroir afin d'y chercher les indic-es que le voyou aurait pu laisser en l'écrivant. C'était son passe temps favoris, une sorte de rech-erche littérale et viscérale de ses ennemis héréditaires. Un jour, il s'y mettrait sérieusement en achetant toute la panoplie du très célèbre Sherlock Homes dont les inspecteurs de la Police sci-entifique utilisent toujours les vieilles recettes, afin d'illucider toutes sortes de crimes plus ou moins odieux en termes de perversités innommables. Car on remarquait souvent dans ces malhe-ureuses affaires que l'auteur signait toujours son crime par des indices infimes qui lui échappai-ent lui-même, mais n'échappaient jamais à l'inspecteur de la police scientifique qui est un vérita-ble adepte de l'ancienne méthode de l'inspecteur Sherlock Homes, ne l'oublions pas. Aujourd' hui, avec toutes ces fioles de produits magiques et ces analyseurs ADN, l'affaire serait vite régl-ée grâce au fichier de la police nationale où sont enregistrées toutes les empreintes digitales de nos chers concitoyens ainsi que les fichiers ADN de tous les délinquants ou autres criminels. Et en quelques minutes, le logiciel nous donnerait le nom, mais surtout le visage de l'assassin. Ah si c'est pas formidable la technique! Même je dirai que c'est divin tout ça! s'écria-t-il d'un air enjoué tout en tournicotant le fil du téléphone. En replongeant le nez dans ses dossiers, il fut sai-si d'une soudaine nausée. Puis se disait, afin de se redonner du courage, que ses collègues de tra-vail devaient forcément l'envier d'avoir été comme désigné par le président de la république à de futurs travaux d'Hercule. Tout en pensant que monseur Crassepoite, son directeur de cabinet se-rait pour lui d'un grand secours. Afin de mener à bien cette misson d'épurer des nuits parisien-nes de toute cette vermine qui pullulait à l'ombre de toute morale en répandant le virus de la fiè-vre bleue à une vitesse effrayante.

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Le lendemain de la nouvelle, monsieur Crassepoite le reçut en privé dans son bureau afin de le complimenter de son succès auprès des médias, mais aussi, auprès du nouveau gouvernement de la France. Monsieur Jean-Paul Camus, malgré qu'il soit peu connu dans la France toute entière, le serait dans les semaines à suivre et c'est ce que monsieur Crassepoite essayait de lui faire co-mprendre par des propos mielleux et des sourires napoléoniens. Le maire de la Colombe le rec-evrait en personne, mais beaucoup plus tard, car celui-ci était toujours en voyage d'affaire au Brésil. Son retour était programmé pour le 15 du mois prochain et le téléphone allait bon train..

Dans le cabinet de monsieur Crassepoite.

Mon cher Jean-Paul, il me semble tout naturel de devoir vous féliciter de votre succès auprès du gouvernement de la France qui en ce moment  en a bien besoin en matière d'épuration virale, comme je le crois. Il est vrai aussi que votre succès, bien que tardif, vous le méritez entièrement aujourd'hui. Premièrement, par le travail que vous avez menez ici au sein de notre équipe de co-llaborateurs voués à cette grande cause d'utilité publique, comme nous le croyons tous ici. Et deuxièmement, par le courage moral que avez eu en votre seul nom de transformer un rapport sur l'hygiène de la ville, qui est catastrophique, ne nous le cachons pas, en un somptueux roman d'aventures où tout le monde pourra retrouver les siens. Et je veux vous en féliciter pour cela, pour votre originalité administrative et littéraire. Vous savez peu de fonctionnaires dans nos ser-vices ont ce talent, disons-le, visionnaire et surtout ce talent littéraire comme le votre. Monsieur Camus, vous rendez un fier service à la France, je vous l'assure et soyez-en convaincu. Car je ne suis pas un homme qui lâche facilement des compliments sur ses collègues. Vous êtes de toute évidence une perle rare pour nos services et dans les prochains jours le président de la république viendra lui-même vous demander vos services pour sauver notre pays de cette épidémie de fièvre bleue qui, de toute évidence, nous vient d'Afrique noire ou du maghreb, ce qui revient au même. Oh oui, monsieur Crassepoite! et il me semble évident que notre mission est bien sûr d'éliminer le virus ou le parasite qui, paraît-il, viendrait d'une de nos multiples banlieues voisies. La malpr-opreté dans ces banlieues est un signe qu'il ne faut pas négiger. Car même si nos concitoyens vi-vent dans des résidences secondaires protégées par des barbelées, les microbes, croyez-moi, non pas de frontières. En étant convaincu que certaines personnes malintentionnées les ont transport-ées jusque dans nos cabinets ministériels afin de faire le plus de mal à notre grande nation qu'est la nation Française pour la déstabiliser! Des enveloppes vides ont été même découvertes au mi-nistère du logement qui semblaient contenir le virus de la fièvre bleue à l'état de poudre volatile. Le ministre, monsieur Gros Pierre de la Planche en a fait malheureusement les frais, comme vous le savez.

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-Ah, monsieur Camus, vous m'en apprenez toujours des nouvelles! et c'est bien cela que j'aime chez vous. Votre perspicacité est d'un trouble à faire pâlir plus d'un inspecteur de police et pas mal aussi de journalistes. Mais au fait, où avez vous obtenu ces dernières informations?

-Hé bien, par mes informateurs qui sont actuellement postés dans des endroits dits sensibles dont je ne peux pas indiquer les positions. Car celles-ci se déplacent selon mes ordres lorsque j'ai une idée ou bien un doute sur ce que les médias affirment d'une manière un peu trop à la legère, sel-on moi. Monsieur Crassepoite, je ne sais pas s'il faut vous le dire, à vous qui êtes mon supérieur. Mais la plupart des informations journalistiques sont fausses pour la simple raison qu'elles ne visent qu'à leurs intérêts personnels et non à l'intérêt général. Et ma devise en matière d'informa-tions a toujours été de me méfier des propos des journalistes, puisque ces derniers ne servent en vérité qu'à vendre et rien qu'à vendre leur gazette mensongère. L'argent est leur seul raison d'ex-ister, alors que moi, je cherche la vérité sur les faits afin d'améliorer la vie de nos concitoyens. Car seule la vérité sur les faits et gestes de nos concitoyens, nous permettra de résoudre tous nos problèmes aussi bien en matière de moeurs, de sécurité qu'en économie politique. Ne nous voil-ons pas la face, monsieur Crassepoite, mais n'est-ce point vous qui m'avez encouragé sur cette voie que je croyais au tout début comme perdue d'avance? Et n'est-ce point vous qui m'avez per-mis de résister à la pression médiatique et surtout à cette haine déchaînée par les socialistes sur notre pauvre petite commune de la Colombe? Oui, oui, vous avez entièrement raison! Mais je veux rester modeste quant à ma contribution, mon cher Jean-Paul, dit-il touché par ses éloges. Et c'est une chance que l'on ait pu garder cette mairie dans notre camp, sinon l'on aurait pas pu continuer nos travaux sur cette restauration de nos moeurs grâce au vaste sujet qu'est celui de l'insalubrité publique. Et si tous les chemins mènent à Rome, visiblement, le nôtre était le bon. En sachant bien que le gouvernement de monsieur Macador, qui est d'une idéologie plus molle que la nôtre, ne pourra pas tenir longtemps sans l'appui de nos idées et de nos propres expérime-ntations sur notre commune tels que les petits bains de la république dont les résultats sont très encourageants, comme vous l'avez constaté vous même. 

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Oui, oui, c'est très exact, lâcha amicalement, monsieur Crassepoite. Mais il est bien dommage qu'on les ait mis un peu trop loin du centre ville. Car les gens ici rechignent d'y aller tellement ça les fait marcher. Plusieurs fois, j'ai été moi même interpelé par de pauvres bougres, disons pres-que des clochards, ici au bureau de la permanence des coupons " bain douche" pour les avoir mis un peu loin de chez eux pour soi-disant pouvoir les tuer en cours de route! Tout ceci était bien sûr de la pure calomnie, leur avais-je dis d'un ton clair et rassurant. Mais comme ils ne me cro-yaient pas vraiment, j'ai pu les convaincre facilement en leur disant que les prix des terrains étaient bien trop cher au centre ville. Voilà, ils m'ont quand même cru car ils avaient besoin d' une bonne douche, ces gars là. Ohlala, comme ça puait dans les bureaux, ce jour là! Je ne sais pas comment les employées sont arrivées à tenir plus d'une heure. Mais je sais que plusieurs d' entre elles ont donné leur démission juste après, alors que cela faisait que quelques jours qu'ont les avaient embauché à la mairie. De petites natures, ces gamines, de vraies petites bourgeoises qui croyaient qu'on allait leur donner un bureau avec un ordinateur du dernier cri. Et pourquoi pas, une vue sur le parc de la tête d'or pendant qu'elles y sont, vaches! Oh excusez-moi, monsieur Camus, mais ça m'a échappé tellement ça me met hors de moi, toutes ces histoires de femmes modernes qui veulent leur petit confort sans salir leur petit décolleté.

-Oh oui, comme je vous comprends, monsieur Crassepoite! Moi aussi, je pense comme vous. Et je pense sincèrement que les femmes d'aujourd'hui sont de véritables danger pour nos moeurs et que ce sont elles d'une certaine façon qui transmettent à leurs enfants toutes les tares de leur ép-oque. Telle mère, telle fille, on ne le répétera jamais assez! Et les garçons n'en parlons pas; ils sont pour la plupart abandonnés par leur père pour cause de chômage de longue durée et c'est leur mère qui les élevent comme des petites filles. Il est évident à cette allure où vont les choses qu'en quelques décennies notre société sera devenue une société de pédés ou d'homosexuels ref-oulés.

-Oh oui, Jean-Paul, ce que vous dites n'est pas entièrement faux même je dirai d'une extrême clairvoyance.

Voyez-vous, monsieur Crassepoite, notre travail sur la salubrité publique n'en est qu'à son balb-utiement et nous montre que nous avons encore beaucoup de travail sur la planche où notre avenir en terme d'utilité publique sera largement justifié.

-Oui, oui, je suis entièrement de votre avis, mon ami.

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-Et pour continuer mes propos de tout à l'heure, monsieur Crassepoite, je dirai que mon livre, qui est un livre ouvert sur notre société décadente, ne pourra pas passez inaperçu auprès des au-tres concurrents au pouvoir. C'est uniquement cela que j'avais à vous dire et tout ce qui pourra se dire par l'intermédiaire des médias ne sera bien entendu que des commentaires stériles sur ce que nous avons dit et rien d'autre. Etant donné que leur but est de vendre leur petite gazette quo-tidienne et non de changer le monde comme nous, monsieur Crassepoite, nous envisageons de le faire comme une mission supérieure.

-Eh ben, mon ami, vous n'y allez pas avec le dos de la cuillère, Ah!Ah!Ah! Et pour vous dire la vérité, je ne vous connaissais pas sous cet angle qui est pour moi le signe évident pour vous ren-ouveler mon attachement. La première fois que je vous ai vu, j'ai tout de suite pensé que vous étiez un homme à principes et d'une grande probité morale malgré quelques égarements fantaisi-stes au début pour les belles voitures et les jolies femmes. Vos escapades sur Paris en plein mois d'août m'ont fait quelques frayeurs pour vous dire la vérité. Et je pensais sincèrement que votre travail dans nos services allait s'abréger au plus vite. Mais j'ai vite compris, malgré vos vitesses dépassées en sortant de la commune et vos feux grillés en plein centre ville pour allez à Paris, n'avait que le seul but d'allez chercher des informations au plus près de l'action, n'est-ce pas?

-Oui, oui, c'est parfaitement exact. Mais rassurez-vous, je n'ai rien fait de mal et ma seule amb-ition était de passer inaperçu auprès de la population parisienne et des instances du pouvoir ni-chées en ce haut lieu afin de me donner une idée exacte des moeurs qui y règnaient en ne faisant aucunement confiance à la presse parisienne. Ma surprise a été totale, voyez-vous : Trop de vic-es et trop de vices, voilà tout! En quelques années, j'ai pu voir sortir, comme des poubelles pari-siennes, un nombre effrayant d'infections étranges que les hôpitaux de Paris tenaient cachées da-ns de hauts lieux sécurisés. Le préfet de Paris avait alors indiqué aux différents services d'hygi-ènes de la ville de cacher ces malades d'un type tout à fait nouveaux qui mourraient sous d'affr-euses souffrances et dans d'étranges postures. Pour vous illustrer la chose, j'ai pu voir de mes propres yeux, un homme qui était mort, semble-t-il, d'une fièvre étrange que j'ai appelée moi mê-me la fièvre bleue. Car comme vous le verrez, la qualification y convient à merveille. On avait donc retrouvé ce pauvre homme mort chez lui devant son poste de télé en tenant bizarrement le doigt appuyé sur la touche de la télécommande. La touche appuyée était celle de la première cha-ine et beaucoup pensait qu'il était mort d'une crise cardiaque en regardant, il y a de forte chance, un mauvais film sur la première chaine!

-Tiens, donc, comme c'est étrange? dit monsieur Crassepoite en regardant monsieur Camus d'un air étonné.

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La police le pensait elle aussi et allait classer l'affaire comme mort-naturelle-en-regardant un mauvais film sur la première chaine! Mais moi ce qui me troublait, c'est que ce mort n'était pas tout à fait comme les autres, parce que son visage avait une teinte bleue et ses muscles avaient été comme tétanisés par une vision d'horreur ou peut-être de douleur, je ne savais pas exactem-ent. Mais je m'interrogeais tout de même sur ce cas de mort étrange. La police ne me laissa mal-heureusement pas assez de temps pour examiner le corps, car je n'avais aucune carte pouvant me faire passez pour un médecin légiste. Puis d'autres cas se sont déclarés en d'autres lieux et en d' autres occasions où mon enquête devenait, non plus un délire de ma personne, mais une vérita-ble mission afin de connaître la vérité sur ce nouveau fléau qui allait se répandre sur la ville de Paris. Mon livre en est le résultat ou la quintessence, si vous voulez. Et seul le roman pouvait le faire passer auprès des médias, puisque personne ne m'aurait cru surtout pas ces journalistes parisiens qui ne pensent qu'à leur tête d'affiche et à leur show business. Un honnête homme, ven-ant de sa province, n'aurait eu aucune chance de se faire entendre devant ces messieurs de la pre-sse écrite ou les médias!

-Bien, bien, je vois, je vois. Mais au fait, monsieur Camus, comment avez vous su à l'époque que les socialistes allaient perdre les élections en avril dernier? Car il me semble bien étonnant de lire dans votre livre cette étrange prophétie de la part du général Parisis : Après avoir suppor-té tous les fléaux socialisants de notre ancien monde, il était temps pour nous de vouloir la fin du mensonge pour entrer dans une autre sphère de valeurs où le corps et l'esprit deviendraient notre suprême doctrine.

-Oui, oui, c'est bien cela qu'il disait à ses jeunes soldats sur le champ de bataille de la Roquette où ils combattaient une poche de résistance qui avaient réussi à échapper au virus de la fièvre bleue. Mais tout cela était bien sûr issu de mon imagination et jamais je n'aurai pu prévoir, en avril dernier, la chute du parti socialiste aux dernières élections présidentielles. Je pense que c'est un pur hasard..

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-Hum, hum..au fait, monsieur Jean-Ives Duguillou, qui est notre maire à tous, comme vous le savez,  m'a demandé de vous faire part de toutes ses félicitations pour votre travail et pour vos futurs succès auprès des médias, mais surtout auprès du nouveau gouvernement de monsieur Macador.

-Remerciez-le de ma part. Car il ne fait aucun doute que son voyage au Brésil ne doit pas être une mince affaire, vu le contexte économique difficile et de l'effondrement du prix du café à la bourse de New York!

-Oui, c'est exact. Mais notre maire à tous est très courageux et il me téléphone tous les soirs afin de savoir si tout se passe bien ici à la mairie en son absence. L'ambiance, l'ambiance locale, là est le vrai métier de l'homme politique et rien d'autre! Pour moi, tous ces pro-rmondialistes et ade-ptes du village global, c'est du petit vin, de la mauvaise piquette médiatique et rien d'autre. Mais connaître la température de chaque maison, de chaque quartier, là est le vrai métier de l'homme politique. Car il ne fait aucun doute qu'à l'intérieur, il s'y trouve forcément de futurs électeurs, ce qui serait un vrai gâchis de les laisser à un concurrent qui jouerait sur la carte du coeur, alors qu'il n'en a pas plus qu'un autre!

-Oh oui, cela est évident. Mais notre maire est un chic type et c'est pour cela que nous l'aimons tous! dit enfin monsieur Camus.

Pour en revenir au décès du ministre du logement, monsieur Gros Pierre de la Planche, la der-nière information du communiqué avait été bien évidemment supprimée pour des raisons qu'on devinera facilement et remplacée par celle-ci : Notre vénérable ministre du logement, monsieur Gros Pierre de la Planche, a été hier soir découvert mort à son cabinet de travail suite probable-ment à l'épidémie de fièvre bleue qui sévit actuellement dans la capitale. Nous supportons avec peine la perte de cet homme d'une grande probité morale qui avait donné sa vie à notre nation, puisque celui-ci mourrait dans l'exercice de ses fonctions ministérielles à cette même place où la fièvre bleue le terrassait. Notre peine est immense et sans consolation.

Le ministère du logement

au 65 rue du plâtre

 

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Mon cher lecteur, je me permets ici de vous donner la vraie version sur la mort du ministre du logement qui, comme vous le verrez, est très éloignée de la version officielle.

La femme de ménage qui l'avait découvert dans cette étrange posture avait pensé alors à une po-lissonnerie de son ministre qui ne manquait jamais de lui faire un peu peur avant qu'elle prenne son service dans son bureau, un peu après 19 heures quand le calme regagnait le ministère. Ma-dame Puertas, ne le voyant pas se relever, alla donc sous le bureau afin de l'en tirer; mais voyant que celui ci-restait figé dans cette position vraiment indécente pour un ministre hautement esti-mé par ses pairs, se mit à crier comme une folle et alerta les gardes du ministère qui aussitôt acc-oururent devant cette scène tragi-comique où la police du ministère devra résoudre le mystère. Puis vinrent les infirmiers qui, ne pouvant l'allonger sur la civière à cause de cette posture qu'on ne pouvait lui faire changer, le transportèrent ainsi en lui mettant une couverture sur le dos afin que personne ne sut dans quelle position on avait retrouvé le corps. Le président de la républi-que, qui avait été informé du décès de son ministre du logement, fut très navré qu'on le décou-vrit, non à son devoir de haut fonctonnaire, mais sous son bureau à quatre pattes en suçant son pouce! Ce dernier, et malgré un rire qui ne lui avait pas manqué d'étouffer au téléphone, avait indiqué à ses hauts fonctionnaires de taire toutes les conditions étranges sur sa mort. Bref, on lui donnerait la légion d'honneur pour que tout rentre dans l'ordre, la famille et les médias, avait-il alors indiqué. Les autres ministres avaient dit d'accord, afin de respecter le protocole républi-cain.

Toutes ces informations, je les ai eu grâce à un magazine pornographique dont  les articles et les photos mentent rarement sur la réalité des faits, n'est-ce pas, mon cher lecteur? Mais pour vous dire la vérité, ce ne fut point le vice qui y força mes regards, mais une malheureuse rencontre que je fis aux presses des batignoles. Ce jour là, ne trouvant pas monsieur Bonniface dans son bureau, j'étais allé demander aux camionneurs s'ils ne l'avaient pas vu. Mais ils m'apprirent qu'il était en réunion et qu'il n'en ressortirait que très tard le soir vu les enjeux salariaux qu'il était en train de débattre. Merde, je n'avais vraiment pas de chance d'arriver au milieu de toutes ces réu-nions syndicales! pensai-je d'un air dégoûté. Et pour être franc avec vous, je n'avais plus rien à lire depuis plusieurs jours. Bref, j'étais donc sur le point de repartir chez moi, quand un des cam-ionneurs me dit d'attendre sans savoir pour quelle raison. Aussitôt, je le vis monter dans son bahut et sortir quelques instants après des revues pornographiques qu'il me donna en me rigola-nt au nez, Ah!Ah!Ah! Mais ne voulant pas faire l'enfant, je les lui pris, mais très gêné pour ne rien vous cacher. Et comme ils ne me voyaient toujours pas déquerpir de l'usine, son collègue me dit à son tour de l'attendre en montant dans son bahut, non pour aller chercher des revues pornographiques, mais un vulgaire sac en plastique qu'il se mit à gesticuler au bout du bras com-me un étendard! Mais qu'avait-il gagné, je me demandais bien? Bref, je ne comprenais pas très bien toutes ces manoeuvres pour soi-disant me faire plaisir. Puis sautant  de son marche pied co-mme un cabris, il vint vers moi et me dit : Ca y' est, je crois que j'ai trouvé ce qu'il vous man-quait, HI!HI!HI! Allez, jeune homme, mettez-moi toutes ces revues à l'intérieur de ce sac en pla-stique, comme ça vos voisins n'y verront que du feu!

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Ah, j'avais vraiment honte de moi! Ah oui, vraiment honte! HI! HI !HI! Allez, un peu de nerf mon garçon, on a pas toute la journée devant nous, on a aussi à décharger nos bahuts! Alors moi, j'ai fait ce qu'il m'a dit et je suis parti en courant jusqu'à chez moi avec mes revues dans mon sac en plastique. Faut dire que j'étais vraiment furax. Et puis de tout façon, moi ce qui m' intéresse en général, ce sont plutôt les articles et non ces images dégueulassses de ces hommes et de ces fem-mes qui font comme les animaux. En fait, j'avais déchiré toutes les images et gardé uniquement les articles et c'est comme ça que je suis tombé sur l'article concernant la mort du ministre du logement dont la femme de ménage n'était pas une vraie femme de ménage, mais une cover-girl! qui bien sûr avait perdu une bonne partie de ses revenus par la mort précipitée de son petit vici-eux ministre. Aujourd'hui, elle faisait à nouveau des films pornographiques pour aider sa vieille mère qui ne touchait presque rien comme retraite. C'était assez respectable pour cette pute de lu-xe de penser à sa vieille mère : signe d'une grande âme dans un corps de diablesse, comme le soulignait très justement, l'intervieweur en slip.

Quelques jours plus tard.

Décidément, mon enquête n'avance pas et j'ai vraiment le sentiment de pédaler dans la semoule. Je pense sincèrement que de lire tous ces journaux et de faire des recoupements d'informations ne riment à rien si je n'agis pas réellement sur le terrain. Car comment savoir si mon enquête va dans le bon sens, si je ne vais pas moi-même sur les lieux où se passent les événements, hein? Impossible! me dirait ma grand mère qui vit encore grâce au ciel à quelques pas du lac de Genè-ve. Mais ne nous précipitons pas comme un pauvre imbécile, mon petit Régis. Et vous, lecteur curieux et amoureux de la vérité, ne soyez pas trop impatient de la connaître surtout quand on sait que les chemins qui y mènent sont souvent remplis d'embûches et de surprises à vous faire rebrousser chemin à toute vitesse. Personnellement, je ne pense pas être un Ulysse des temps modernes, mais il faudrait tout de même s'en rapprocher pour sa propre survie, bien évidemm-ent. Quant à ma grand mère, ne vous inquiétez pas, je vous en parlerai en temps voulu, car on ne peut malheureusement pas tout dire en même temps, n'est-ce pas? Mais pour l'instant, mon petit Régis, ne soyons pas plus bête que nous en avons l'air et essayons de raisonner comme un Suisse qui ne vivrait que de laitage et de visions pures des montagnes enneigées. Il est certain que je dois utiliser toutes mes ressources personnelles afin d'éclaircir mes idées, et plus particulièrem-ent, exploiter toutes les qualités que j'ai dû hériter forcément de ma mère qui était Suisse. Puis-que née dans le canton de Genève, elle m'a très certainement transmise cette fameuse naïveté Suisse qui fera, j'en suis sûr, avancer mes affaires, car qui sait si cette enquête ne me mènera pas à la fortune? Hé oui, qui peut me dire le contraire? A part mon intuition? [qui pour l'instant ne m'a jamais aidé à trouver la fortune, mais plutôt à tomber dans la misère!]. Mais c'est peut-être parce que j'étais trop éloigné de mes vraies racines!

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Hum, hum, je commence un peu mieux à comprendre ma situation et je ne voudrais certainem-ent pas faire la même erreur que Jean-Jacques Rousseau qui aux siècles des lumières avait cru que la vérité le mènerait à la fortune! Oh non, il me faut éviter à tout prix de faire cette même erreur philosophique qui l'avait entraîné dans une misère pas possible à s'en suicider même! Bon, bon, d'accord, déjà une bonne chose de faite. Mais ne nous dispersons pas comme ça et revenons à nos moutons. Dois-je aller en Suisse et demander à ma grand-mère ce qu'elle en pense de tou-te cette étrange histoire ou bien dois-je essayer de la résoudre par mes propres moyens? Sincèr-ement, je ne pense pas que la position du philosophe soit la meilleure position à tenir quand on voulait alerter l'opinion publique qu'une guerre bactérilogique se mettait en marche sans que pe-rsonne ne le sut. Pour la simple raison que l'on pourrait me considérer comme un oiseau de ma-uvais augure leur annoncant une bien mauvaise nouvelle où les amis de monsieur Camus ne me louperaient pour m'éliminer. Où seul l'exil dans un autre pays pourrait alors assurer ma sécurité et me maintenir en vie. La Suisse pourrait être ce choix et ma grand-mère ne demanderait que ça de m'aider et de me sauver d'une mort certaine. Mais sincèrement, je trouve cette solution un peu trop risquée pour elle et je ne voudrais en aucun cas qu'elle en subisse les fâcheuses conséque-nces. Non, non, ne refaisons pas ici la même erreur que Jean-Jacques! Et puis de toute façon, les temps ne sont plus les mêmes et on a quant même un peu évolué, n'est-ce pas? Et puis, je n'aurai certainement pas son génie dans l'écriture ni même dans sa pensée qui, d'une redoutable clairv-oyance, avait su prévoir la révolution française. Et malheureusement pas, toutes ces horribles et sanglantes persécutions où l'échafaud sur la place de la Concorde coupait des têtes, des petites comme des grosses en déversant dans les caniveaux des rues parisiennes, le sang riche et écarlate de toute l'aristocratie française!

Tous ces corps mutilés et parés de leur somptueux déguisement d'opéra gisaient désormais sur les trottoirs de notre Histoire, comme de vulgaires marionnettes de chiffon. Parce qu'elles ava-ient voulu tout bêtement s'opposer à la marche du temps, aux siècles des lumières et surtout au droit de l'Homme naissant. Tous ces opposants au renouveau en avaient payé le prix fort pour avoir roulé durant des siècles dans des carrosses en or injustement acquis par l'exploitation sans morale du travail du peuple. Tout cela était bien navrant pour notre histoire nationale, je ne vous le fais pas dire. Mais revenons à nos moutons, si vous voulez bien. Et si vous me permettez, mon cher lecteur, je voudrais profiter de cet instant particulièrement douloureux pour notre pa-ssé national pour vous dire et du fond du coeur, que notre pauvre Jean-Jacques n'y était pour rien dans toute cette sanglante opération d'élimination de l'aristocratie française et malgré les très nombreuses persécutions qu'il avait reçu de celle-ci pour lui avoir dit uniquement la vérité sur les temps qui allaient lui advenir. Bref, sur la fin de leurs privilèges qui n'étaient plus issus d' un courage chevaleresque, mais d'une escroquerie historique menée depuis des siècles afin de faire croire au peuple que son pouvoir était légitime, malgré ce peuple peu instruit et tenu très loin de toutes connaissances ou savoir politique, culturel etc. Rousseau n'avait jamais désiré la mort de ses ennemis héréditaires, mais il avait juste dit que le monde et l'Histoire était un mon-stre en mouvement et, si on ne le suivait pas, risquait de vous écraser comme une vulgaire gal-ette de pain! Rousseau n'avait dit que cela et rien d'autre. Et si les princes avaient pris ses propos pour des menaces personnelles, c'était la preuve qu'ils vivaient dans un monde clos et même je dirai immobile, comme dans un mauvais conte à la Voltaire aux étranges relents islamophobes et antisémites. Où toute chose se répètait à heure fixe où la terre comme un géomètre tenait les compas et les sextants, afin que rien ne change. Le marchand de sable passe à 10 heures et ceci jusqu'à la fin des temps! Comme tout ceci devait être bien rassurant pour l'aristocratite française qui, en ces temps immobiles, avait porté aux nues les contes de monsieur de Voltaire. Cela ne fait aucun doute pour moi qui est toujours un adepte et fervent amoureux de Jean-Jacques Rou-sseau aussi bien pour ses idées que pour l'homme qu'il était, c'est à dire un grand philosophe de la taille d'un platon où l'esprit et le coeur avaient dictés ses lois.

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Aujourd'hui, je ne peux que me mettre à genoux devant ce maître à penser et pleurer contre son visage que je sens parfois tout contre le mien. Avec bonheur, je sens sa peau glacée peu à peu se réchauffer et s'illuminer de larmes consolatrices, puis je vois ses paupières s'ouvrir et me laisser découvrir un regard intense où ses yeux sont chargés de bonté et d'amour pour son prochain. Enfin, il me sert contre lui pour pouvoir se réchauffer, cherche mes mains et les apposent sur son visage transporté de bonheur et de ravissements. Puis il me dit en lâchant un beau sourire : Qu'il était temps, mon jeune ami, de nous ramener à la vie! Et toi par ton courage et par ta pen-sée, tu avais pu le faire. Je t'en remercie, mon frère d'arme. Et si je t'appelle ainsi, c'est parce que tu l'es vraiment, mais en un temps différent du mien." Que dire d'autre que je restais muet d'ad-miration devant tout ce qu'il me disait. Une fois de plus, il me serra contre lui, puis mit ses ma-ins dans les miennes et, tout en cherchant mon regard, essayait de comprendre comment j'avais pu le ramener à la vie et le sortir de ce tombeau affreusement noir du Panthéon( où les Hommes l'avaient enfermé jusqu' à la nuit des temps) en ignorant qu'il était un amoureux fervent de la na-ture et des bosquets impénétrables du bord du lac de Genève. Emène-moi hors de là! me supplia- t-il soudainement. Ici, je me meurs depuis plus de 2 siècles enfermé avec d'illustres personnages de roman pour la plupart. Oui, mon ami, porte-moi jusqu'à la lumière du jour afin que je puisse mourir comme un être vivant et non comme une statue de pierre dans ce Panthéon qui ne me ressemble en rien. Et puis il faut te dire que tous ces grands de l'Histoire que je côtoie depuis 2 siècles ne sont pas des gens très gais où toutes les nuits ils me racontent leurs exploits et leurs succès qu'ils ont eu de leur vivant. Pour te dire que je connais un peu près par coeur leur hist-oire, mais surtout leur vanité de faire chez les vivants encore trembler les meubles!

Ah!Ah!Ah! si tu les écoutais, on pourrait croire qu'ils sont encore de ce monde et que les vivants le croient toujours. Mais tout ça, c'est de la pure vanité et ne veulent surtout pas sortir de leur majestueux tombeau du Panthéon avec cette impression de sortir de l'Histoire et de mourir com-me le fils de la concierge du musée. Bah, ils sont ridicules et se comportent comme des enfants gâtés de l'Histoire : ils ont un nom et ne veulent surtout pas le perdre! Moi personnellement, je ne comprends pas leur attitude et il me semble bien qu'on m'ait mis ici par erreur. Moi, je n'ai rien demandé à l'humanité sinon de mourir et être enseveli sur l'île de Saint-Pierre. Tu sais, l'île aux lapins que j'aimais tant pour sa tranquillité. Mais personne ne m'a écouté et ils m'ont enfer-mé dans ce maudit endroit où il y a vraiment trop de monde, surtout des gens insupportables!" Tout ceci me semblait faire partie d'un rêve où Jean-Jacques Rousseau me demandait lui même de le sortir de ce Panthéon où son tombeau avait été très injustement placé en face de celui de Voltaire : l'homme qu'il haïssait le plus! Pour moi, cela ressemblait à de la pure folie que cet ho-mme veuille après 2 siècles sortir pour aller prendre un peu l'air au bord du lac de Genève. Dé-cidément, cet homme était une véritable nature, une sorte d'immortel, quoi! Je suivis mon rêve et le repris afin de lui dire que j'étais d'accord pour l'emmener sur mes épaules, car ses jambes s'ét-aient avec le temps complètement décharnées qu'il ne pouvait plus marcher par lui-même. Que vous dire d'autre que son regard s'illumina aussitôt avec passion au point de m'embrasser viole-mment. Tout naturellement, je  me laissais faire par cet homme que j'avais toujours admiré et lu avec un certain plaisir jamais dissimulé.

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-Alors, ce sera pour quand? me demanda-t-il.

-Ce sera pour ce week-end, dimanche soir plus précisément quand le Panthéon sera fermé et que nous pourrons nous évader de ce maudit endroit.

-C'est bien, mon petit, et j'espère que tu as pensé à tout. Moi je peux seulement t'indiquer où son les clefs du Panthéon. C'est malheureux, mais je ne peux plus me déplacer physiquement et c'est seulement mon esprit qui se promène entre ces murs lugubres. Je connais même le nom de cha-que femme de ménage qui vient nettoyer mon tombeau et elle sont plutôt pas mal avec leur bl-ouse à fleurs. Et quand elles se penchent sur mon tombeau avec leur balayette, je sens parfois leurs seins caresser mon corps. Mais cela ne se pa sse malheureusement qu'une fois tous les 30 ans! Te dire le résultat sur mes plaisirs, c'est plutôt maigre ces sensations pour moi qui était de mon vivant un grand sensuel, comme tu le sais. Allez, j'arrête, car tout ça commence à me trou-bler les sens. Mais revenons à notre projet en commun, mon petit Régis. Oui, les clefs elles sont à l'entrée dans une petite pièce qu'on appelle tous ici, la salle du trésor et tu comprendras bien pourquoi. En fait, nous sommes pour la ville de Paris, une vraie mine d'or. Sais-tu que j'ai été visité par plus de 50 millions de touristes et de toutes les races et de toutes les confessions et même par des rois? Paris ne voudrait en aucun cas nous voir partir d'ici au risque de lui faire perdre beaucoup d'argent. Et si le monde entier savait que le grand Jean-Jacques Rousseau s'ét-ait évadé du Panthéon, Paris perdrait au moins 100 000 visiteurs par an, hein? 

-Rousseau, arrête tes spéculations, j'étais forcé de lui dire. Car il commençait un peu à me taper sur les nerfs.

-Excuse-moi, mais j'étais comme emporté par cet élan où grâce à toi, la semaine prochaine, j' allais de nouveau recouvrir ma liberté. Excuse-moi d'être impatient, mais cela fait plus de 2 siè-cles que j'attends ce moment..et comme je suis un philosophe, les idées et les comportements des gens sont bien sûr mes aliments, comme tu le sais.

-Bon, bon, d'accord, mais comment je vais faire pour entrer dans cette salle du trésor, afin d'y prendre les clefs, comme tu me l'indiquais?

-Oh, c'est pas compliqué! Tu n'auras qu'à te laissez enfermer dedans pour pouvoir le faire.

-Quoi, me laissez enfermer dedans au risque de ne plus en ressortir! Mais Jean-jacques ne serais-tu pas devenu fou?

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-Mais non, mon petit Régis, arrête de t'inquiéter comme ça, écoute moi plutôt. Comme tu ne le sais pas, une des clefs s'était égarée lors du transfert du corps d'un certain Victor Hugo en ce lieu même (homme entre parenthèses assez lugubre pour ne rien te cacher). A l'époque, nous avions un gardien qui s'appelait muscadet qui pendant toute la cérémonie (où un de vos ancien président avait fait un discours très très long à ne pas en finir avec leur vanité historique) était allé au bis-trot du coin se saouler la gueule. Mais à son retour, complètement bourré, il oublia de remettre les clefs dans la salle du trésor et s'endormit sur le tombeau de monsieur Voltaire. La clef, com-me par un heureux hasard, s'introduisit à l'intérieur par une petite ouverture où il était imposs-ible de la reprendre. C'est Voltaire lui-même qui me le raconta où cette nuit, il n'avait pas pu fe-rmer l'oeil à cause de ce gros cochon de gardien qui ne faisait que ronfler et péter sur son tom-beau. Bien sûr, ça m'avait fait rire qu'il me le dise comme ça sans embages. Car fier comme il était, il n'avait jamais supporté les rots et les pets du peuple en voulant toujours jouer dans la cour des grands. Hé ben là, il était servi, non royalement, mais bien populairement, Ah! Ah! Ah!

-Mais vous êtes fou, monsieur Rousseau de rire comme ça! Mais on va nous entendre et peut-être gâcher notre plan.

Ho, ho, ho, notre plan! Hi, hi, hi, notre plantation de choux! Na, na, na, notre plantation pour vous !

-Mais vous chantez maintenant? Vous ne seriez pas devenu fou, monsieur Rousseau ?

-Tu sais, mon petit Régis, j'ai toujours aimé chanter. Et j'en profite en ce moment, car ça ne sera pas la veille que je pourrai le faire. C'est vrai que je suis gai en ce moment, comme tu le vois. Allez chante avec moi si tu le veux! Tu sais, je connais pas mal de chansons que Tatie Suzanne m'avait apprise quand j'étais enfant et pas une de mes promenades au bord du lac ne commençait ni se terminait par une de ces chansons. Je t' en donne un extrais si tu le veux.

-Oh non, épargne-moi cela. Et puis de toute façon, je ne sais pas chanter. Sans te cacher pas que toutes nos chansons actuelles sont vraiment très différentes des vôtres. J'pense pas que se soit assez rock n' roll pour moi.

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-Tu disais rock n' roll, c'est quoi ça ?

-Ce serait long à t'expliquer.

-Pourtant elles étaient douces nos chansons!

-Oui, mais c'est là le problème!

-Comprends pas !

-Oh flûte!

-D'accord, d'accord, j'arrête de chanter. Donc, comme je te disais, tu pourras prendre la clef dans le tombeau de monsieur de Voltaire. Et comme je vais lui en parler ce soir( malgré qu'il ne m'a jamais aimé), il te la passera par la fente quand tu le désireras. La suite, tu la connais et j'espère bien que tu as tout compris ce que je t'ai dit. Je te le répète afin de te le remettre en mémoire. Premièrement : Allez chercher les clefs chez Voltaire. Deuxièmement : Ouvrir la salle du trésor et s'enfermer à l'intérieur en attendant la nuit. Troisièmement : Prendre les clefs du Panthéon sur le panneau de droite ainsi que le pied de biche qui est sous la table. Quatrièmement : Aller ouvrir mon tombeau avec le pied de biche. Je pense que fort comme tu es, tu y arriveras facilement. En-suite, tu me porteras jusqu'à la sortie et à nous la liberté, mon petit Régis! La suite, je te la donn-erai en cours de route. Ne ne nous fatiguons pas par avance et chaque chose doit être faite en son temps. Mais au fait, mon petit Régis, il y a toujours la station de fiacres à la Madeleine, hein?

-Ah! Ah! Ah! Mais Jean Jacques, nous sommes au 21 ème siècle, l'aurais-tu oublié ?

-Ah oui, c'est vrai! Pourtant, c'était pas mal ce moyen de locomotion, non ?

-Moi, je peux rien te dire à propos des fiacres, car j'en ai jamais pris de ma vie. La seule chose que je peux te dire, c'est que dans pas mal de romans de Balzac, on en parle comme on parle au-jourd'hui de voitures ou d'automobiles, comme quelque chose de tout à fait banale.  

-Tu as dit O-TO-MO-BIL, mais c'est quoi ça ?

-Allez, Rousseau, arrête de me poser trop de questions, car cela va finir par me lasser d'être avec toi.

-Oh oh, ne te fâche pas comme ça, j' suis pas un homme préhistorique!

Non, tu ne l'es pas et je te dirai même que tu es toujours d'actualité parmi nous, avec toutes ces lois sur l'égalité que tu chérissais à ton époque.

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-Ô l'Égalité! Mais au fait, c'est toujours en vigueur à ton époque?

-Bien sûr que oui, vieil ours bourru!

Ah oui? Tiens donc, je n'aurai pas cru que cette notion un peu complexe pouvait avoir encore du succès parmi les Hommes d'aujourd'hui. Je t'avouerai, mon petit Régis, que je suis fort content que mes idées avec le temps n'aient pas pris une seule ride. Ah oui, j' en suis flatté surtout quand je pense à monsieur de Voltaire qui se prenait à l'époque pour une sorte de génie par ses contes à la petite semaine. Ca me fait vraiment plaisir que lui ait mal vieilli. Je lui en parlerai la prochai-ne fois pour le mettre sur le fait accompli, Ah!Ah!Ah! Mon petit Régis, les nouvelles que tu m' envoies d'en haut sont fortes réjouissantes pour moi, comme tu le vois. Et...

-Alors là, non, tu vas pas reprendre ton discours! Moi j'arrête de parler; tu commences vraiment à me casser les oreilles, mon Jean-Jacques!

-Mais comprends moi, mon Régis, ça fait si longtemps que je n'ai pas parlé avec un vivant. Tu sais, parler avec tous ces morts, c'est pas du tout passionnant, car ils se répètent à l'infini et c'est bien là le problème. Moi ce que j'aime, et ce que j'ai toujours aimé, ce sont les idées nouvelles et les mouvements des astres. J'aime suivre la révolution des idées comme un astronome avec sa lunette dirigée vers les constellations du ciel. La société des hommes ne fait que suivre le grand mouvement d'ensemble de l'univers. Nous ne sommes, nous pauvres terriens, que de petits ato-mes de douleurs qui poursuivons notre chemin vers ce que l'on appelle bien dérisoirement le bo-nheur. Ce bonheur, si légitime soit-il, n'est qu'un pauvre sentiment que l'on porte au plus pro-fond de son être. Il parait même que les astres qui n'ont ni yeux ni oreilles y croient à leur façon, quand ils parcourent à une vitesse effrayante tout cet univers qui n'est pour nous qu'un univers glauque et stérile puisque personne n'y parle et s'y amuse. Pourtant tous semblent poursuivre leur chemin avec gaieté, comme s'il y avait au bout la vérité de leur nature, la raison de leur exi-stence enfin révélée. Tous pensent bien sûr et à tort qu'ils ont parcouru ce chemin difficile avec succès. Car tout ceci n'est en vérité qu'une majestueuse illusion que tout le monde s'efforce de croire comme véritablement réelle. Tu vois, mon petit Régis, tout ce que je viens de te dire, c'est là mon sentiment sur ce qu'on appelle tout bêtement l'existence humaine et même je dirai de tous les êtres animés d'un mouvement vitale. Les galaxies tournoyantes n'en sont que les reflets sur notre pauvre imagination..et c'est la vie qui regarde et admire sans commune mesure la vie : la vie qui tourne, la vie qui marche, la vie qui rampe, la vie qui vole, la vie qui imagine la vie, tel un força enfermé dans sa cellule qui ne peut rêver que de liberté. Le prêtre rêve d'un dieu régi-ssant tout l'univers afin d'être rassuré sur sa propre fin, mais aussi, pour se prouver qu'il n'est pas le fruit du hasard, mais d'une raison supérieure; non forcément pour se croire supérieur aux autres, mais pour donner une raison à son existence si peu intéressante en ce bas monde où l' homme souffre de misères morales et de vices. Pour une âme pure, c'est la définition même de l'enfer, ce monde d'ici bas! Et il fera tout pour s'en extraire quitte à inventer l'amour pour son prochain comme quelque chose de naturel, alors qu'il ne l'est pas du tout. Car la nature ne serait inventer l'amour, sinon prospérer par toutes sortes de moyens physiques d'attractions et de ré-pulsions que tout le monde connaît! Les masses planétaires s'attirent ou se repoussent du fait de leur masse respective, n'y a t-il pas ici une sorte d'analogie avec l'amour, cette force qui attire un être vers un autre? L'un aime la créature, tel est le destin de l'homme ordinaire. L'autre aime les gens, mais sans pouvoir aimer un seul d'entre eux. Mais quelle est donc cette étrange personne? Est-elle humaine ou bien surhumaine? L'atome aime l'atome qui lui ressemble par une attirance mutuelle, par un destin commun qui les fait unir. Mais l'électron libre ne peut aimer un atome parce qu'il est trop petit ou bien parce qu' il est trop libre pour celui-ci. L'électron par définition, c'est un clown, c'est celui qui n'a pas de mouvement définit à l'avance, c'est celui qui peut aussi bien aller voir ce qui se passe à l'extérieur qu'à l'intérieur même de la matière vivante. Pour être concret, c'est un peu toi, mon petit Régis qui vit actuellement une grosse crise existentielle. Et tu cherches par ton journal intime, les raisons de tes échecs parmi les Hommes, puisque tu es, je crois, toujours pauvre et célibataire, n'est-ce pas ?

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-Alors, mon cher Jean-Jacques, je te remercie beaucoup pour cette remarque! Mais vas-y, ce que tu me dis là me semble vraiment très intéressant.

-Je pense que tu es une sorte d'électron libre et il me semble bien que les autres ne te regardent jamais comme toi, tu les vois

-Ca, c'est pas faux.

C'est bien pour cela que personne ne te comprend et que tu sembles toujours en contradiction avec les autres. Excuse-moi de le dire, mais la société des hommes n'est pas faite pour toi, car tu fais partie de cette faible minorité que les autres ne veulent pas écouter. Sans occulter que si tu avais été riche par un quelconque accident de la vie, tu aurais été certainement un génie!

-Ah enfin, une parole gentille de ta part!

-La preuve est celle-ci, c'est que malgré nos âges respectifs, toi 21 ans et moi 200 ans, nous nous sommes rencontrés par la pensée.

-Ca, c'est vrai aussi.

-Mais alors suis-je un électron du passé ou bien un électron de l'avenir ?

-En fait, tu es les deux, puisque tu as les deux natures.

Ca, c'est plutôt effrayant, non ?

-Certainement, mon petit Régis. Mais pour moi, je pense que tu t'en accommodes très bien et malgré l'état de crise morale et économique que tu rencontres aujourd'hui.

-Mais au fait, Rousseau, j'aurai une question à te poser sur des événements que je vis actuellem-ent et qui ne sont pas très réjouissants pour la société française.

-Pour la société française, celle que j'ai aidé à devenir plus juste par la notion même d'égalité? Mais tu m'avais dit que c'était toujours en vigueur, non ?

-Oui et non, mais ça menace fort par les côtés.

-Ca menace fort par les côtés, mais c'est quoi cette expression?

-Cela veut dire que cela risque de changer du tout au tout, si on laisse ce monsieur Camus terr-oriser la population par une épidémie qu'il avait inventée lui même.

-Mais de quoi parles-tu, mon petit?

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-Mais de l'épidémie de fièvre bleue, parbleu!

-Une épidémie de fièvre bleue? Mais c'est quoi ça? Mais, mais, moi dans ce cas, je ne veux plus sortir d'ici, si c'est pour mourir comme ça! Mais tu m'avais dit que tout allait bien au dehors, non?

-Oui, c'est vrai.

-Mais alors soit plus précis.

-En fait, tous les gens sont convaincus qu'un monde se termine et qu'il faudra bien le remplacer par un nouveau. Car celui-ci est devenu si invivable que les gens en viennent aux mains avec leurs voisins d'habitations pour savoir qui a raison!

-Avec leurs voisins d'habitations?

-Oui et on ne peut même plus être tranquille chez soi. Car ils viennent faire du bruit jusqu' en dessous vos fenêtres pour vous empêcher de dormir la nuit! Ca va faire 3 jours que je n'ai pas dormi d'un sommeil réparateur et mes idées commencent vraiment à se mélanger d'une façon alarmante. Je crains devenir fou si je ne pars pas vivre ailleurs.

-Mais c'est affolant, mon petit Régis, ce que tu me dis là! Mais le monde, il est toujours aussi fou qu'avant, c'est ce que tu essayes de me faire comprendre, hein ?

-Oui, malheureusement, mon cher Jean-Jacques, et je suis désolé de te l'apprendre. Vois-tu, la vertu, la tempérance et l'égalité que tu avais choyé de ton vivant, tout cela existe bien aujour-d'hui, mais les gens ne font qu'en parler comme d'une nébuleuse et ne l'appliquent point dans leur vie. En utilisant le cynisme comme d'une arme à double tranchant où voir les autres pleurer les fait rire et les voir souffrir leur procure une grande jouissance! Que te dire d' autre que tout cela m'éffraye à outre mesure, car je ne sais quand tout cela s'arrêtera? Et je pense que seule la guerre civile pourra remettre en place les hommes d'aujourd'hui..au point d'en rêver parfois la nuit quand mes voisins du dessus tape sur mon plafond et uniquement pour que je de-vienne fou comme eux!

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-Mais c'est diabolique tout ça, mon petit Régis!

-Je ne te le fais pas dire, mon Jean-Jacques. Avec le sentiment qu'il n'y a plus rien à faire pour les gens de ma génération et même pour la génération future, car ils sont pires que leurs parents et je prévois quelque chose de pas bon..

-Alors moi dans ce cas, j'aime mieux rester ici enfermé au Panthéon. Au moins, j'y serai tranqu-ille pour mes jours éternels. Oublions, tu veux, ce projet de nous voir sortir de cet illustre end-roit, mon ami! Allez, adieu, moi je vais me recoucher. Et que dieu te garde, mon cher petit phil-osophe!

-Mais Jean-Jacques? Mais Jean-Jacques ne part pas comme ça! Un silence de plomb s'abattit au-ssitôt sur moi et clôtura notre conversation. Bref, Jean-Jacques Rousseau m'abandonnait à mon pauvre sort, voilà comment mon rêve prit fin. Et la crise continuer pour moi tant que les journ-aux continueraient à m'affoler avec leurs nouvelles de plus en plus catastrophiques. Mais quelle révolution pour demain pour que les hommes s'aiment enfin, me demandais-je tragiquement?

La guerre civile serait-elle la seule solution d'amour pour demain? La haine de la haine transfor-merait-elle l'homme en quelque chose de bon et de généreux? Je me sentais impuissant devant cette guerre probable et devant cet abandon de nous-même à la pire des choses uniquement pour retrouver un peu d'humanité parmi les décombres qui un jour nous enseveliront tous. Puisque les temps nous maudiront, disons-la maintenant notre vérité sur le peu d'estime que nous port-ons à nous-même. Oui, disons-là. Oui, je suis maudit par les dieux et je les emmerderai jusqu' aux cieux! Et je les insulterai jusqu'à la fin des temps afin qu'ils pensent du bien de moi. Alors, ils s'emporteront contre moi et me tendront des pièges quotidiens en transformant mes voisins en de méchants espions envoyés du diable pour me faire toutes les misères de la terre. Ainsi mart-yrisé par mes semblables, je pleurerai la nuit pour me consoler et j'appellerai Jésus-Christ com-me un possible sauveur, puis je le trahirai après avoir oublié que j'avais souffert. Puis j'oublierai tout : dieu, déesse, idole, totem, feuilles, fleurs, épines, chardons brûlants, pissenlit des champs, pire en pire du foin de tout, pas à pas vers l'affreux, pour ou contre le salut, peut-être l'abondan-ce, peut-être l'inconscient collectif, peut-être le bonheur solitaire, sans terre, sans dieux, sans vo-us, icônes des temps perdu, je suis mort, suis-je déjà mort? Arrêtons nous là, pitié pour nous même, sauvons-nous!

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Je ne pouvais malgré cela fuir l'espace temps qui encadrait notre petite existence de mortelle-ment abandonné par le grand tout. Je ne pouvais qu'imiter, par manque réelle d'imagination, la vie des autres, la synergie récurrente de nos aïeuls, de nos révolutions du passé, du bolchévisme transibérien, du national-socialisme germain et du franquisme espagnol franco de port. Mais où allions-nous comme cela et sur quel port allions nous nous embarquer prochainement, me dem-andais-je sourdement? Les dernières paroles de Jean Jacques me firent beaucoup de mal. Car en disparaissant comme un voleur, je devinais qu'il avait voulu me mettre en garde contre toutes ces idées philosophiques que je pourrais, par une inconscience bêtise, appliquer à moi-même afin d'échapper à ma vie médiocre. C'était bien pensé, mais je ne pouvais accepter cette idée de sa part. Car lui, durant sa vie, n'avait-il pas appliqué la vertu sur sa personne et sans l'avoir regret-té? Son âme n'en était elle pas devenue éternelle? Nous étions au 21 ème siècle et je pensais à lui! N'était-ce point ici une preuve suffisante? Le pari insensé de Pascal (le mathématicien) se trouvait ici magnifiquement illustré par la vie même qu'avait menée notre cher Jean-Jacques Ro-usseau où celui-ci avait parié sur la vertu et avait gagné la vie éternelle! Que demander de plus pour un mortel? J'étais bien sûr très loin de tout ça, disons plutôt que j'étais encore bien empêtré jusqu'au cou dans une réalité qui ne sentait pas très bon pour être clair.

Les problèmes d'argent étaient mon tourment quotidien qui a fortiori m'empêchait d'être moi-même et d'appliquer mes idées ou mes pensées sur le monde. Et Jean-Jacques n' avait pas eu to-talement tort de me dire que si j'avais été riche par accident quelconque, je serais devenu quelqu' un d'important dans le monde ou même dans mon quartier de la Croix, ce qui ne m'aurait pas déplu. Mais oublions pour l'instant, notre cher Jean-Jacques et revenons à notre pauvre réalité qui se trouve au quartier de la Croix. Je ne sais pas ce que j'ai, mais j'ai comme une folle envie de m'évader de ces hauts murs où il me semble mourir à petit feu; j'ai froid soudainement au milieu de ma chambre où je me tiens debout face à mon lit qui est jonché de journaux et de ma-gazines aux nouvelles apocalyptiques. Je lève enfin la tête au plafond et je vois, comme un astre de lumière, la petite lampe de ma cuisine briller de milles éclats qui me fait rêver de gloires, de plages imaginaires, de sable fin, de voyages interplanétaires à travers les galaxies et surtout à tra-vers le temps et l'espace. En tournant sur moi- même, je crée l'illusion de participer à la marche du monde, à la terre qui tourne dans l'espace, à la lumière traversant l'espace, au piéton médusé par la couleur du soir et du crépuscule. Point de doute que je suis fou et ça personne ne le sait mieux que moi. Mais tout cela, je m'en contre fiche, car ma folie c'est bien mon rayon de soleil à travers les nuits que je traverse comme un somnambule, comme un être ayant perdu la vue dev-ine par les éclats de voix, le fleuve humain, la direction à prendre pour arriver à bon port qui n' est plus un port, mais un port d'un autre port.

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Amours, bonheurs incandescents au bord des falaises, je vous suivrai jusqu'à l'aurore! C'est là mon diadème, c'est là mon seul rêve, c'est Picasso de la méduse, c'est Maupassant sur les grèves océaniques, c'est Tintin en Chine, c'est Bernadin en chemin! Comme des feuilles mortes sur mon lit dévasté, ces feuilles de journaux veulent elles aussi ma mort et je les regarde comme des ob-jets de mort. Ces magazines magnanimes, aux couleurs de feu et de sang, n'attendent qu'une cho-se qui est de reproduire en million d'exemplaires ces crimes haut en couleur : signe d'une décad-ence assurée, mais suivie tout au long de sa pente. C'est bien ici le signe de notre perversité, co-mme celui que j'applique à ma vie depuis le début de ce journal intime : journal décadent où mes crimes sont désormais visibles à mes propres yeux où j'ai eu l'arrogance de me prendre pour un grand écrivain dont je n'avais pas le talent, bref, d'écrire amoureusement des histoires à faire rire mes contemporains. Sans vous cacher, mon cher lecteur, que je suis un constipé de l'écriture av-ec souvent cette impression que mes histoires n'intéressent que moi, comme mes propres excré-ments n'intéressant que moi et moi seul. Je suis fou! Oui, je vous l'avais dit. Mais ne pouvant faire autrement, il me faut suivre le chemin tortueux de mes idées où tout de même, c'est bien la vérité qui doit éclater aux yeux de tous et non le mensonge agrémenté d'artifices voulant-faire-vrai. J'aime, il est vrai les gens. J'aime, il est vrai l'orage. J'aime, il est vrai mon frère. J'aime to-ut! J'aime tout ce que l'homme a de beau et de ténébreux à la fois. J'aime sa bouche où les mots sortent pour dire de si terribles choses. Mais j'aime aussi sa bouche qui sait embrasser!

J'aime trop, voilà mon malheur! C'est bien pour cette raison que je souffre autant pour lui que pour moi en voyant sa folie dans les journaux où dans les accidents de la route, il meurt avec sa famille, le corps traversé de tôles d'acier et le corps éjecté dans un champ, non de bataille, mais de patates! Folie des Hommes dont le crime est de vouloir aller plus vite que le temps ne lui permette où l'espace temps se réduirait à un point unique? Je suis fatigué maintenant de toutes ces horreurs et de toutes ces pensées à l'égard de mes contemporains. Il est temps pour moi aussi de m'allonger sur ce lit où j' y vois tous les crimes étalés, comme des preuves évidentes de notre petite valeur existenielle. Dieu, s'il existe, a bien fait de rendre l'Homme mortel, car dans le cas contraire, je pense qu'il se serait auto-détruit par ses propres moyens. En plongeant dans mon lit, je découvre enfin le fracas de ma chute sur ce papier maintenant froissé par ma fatigue et mes en-nuis existentiels. Hum, comme c'est bon d'entendre le bruit de ces feuilles que je déchire avec fu-reur avec mes doigts et avec un plaisir certain de vouloir rompre avec cette idée que je serai co-mme eux, comme ces gens aux vies brisées par la douleur et par le crime non avoué, par ce me-nsonge si terriblement humain! Je dors enfin sur ce matelas où les rêves des Hommes imaginent durant les nuits, les jours immortels, ceci est encore une de leur folie. Puis l'obscurité me gagne et j'oublie tout, ma vie et celle des autres. Mes larmes sont enfin de vraies larmes de douleurs qui coulent à l'intérieur de moi-même et je les bois comme du poison. Je coule au plus profond de moi-même, comme un pêcheur entraîné par sa ligne et par un gros poisson d'océanie, furieux d' emporter avec lui un poids si lourd à travers les profondeurs de sa mémoire liquide : vasques limpides aux eaux troubles où j'aperçois enfin l'atlantide de nos rêves.

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Le capitaine Némo, le héros perdu de Jules Vernes, me saluent de sa coquille d'huître posées sur les fonds. Platon plafonne au milieu des eaux et cherche un jeune garçon à la peau  douce et à la pensée bonne. Neptune, monstrueux, peigne sa barbe avec une arête de poisson énorme et me salue de son trident moussue. Une sirène à l'écaille silencieuse nage près de moi et me frôle avec sa queue voluptueuse. Jean-Paul Camus et Robert Crasepoite parlent sur les marches d'un hôtel antique. Tiens, ils me font un signe de la main, comme c'est bizarre! Je prends alors un coquilla-ge et le porte à mon oreille afin d'écouter ce qu'il se disent. "Dites-moi au juste, mon ami, ne cr-aignez-vous pas que les gens bien-pensants vous confondent avec le général Parisis qui est, so-yons clair, un parfait criminel pour les temps à venir? Car vouloir répandre le virus de la fièvre bleue sur la capitale afin d'asssouvir sa propre soif de destruction, n'est-il pas ici la marque évidente de votre mauvais génie? Et puis avec tous les détails que vous donnez sur la prise du pouvoir beaucoup de gens pourraient le croire, non ? Oh non, n'allez pas trop vite, mon cher Cr-assepoite! et surtout n'allez pas croire que l'auteur a forcément des affinités avec les personnages qu'il invente pour son propre plaisir, tel un dictateur en herbe comme le général Parisis qui est un dangereux criminel, ne nous le cachons pas ou bien un bon moine qui voudrait apporter par ses prières, le bonheur à tous ses frères humains sans sortir de sa chambre, on pourrait le croire, bien éffectivement. Mais voyez-vous, il a aussi dans mon roman des personnages atypiques co-mme le lieutenant Mouchard dont on ne connait rien, mais qui pourrait être aussi dangereux que les autres personnages. En fait, tout dépendra des événements qui pourraient lui arriver. Et l'au-teur, qui ne sait jamais où vont aller ses personnages, laisse bien sûr le hasard faire les choses. Car qui sait si le lieutenant ne recevra pas un boulet de canon sur un champ de bataille? Bien sûr, personne ne le sait, jusqu'à que le boulet lui écrase la gueule et le fait disparaître de l'histoire ou bien du livre.

-En fait, si je vous ai bien compris, ça voudrait dire que le Général Parisis pourrait être chacun d'entre nous, c'est bien cela que vous essayez de me faire comprendre?

-Oui, parfaitement et je suis heureux que vous m'avez compris. Et pour aller encore plus loin, je dirai qu'il y a probablement en ce moment, un jeune chômeur acculé à la misère qui est en train de comploter une possible prise de pouvoir dans les escaliers de son immeuble!

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-Oh oui, c'est fort possible en ces temps difficiles où nous avons toute une génération de gens frustrés de choses élémentaires, comme de l'amour paternel et de la croyance en un avenir radie-ux, que la chose soit possible.

Sachez pour moi qu'il n' y a aucun doute sur cela. Car voyez-vous, la misère grossit tout, exagè-re tout, donne des ailes à notre imagination la plus diabolique en nous faisant prendre des vessies pour des lanternes, une lampe d'éclairage pour de l'or, des vieux journaux pour des billets de ba-nques, de l'eau sale pour du pétrole, des mensonges pour des vérités et pour finir notre misère matérielle pour de la grande sagesse. Au fond, c'est bien dans ces lieux lugubres où la misère morale se construit que l'on fabrique toutes les tares de l'humanité qui s'accumulent, il faut le dire, à l'ombre de tout événement médiatique ou historique.

-A l'ombre de l'actualité médiatique? Mais alors, ça peut nous péter à tout instant à la figure, cette bombe, si j'ai bien compris?

-He oui! et j'ai bien peur que ces temps soient arrivés pour nous, malheureusement. Et les jou-rnaux, quoiqu'ils pourront raconter sur la vie des pauvres gens, ne pourront rien faire contre ces meurtres de masse que notre société devra subir docilement en attendant l'arrivée d'un nouveau messie afin de calmer le jeu et d'arrêter les conflits pendant un certain temps, si l'on peut dire. A moins que ?

-A moins que? vous disiez, monsieur Camus.

-Oui, je disais, à moins que l'épidémie de la fièvre bleue fasse elle-même tout le travail!

-Excusez-moi, mais j'ai du mal à vous suivre!

Oui, je disais, à moins que le virus de la fièvre bleue décime une bonne partie de la population mondiale et qu'on en finisse une bonne fois pour toute avec tous ces problèmes de surpopulation qui nous gâchent l'existence en étant la source de tous nos problèmes d'insalubrités dans nos vi-lles modernes. Il ne fait aucun doute qu'en décimant, par exemple, la moitié de la population mondiale, nous serions sûr de diminuer au moins le chômage par deux! Sans parler de tous ces conflits interminables, genre Israëlo-Palestiniens envahissant nos petits écrans depuis un demi-siècle, qui seraient eux aussi divisés de la même sorte. Soyez sûr que décimer la moitié de la po-pulation mondiale remettrait les pendules à l'heure et nous assurerait la paix pour au moins 150 ans, si ce n'est plus. Que demander de plus pour l'humanité, sinon cet instant de paix pour être enfin heureuse, non? Il faut dire aussi que tous nos problèmes de logements et de nourriture ser-aient comme résolus par enchantement par cette même voie. Le bonheur serait enfin assuré pour chacun d'entre nous.

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-Fichtre, c'est décoiffant ce que vous me dites là!

-Hé oui et je dirai même que c'est ahurissant de vérité!

-Monsieur Camus, je ne sais pas s'il faut vous le dire?

-Mais osez, mon cher Crassepoite.

-Voilà, je pense sincèrement que vous êtes un génie et que maintenant, j'en suis réellement con-vaincu.

-Un simple génie me suffit amplement, monsieur Crassepoite. Mais c'est gentil, ce que vous me dites-là et je vous en remercie.

-De rien, monsieur Camus, c'est tout naturel parce que vous l'êtes vraiment : un génie que le monde a du mal à percevoir dans la nuit!

-Oh, mais c'est très joli ce que vous me dites-là. Mais ne me cacheriez vous pas une passion secrète pour la poésie et de la plus belle qui avait bercé le coeur de nos aïeuls sur nos vieux champs de bataille où le courage de nos héros grecs et romains insultaient la mort?

-Oui, je vous l'avouerai sans aucune honte. L'Enéide de Virgile reste toute de même mon livre de chevet avec bien sûr l'Ulysse d'Homère pour ne rien vous cacher. Et chaque soir, à ma table de travail, je les lis tous les deux en même temps. Et en passant de l'un à l'autre, je devine que la source de toute poésie reste tout de même le combat et les luttes guerrières pour le pouvoir et où l'on pleure et l'on rit après que les combats se soient tus. Où la paix ne dure que très peu de temps dans ces contrées où la poésie ne supporte aucun temps mort et où la laideur aspire à ress-embler à la beauté par le courage des armes, mais aussi, par la lâcheté qui devient alors une arme redoutable contre l'ennemi. La morale est sans doute une bonne chose par temps de paix, mais par temps de guerre son effet serait catastrophique sur vos soldats en terme d'agressivité et dans la recherche pour faire fortune. L'or reste, tout de même, le seul combat qui en vaille le coup et la poésie le recherche elle aussi.Voyez vous, quand je lis Virgile ou bien Homère, il me semble que ce que je lis là ressemble merveilleusement à de l'or. Pour moi, c'est de l'or en barre quand la victoire leur est assurée d'une manière flamboyante! et de même que ce sont de merveilleux bijoux disposés sur les gorges des jolies filles quand arrive le temps des festivités. Il est certain pour nous tous que la poésie reste le seul lieu où les grands hommes peuvent respirer librement et remplir leurs poumons de cet air pur que seuls les dieux savent insufler aux génies. Et vous même, monsieur Camus, vous en faite partie!

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-Ô comme c'est magnifique, ce que vous venez de me dire! Mais c'est divin! Venez que je vous embrasse tendrement ou seulement vous prendre dans mes bras! Monsieur Camus et Monsieur Crassepoite, pour la première fois de leur vie, se prirent dans les bras, non sans la véritable effu-sion qu'on pouvait attendre d'eux, mais seulement pour le simple contact de leur amitié.

-Mais revenons à notre sujet, mon tendre ami. Car je suis convaincu que l'épidémie de fièvre bleue, si elle pouvait être plus virulente qu'elle ne l'était aujourd'hui, rendrait un fier service à la planète, n'est-ce pas ?

-Euh, oui, peut-être? Mais votre chose dite de cette façon si abrupte ne risque t-elle pas d'être mal comprise par l'homme de la rue qui, de toute façon, se refuserait de faire partie des victimes de la fièvre bleue, ce qui est assez normal, non ?

-Oui, je ne vous dirai pas le contraire et qu'il est tout à fait naturel pour l'homme de la rue de vouloir sauver sa vie même si une bombe atomique lui tombait sur la tête! Mais voyez-vous, je pense que celui-ci est peu de chose devant tous ces grands fléaux de la nature qui veulent de to-ute évidence l'éliminer ou le rayer de la carte. Car il ait des époques où cet homme, devenu trop dépravé, est de trop sur cette petite planète où tout de même nous n'en sommes pas les propri-étaires, mais les simples locataires, vous et moi et tout le reste de l'humanité. Et si nous parlons de toutes ces choses, si intéressantes soient-elles pour l'avenir de l'humanité en ce moment, c'est parce qu'elles sont en train de se passer sous nos yeux sans que personne ne le voit réellement. Ceci est affreux, je ne vous le fais pas dire. Mais il faut appeler un chat un chat et durant la nuit, tous les chats sont gris, n'est-ce pas?

-Oui, forcément.

-Et dans cette nuit que nous allons traverser vous et moi, seuls les hommes les plus chanceux survivrons et non les plus forts comme par le passé. Vous dire alors que les lois naturelles ne se-ront pas du tout respectées à moins qu'une race jusque-là encore inconnue possède l'anticorps afin de se défendre efficacement contre le virus de la fièvre bleue. Mais pour l'instant, nous n'en savons rien, car l'expérimentation et je le pense vraiment, n'a pas été encore réalisée sur la grande échelle ou du moins à l'échelle mondiale. Et les résultats, on pourrait seulement les connaître après les peut-être 24 ou 48 h heures qui suivraient l'épandage du virus de la fièvre bleue sur la population. Et les surprises pourraient être à la hauteur de notre folie et nous pourrions être con-frontés à des phénomènes burlesques où l'on pourrait se retrouver avec comme population surv-ivante tous les clochards de la ville, vu que ces gars ont de sacrés anticorps, ou bien avec tous les noirs africains sur le dos vu qu'ils pourraient eux aussi possèder l'anticorps de la fièvre bleue sa-ns le savoir. Vous dire alors la surprise que nous pourrions avoir à subir, mon cher Crassepoite!

-Hi! Hi! Hi!

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-Mais qu'est-ce qui vous fait rire, mon ami? Moi franchement, y'a pas de quoi rigoler, quoique? Mais si cela vous fait du bien, je ne vous l'interdirais pas.

-Hu!Hu!Hu! Oh excusez, monsieur Camus, mais je ne peux pas m'en empêcher. Car la chose me parait si grotesque qu'elle pourrait bien nous arriver. Et qu'on pourrait se retrouver du jour au lendemain avec tous les nains de la terre ou bien avec des nouvelles personnes sur lesquelles, une corne aurait poussé sur la tête après l'épandage du virus de la fièvre bleue. Hou! Hou! Hou! C'est hilarant cette histoire! Gnouf! Gnouf! Gnouf!

-Monsieur Crassepoite, reprenez votre sérieux. Moi, je ne trouve pas la chose si drôle que cela!

-D'accord, j'arrête.

Euh, où en étions nous? Oui, ce que je voulais vous faire comprendre, monsieur Crassepoite, c'est que si nous continuons dans cette voie que semble avoir choisie nos gouvernants avec cette mondialisation des marchandises, nous risquons à très court terme une généralisation de tous les conflits à l'échelle planétaire!

-Une mondialisation de tous les conflits?

-Oui, parfaitement.

-Mais pourquoi donc ont-ils laissé faire ça?

-Ah, je vois bien que vous ne connaissez pas la différence qu'il a entre un grand homme et un homme politique.

-Mais il y a tant de différence que cela?

-Oh oui, gigantesque. Car voyez-vous, les hommes politiques, comme ils sont incompétents, ils ne font en vérité que compliquer les problèmes, alors que les grands hommes les simplifient à merveille pour pouvoir les résoudre.

-On ne peut pas être plus simple que vous l'êtes en ce moment!

-Oui, mais c'est comme ça, c'est la différence qu'il y a entre le génie et l'opportunisme.

Quoi, vous voulez me dire que les hommes politiques ne feraient que compliquer les problèmes pour leurs propres intérêts, si j'ai bien compris?

-Oui, c'est exact.

-Mais n'est-ce point criminel de leur part?

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-Bien sûr que oui. Et cela s'appelle dans leur jargon, nager en eau trouble afin que personne ne sâche où il en est exactement. C'est comme si on vous cachait la situation afin que vous ne puis-siez pas intervenir et abattre vos cartes.

-Mais tout ça, comme c'est minable, hein?

-Oui, mais c'est ce qu'on appelle faire de la politique. Et si ma mémoire est bonne, je crois que c'est Napoléon qui a dit un jour :  Après moi, il n'y aura plus de génies, mais de simples hommes politiques, bref, des professionnels!

-Il a dit ça?

-Oui, en gros, et des exemples vous en avez sous les yeux. Regardez ce conflit inter-minables entre Israël et la Palestine que nous avons importé par simple malveillance ou par manque de cl-airvoyance. Il est certain que notre société moderne et occidentale importe un peu sans le savoir des marchandises qui ne sont pas pour le moins dangereuses pour notre intégrité nationale. Vo-yez dans ce conflit Israélo-palestinien comment tout le monde y retrouve ses petits où ceux qui n'aiment pas les juifs se retrouvent tout à coup à aimer les palestiniens et du même coup sont obligés d'adhérer un peu aux pensées de l'Islam. De même que ceux qui n'aiment pas les Arabes sont enclins à détester les palestiniens et se retrouvent comme par hasard de fervents défenseurs de l'état d'Israël! Mais le monde n'est il pas devenu fou ou quoi? Ils ne connaissent rien au mo-nde ni à l'Histoire et s'enflamment pour des histoires de champs d'oliviers accaparés durant la nuit par une bande de voyous s'autoproclamant les nouveaux propriétaires. Bref, il semblerait que toutes nos passions primitives de vengeances ancestrales, de territoires occupés par la force et par la cohabtation de religions diamétralement opposeés à toute entente, soient concentrèes comme par hasard sur cette bande de Gaza séparant Israël de la Palestine. Il est évident, que dans nos pays encore en paix et on ne sait pour combien de temps, chacun veut y mettre son grain de sable afin de compliquer un peu plus le problème. C'est de la pure folie! Au point qu'un petit imbécile des banlieues voudrait dans sa cage d'escalier résoudre tous les problèmes mondiaux ici en France, alors que tout cela ne le concerne pas. Pour nos pays, dits civilisés et indusrialisés, entrer dans leur jeu serait une fatale erreur. Voyez-vous, monsieur Crassepoite, si le malheur ex-iste sur cette terre, il est évident que les deux peuples dont nous venons de parler le porte au plus profond de leur coeur et cela pour longtemps. La malédiction existe et ne nous frottons pas à elle, car je n'accorderai pas audience aux peuples voués à l'extinction. Mais parlons d'autre cho-se, mon ami, si vous le voulez bien.

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-Mon cher Camus, je ne fais que vous écouter depuis tout à l'heure et je ne peux qu'admirer votre clairvoyance sur notre nature humaine qui selon vous est méprisable, car sans vue lointaine pour nos frères humains. En sachant bien que personne ne voudrait se sacrifier pour l'amour de l'humanité s'il n'en tirait un quelconque dédommagement, n'est-ce pas?

-Oui, ceci est une évidence.

-Et Jésus-Christ dans cette histoire n'avait-il pas gagné son pari, hein?

-Oui, mais en se faisant crucifier! Et puis n'oubliez pas, mon cher Robert, que Jesus-Christ était juif et que les juifs, comme je vous le disais prédédemment sont portés par la malédiction.

-Et les Arabes, alors que font-ils dans cette histoire de dingue?

-Vous savez autrefois, les Arabes étaient pour la plupart polythéistes et que l'Islam les avaient orienté vers une certaine sagesse issue du monothéisme, mais sans savoir que leur religion les porteraient à haïr les juifs. Leur religion semble avoir été calquée sur celle des juifs, mais adap-tée au sang arabe qui, comme nous le savons tous, est une race cruelle et vengeresse. Le pari de Mahomet avait bien réussi à transformer l'homme à la semelle de vent en un époux fidèle, c'était de tout évidence le tour de force de Mahomet. Sans oublier de dire que la race Arabe est de toute évidence la plus généreuse : voyez le nombre d'enfants qu'elle fait par famille! et je pense qu'on peut l'appliquer à tous les sens du terme. Mais elle est aussi la plus imprévisible, car elle porte en elle le fanatisme au plus profond de ses entrailles. Et la peur de la mort ne l'effraye point qua-nd elle croit aux forces du  dieu-tout-puissant et Mahomet le savait très bien. Arabe lui même, il connaissait très bien ses frères de sang, mais il leur connaissait une impulsivité qui gênait souv-ent ses plans de vouloir faire de ce peuple au sang chaud, un peuple intelligent et posé pour de futures conquêtes religieuses ou autres. Nous sommes vraiment dans le vif du sujet, mon cher Crassepoite. Et aujourd'hui, nous le voyons très bien autour de nous où l'Islam s'est très bien implantée en France, même je dirai un peu partout dans le monde. Mahomet semble avoir réussi son pari et il ait de forte chance que cette armée se soulève un jour dans chacun de nos pays afin d'y prendre tous les pouvoirs. Le Jihad, c'est bien cela et rien d'autre, mon cher Crassepoite. Bref, elle aura mis plusieurs siècles à venir, mais nous sommes obligés de constater qu'elle était dés-ormais à l'intérieur de la maison, si l'on peut dire. 

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-Mais c'est affolant, ce que vous me dites là!

-Non pas vraiment, car l'Occident doit voir enfin les choses en face.

-Quoi qu'est ce vous dites là, monsieur Camus?

-Oui, parce que l'Occident ne fait que récolter les fruits qu'il a semé sur le continent africain à l' époque coloniale : époque où il a ouvertement méprisé l'Islam en la réduisant à une petite relig-ion fataliste donc sans danger pour ses intérêts économiques, politiques, etc. Mais aujourd'hui, le monde à changé et dans les siècles à venir nous allons très certainement devenir les domesti-ques de l'Islam. Et sa vengeance sera terrible à moins qu'elle ne disparaisse avec l'épidémie de fièvre bleue. Mais moi, je n'y crois pas trop pour la simple raison qu'il suffit de regarder dans le passé pour voir que les grandes épidémies, qui avaient traversé l'Europe en faisant des millions de morts, avaient comme épargné miraculeusement les pays musulmans!

-Et oui, c'est vrai..

-Et puis je vous dirai franchement que je n'ai aucunement peur de l'Islam qui, ne nous le cachons pas, à sur certains aspects quelque chose de très beau, comme cette certitude d'arriver directem-ent à Dieu sans l'idée de souffrance, mais principalement par le combat et par le courage du Ji-had. Il est certain que nous avons ici affaire à des adversaires à notre taille pour nos pays à tra-dition chrétienne qui entretiennent encore le culte de la souffrance pour accéder au paradis. Pour eux, la route qui mène à Dieu est directe et non tortueuse et semée d'embûches comme celle des juifs et des chrétiens. C'est pour cette raison que je vous disais que malgré le courage de son sa-crifice, Jésus-Christ n'en restait pas moins un juif même sur sa croix! Vous savez, monsieur Crassepoite, il m'est souvent arrivé de penser en entrant dans une de nos vieilles églises d'Europe de vouloir par je ne sais quel mouvement de mon âme de? Comment dire? Oui, de vouloir dé-clouer Jésus-Christ de sa croix afin qu'il souffre moins!

-Mais, monsieur Camus, vous êtes quelqu'un de très particulier! Oh oui, vraiment de très partic-ulier! lâcha d'une façon perplexe, monsieur Crassepoite.

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-Oui, mais comprenez-moi, mon ami, de le voir souffrir ainsi sur sa croix depuis plus de 2000 ans me faisait vraiment de la peine. Ce rêve bien étrange occupait en ces temps là souvent mon esprit et je prévoyais à la première occasion qui se présenterait à moi de le délivrer enfin de sa souffrance. Ce jour tant désiré arriva de lui même, alors que j'étais dans le Vercor pour un sémi-naire gastronomique avec les collègues du bureau. Bref, après le repas, je laissai tout le monde cuver son vin en me précipitant au volant de ma voiture afin de trouver une petite église de cam-pagne afin de délivrer le Christ. Et le miracle eut lieu, puisque j'en trouvai une assez rapidement qui semblait complètement abandonnée vu le délabrement de sa toiture où des corbeaux avaient fait leurs nids, mais aussi d'un trou assez important qu'il y avait sur l'un des côtés du mur. Bref, préssé de vouloir abrèger les souffrances du Christ, je garai ma voiture tout prés, puis sortis de mon coffre un arrache clou ainsi qu'une corde qui me servirait alors à descendre de sa croix le corps du Christ. Avec toute la prudence du monde, j'entrai à l'intérieur et là, ô surprise! qui je vis au pied de l'autel jeter des regards intenses sur ce grand crucifix?

-Le curé! lâcha soudainement monsieur Crassepoite.

-Oui, exactement, mais comment avez vous su?

-Oh, c'était facilement prévisible que le curé de votre paroisse à moitié délabrée veille encore sur le corps du Christ pour ne pas le laisser aux mains des pilleurs qui sévissent actuellement dans nos campagnes.

-Oh oui, c'est sûrement cela qu'il pensait le vieux curé en me voyant arriver avec mes outils. Mais moi, je n'étais pas du tout un pilleur, mais le libérateur du Christ en voulant le libérer de ses souffrances désormais inutiles pour sauver l'humanité!

-Oh il aurait été sûr et certain que si vous aviez pu lui expliquer vos raisons, il vous aurait pris pour un fou ou bien pour un hérétique des temps modernes.

-Oh oui, c'est certain.

-Mais alors qu'avez vous fait?

-Hé ben, j'ai lâché l'affaire et je suis parti.

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-Et vous avez bien fait, mon cher Camus, car se mêler de religion nous attire toujours le malhe-ur. Et n'oubliez pas que nous sommes, vous et moi, de purs Français jusqu' à l'os dont la vérité à toujours été de ne pas croire en ce dieu chrétien qui est de toute évidence le dieu de la souffr-ance. Tout simplement, parce que nos ambitions ont toujours été très terre à terre et éternellem-ent liées à notre plaisir le plus secret d'aimer notre pays comme le corps d'une jolie femme. Car l'aimer, c'est le défendre et rien d'autre contre les invasions étrangères. Et qu'à la moindre faibl-esse que nous pourrions leur montrer, elles feraient de notre culture une bien mauvaise confiture de marmelade à la sauce jamaïcaine ou un truc comme ça!

-Oh oui, de la confiture parfumée à la fleur de cannabis, un peu près..

-Oui, je le crois. Mais pourquoi le curé ne m'avait-il pas laissé exécuter cette noble tache qui était d'apaiser les souffrances du Christ, hein ?

-Mais pour ne pas que vous le descendiez de sa croix, c'est pourtant simple, non ?

-Mais c'était pourtant pour la bonne cause, non ?

-Oui, peut-être pour vous, mais pas pour lui. Car pour tous ces chrétiens, souffrir c'est ressembl-er au fils de Dieu et jouir c'est fatalement ressembler au Diable. Il est évident, avec cette mental-ité en tout point ancestrale, que la vie religieuse dans ses lieux de cultes disparaîtrait un jour ou l'autre et que le pape lui même n'y pourrait rien. La vraie religion, c'est quand même celle qui sert nos intérêts, n'est-ce pas, monsieur Camus?

-Entièrement d'accord avec vous. Euh..mais une chose encore me tracasse les neurones, mon ami. Pensez-vous, en me voyant arriver avec mes outils, qu'il avait deviné mes intentions?

-Mais vous en faite toute une histoire pour ce grand crucifix, Jean-Paul!

-Oui, mais il ne faudrait pas oublié que j'étais rentré à l'auberge, mais vraiment très très méco-ntent de ma journée!

-Hum, hum, vous m'impressionnez vraiment, mon cher Camus. Et je ne vous croyais pas si sens-ible à la douleur d'un machin tout en bois vernis qui fait peur un peu près à tous les enfants de France et de Navarre.

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-Mais tout cela est parfaitement vrai, mon ami. Et puis après mûre réflexion, je me suis dit que le curé avait eu peut-être raison de m'en empêcher. Car il aurait été évident pour moi, si j'avais pu le faire et par mes seuls moyens, que je me serais fatalement dévissé le dos en voulant décl-ouer le corps du Christ de sa croix. Maintenant, il ne fait plus de doute pour moi que ce bon curé m'avait sauvé la vie à sa façon et que cet homme en soit remercié par la grâce de Dieu !

-Mais vous blasphémez, monsieur Camus?

-Moi? Bien sûr que non, je ne fais qu'appeler un chat un chat, mon cher Crassepoite.

-Je vous accord l'absolution et uniquement pour votre génie et non pour vos mouvements d' âm-es qui m'effrayent un peu. Car jai bien peur que tout cela vous ramollissse un peu les neurones, si vous me permettez cette l'expression.

-Oh oui, je vous l'accorderai bien volontiers. Mais uniquement pour votre qualité d'écoute qui est pour moi d'un grand service. Puisque celle-ci me permet de défricher d'une manière simple et efficace toutes mes idées, un peu touffues, il faut le dire, sur ce que nous réserve l'avenir.

-Euh..j'aurais une autre question à vous poser.

-He ben, allez y.

-Pensez-vous que le virus de la fièvre bleue pourrait avoir une origine humaine et non le contra-re, comme tout le monde pourrait le croire?

-Hum, hum, pour ma part, je pense que la chose serait difficile à prouver vu la complexité du ph-énomène à observer. Mais il est tout de même possible de défricher un peu ce terrain qui est un vrai terrain miné pour nos préjugés. Car il faut bien comprendre que  tout tient dans ce qu'on ap-pelle les probabilités qui, malheureusement, changent à mesure que le nombre d'individu change lui aussi. Lapalisse n'aurait pas dit mieux, n'est-ce pas? Mais je vais essayer d'être plus clair avec vous, mon ami. Comment dire? Oui, ce que je crois et qui est triste à dire à nos frères humains, c'est qu'ils croient encore dure comme fer que leurs maux viennent de la nature et non d'eux mê-mes. En fait, comme si la nature était par essence méchante et voulait leur soi-disant jouer de sa-les tours, comme les faire tomber dans la fosse à purin, par exemple, et leur foutre comme puni-tion symbolique toutes les maladies de la terre pour bien évidemment les remettre sur le droit chemin. Mais mes chers et pauvres semblables ont tort de le croire. Car la nature ne possède en elle-même aucune valeur morale parce qu'elle est seulement la plus grande des régulatrices que le monde puisse connaître : face à tous ses mouvements, qui semblent désordonnés, mais qui ne le sont pas en vérité. Regardez le règne animal et vous verrez que ses limites sont bien ceux du langage et l'on ne verra jamais un lion parler notre langue et tenir une discution avec un autre lion devant un point d'eau. Si cela était vrai, cela se saurait depuis longtemps, n'est-ce pas?

-Oh oui, fatalement.

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-De même qu'on ne verra jamais un singe se prendre pour un rhinocéros, non plus.

-La chose me semble évidente aussi.

Pour poursuivre notre démonstration, nous dirons aussi que le végétal a aussi ses limites qui sont ceux du terrain et du climat. Et qu'on ne verra jamais pousser des artichauts sous la glace ni même des petits pois sous le sable, par exemple.

Parfaitement exact, mon ami..

Par contre, si nous parlons de l'Homme et de sa place qu'il occupe sur cette sacrée planète, nous sommes pris soudainement par un vertige affolant. Car nous ne savons plus exactement où se trouve ses limites que celui-ci avait repoussées à chaque fois qu'il se trouvait dans une impasse existentielle ou autre. Puisque nous avons par exemple des gens qui vivent en Norvège où là bas il fait si froid que les phoques hésitent à sortir dehors! Et que l'Homme pour y survivre a dû co-nstruire des sortes d'habitations en bois où à l'intérieur il y avait installé le chauffage. Bref, enc-ore une invention humaine que la nature lui aurait soufflé par ces geysers islandais ou bien par ces gravures de l'Etna en irruption. Et s'il n'y avait que cela! Mais suivez l'homme et sa compag-ne durant tous les instants de sa vie et vous y verrez alors toute la folie du monde humain en mo-uvement. Écoutez cet homme dépravé qui voudrait avoir un sexe aussi gros que celui d'un élép-hant dont sa femme, bizarrement, n'en serait aucunement dérangée, puisqu'il pourrait lui faire, non pas un ou deux enfants, mais toute une colonie d'un seul coup pour soi-disant remplir d'en-fants adorables tous les jardins de la terre! Mais si tout cela, ce n'est pas de la pure folie, alors dites-moi ce que c'est, mon cher Crassepoite?

-Mais c'est de la pure folie! Oh oui, de la pure..et je vous dirai même que c'est vraiment grotes-que d'avoir ce genre de lubie et disons-le franchement plutôt effrayant!

-Oh oui, effrayant, c'est bien le terme exact. Point de doute que nous avons affaire ici à des hom-mes et à des femmes qui prennent leurs désirs pour des réalités et y croient dure comme fer.

-Cela me semble évident. Et puis, disons le franchement, ce qui nous rassure c'est que la nature les ramène très rapidement à la réalité et que leur sexe ne s'agrandit pas d'une manière infinie grâce au ciel!

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-Oh oui, c'est vraiment une chance pour la planète que toute chose ait une limite et des dimensi-ons raisonnables, sinon ces hommes pourraient bien se prendre par leur appendice difforme les plus forts du monde. Vous dire alors que se serait plutôt comique de l'entendre, car son machin pourrait être facilement coupé d'un seul coup avec un coutelas ou bien avec n'importe quel objet tranchant. Ainsi, on ne parlerait plus jamais de lui en se transformant en petite tapette des fau-bourgs, très probablement.

-II y a de forte chance, monsieur Camus.

-Le vrai pouvoir est bien sûr ailleurs et tient forcément plus solide que tout cela, hein?

-Il ne fait aucun doute pour moi que le vrai pouvoir a des armes en fer forgé ou en granit et non en peau de zizi, comme ces petits dépravés pourraient nous le faire croire!

-J'suis complètement d'accord avec vous. Faut dire aussi que la nature a bien faites les choses et les surveille de très près, hein?

-Oh oui, et je dirais même que c'est la plus grande des régulatrices que le monde puisse connaît-re. Et que de prendre ses désirs pour des réalités mène fatalement au malheur et à rien d'autre.

-Mon ami, comme je suis content de vous l'entendre dire. Mais c'est un vrai régal de discuter av-ec vous de toutes ces choses si simples à l'évidence, mais qui ne le sont plus malheureusement pour l'ensemble de nos concitoyens qui persistent encore à faire les sauvages avec toutes sortes d'engins. Et si ce n'est pas avec leur sexe, c'est alors avec leur bagnole, et si ce n'est plus avec leur bagnole, c'est alors avec cet air bête qu'ils prennent en ces circonstances pour vous dire droit dans les yeux: Oui, monsieur, vous n'êtes qu'un connard peut-être le plus grand des connards que je connaisse! Mais merde, vous n'avez pas vu que c'était moi qui avais la priorité? Allez, dégage saleté! Fout moi le camp de là avant que je te défonce le crâne, danger public, hou! Vous dire que tout cela me fait plutôt froid dans le dos de l'entendre à nouveau, mon cher Crassepoite. Ma-is j'espère bien que vous me pardonnerez cette expression vu que c'est la seule que j'ai pu trou-ver pour exprimer mon sentiment sur leur dépravation mentale et physique. Et je pense sincère-ment que le monde d'aujourd'hui pourrait facilement les rendre un peu plus intelligents qui le sont, du moins pour certains. Quant aux autres, des gens un peu près fréquentables seraient déjà un grand progrès pour notre société, n'est-ce pas?

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-Pour moi, ce que vous me dites..ça s'appelle ni plus ni moins du gâchis.

-Parfaitement exact.

-Mais l'un empêche pas l'autre pourtant!

-Vous êtes cynique ou quoi?

-Mais non, je plaisantais..ça se voyait pas?

-Non, pas trop.

-Mais ne me faites pas cette tête là, Camus, je plaisantais!

-Ah j'aime mieux ça. Bref, pour continuer mes propos, mon cher ami, je suis convaincu en vou-lant parler de ce couple moderne et dépravé que les choses au fond n'ont véritablement pas cha-ngé depuis le début de notre humanité. Car on aurait pu croire au tout début que l'homme et la femme réunis en couple allait faire bon ménage, vu que chacun ne pouvait supporter plus d'une minute la solitude au milieu de toutes ces bêtes féroces qui parait-il jetaient des rugissements affreux à seulement quelques mètres de leur grotte d'habitation! Vous dire alors que la nature avait bien fait les choses afin qu'ils puissent se rapprocher et s'unir pour le meilleur et pour le pi-re( ne nous le cachons pas). Ceci étant bien évidemment une très bonne chose pour le développ-ement de l'espèce humaine, n'est-ce pas? Mais voyez-vous, mon cher ami, les choses au lieu de s' améliorer allaient malheureusement se dégrader. Non à cause des bêtes sauvages qui pouvaient surgir à tout instant dans leur grotte et les dévorer tout cru pendant leur copulation sans qu'ils aient eu le temps de prier Dieu( car celui-ci n'existait pas encore à cette époque là!). Mais uni-quement parce que la femme avait une tendance à fatiguer les nerfs de son mâle qui entre autre était un excellent chasseur de lapins tricornes ainsi qu'un parfait cueilleur de baies sauvages qu'il offrait à chaque fois à sa femelle pour lui faire comprendre ses avances. Mais un jour, en reve-nant de la cueillette, notre homme blanc de cro-magnon( dont le panier était garni de baies sau-vages et délicieuses qu'il comptait offrir a sa femme), celle-ci, au lieu de l'accueillir par de gran-des gentillesses tel qu'un sourire ou par quelques caresses sur son poitrail velu, lui montra tout à coup les crocs en lui jetant furieusement à la figure son beau panier de fruits rouges!

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Celui-ci furieux et ne comprenant pas ce qu'elle lui arrivait se mit alors à lui grogner son méco-ntentement, ce qui était tout à fait normal pour notre homme de cro-magnon qui semblait réagir logiquement. Mais sa femelle, bizarrement, ne voulait pas l'entendre de cette façon et elle se mit pitoyablement à lui lancer à la figure, non pas des pierres qu'elle auraient pu trouver dans la cav-erne, mais des crachats qui ne sentaient pas très bon en réalité. Notre homme blanc de cro-mag-non excédé entra dans une colère pas possible à s'en décrocher les poumons et remplit de ses grognements à faire peur un tigre tout l'espace de la caverne. Faut dire aussi que les trépigneme-nts de pieds ne manquèrent point de tambouriner sur le sol de la caverne. Scandale! Oh scandale dans toute la caverne! Un homme ne se faisait plus respecter par sa femme! L'ordre établit allait être d'un seul coup balayé par l'hystérie d'une jeune femme dont les règles( il faut souligner ce mot) étaient bien évidemment la cause dont elle avait oublié d'informer son mari! Voilà donc où se trouvait le problème, monsieur Crassepoite. Et il serait juste de dire, afin de ne pas trop acca-bler cette pauvre femelle sur tous nos futurs malheurs, que le langage dit intélligent n'existait pas à cette époque et qu'on pouvait aussi la comprendre. Mais afin de rester tout à fait réaliste dans ce début de vie commune entre nos deux protagonistes, nous pourrions dire sans bien nous tromper que le problème de Madame n'en était pas pour le moins résolu!

-Comment, monsieur Camus? Alors là, j'ai vraiment du mal à vous suivre! Vous me disiez à l' instant que cette pauvre femelle avait ses règles et maintenant vous m'annoncer que son calvaire ne faisait que commencer. Je vous prie d'être plus clair dans vos démonstrations, car j'ai vraim-ent du mal à vous suivre.

-Mais je vais y venir, mon ami, ne soyez pas trop pressé. Votre curiosité m'y pousse, si l'on peut dire. Car voyez-vous dans ce début de vie commune plutôt chaotique pour notre jeune couple, ce qu'il ne fallait pas oublier de dire, c'est que notre homme blanc de cro-magnon avait été de toute façon bafoué dans son honneur par sa femme devant tout le monde, ce qui était une chose impensable à cette époque là et il dut bien évidemment la battre afin de ne pas trop déranger l' ordre établit dans la caverne.

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-Quoi, la battre?

-Oui, la battre jusqu'à ce qu'elle comprenne que l'homme était le plus fort et non la femme.

-Mais ce que vous me dites, monsieur Camus, c'est monstrueux!

-Oui, ça l'est parfaitement. Mais c'était tout à fait légal au temps des hommes de cro-magnon, je vous l'assure.

-Je ne sais pas s'il faut vraiment vous croire. Mais votre histoire me parait rocambolesque. Oh oui, rocambolesque!

-Entendez-le comme vous voulez. Mais moi, je sais qu'un grand soulagement apparut dans toute la caverne immédiatement après que la femme eut été largement corrigée par son mari et qu'elle se soit tue pour ainsi dire jusqu'à sa prochaine crise. On peut dire maintenant avec certitude que la première scène de ménage apparut à cette époque pour la première fois dans toute l'histoire de l'humanité! et qu'elle allait de toute façon bouleverser la vie de notre couple primitif jusqu'à nos jours. C'est à dire jusqu'à que la femme puisse vraiment expliquer ses problèmes de règles à son mari, ce qui ne sera pas la veille, ne nous le cachons pas. Appliquez tout ce je viens de vous raco-nnter à votre femme et vous verrez que manifestement rien n'avait véritablement changé depus l' aube de l'humanité. Et que la femme qui a ses règles fait toujours chier son mari, n'est-ce pas ?

-Heu, oui, certainement. Mais? (silence) Euh..permettez moi de vous dire, mon ami, mais ma femme ne vit plus avec moi depuis au moins 2 ans. Et que je n'ai plus de nouvelles de ma chère petite Francine depuis qu'elle est partie avec un grand noir.

-Quoi, avec un grand noir?

-Oui, exactement.

-Mais c'est affolant, ce que vous me dites là, mon ami!

-Non, pas vraiment. Parce que ce qui me tient le plus à cœur aujourd'hui, ce n'est plus le coeur de ma femme que je pourrais sans aucun mal reconquérir par entêtement ou tout simplement par jalousie afin de l'arracher à ce grand noir. Non, non, vous ne m'y verrez pas d'ici tôt pour la sim-ple raison que cela nous ferait perdre un temps précieux pour nos futurs grands projets. Et puis n'oublions pas, si nous arrivons à nos fins, que le pouvoir nous donnera toutes les femmes de la terre ou du moins, ce qu'il en restera, Ah!Ah!Ah!

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-HI! HI! HI! Mon cher Crassepoite, ce que vous dites ici est vraiment très très fin et même je dir-ai d'une extrême intelligence. C'est dire que tout cela me rassure de l'entendre de votre bouche et de vous retrouver tel que je vous ai toujours connu, c'est à dire cynique à souhaits et en même temps un être chaleureux pour ses amis. Faut dire aussi, avec toutes ces conversations que nous tenons librement ensemble depuis le début, que très peu de gens voudraient en vérité les tenir tout simplement par la peur d'être confronté à leur propre vérité qu'il leur éclaterait à la figure. Et vous, monsieur Crassepoite, vous n'avez point eu peur que tout cela vous éclate à la figure et éclabousse la mienne au passage, ne nous le cachons pas. Cela me prouver, une fois de plus, que votre courage est à la hauteur de ce que nos conversations nous imposent. C'est à dire que votre folle-dingue de bonne femme et les raisons pour lesquelles elle vous a quitté pour ce grand noir, ne change en rien en notre amitié. Car vous savez aussi bien que moi qu'une de perdue c'est forcément 10 de retrouvées! Et que parmi celles-ci, il pourrait bien se trouver le fin cordon bleu que tout homme rêverait d'avoir dans sa maison auprès de la cuisinière à lui mijoter de bon petits plats, oh! oh! oh! jusqu'à sa retraite, ce qui serait fabuleux pour un homme normalement constitué, n'est-ce pas, mon cher Crassepoite ?

-Oh oui, fatalement. Mais femme au foyer, j'aime mieux ce terme. Oui, femme au foyer, mais qui soit dit en passant est devenue si difficile à trouver parmi toutes ces folasses que nous avons aujourd'hui en France!

-Je suis tout à fait d'accord avec vous, mon ami.

-Mais une chose me tracasse un peu dans tout ce que vous venez de me dire et bien que je sois toujours très sensible à vos remarques, c'est ce terme de folle dingue de bonne femme que vous avez employé pour parler de mon ex-femme qui de toute façon était un peu dérangée par sa fami-lle, mais aussi par son époque. Et si elle m'avait quitté pour ce grand noir, c'était bien évidem-ment son problème et non le mien, car, parait-il, je ne lui faisais pas assez mal pendant l'amour!

-Comment pas assez mal pendant l'amour? En êtes-vous sûr, mon ami?

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-Oh oui et vous dire alors ma surprise quand elle me l'a dit! Oulala, c'était consternant. Ah oui, vraiment consternant pour elle. Car j'avais toujours pensé que de ne pas lui faire mal pendant l'amour lui ferait forcément plaisir. Alors là, je touchais véritablement le fond de ma culotte en devinant l'erreur que j'avais faite. Bref, d'avoir été trop gentils avec elle, ce qui me déroutait pour ne rien vous cacher. Mais merde, vouloir tout plaquer, moi, le chien et les deux canaris des caraïbes que je lui avais acheté au cours d'un de mes voyages au Brésil avec notre maire, parce que soi-disant je ne lui faisais pas assez mal pendant l'amour, je tombais, bien évidemment, sur les fesses!

-Et je peux vous comprendre entièrement, mon ami.

-Mais c'était bien, me semble-t-il, les raisons de notre discorde, c'est ce qu'elle m'a dit. Et que le grand noir, qu'elle me présenta un jour à la maison( il faisait au moins deux mètres de haut et presque autant de large) lui faisait parait-il très très mal pendant l'amour. Bien évidemment, je ne voulais pas entrer dans cette conversation que j'appellerai ni plus ni moins de scabreuse, mon cher Camus. Et je n'essayerai pas non plus de vous imiter son rire qui ressemblait à celui d'un grand singe qu'il avait fait dans notre appartement afin de ne pas vous effrayer.

-Oh non, mon cher Crassepoite, pour moi vous avez eu parfaitement raison de couper court à cette discution et dès son début. Car les femmes, me semble-t-il, sont devenues aujourd'hui si surprenantes, voires éffrayantes, n'est-ce pas?

-Je dirai même complètement folles! Car qui d'entre nous voudrait faire mal à sa femme pendant l'amour? Hein, sincèrement, mon cher Camus, personne de normalement constitué, n'est-ce pas?

-Oh oui, cela me semble évident. Mais voyez-vous, mon pauvre ami, dans toutes ces histoires qu' on désigne malheureusement de coeur, alors qu'elles n'en sont pas, que moi aussi je ne suis pas mieux logé que vous.

-Ah oui, vous aussi ?

-Heu..disons un peu.

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-C'est à dire un peu ?

-Ma femme m'a quitté pour un jaune!

-Avec un jaune? Ah!Ah!Ah! Mon cher Camus, vous voyez que vous aussi vous n'êtes pas si par-fait que cela, HU! HU! HU! Comme vous êtes rigolo en ce moment. Sincèrement, vous êtes pit-oyable malgré votre génie mental.

-Oh oh, s'il vous plaît, monsieur Crassepoite, respectez-moi un peu! A ce que je sais, je ne vous ai pas encore insulté, n'est-ce pas?

-Non, pas vraiment, mais..

-Mais quoi?

-Non, j'voulais rien dire.

-Bref, comme je vous le disais, ma femme m'a quitté pour une sorte de nippon qui travaillait à l'époque sur la base de Couroux en Guyane et dans les services électroniques du pas de tir de la station.

-De la Guyane?

-Oui et dans les pas de tir de la fusée Ariane. Et ma femme pour me faire chier, elle m'envoie souvent en carte postale le pas de tir de la station avec sa fusée bien dressée vers le ciel.

-Ah! Ah! Ah! Mais monsieur Camus, vous le faites exprès ou quoi de me faire rire comme ça? Mais tout ce que vous me dites semble comme sorti d'une bande dessinée ou d'un sketch comiq-ue qu'on aurait pu voir a la télé. Et j'ai vraiment du mal à croire qu'elle ait pu vous fait ça à vous qui, me semble-t-il, est un génie, non?

-Mais c'est l'entière vérité que je vous dis là, mon ami. Et je dirai même que c'est son arme fa-vorite, bien évidemment, pour me foutre les boules.

-Hé ben, mon pauvre ami, nous voilà vraiment maintenant cul et chemise, si l'on peut dire! C'est peut-être pour cela que l'on s'entend si bien tous les deux, hein ?

-Possible ce que vous dites là..mais je pense un jour me venger!

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-Mais quelles étaient au juste les raisons pour qu'elle vous quitte, hein, mon cher Camus?

-Heu..ce serait très compliqué de vous l'expliquer. Mais? Heu...c'était en fait pour des raisons complètement opposées aux vôtres.

-C'est à dire ?

-Heu?

-Mon cher Camus, essayez d'être plus clair, car j'ai vraiment du mal à vous suivre dans votre ex-plication pour laquelle votre femme vous a quitté.

-Pour vous dire la vérité, heu, oui, en fait, c'est parce que je lui faisais trop mal pendant l'amour!

-Quoi? Vous lui faisiez trop mal pendant l'amour et elle s'en plaignait! Alors là moi, je tombe des nues!

-Mais c'est l'entière vérité que je vous donne là, mon ami. Et qu'un soir après l'amour, elle m'en faisait le sévère reproche, alors que je l'avais fait crier comme une bête. Le lendemain, elle me disait, en faisant ses bagages, qu'à l'avenir elle choisirait plutôt un jaune qu'un blanc qui n'était pas constitué comme les autres. Vous dire alors ma surprise et ma consternation! Trois jours plus tard, elle me présenta son chinois à  la maison qui ne faisait même pas un mètre dix au ga-rrot. Consternant pour moi! Ah oui, vraiment consternant de me faire devancer par un nippon qui en plus tavaillait sur le pas de tir de la fusée Ariane. Quel cauchemard, j' vous dis pas!

-Monsieur Camus, vous êtes vraiment incorrigible. Et je pense aussi que vous vous êtes éloigné et je ne sais par quelle folie de votre imagination de notre sujet initial.

-Ah oui?

-Sûr et certain, car quel est le rapport entre ce que nous disons maintenant et ce dont nous parli-ons au début de notre conversation qui était, je crois, que devienndrait l'Islam si elle était conf-rontée au virus de la fièvre bleue ?

-Mais je pense vous avoir répondu clairement : la religion qui s'imposerait à nous tous! Ne vous ai-je point répondu cela?

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-Ah oui, maintenant je m'en souviens. Mais à propos de l'origine du virus de la fièvre bleue, vous ne m'avez toujours pas répondu. Est-elle humaine ou naturelle? Et je n'ai toujours pas eu votre réponse.

-Oui, je sais. Mais avant de vous répondre, j'aimerais continuer mon histoire sur cette pauvre fe-melle qui avait été battue par son mari à causes de ses règles, je crois.

-Oui, oui, c'était bien cela.

-Voici la suite. La pauvre femelle, ne pouvant plus supporter les coups de son mari, partit le len-demain de la grotte conjugale afin d'aller voir dans les autres tribus alentours si son sort pouvait être amélioré d'une façon honorable. Car ce blanc de cro-magnon l'avait d'une certaine façon va-cciné contre tous les blancs de son espèce et ne s'y frotterait pas d'ici tôt, comme il était gravé dans son crâne. Les autres grottes alentours appartenaient à d'autres tribus, c'est à dire aux blaca-lo-pithèques qui étaient les ancêtres des noirs d'Afrique, aux jaunalo-pithèques qui étaient, com-me leur nom l'indique, les ancêtres des jaunes d'Asie et aux grisalo-pithèques qui étaient les anc-êtres de nos arabes du moyen-orient, et plus précisément, d'Arabie Saoudite. Mais étrangement, pour ne rien vous cacher, mon cher ami, son sort ne s'en trouva nullement amélioré ni meilleur. Et voici pour quelles raisons qui va forcément vous décoiffer.

-Oh oui, j'en doute point, mon cher Camus tel que je vous connais!

-Car voyez-vous, le blacalo-pithèque lui fit très très mal, mais surtout la laissa pratiquement mourir de faim, elle et sa très nombreuse progéniture.

-Ah ça, c'est vraiment dégueulasse! Mais faut dire que ça m'étonne pas du tout de leur part.

-Hum, hum..quant au jaunalo-pithèque, il lui apprit des jeux pervers quasi-masochistes qui fai-llirent la rendre complètement folle.

-Mais tout ça, c'est affreux!

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Mais le grisalo-pithèque fut sûrement le pire, car il la faisait travailler comme une esclave et la frappait pratiquement jour et nuit pour des raisons qui nous sont encore inconnues. Son sort à l' évidence était encore pire que celui qu'elle avait connu avec son ancien mari, le blanc de cro-ma-gnon. Elle revint donc auprès de lui et, disons-le franchement, pour retrouver un peu de chaleur humaine et de romantisme qui culturellement appartenait au blancalo-pithèque ou à l'homme bl-anc de cro-magnon : race européenne dont nous faisons partie, vous et moi, monsieur Crassepoi-te. Oui, je vous disais, un peu de romantisme, car celui-ci ne la frappait que très rarement peut-être une ou deux fois par an, mais aussi ne lui faisait que très moyennement mal. Elle retrouva donc auprès de son mari, le blanc de cro-magnon( qui n'est pas une marque de bouteille de vin!) son vrai bonheur à l'intérieur de sa grotte originelle. Mais une chose allait malheureusement gâ-cher son bonheur!

-Alors là, non, monsieur Camus! Je ne sais pas pourquoi, mais toutes vos histoires sont intermi-nables et finissent toujours mal. Mais c'est héréditaire ou quoi cette manie chez vous?

-Mais non, mais c'est comme dans la vie. En général, ça fini toujours mal et vous le savez aussi bien que moi.

-J'aime mieux ne pas vous répondre et vous laissez finir votre histoire.

-D'accord, d'accord, je continue. En fait, de toutes ses aventures ex-grotturales, elle gagna par la suite une étrange maladie qui s'appelait la colorostropie des limphes-tiphoïdales.

-Quoi, qu'est ce que vous dites là, monsieur Camus?

-Oui, j'ai bien dit des lymphes-tiphoïdales ou si vous voulez le bacille doré.

-Ah j'aime mieux ça!

C'était évident avec tous ces va-et-viens incessants sur une période de 10000 ans parmi toutes ces tribus qu'elle finirait un jour par attraper le premier virus de l'ère quaternaire qui s'appelait le bacille doré.

-C'était le premier virus de l'ère quaternaire ?

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-Oui, parfaitement et malheureusement tous les enfants qu'elle mit au monde durant cette péri-ode en furent bien évidemment infectés jusqu'à la moelle, si l'on peut dire. Mais une chose par-ue étrange à cette époque, c'est qu'ils n'en mourraient pas pour autant, voyez-vous.

-Ah vous me rassurez, mon ami! Ah voilà enfin une histoire qui finit bien. Mais c'est vraiment miraculeux de l'entendre de votre bouche!

-Heu? oui, certainement. Mais je voudrais vous dire aussi que mon histoire n'est pas tout à fait terminée et qu'il me semble avoir oublié quelque chose.

-Encore quelque chose? Mais c'est de la folie, votre truc!

-Mais, mais, il faut le bien, sinon on y comprendrait plus rien à mon histoire.

-D'accord, je vous écoute.

-Je veux remercier votre patience, mon ami. Car voyez-vous, tous ces enfants qui étaient nos an-cêtres aimaient souvent s'aventurer un peu hors de la grotte sans la permission de maman. C'est dire un véritable danger qu'ils encouraient sachant que non loin d'ici des dinosaures et des tyran-osaures flairaient la moindre chair vivante qui passait dans les parages. Ces petits enfants, à la chair tendre et juteuse de sang, étaient bien évidemment un de leur met préféré, ne nous le cach-ons pas. Et après quelques sauts de ruisseaux et de pierres jetées contre les troncs d'arbres dessé-chés qu'il y avait tout autour d'eux, nos chers petits bambins allaient en quelques secondes voir leurs cris de joies se transformer en véritables cris d'horreurs, car non loin d'ici, les tyranosaures les avaient repéré! Une courte poursuite s'en suivit, mais la lutte se montra inégale. Et en quelq-ues enjambées, toutes ces bêtes féroces les rattrapèrent et se jettèrent sur eux jusqu'à les dévorer par groupes de dix ou peut-être par quinze!

-AAAH, mais c'est dégoûtant ce que vous me racontez là!

-Oui, parfaitement. Mais c'était comme ça à l'époque et la suite vous pourrez la comprendre fa-cilement par vous même.

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-Oh oui, les parents ont dû forcément beaucoup pleurer, c'est une évidence!

-Mais non, monsieur Crassepoite, je ne voulais pas vous parler de ça! Mais vous êtes dans la lu-ne ou quoi? Je voulais uniquement vous faire comprendre que toutes ces bêtes féroces, qui av-aient mangé de cette chair infectée par le bacille doré, allaient bien évidemment en mourir!

-Mais oui, bien sûr, mais où avais je donc la tête, mon dieu?

-Et voici de quelle façon qui est très simple à comprendre. Car voyez-vous, les autres animaux allaient profiter de leur état faiblesse pour tout simplement les dévorer à leur tour sans même savoir qu'ils attraperaient le bacille doré et ainsi programmerait leur mort à tous!

-Quoi qu'est-ce que vous essayez de me faire comprendre, monsieur Camus? Vous voulez me dire que ce virus de bébé allait tuer et décimer tous les dinosaures et les tyranosaures de la planè-te?

-Oui, parfaitement.

Alors là, mon ami, vous dépassez vraiment les bornes! Car tout cela me parait rocambolesque. Ah oui, vraiment rocambolesque!

-Mais calmez-vous, mais calmez-vous. Ce que je tiens ici n'est pas, bien évdemment, la version officielle des paléontologues sur la disparition des dinosaures ou autre tyranosaures, je ne vous dirai pas le contraire. Mais c'est, je crois, la version la plus vraissemblable face à cette soi-disant glaciation qui aurait, parait-il, décimé la plus grande partie de nos monstres de l'ère quaternaire. Leur version, que j'ai apprise à l'école comme vous, ne me convient pas du tout, mais alors pas du tout!

-Mais pourquoi,  elle ne vous convient pas cette version? Qui pour ma part me convient parfai-tement vu que cette glaciation de notre planète pouvait en être aussi la cause, non ?

-Mais qu'est-ce que vous me dites là, mon pauvre ami? J'ai encore l'impression d'entendre tous ces paléontologues qui emploient la langue de bois. Et si j'ai bien compris vos propos. Oui, vous me dites que tous ces monstres d'un peu plus de 15 tonnes étaient morts parce qu'ils auraient pris froid! Mais là, c'est vous qui n'êtes pas du tout réaliste, mon ami. Et pensez-vous sincèrem-ent qu'un tyranosaure aurait pu réellement attraper la grippe et en mourir, hein? Le croyez vous vraiment? Moi, je n'y crois pas du tout, mais vraiment pas du tout.

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-Et votre bacille doré, vous croyez ça réaliste ?

-Bien sûr que oui et parfaitement défendable. Car tout ce que je viens de vous raconter sur le ba-cille doré, qui était selon moi le premier virus de l'ère quarternaire, avait été le sujet de ma thèse d'étudiant. Thèse que j'avais soutenue, non sans difficulté, devant mes professeurs de l'école de médecine.

-Alors là, vous médecin maintenant, monsieur Camus, vous m'en apprenez toujours des nouve-lles!

-Mon cher Crassepoite, s'il vous plait, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. Vous ne le savez peut-être pas, mais à l'époque une étrange maladie m'en avait pour ainsi dire empêché en me clouant au lit pratiquement toute une année. J'étais alors pas loin du suicide et sans la présen-ce de  ma soeur Caroline à mes côtés, je pense sincèrement que je ne serais sûrement pas ici pour vous en parler. Car voyez-vous, je suis un être terriblement tragique et, disons-le franchement, au moindre bobo qui pourrait m'arriver, j'en fais souvent un drame aussi effrayant qu'un drame de shakespeare.

-Oh oui, ça j'en suis parfaitement convaincu, tel que je vous connais.

-Voila donc pourquoi je ne le suis jamais devenu et malgré mes deux années passées à étudier presque dans le vide.

-C'est triste tout ça, non?

-Oui, vraiment très triste. Mais afin que nous ne pleurions pas comme deux pleureuses, mon ami, j'aimerais poursuivre mon histoire.

-Mais allez y, j'en vois plus l'inconvénient.

-Vu le peu de considération qu'on portât à ma thèse, je l'avais donc envoyée au magazine Science et Avenir qui, comme vous le savez, est un magazine concernant la Science d'hier, d'aujourd'hui et de demain. D'où ma théorie préhistorique sur l'extinction des espèces, tels que les dinosaures et autres cépacés rampants ou volants, rentrait parfaitement dans ce cadre assez large, il faut le dire. Quelques temps plus tard, je reçus par le courrier, une réponse où ils me disaient en gros que ma thèse les avait beaucoup intéressée et qu'ils en feraient certainement un article dans le mois qui suivrait la dernière édition. Bref, des scientifiques allaient être contactés pour en déc-larer soit sa validité soit son rejet pour la période de l'ère quaternaire.Vous dire alors mon état d'excitation, mon ami! Mon attente fut très longue pour ne rien vous cacher en observant d'un oeil, disons-le, presque maladif toutes les vitrines des libraires ou bureaux de tabac en espérant y voir ma thèse affichée sur la première page de ce dit magazine des Sciences. Puis un jour, en al-lant chercher du pain à la boulangerie en bas de chez moi, je me tapai tout à fait par hasard sur une vieille connaisance de l'école de médecine qui par chance tenait sous son bras un exemplaire du magazine Science et Avenir. Après une poignée chaleureuse et une discution que j'abrégeai au plus vite (afin qu'elle ne soit pas trop pénible pour moi), je lui demandai si son magazine était de ce mois-ci?

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A ma grande surprise, il me dit que oui. Et alors que je m'apprêtais à lui poser la question fatidi-que, il me dit avec une sorte de dégoût inexprimable : Tiens, prends-le, je te le donne! Tu sais, moi, toutes ces pyramides d'Égypte ça ne me fait plus bander! J'ai vraiment passé l'âge de toutes ces niaiseries de fanfarons tout en carton merdifique. En vérité, je ne comprenais pas très bien ses propos sur les pyramides en carton merdifique, mais cela ne m'empêcha point de lui prendre son magazine et de le glisser vite fait sous mon bras. Je pris aussitôt congé de lui en me précip-itant chez moi. Mais comment vous exprimer ma grande déception, mon cher Crassepoite, quand je vis que la première page du magazine n'avait pas été consacrée à ma thèse, mais une fois de plus aux vieilles pyramides d'Égypte dont le secret allait être enfin révélé par le professeur Bau-lieu, un grand égyptologue de renommée mondiale! Je compris aussitôt ce que mon ancien cam-arade d'école avait voulu me dire par ces pyramides merdifique. En fait, il y eut bien un article sur ma thèse, mais si petit qu'il passa pratiquement inaperçu auprès des grands savants traitant de la paléontologie mondiale. Ce que j'ai pu lire sur la conclusion de cet article, c'est que ma thèse, bien que très intéressante au premier abord, montrait en réalité un vice de forme sur la logique de l'argumtentaire. En gros, elle me disait, si le virus avait été la cause de la disparition des gran-ds mammifères et autres monstres de l'ère quaternaire, il l'aurait forcément découvert sur le gra-nd mammouth des pôles australes dont ils avaient retrouvé l'ensemble de la carcasse avec sa fou-rrure. Biensûr, j'étais complètement démoralisé par leur conclusion qui était, selon moi, un peu lég-ère.

-Ah oui, monsieur Camus, vous trouvez vraiment que vous auriez pu facilement les contredire même sur la carcasse du grand mammouth des pôles australes?

-Oh oui facilement. Car voyez-vous, le grand mammouth des pôles australes n'était pas un carni-vore, mais un brouteur de prairie, bref, une sorte de végétarien qui n'avait pas pu manger de la chair infectée par le bacille doré et attraper la colorostropie des lymphes-tiphoîdales. Voilà un simple argument qui aurait pu faire passer ma thèse comme quelque chose de tout à fait révolu-tionnaire dans le monde la paléontologie moderne. Mais mon état de santé était si mauvais à ce moment là que tout cela m' effrayait de leur écrire tout ce que je viens de vous raconter. Je remis donc ma thèse au fond de mon tiroir et ne la ressortis plus jamais. Vous êtes, me semble-t-il, le seul à qui j'en ai reparlé et vous êtes, d'une certaine façon, une sorte de confident presque un fr-ère.

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-Oh c'est vraiment gentil ce que vous me dites là, mon tendre ami!

-Mais c'est tout naturel de vous le dire, car vous êtes bien le seul à vouloir me suivre dans toutes mes idées de génie que j'ai vraiment du mal à réaliser dans ce monde où, il faut le dire, la plus grosse partie sont des imbéciles, n'est-ce pas?

-Oh oui, certainement. Mais au fait, mon cher Camus, pour revenir à ce nous disions. Alors le virus de la fièvre bleue est-il d'origine naturelle ou bien humaine? C'est bien cela que nous ch-erchons depuis le début, n'est-ce pas ?

-Oui, oui, bien sûr. Pour ma part, il ne fait aucun doute qu'il est d'origine humaine!

-D'origine humaine?

-Oui, un peu comme le bacille doré, mais pas tout à fait. Car celui-ci ne se transmet plus par vo-ie sexuelle ou par la déglutition de la chair infectée, comme nous avons pu le remarquer antérie-urement, mais par un procédé révolutionnaire.

-Révolutionnaire, vous me dites?

-Oui, car il se propage tout simplement par la poste et, disons-le clairement, par la voie aérienne.

-Par la poste et par la voie aérienne, mais c'est du délire, monsieur Camus.

-Oui, certainement. Mais n'oubliez pas que dans le cabinet du ministre du logement, on a bien retrouvé deux enveloppes qui contenaient le virus de la fièvre bleue à l'état de poudre volatile.

-Hé oui, c'est vrai. Le ministre du logement, monsieur Gros Pierre de la planche, a été découvert mort dans son cabinet et bien sûr terrassé par le virus de la fièvre bleue.

-Ah vous voyez, comme on y retrouve ses petits.

-Et je dirai même que c'est complètement fou d'apprendre que ce virus pouvait circuler librem-ent par la poste et terrasser son destinataire sans être embêté par la justice!

-Très juste ce que vous dites là, mon cher Crassepoite.

-Mais si c'est pas dingue tout ça, alors dites-moi ce que c'est exactement ?

-Mais c'est tout simplement, révolutionnaire et rien de plus!

-C'est bien ce que je pensais, c'est tout simplement révolutionnaire et rien de plus.

-Décidément, mon cher Crassepoite, vous commencer à comprendre les choses.

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-Je vous remercie beaucoup, mon cher Camus, pour vos remarques. Mais je trouve encore mes analyses trop empreintes de poésie ou d'envolées un peu à la olé olé pour pouvoir vraiment en tirer de vraies conclusions, afin d'atteindre cette vérité que nous attendons tous de connaître sur cette épidémie de fièvre bleue. Et puis il me semble bien que vous en savez plus que vous voulez m'en dire, si je me trompe?

-Oh oui, certainement. Mais veuillons ne pas franchir trop vite les étapes même si tout cela  nous semble comme tombé du ciel. Sans vouloir faire un lapsus déplacé, je pense que notre virus a bien un expéditeur et qu'il est bien en chair et en os!

-En chair et en os?

-Oui, parfaitement.

-C'est bien ce que je pensais depuis le début, non de dieu! Et je parierais bien mon fauteuil de cabinet que vous l'avez rencontré, monsieur Camus?

-Non, pas vraiment..mais j'ai reçu une lettre de cette personne.

-Ah oui?

-Hum, hum!

-Et vous m'en avez pas parlé? Monsieur, vous m'en cacher bien des choses..c'est pas très beau ce que vous me faites là, hein ?

-Certainement. Mais voyez-vous, c'est que je ne voulais pas vous affoler sur cette lettre ou plu-tôt sur ces deux lettres que j'ai reçues la semaine dernière à mon domicile.

-Quoi, deux lettres à votre domicile, comme celles qu'avaient reçu le ministre du logement et vous les avez ouvertes sans penser qu'elles pouvaient contenir le virus de la fièvre bleue? Mais vous êtes d'une inconscience totale! Et je pense vraiment que avez eu parfaitement raison de ne pas m'en parler pour les raisons que je viens de vous énoncer. Complètement fou, ce Camus! marmonait Robert du bout des lèvres. Jean-Paul, devant ces mots qui étaient très dures à son en-contre, baissa la tête comme pris en faute par son directeur de cabinet.

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-Robert, si tu me le permets, je souhaitrais que nous cessions de parler de tout cela. Parce que je suis convaincu que tu ne sois pas encore prêt à entendre la vérité de ma propre bouche. Et tes derniers mots sur moi, qui sont d'une extrême dureté, n'en sont que la preuve flagrante.

-Comment moi, Robert Crassepoite, j'aurai peur de la vérité? Mais vous vous trompez complè-tement, mon ami! Tenez, je vous prends au mot. Eh ben, monsieur, veuillez continuer! Ce Ca-mus était vraiment d'une extrême intelligence et manipuller les autres était bien sûr son plus grand talent. Bref, en connaissant très bien son directeur de cabinet alors que l'autre pas du tout. Aussitôt, il reprit son petit sourire au coin de ses lèvres quelques peu huilées par ce qu'il avait encore à dire.

-Oh, rassurez-vous, mon cher Crassepoite, ces deux lettres portaient bien le nom de leur expé-diteur et ce fut bien cela qui me permit de les ouvrir sans devoir craindre à ma vie.

-Mon ami, excusez-moi de le vous dire, mais ce n'est pas parce que ces deux lettres portaient le nom de leur expéditeur qu'elles n'en étaient pas pour le moins dangereuses.

-Euh, oui, certainement. Mais en comparaison avec toutes ces lettres anonymes que nous recevo-ns ici à la mairie, qui sont toutes débordantes d'insultes à vous donner la colique au bureau, ces deux là me semblaient plutôt gentillettes et d'une toute autre facture avec un nom, une adresse écrite comme il faut, peu de fautes d'orthographes et des expressions tout à fait charmantes à li-re. En résumé, tout à fait positives.

-Oui, mais ils peuvent mettre aussi des faux noms, ces saligauds de socialistes, ne l'oubliez pas!

-Oui, bien sûr. Mais franchement, je ne les crois pas capable d'avoir autant d'imagination graph-ologique et disons-le d'imagination en matière de stratégie politique, n'est-ce pas?

-Oui, c'est vrai. Mais vous qui me parliez de toutes ces lettres anonymes qui par définition ne po-rtaient pas le nom de leur expéditeur. Mais pensiez-vous qu'il était honorable pour tous ces me-ssieurs de la gauche sociale et communiste de finir leur vie comme ça, de nous envoyer des lett-res de chantages remplies de menaces de mort, si on ne voulait pas leur céder la mairie de la Col-ombe?

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-Je vous dirai tout simplement que c'était consternant pour eux. Oh oui, vraiment consternant qu'ils en soient arrivés à cela qui n'est plus de vouloir le combat politique et démocratique, mais une sorte de guerre à la romaine ou à la grecque. Sur ce terrain, je ne pense pas qu'ils gagnerons. Car on a jamais vu une brebis se transformer en loup, alors que l'inverse reste toujours possible, Ah!Ah!Ah!

-De tout coeur avec vous, mon cher ami. Et vous avez vu comme ils nous traitent ces saligauds? Et que je te traite de nazis pourris jusqu'à l'os, de fachos impuissants et de lavettes qu'on devrait brûler dans les camps! Mais c'est abominable tout ça, non ?

-Oh oui, tout à fait, à l'égard de notre passé qui est rempli de tant d'horreurs inexprimables par les mots. Mais voyez-vous, avec tout ce que vous venez de dire, je ne veux en aucune façon ren-trer dans cet éternel débat qui serait de savoir lequel d'entre nous a le plus souffert par le passé. Parce que tout cela nous entraînerait forcément vers de nouveaux conflits d'intérêts ou tout sim-plement de jalousies. Mais soyons plutôt juste envers tout le monde et veillons surtout à ne pas distribuer ces sacrés bons points ni à l'un ni à l'autre pour le salut de l'humanité. Et le plus impo-rtant pour nous aujourd'hui, c'est d'oubier notre passé puisque notre avenir en dépend entièrem-ent. Et que de traiter ses adversaires politiques de nazis ou de fachos est une chose complèteme-nt obsolète vu que ces expressions datent du siècle dernier. Vous dire alors le décalage avec no-tre société d' aujourd'hui!

-Entièrement d'accord avec vous, monsieur Camus. Mais à propos de cette chose que vous venez de dire( qui est d'une extraordinaire clairvoyance pour les hommes du futur), je pense qu'elle ne passera jamais dans notre réalité d'aujourd'hui.

.-Ah oui et pourquoi donc?

-Parce que les juifs veillent au grain, si vous me permettez cette expression. Et il me semble bien étrange que BHL ne vous ait point écrit sur ce sujet quand votre livre est sorti en librairie. Car en analysant tous les personnages de votre roman, on est saisi d'un froid insoutenable, comme si la plupart voulait en finir avec leur passé qui, semble-t-il, leur était devenu insupportable à supp-orter, n'est-ce pas?

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-Oui, c'est très juste ce que vous dites là sur mes personnages qui pour la plupart sont de fictio-ns, ne l'oubliez pas.

-Mais avant de vous répondre, j'aimerais bien savoir qui est ce BHL? Car ce nom ne me dit rien du tout, mais vraiment rien du tout.

-BHL, mais vous ne savez pas qui c'est? Non d'une pipe, mais vous ne suivez pas les émissions à la télé?

-Non, pas vraiment. Car pour ne rien vous cacher, j'ai fait enlever la télé de mon salon afin d'y mettre à la place une sculpture en bois du grand Chapolini qui représente en modèle réduit le grand Césartosaure des Indes. Voilà pourquoi, mon cher ami, je ne connais point votre BHL!

-Vous le faites exprès ou quoi?

-Mais non, j'vous dis. Et puis franchement, avec tout ce que me disent mes voisins sur les émiss-ons à la tété, j'aime mieux avoir le soir en face de moi, mon Césartosaure des Indes que la tête de vos présentateurs d'émissions débiles.

-Pas si débile que ça, mon cher Camus, car BHL y passe pour un homme très très intelligent et ça tout le monde le croit.

-Oh oui, cet homme est certainement très intelligent puisqu'il passe à la télé. Mais au juste ces initiales que veulent-elles dire exactement, mon ami?

-BHL signifie, Bernard Henry Levy qui, comme tout le monde le sait, est un grand philosophe de confession juive ainsi qu'un fervent défenseur de notre passé ou plutôt de notre mémoire, bref, la Shoa et tout ce qui va avec, bien évidemment. Vous dire que vous avez là devant vous un sa-cré adversaire qui ne se laissera sûrement pas faire, ni démolir son passé et pour tout l'or du mo-nde, puisqu'il en a beaucoup, paraît-il.

-Monsieur Crassepoite, je pense vraiment que vous vous trompez sur moi et plus particulièrem-ent sur les personnages de mon roman qui sont pour la plupart de fictions, ne l'oubliez pas. Moi sincèrement, je n'ai rien contre votre BHL pour la simple raison que je ne pense pas que ce mon-sieur Bernard Henry Levy qui, d'après vos propos, est un grand intellectuel pourra faire grand chose devant cette épidémie de fièvre bleue qui paradoxalement ne vous demandera ni votre car-te d'identité ni votre profession ni votre religion ni la couleur de votre peau pour vous terrasser dans la rue où même devant votre poste de télévision! C'est ce que j'ai pu voir de mes propres yeux, rappelez-vous, quand j'étais à Paris pour mon enquête.

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-Oui, je m'en souviens.

Et pour ne rien vous cacher sur mes véritables sentiments sur ce sujet. Moi, je préconiserai plu-tôt que d'employer tous ces mots, qui finiront un jour par perdre leur véritable sens, une chose beaucoup plus utile pour arrêter tout simplement ce génocide, c'est tout simplement l'antidote!

 Chapitre 3

 L'antidote

-Mais oui, l'antidode! L'antidote de la fièvre bleue afin de sauver toute la planète! Voilà un beau programme. Mon cher Camus, on ne peut pas être plus simple que vous l'êtes en ce moment. Et je pense sincèrement que c'est bien là le signe de votre génie qui est celui de pouvoir simplifier tous nos problèmes et ardus ils sont de notre pauvre monde qui s'enlise dans son passé, mais qu' il devra nécessairement oublier un jour pour pouvoir survivre tout simplement à la vie présente.

-Je vois que vous vous améliorez, monsieur Crassepoite. Et il est évident, avec ce que vous ven-ez de dire, que le problème de votre BHL est en fin de compte résolu comme par enchantement. Et que tous les thèmes, que ce monsieur semble explorer afin d'en tirer de soi-disant vérités éte-rnelles, seront bien évidemment dépassées par cette épidémie de fièvre bleue. Sincèrement, je ne pense pas que ce BHL soit un génie, puisqu'il est encore jeune, grand, beau et intelligent, n'est-ce pas? Pour moi, les génies n'ont jamais eu autant de perfections physiques, disons plutôt, qu'ils ont toujours été difformes avec un cerveau hors du commun, nous ne le cachons pas. En vérité, la nature fabrique très peu de génies et ceci pour le bien de tous, n'est-ce pas? En fait, ils sont si peu nombreux sur cette terre qu'ils sont peut-être déjà morts ou tout simplement mort-vivants à l'hôpital psychiatrique ou dans les rues en train de fouiller dans les poubelles de l'humanité les restes de nourriture que notre société veut bien lui jeter pour son salut. Mais revenons à nos mo-utons, mon ami. Car c'est fou, comme nous nous dispersons dans toutes ces querelles de chapel-les, elles aussi, vouées à la destruction.

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-Oui et alors que vous annonçaient-elles d'extraordinaire ces deux lettres, hein?

-Hé ben, le fait qu'elles portaient le nom de leur expéditeur, c'était déjà pour moi extrordinaire!

-Oui, oui, d'accord, mais quoi d'autre?

Commençons par le début, si vous le voulez.

-D'accord, je vous écoute.

La première lettre que j'ai reçue m'a été envoyée par un juif, si je m'en souviens.

-Par un juif, vous me dites? Mais qui vous dit que cet expéditeur était juif?

-Son nom tout simplement, puisqu'il s'appellait Rosenblum et qu'il habitait à New York, rue du CAC 40!

-Hum, hum, sans aucun doute, celui-ci devait être juif pour ces raisons. Et que vous voulait-elle au juste cette personne? Un marché ou une affaire, je suppose ou quelque chose comme ça, hein, monsieur Camus?

-Mais attendez un peu, mais c'est pas vrai! Mais laissez-moi retrouver un peu les mots que cette personne avait employé dans sa lettre pour me demander. Heu...oui, c'était semble-t-il un marché à propos de mon livre.

-Ah vous voyez que je n'étais pas loin de la vérité, hé hé !

-En fait, cette charmante personne me disait qu'elle avait beaucoup aimé mon livre sur la fièvre bleue parce qu'elle avait enfin trouvé un auteur qui ne se prenait pas pour un intellectuel, tel qu' on en trouvait en surnombre sur la place de Paris.

-Elle vous a dit ça ?

-Oui, oui, c'était bien son expression.

-Etrange tout ça, non ?

-Et que j'étais probablement un homme de mon temps en sachant jouer très adroitement avec les nerfs de mes lecteurs et, disons-le clairement, avec les nerfs de mes contemporains.

-Ah oui, ça c'est pas faux! et je dirai même que c'est tout à fait juste. Et que cette personne a cer-tainement lu votre livre du début jusqu'à la fin pour pouvoir vraiment vous le dire. Et quoi d'au-tre, mon ami?

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-Mais attendez un peu, je vous cite tout ça de mémoire et, disons-le franchement, c'est pas évid-ent pour moi. Ah si j'avais su ce matin, j'aurais dû prendre avec moi mes deux lettres pour pou-voir tout simplement vous les lire. Je pense que ça aurait été plus facile pour moi, hein ?

-Non, non, vous avez eu parfaitement raison de les garder chez vous et pour les raisons que vous en connaissez très bien.

-Mais si vous voulez, je peux allez les chercher maintenant; j'en ai à peine pour 10 miutes en voiture, je vous assure.

-Non, non, j' vous ai dit! Vous êtes sourd ou quoi? C'est non. Faites moi plutôt un résumé de cette première lettre qui, au premier abord, me semblait prometteuse vu les intentions malasaine que j'ai pu déceler chez ce monsieur Rosemblum, si ce nom est vraiment le sien?

-Alors là, Robert, si vous commencez par me dire ceci, moi j'aime mieux arrêter tout de suite l' examen de cette lettre. Car cette première lettre est aussi importante que la deuxième pour des raisons que vous connaîtrez à leur heure et non à celle que vous le voudriez. Vous êtes vraiment insupportable en ce moment, monsieur Crassepoite. Et veuillez me laisser continuer ma lettre afin de savoir comment les juifs de New York nous voient de leur cité de Mnhattan, face à cette terrible épidémie de fièvre bleue que nous subissons très sévèrement ici sur notre continent Eu-ropéen, si cela n'est pas trop vous demander.

-Non, non, pas du tout, et je vous dirai même que j'y vois un peu plus clair que tout à l' heure. Et que cette mise au point me semble tout à fait la bienvenue pour poursuivre notre recherche, si on peut l'appeler ainsi.

-Mais on peut l'appeler ainsi pour cette lettre venant d'Amérique, mon ami. Bien, bien, je vais essayer maintenant de poursuivre tout cela de mémoire.« Oui, votre ouvrage que vous avez écrit dans un style tout à fait réaliste semble avoir entendu les voix de l'Amérique et, disons-le franchement, avec plusieurs siècles d'avances! »

-Quoi, il vous a écrit ceci ?

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-Oui et disons-le, c'est plutôt flatteur, n'est-ce pas ?

-Oh oui, certainement pour vous; mais poursuivez...

Et ce que vous opérez ici d'extraordinaire, c'est une véritable révolution dans votre littérature Européenne qui deviendra à l'avenir mondiale. Vous savez, monsieur Camus, les idées que nous développons ici en Amérique dans nos thrillers afin d'effrayer le citoyen moyen américain (après son hamburger du soir et son coca-light) ne sont vraiment rien par rapport à celles que vous dév-elopper dans votre ouvrage qui sont pour moi, une forme nouvelle de littérature que j'appellerai celle de la terreur!

-Quoi, il vous a écrit ça, ce fou?

-Oui, je m'en souviens très bien, maintenant. Et même il me disait après : J'espère bien que tout cela ne vous effrayera pas trop vu qu'il vous en faudrait beaucoup qu'il en soit ainsi, n'est-ce pas? Mais là n'est véritablement pas le sujet de notre entretien. Allons directement au but de cette lett-re, monsieur Camus. Voilà, je vous propose donc un marché. "

-Ah vous voyez, c'est ce que je vous disais tout à l'heure!

-Chut!" Il ne fait plus aucun doute pour moi que votre idée, qui est celle de vouloir terroriser toute la planète par le virus de la fièvre bleue, n'est vraiment pas pour moi l'idée du siècle, mais l'idée du troisième millénaire! Et que votre génie littéraire se trouve à cet endroit stratégique que vous ignorez vous même. Mais si je vous ai écrit cette lettre, forcément pleine de fautes de fran-çais, c'est bien évidemment pour vous le confirmer, monsieur Camus. Il est vrai aussi que je ne vous cacherai pas que je suis juif. Mais cela a-t-il vraiment de l'importance de vous l'écrire? Pui-sque de toute façon, je vous ai donné mon nom, mon adresse ici à New York et le deviner a dû être un véritable un jeu d'enfant pour vous, n'est-ce pas? "

-Monsieur Camus, vous me faites vraiment peur en ce moment, car vous parler tout seul et vous avez presque changé de voix!

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-Oui, c'est exact. Parce que je lis tout simplement ma lettre de mémoire et c'est comme si on lis-ait dans le coeur des gens ou plutôt dans leur cerveau, je voulais dire. " Oui, je suis juif et fier de l'être. Mais voyez vous, bien que je fasse partie du peuple élu, il est de mon devoir de vous dire que mon peuple ne veut en aucune façon faire partie de ce nouveau génocide que vous annoncez d'une manière fracassante pour toute la planète. Ce marché est celui-ci : Oui, je suis prêt à vous acheter l'antidote de la fièvre bleue en grande quantité afin de sauver mon peuple de la destru-ction!"

-Mais quoi? Mais il fou, ce juif! Mais nous n'avons pas l'antidote de la fièvre bleue, n'est ce pas, monsieur Camus?

-Non pas encore, mais...

-Mais quoi?

-On pourrait peut-être en avoir, mais pas tout de suite. "Je vous assure, monsieur Camus, je vous en propose 20 000 dollars et tout de suite en espèces, si vous venez dans les prochains jo-urs à New York."

-Que ça! Mais il est radin votre juif ou quoi? Donner seulement 20 000 dollars pour sauver son peuple. Mais on est pas au marché aux puces pour proposer une somme si minable!

"C'est à prendre ou à laisser. Une chose importante à dire à propos de votre livre, c'est que celui-ci trop en avance sur son temps ne se vendra certainement pas comme vous le souhaiteriez et n'en tireriez sûrement pas beaucoup d'argent. Car celui qui vous le dit, c'est l'homme d'affaire juif qui sait que tout ce qui sort avant son heure est toujours incompris par les acheteurs potentiels et votre livre en fait inévitablement partie. Allez 20 000 dollars et tout de suite pour mes 8 mill-ions de doses d'antidote! C'est une affaire à saisir, car je pourrai moi aussi changer d'avis. Vous savez l'argent, ça va, ça vient et on sait jamais quand on en a réellement. Le CAC 40, c'est du vrai yoyo quotidien. Tenez hier, j'ai perdu un demi-million de dollars à la clôture de la bouse de New York à cause d'une rumeur sur les attentats islamistes sur Manhattan. C'est complètement fou! Mais c'est dingue comme votre continent européen nous envoie par la voie aérienne toutes sortes de parasites. Et si c'est pas les attentats islamistes, c'est maintenant la fièvre bleue. Mais bon di-eu, arrêtez vos conneries dans vos pays de merde où règne l'instabilité politique, religieuse, raci-ale et bactériologique!"

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-Oh, monsieur Camus, comme vous transpirez maintenant! Vous êtes tout ruisselant. Mais c'est dingue comme cette lettre peut vous mettre en transe et vous faire crier des choses abominables. Je vais vous chercher un verre d'eau, je crois que vous en avez bien besoin.

-Je vous remercie, mon ami, je vais m'asseoir un peu.

Quelques instants plus tard. Aller buvez moi ça, mon cher Camus, ça vous fera du bien.

-Merci, mon ami, Haaa, comme ça fait du bien de se réhydrater un peu les cellules! Humm, j'en boirais bien un autre, si cela ne vous gêne pas trop.

-D'accord, redonnez-moi votre verre. Robert repartit aussitôt dans le couloir où la petite fontai-ne se trouvait. Là voilà, l'eau de la fontaine, là voilà! lança-t-il comme s'il avait trouvé la fontai-ne de jouvence. Bon, cette fois-ci, j'espère bien que vous vous serez désaltéré suffisemment.

-Oh oui, rassurez-vous, je pense que cette fois-ci ça sera tout à fait suffisant pour continuer cette lettre qui est en tout point juive New-yorkaise." Monsieur Camus, si cette affaire ne vous con-vient pas, je peux vous en proposer une deuxième. C'est peut-être la somme des 20 000 dollars qui ne vous convient pas? Mais que diriez-vous si je vous en proposais une autre qui serait de 10 millions de dollars?"

-Quoi qu'est-ce qu'il a dit, monsieur Camus, 10 millions de dollars? Mais il est complètement fou, ce juif de New York! "Je sais que c'est une somme assez impressionnante à prononcer de sa propre bouche. Mais pourquoi pas après tout? Puisque l'idée que vous développez dans votre livre, qui est celle de vouloir terroriser toute la planète par le virus de la fièvre bleue, pourrait facilement nous les faire rapporter haut la main. Voici comment, mon cher futur associé. Pour être simple, nous garderons votre idée de génie qui sera notre matière première, vu le contexte économique catastrophique des matières premières que nous exploiterons d'une manière géniale et très lucrative. Maintenant, c'est ici qu'intervient ma petite touche de génie, si vous me perm-ettez cette expression. Car voyez-vous, c'est qu'en chacun de nous sommeil un génie et, plus particulièrement, chez nous les juifs qui depuis l'aube de l'humanité en ont beaucoup donné à l' humanité. Voyez : Moïse, Jésus-Christ, Spinosa, Carl Max, Mendelsonn, Glenn Gould, Enstein et, plus proche de nous, monsieur Bernard Henry Levy qui est un de vos compatriote, je crois. La suite, je ne la vous donnerai pas car celle-ci serait trop longue. Mais revenons à nos affaires, mon cher Camus. Oui, ce que je voudrais faire maintenant, c'est m'associer avec vous à 100 % dans la future réédition de votre ouvrage intitulé, le virus de la fièvre bleue, mais en y apportant quelques modifications afin d'en assurer un succès planétaire.

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-Planétaire? Mais il est fou ce Rosenblum! "Voici ces modifications. Premièrement : Changer d' éditeur et surtout changer le nom de celui-ci, car Adolf Affond ne pourrait que nuire à la future carrière de notre bouquin aussi bien en Israël que dans le monde entier. Et j'ai choisi pour vous un éditeur new-yorkais qui est très bien, c'est John Cohen, un ami d'enfance que je vous présent-erais si ma proposition vous intéresse, bien évidemment. Aussi, mon ami, sachez que d'avoir un éditeur hors de votre pays ou de la communauté européenne ne pourrait que vous faire gagner encore plus d'argent. Car ici à New York, nous n'avons pratiquement aucune taxe éditoriale et que dire de l'impression d'un livre qui nous coûte pratiquement rien par rapport au votre peut-être 1000 dollars au maximum. C'est la fortune assurée, monsieur Camus! Et vous aurez aussi un compte ici chez nous à New York et vous pourrez en profiter comme bon vous semble sans être embêté par tout cette armada fiscale et administrative que vous avez dans l'union europée-nne qui vous enfonce un peu chaque jour vers la misère morale, financière et culturelle. Venez à moi avec vos idées et vous serez le bienvenue parmi nous. Deuxièmement (ici intervient mon coup de génie, comme vous le verrez). Connaissez vous les bandes dessinées Rahan ou Picsou? Oui, certainement. Et je pense aussi que vous les avez lu un peu comme moi dans votre enfance afin de connaître la suite de leurs aventures extraordinaires, n'est-ce pas? Hé ben, moi je vou-drais que nous fassions de même pour notre livre. Et à la place du célèbre gadget que chaque enfant retrouvait sous la couverture en plastique du magazine (souvent une dent de tigre pour Rahan et une petite pièce de monnaie pour Picsou), nous y placerions une petite fiole en matière plastique qui contiendrait l'antidote de la fièvre bleue! Si c'est pas génial, monsieur Camus, di-tes-moi alors ce que c'est?

-Mais il est fou votre juif! Quoi, il veut mettre l'antidote de la fièvre bleue à l'intérieur, alors qu'il ne l'a pas. Mais c'est insensé tout ça. "Il est évident, monsieur Camus, que nous mettrions à la place de l'antidode un peu d'eau sucrée afin de limiter tous frais excessif pour notre ouvrage à dimension planétaire, bien évidemment. Et un bandeau de couleur rouge sera placé autour de no-tre ouvrage sur lequel il sera écrit en grosses lettres bleues un titre racoleur genre : Offre except-ionnelle sur la nouvelle édition de la fièvre bleue. L'antidote vous est offert gratuitement avec le livre. Promotion sur les 1000 premiers exemplaires! Avec ça, les gens forcément pour ne pas mourir de cette saleté de fièvre bleue se précipiteraient alors sur notre livre en croyant bien sûr y trouver l'antidote et non de l'eau sucrée, comme on y aura mis, Ah!Ah!Ah! Ce placebo fera cert-ainement notre fortune, monsieur Camus. Et après je pourrai vous acheter la formule de l'antid-ote, puisque je crois que vous la possédez, mais que vous ne voulez pas vous en défaire pour mes 20 000 dollars, n'est-ce pas? Mais quand l'argent coulera à flots pour nous, vous n'y verrez plus alors d'inconvénient à me vendre pour, allez disons 5 millions de dollars, la formule de l' antidote. Ainsi, je pourrai faire fabriquer en laboratoire mes 8 millions de doses et sauver mon peuple de ce génocide. Monsieur, il est temps pour moi de vous laisser réfléchir. Vous avez mon nom, mon adresse et mon numéro de téléphone pour me joindre à toute heure de la journée. Ah sacré, Jean-Paul, nous serons riches demain vous et moi! Vous vous en rendez compte? Allez, bye bye!"

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-Ca y'est, j'ai fini, j'ai lu toute cette lettre de mémoire et je suis complêtement exténué!

-Mais je vous crois entièrement. Et puis avec tout ce que vous venez de m'apprendre, ça décoiffe forcément les idées reçues sur la finance et sur les juifs. En fait, ils sont comme nous ces gens, ils ne veulent pas faire partie des victimes de la fièvre bleue, hein, monsieur Camus?

-Hé oui, cela me semble évident, mon ami.

-Au fait, vous pourriez m'en donner un peu ?

-Mais de quoi, mon ami?

-Mais un peu d'antidote, parbleu! C'est que je ne veux pas mourir moi aussi sous d'atroces sou-ffrances. Pitié, Camus, donnez-moi en une petite goutte pour l'amour du ciel!

-Mais ça va pas? Mais vous perdez la tête ou quoi? Mais je ne possède pas l'antidote!

-Ah non? Mais? Mais alors vous n'êtes pas un génie!

-Oh, oh, veuillez mesurer vos paroles. Et puis n'oubliez pas que je n'ai pas entièrement fini mon histoire, puisqu'il nous reste encore à lire de mémoire cette deuxième lettre.

-Oh merde alors, encore une deuxième lettre!

-Quoi qu'avez vous dit à l'instant, monsieur Crassepoite?

-Moi? Rien. Et alors qu'est-ce qu'elle vous annonçait de si extraordinaire, celle-ci, monsieur Ca-mus?

-Oh en fait, pas grand chose, sinon son expéditeur censé détenir ce que je cherchais depuis des années.

-C'est à dire?

-Mais voyons, faites un petit effort d'imagination.

-Mais non vraiment, j'vois pas.

-Allez pour me faire plaisir..

-Mais non, j' vous assure, j' vois toujours pas.

-Mais vous le faites exprès ou quoi ?

-Mais non, puisque j' vous le dis! Tonnerre de bonsoir! Mais vous êtes assommant avec votre fièvre bleue!

-Ah vous voyez, vous l'avez dit!

-Ah vous vouliez me parler de ça?

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-Mais non, voyons, de la culotte de la reine d'Angleterre, bien évidemment.

-Ah oui? Mais alors ça change tout. Et je parierais donc que ce monsieur de la lettre l'avait pho-tographié et voulait vous en proposer un bon prix, c'est ça, hum?

Mon dieu, mon dieu, mais vous en possédez une couche. Mais je voulais vous parler de l'anti-dote!

-Ah oui et ça existe encore cette chose là?

-Hum, hum, je ne sais pas si vous le faites exprès. Mais j'ai vraiment l'impression que vous ess-ayez de m'énerver, mais sans réellement y parvenir, mon vieux gripsous.

-Alors là, mais vous n'y êtes vraiment pas du tout, mon vieux philosophe de cabinet.

-Comment, moi, vieux philosophe de cabinet? Et vous vieux gratte-papier de feuilles hygiéniqu-es!

-Alors là, monsieur Camus, je ne vous permettrais pas que vous m'insultiez dans mon cabinet. Et n'oubliez pas que je suis ici votre supérieur!

-D'accord, monsieur le chef de cabinet, si vous insistez, ok, ok!

-Mais une chose me tracasse les neurones chez vous, c'est qu'il me semble bien étrange que vous soyez le seul employé de la marie à recevoir des lettres de fous.

Ah oui, vous croyez?

-Hé oui, puisque cette deuxième lettre en témoigne.

-Moi franchement, je ne trouve pas. Et puis je ne vois pas en quoi elles sont si différentes des vô-tres, sinon que les miennes portent le nom de leurs expéditeurs, ce qui est déjà pas mal, mon cher Crassepoite. Mais auriez-vous des doutes?

-Non, non, mais tout cela me parait étrange et, plus particulièrement, dans cette deuxième lettre où l'expéditeur emploie une façon cachotière de vous dire les choses au lieu de vous les annonc-er clairement; elle aussi semble de cette graine là. Et je parierais bien que son expéditeur ne veut pas vous donner de l'argent, comme votre juif de New York, mais de vous demander un service en échange de l'antidote qu'il aurait en sa possession, n'est ce pas cela, mon vieux calamar?

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-C'est pas loin de la vérité, ce que vous dites là, mon cher Cassenoisette. Mais il y a aussi une chose que je voudrais vous signaler, c'est qu'il me semble tout à fait normal pour le grand écriv-ain que je suis de recevoir chez moi ce genre de lettres. Et disons-le clairement parce que moi, j'ai écrit le livre de la fièvre bleue et non pas vos employés qui ne sont pour moi que de petits gratte-papier professionnels. C'est là, je pense, mon explication.

-Bien, bien, si vous le voyez comme ça. Moi aussi, j'aurais quelque chose à vous dire, monsieur Cassegueule. C'est que je trouve votre livre, en vérité, très très mal écrit. Oui, c'est bien cela que j'avais à vous dire. Et que les personnages de votre roman " à la gomme" ne sont pour moi, mais vraiment pas du tout crédibles. Et disons-le franchement, on dirait, oui, mais vraiment des héros de Walt Disney où il suffirait de mettre de grandes oreilles et une grande queue à votre général Parisis pour qu'il ressemble en tout poil à Mickey, Hi! Hi! Hi! Vous voyez, monsieur Camusard, il nous suffit d'avoir un peu d'imagination pour comprendre que tout votre roman est bâti com-me ça, un peu comme un comédie musicale, mais en moins bien, où vos décors sont en carton, vos héros en matière plastique, leurs paroles sur bandes magnétiques, leurs ultimes ambitions passer à la télé et se faire plein de pognon pour pouvoir se retirer ensuite sur les îles. Voilà vos petites ambitions, monsieur Calamar! Cela peut tromper vos lecteurs, mais certainement pas vo-tre directeur de cabinet qui vous connais depuis un certain temps, n'est-ce pas ?

Bien, bien, si vous le voyez comme ça, monsieur poilencrassé. Moi aussi, j'aurais quelque chose à vous dire. Hum, hum, il est vrai que la liberté de parole est une très mauvaise idée à donner aux imbéciles. Lapalisse n'aurait pas dit mieux, n'est-ce pas? Et je pense sincèrement que la don-ner aux gens de votre espèce est réellement un grand gâchis, non pas gastronomique, mais histo-rique pour notre pays. Puisqu' en vérité vous ne savez jamais quoi en faire, sinon de la merde et d'une manière magistrale ici dans votre bureau de chef de cabinet, n'est-ce pas? Il est vrai aussi qu'inventer un nouveau langage pour le monde de demain n'est pas donné à n'importe qui et av-oir du génie encore moins. Mais rassurez-vous, l'administration française a très bien entendu votre médiocrité et vous en propose comme le siège à vie pour certains d'entre vous.Vous vous croyez un homme politique, monsieur Crassepoil, mais vous vous trompez complètement. Car vous n'êtes en vérité qu'un petit personnage de bureau et rien d'autre! Et tous vos discours ne sont fait que de redites pseudo-révolutionnaires où il semble qu'à chaque fois la république soit en danger. Et cela vous le faite savoir à chaque élection municipale, législative, présidentielle. Vous dire que tout cela doit faire forcément sourire tous ceux qui sont témoins de tous vos arr-angements politiques qui consistent à se partager le pouvoir en petite parcelle de gauche à droite sur l'échelle de Richter. Pour moi, la chose politique est en réel mouvement et non arrêtée en 1789 comme vous le croyez, vous et vos collègues de la politique politicienne. Vous vous bat-tez certainement pour quelque chose, cela je n'en doute point. Mais cette chose est tellement mi-nable qu'on devrait seulement en parler dans vos latrines républicaines. Et de vos ministres parl-ons en! et de leurs grands discours amplifiés d'une manière grotesque à la télé et à la radio, ceci est pour moi la preuve de leur grande médiocrité mais aussi celle de notre époque. Vous ne sa-vez peut-être pas, mais j'ai lu la semaine dernière dans " télé pour tous" qu'une minute de télé coûtait 150 milles euros à notre collectivité! Vous dire le non sens que tout cela représente pour le cartésien que je suis et qui ne comprends toujours pas pourquoi tous vos amis emploient tant de moyens, et si coûteux soient-ils, pour envoyer sur les ondes, disons-le franchement, des con-neries et des bien grosses. N'avons nous pas assez de misère en France pour devoir gaspiller tant d'argent, alors que la moitié de nos concitoyens n'arrive toujours pas à manger correctement, hein? Voilà ce que j'avais à vous dire, monsieur Cassenoisette!

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-D'accord, d'accord, il semble bien que nous soyons à égalité de paroles, puisque vous le voyez comme ça.

-Mais non, je ne le vois pas du tout comme vous, ah ça, non!

-Devons nous alors nous battre, si c'est ce que vous désirez, monsieur Camusclé?

-Faites comme vous le voulez, moi je vous attends le pied ferme. Et surtout n'allez pas croire que votre cravate rouge à pois verts me fait peur, heu!

-Oh, oh, vous vous énervez maintenant, monsieur Camus? Vraiment, je ne pensais pas qu'un gr-and intellectuel comme vous l'étiez, pouvait avoir des forces dans les bras et s'en servir un jour pour se défendre. Vous me surprenez, mon vieil ami. Et pour ne rien vous cacher, je croyais jus-qu'à maintenant que seule l'écriture pouvait fortifier le cerveau et les doigts. Mais de la à penser que les bras pouvaient aussi en faire partie, alors là je suis conquis.

-Mon cher Crassepoite, ne vous fiez jamais aux apparences, car l'histoire pourrait vous le déme-ntir. Et replongez-vous dans l'antiquité et vous apprendrez que la plupart de nos anciens philoso-phes étaient de réelles forces de la nature.

-Ah oui?

-Bien sur que oui. Et que même Platon était connu pour sa grande force physique. Puisqu'un jour, il terrassa d'un seul coup de poing un tigre qui s'était échappé du cirque du Colisée. Plusie-urs écrits de l'époque l'atteste, je vous le confirme.

-Hum, hum, vous m'impressionnez vraiment, monsieur Cassius.

-Au juste, mon ami, combien faites-vous?

-Heu..excusez moi, mais j'ai pas très bien compris votre question.

-Votre poids, j'voulais dire.

-Ah! Environ 70 kilos avec mes chaussures et mon portefeuille, bien évidemment.

-Ah c'est ça que je pensais, vous faites moins que moi, hé! hé!

-Ah oui?

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-Hé oui, parce que moi je fais 88 kilos en étant nu comme un vers, oh! oh! Et tout ça pour vous dire, mon cher Cassegrain, que vous ne feriez certainement pas le poids contre moi si?

-Si quoi, mon cher Camisolé?

-Heu..s'il vous prenait l'idée de me toucher!

-Ah!Ah!Ah! moi vous toucher? Mais vous êtes complètement fou, mon vieux!  Jamais de la vie je n'oserai le faire pour ne pas attraper le virus de la fièvre bleue. Ah non, sincèrement, mon cher Camus, vous faites vraiment fausse route en ce moment parce que je tiens encore trop à vous.

-Ah oui?

-Hé oui, malheureusement, parce que vous semblez tenir dans votre esprit comme tous les ten-ants et les aboutissants de cette grande épidémie. Et la raison pour laquelle, je ne voudrais en aucun façon vous quitter et même pour tout l'or du monde puisque ma vie en dépend entièr-ement.

-Parole d'une grande sagesse, mon ami! Et je suis heureux de vous réentendre parler de la sorte, parce que j'en sais certainement plus que vous sur le virus de la fièvre bleue dont la seule envie est de vous rayer de la surface de la terre. Mais vous avez très bien compris que mon rôle était de vous sauver la vie dans tout ce merdier, si vous me permettez cette expression. Et je pense que votre intuition ne vous a pas trompé sur moi et sur cette deuxième lettre, qui en apparence était celle d'un fou, mais bien de la personne qu'on attendait depuis des années, mon cher Crassepoi-te.

-Ah oui?

-Oui, parce que tout simplement il ne me demande rien contre l'antidote de la fièvre bleue!

-Rien en échange?

-Non, rien en échange.

Mais? Mais alors tout ça, c'est extraordinaire! et je pense qu'on va pouvoir enfin récupérer un peu d'antidote pour nous et pour nos amis politiques, n'est-ce pas?

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-Quoi, pour vos amis politiques? Mais ça va pas la tête? Alors ça, non!

Comment ça, non?

-Non, pour la simple raison que je ne voudrais en aucun cas me retrouver avec ces requins qui profieraient alors de l'antidote pour prendre le pouvoir à notre place et instaurer une dictature à la soviétique, alors ça, non.Voyez-vous, mon ami, si nous arrivons à obtenir de l'antidote en gro-sse quantité, j'envisagerais d'en donner uniquement aux hommes et aux femmes que nous estim-ons êtres de vrais gens de confiance et non à ceux que vous prétendez être vos amis politiques. Où en politique, vous le savez aussi bien que moi, on a pas d'amis, car l'amitié est quelque chose de trop humain pour ces requins, ne l'oubliez jamais. Moi personnellement, je vous ferais bien une liste de toutes ces personnes qui pourraient à l'avenir nous rendre de fabuleux services quand le virus de la fièvre bleue aura décimé la moitié de la population mondiale, si vous le voulez bien. 

-Moi, je n'ai rien contre. Mais faites là moi la plus courte possible vu que notre service admi-nistratif à la mairie ne pourra pas à lui tout seul envoyer toutes ces doses par la poste, le com-prenez-vous?

-Oui, oui, bien sûr et je pense que je vais m'y atteler le plus rapidement possible. Disons, pour la semaine prochaine, hum?

-D'accord pour la semaine prochaine. Et au juste, comment s'appelle t-il notre sauveur?

-Jean Lamore!

Portrait du colonel de Lamore

-Jean Lamore, vous me dites?

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-Oui, c'est bien là son nom. Et pour ne rien vous cacher sur ce personnage, qui a desormais à nos yeux des allures prophétiques, il vit actuellement sous les chutes du Niagara et plus précisément au 30 ème rugissant sud-sud quart nord-ouest.

-Sous les chutes du Niagara? Mais ne seraient ce point au Canada, ces chutes?

-Oui, c'est exact. Et c'est aussi, comme vous l'avez sûrement remarqué, situé sur le continent Américain.

-Ah oui, tout à fait exact et je dirai même que cela me parait plutôt inquiétant de remarquer qu'il y ait déjà autant de fous sur ce continent qui n'a même pas 250 ans d'existence politique! Ce qui avait de quoi éffrayer l'avenir du monde, n'est-ce pas?

-Oui, tout à fait. Mais moi, je dirai que c'est tout simplement prophétique et rien d'autre.

-Vous vous rendez compte, sous les chutes du Niagara! Mais il n'y a vraiment que les américai-ns pour nous inventer une adresse comme celle-là. Et je parierais bien une dose d'antidote qu'il doit se prendre pour un personnage de film catastrophe ou un truc comme ça, hum?

-Oh oui, vous n'êtes pas loin de la vérité. Disons, pour être plus juste, qu'il me disait dans sa let-tre, que cet endroit lui permettait ni plus ni moins de s'y cacher avec sûreté et surtout d'y entre-poser dans des galeries souterraines d'énorme quantité d'antidote de fièvre bleue.

-Ah c'est ce que je pensais et je crois que nous tenons enfin notre sauveur même s'il est comp-lètement taré! Mais aussi ne trouvez-vous pas qu'il a quelques chose de louche derrière tout ça? Quand même, vous donner de l'antidote pour rien du tout, hum?

-Oh en fait, il ne me la donnait pas gratuitement, mais uniquement contre un exemplaire de mon livre dédicacé par ma propre main.

-Ah j'aime mieux ça..et tout ça me parait un peu plus cohérent que tout à l'heure. Car je n'ai jamais vu quelqu'un donner quelque chose à autrui contre rien en échange, sinon les saints et la mère Thérésa, n'est-ce pas ?

-Oh oui, c'est très juste ce que vous dites là. En fait, cette charmante personne me disait surtout qu'elle avait beaucoup aimé mon livre et, plus particulièrement, dans le premier chapitre où je décrivais avec une grande émotion, la naissance du petit Jean Lamore et puis de son abandon par sa mère sur les bords de Seine en plein mois de décembre. J'entends encore sa voix dans sa lettre qui était comme imprégnée par ses pleurs aux étranges couleurs de rouille.

-Aux couleurs de rouille?

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-Oui et je ne savais pas d'où cela pouvaient provenir exactement. " Monsieur Camus, comment vous exprimer ma gratitude et ma reconnaissance pour ce beau livre que vous avez très certaine-ment composé pour moi seul, comme je le crois. Car voyez-vous, il y a dans votre livre des coï-ncidences avec ma propre vie qui ne peuvent plus maintenant me tromper sur votre génie qui est de toute évidence hors de portée de la plupart des humains, à part moi, bien évidemment. Mais n' y voyez point ici, mon ami, de l'arrogance de ma part, mais seulement de la tendresse qui vous est adressée par cette lettre et à vous seul. Et surtout ne la montrez jamais à personne qui en soit digne de confiance. Oui, il est vrai que j'ai beaucoup pleuré et tout particulièrement des larmes de rouille en lisant votre chef-d'oeuvre de réalismes et de visions futuristes qui n'ont été jusque là jamais égalées par vos contemporains. Mais ai-je besoin de vous le dire, à vous qui semblez tout connaître aussi bien notre passé que notre avenir? Il est un fait indéniable que j'ai pu décou-vrir, grâce à votre ouvrage hors catégorie, un égal avec qui je peux enfin parler de mes problèm-es, non de couples comme la plupart des mortels, mais planétaires comme le sont ceux des die-ux. Et vous même, monsieur Camus, vous pourriez en faire partie si vous vouliez rejoindre nos rangs."

-Quoi, il vous a dit ça? Mais il est fou cet homme! Il se prend pour un dieu ou quelque chose comme ça, hein?

-Oh oui, certainement. Mais n'empêche qu'il a beaucoup aimé mon livre! et ceci ne peut pas me laissez indifférent, mon cher Crassepoite. Vous vous rendez compte, il a pleuré sur mon livre des larmes de rouille. Mais tout ça, c'est divin!

-Sûrement pour vous. Mais moi ce qui m'intéresse, c'est pas du tout votre verbiage avec cet indi-vidu, mais de savoir quand il va nous donner son antidote. "Vous ne savez peut-être pas, mais la vie que je mène ici dans mon bunker n'est pas aussi triste qu'on pourrait le croire. Tout autour de moi, il y a des écrans géants sur lesquels je peux voir tous les succès éclatants de l'épidémie de fièvre bleue sur l'organisme humain. Afrique: 20 millions de morts, Europe: 30 millions de mo-rts, Chine: 60 millions de morts, Inde: 30 millions de morts, États-Unis: 20 millions de morts. J'aurais pu aussi vous donner les résultats par ville ou par agglomération, mais cela est je pense inutile de le faire puisque ces chiffres parlent d'eux mêmes, n'est-ce pas? Une autre chose, mon ami, la couleur bleue que vous avez si joliment qualifié notre épidémie me va à ravir et me pro-uve une fois de plus que vous avez un grand sens de l'observation sur tous ses symptômes colo-rés. A l'évidence, l'avenir sera de couleur bleue pour tous ceux qui détiendront l'antidote de la fièvre bleue, Ah!Ah!Ah! Il faut vous avouer aussi que cette couleur bleue n'est pas le fruit du hasard, mais le résultat des manipulations occasionnées par le virus de la coqueluche avec un ex-trait de BBK( formule tenue en grand secret par mon père adoptif) que celui-ci a découvert, il y a une dizaine d'années sur les Bûtes Chaumont à Paris. Bref, un personnage hors du commun que vous devez certainement connaître puisqu'il s'appelle le professeur Banbilock. Il est certain pour moi que vous avez le don de prophétie comme mon père et c'est pour cela que je veux vous sau-ver vous et votre famille. De même entièrement convaincu que vous pourriez nous être des plus utiles pour la future réorganisation du pouvoir sur la planète! "

-Mais quoi, il est le fils adoptif du professeur Banbilock qui est un personnage de votre roman? Mais tout ça me parait incroyable pour le croire vraiment!

106

-Mais il faut le croire puisque c'est écrit dans cette deuxième lettre, n'est-ce pas?

-Mais c'est pas possible qu'ils puissent avoir tous les deux une existence réelle, alors que c'est vous qui les avez inventé par votre imagination!

-Mais ça, c'est vous qui le dites!

-Comment, mais ne serait-ce point là vérité, mon ami? Alors là, s'en est trop et je voudrais main-tenant que vous m'apportiez une petite explication avant que je devienne complètement fou.

-Oh, oh, n'attendez pas de moi une réponse claire à ce sujet. Car malheureusement, dans cette hi-stoire, je ne peux plus intervenir!

-Comment, vous ne pouvez plus intervenir?

-Non, parce que tout simplement ce n'est plus moi qui décide si mes personnages doivent vivre ou mourir dans cette réalité ni vos lecteurs traditionnels qui pourraient croire en achetant ou en n'achetant pas mon livre détenir une sorte de droit de vie ou de mort sur eux, ce qui serait une illusion de leur faire croire. En fait, si mes personnages sont désormais libérés de leurs entraves économiques et sociales, c'est parce qu'ils le doivent essentiellement à eux mêmes et non à une opération de marketing ou publicitaire, voyez-vous. Et le grand écrivain que je suis ne peut que vous le confirmer et se moque bien évidemment de toute cette gloriole publicitaire dont s'entic-hent tous ceux qui n'ont rien à faire dans les livres. Car je pense qu'écrire est une chose et vivre en est une autre. Et que de vivre, mon ami, moi j'en suis réellement incapable! comme mes pers-onnages qui ne peuvent vivre que dans les extrémités des choses et jamais dans leur milieu. En fait, si mes personnages veulent vivre sans mon accord, sans l'accord des maisons d'éditions, sa-ns l'accord des lecteurs et du consensus national ou international, ce n'est pas de ma faute, mais la faute à la vie et à son génie! Bref, ces personnages existent réellement et je n'ai fait que leur donner la parole, c'est tout.

-D'accord, c'est un peu plus clair que tout à l'heure, mais vraiment un peu. Alors si j'ai bien co-mpris, vous ne pouvez plus faire grand chose pour les arrêter, c'est bien cela?

-Oui, c'est exact.

-Et si vous leur disiez tout simplement d'arrêter leurs conneries?

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-Vous plaisantez, mon ami? Mais c'est impossible!

-Comment impossible?

-C'est impossible, car ils sont désormais libres!

-Monsieur Camus, je pense qu'en écrivant ce roman, vous avez fait une grosse bêtise..

-Alors là, vous vous trompez complètement, mon ami. La littérature n'a jamais rien inventé, ni même provoqué de révolution, mais seulement donné la parole à ceux qui ne l'avaient jamais eu. Et si la révolution éclate, ce n'est pas à cause de la littérature, mais à cause de l'évolution de no-tre société et aux gens qui la composent. Pour résumer, on a jamais vu la charrue tirée les boe-ufs, n'est-ce pas?

-Je suis d'accord avec vous.

-Et si le monde doit changer, il le fera soit par la violence( donc par le feu et le sang), soit par la douceur des décisions prisent en temps voulu et en bonne intelligence. Mais ça, je n'y crois plus trop vu l'état de décadence de notre société occidentale où il me semble trop tard pour pouvoir changer véritalement les choses.

-Alors, il est vraiment trop tard?

-Disons plutôt qu'il est trop tard pour les autres, Ah!Ah!Ah!

-Ah oui?

-Oui, car n' oubliez que Jean Lamore veut nous sauver la vie.  

-Hé oui, je l'avais complètement oublié!

-Monsieur Camus, dites moi exactement qui est ce Jean Lamore?

-D'accord, mais je vous préviens que ce Jean Lamore est certainement le pire de mes personnag-es de fictions.

-Et pourquoi?

-Parce que cet homme n'en était plus vraiment un, mais qu'il était devenu par la folie des hom-mes, un androïde.

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-Un androïde?

Oui, parce que tout enfant on lui avait arraché le coeur, afin de lui en remettre un autre qui était tout en fer.

-Tout en fer?

-Ou en acier, si vous voulez, et cela bizarrement pour les soi-disant besoins de la science où les expériences sur les êtres humains étaient alors tout à fait légales.

-Légales, vous me dites?

-Oui, tout à fait. Car cette histoire se passait à l'époque de la révolution industrielle où la folie industrieuse des hommes était alors à son apogée : époque assez effrayante pour les hommes qui croyaient dure comme fer que le progrès de la science allait les sauver du désastre. Mais ce fut une grossière erreur de leur part!

-Quelle désillusion!

Oh oui. En fait, l'erreur qu'ils ont faite, c'est qu'ils couraient tous après quelque chose de ridicu-le qu'on appelle la célébrité à l'échelle mondiale.

-Quelle honte et tout ça pour de la gloriole, mais c'est affreux!

Oh oui, affreux..et je vous avouerai même que l'époque du fer fut certainement l'époque la plus abominable que l'homme a dû traverser, après avoir connu les délices de la pierre polie où les ho-mmes d'alors étaient doux pour leurs prochains et certainement serviables. Le fer fut la raison de notre perte en termes d'humanités sur notre planète : planète où l'on ne devrait plus, selon moi, utiliser le fer dans les espaces publiques et même chez soi, n'est ce pas?

-Oh oui, certainement.

-Mais si vous voulez, commençons par le début, mon cher ami.

-Allez y, je vous écoute.

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-Le petit Jean Lamore est né de père et de mère inconnus, puisqu'il fut découvert par un clochard durant la nuit du 8 décembre 1901 sur les bords de Seine. Ici, très certainement un drame de plus de la misère dont son cortège de raisons sordides nous échappe encore ou bien la possible venge-ance d'une femme envers son mari violent ou la réponse désespérée d'une femme victime d'un viol ou d'un réel manque d'argent pour pouvoir l'élever. En fait, nous n'en savons rien de ce qui avait bien pu se passer dans la tête de cette femme qui aurait pu le déposer aux enfants trouvés, afin de lui éviter une mort certaine, n'est-ce pas?

-Hé oui, c'est vrai ce que vous dites là.

-Mais pourquoi ne l'avait-elle pas fait, cette femme?

Heu...moi j'en sais rien du tout. Et je pense que c'est plutôt à vous de me le dire, non ?

Heu..oui, certainement. Mais pour tout vous dire la vérité, mon cher Crassepoite, c'est que j'en sais pas plus que vous sur ce mystère. Puisque mêmes les archives de la ville de Paris, que j'ava-is consultées pour la composition de mon livre, sont restées muettes sur ce sujet, je vous l'ass-ure.

-Mais je veux bien vous croire et malgré qu'il y ait une chose qui me gène dans ce que vous venez de dire.

-Ah oui et c'est quoi?

-C'est sur l'origine de vos personnages à laquelle je pensais. Mais ne m'aviez vous pas dit qu'elle était romanesque et non nécrologique, comme vous me le faite entendre maintenant?

-Heu, excusez-moi, mais j'ai vraiment du mal à vous suivre ici.

En fait, je voulais vous demander si en prenant les noms de vos personnages dans les archives de la ville de Paris, vous n'aviez pas fait une énorme bêtise en sortant les cadavres de leur placard?

-Alors ça, non!

-Et pourquoi?

-Parce que je suis un écrivain! et en tant que tel j'ai le droit de le faire et vous le savez autant que moi, voilà tout.

110

-Et pourquoi donc?

-Alors là, vous commencer vraiment à m'énerver avec vos questions idiotes.

-Idiotes, c'est vous qui le dites!

-En fait, si je suis autorisé à sortir les êtres de leur néant, c'est parce qu'ils me le demandent tout simplement. Et pour quelle raison exacte, je l'ignore complètement. En fait, ce qu'ils me deman-dent, c'est uniquement de pouvoir revivre parmi nous afin de finir leur travail qu'ils n'ont pas eu le temps de terminer de leur vivant, voilà c'est simple, non?

-Leur travail, vous me dites?

-Oui, c'est ça, je crois.

-Et de les aider à le terminer, monsieur Camus, bien sûr ça ne vous effraye donc point?

-Non, pas du tout, car ils m'en parlent très peu en vérité. Et ce  qui les intèressent surtout, ce sont les émotions fortes, un peu comme tous vos téléspectateurs de chaines de télévision, si cela peux vous rassurer.

-Alors là, mais vraiment pas du tout. Et j'ai l'intime conviction que vous avez dû, sans en calcu-ler les conséquences, réveiller de son sommeil profond le virus de la peste et dans sa toute nou-velle génération qu'est le virus de la fièvre bleue.

-Alors là, mon ami, vous vous trompez complètement d'histoire! et vous devez certainement me confondre avec l'auteur de la peste qui n'était autre que le grand philosophe, Albert Camus, mon prédécesseur, je crois.

-Votre prédécesseur, me dites-vous?

-Heu, oui, par l'esprit, j'voulais dire. Car malheureusement, je n'ai aucun lien de parenté avec lui, si ce n'est son génie qui est en tout point égal au mien, me semble-t-il.

-Toujours aussi modeste, monsieur Camus, à ce que je vois, hum?

-Modeste moi? Mais alors pas du tout, disons plutôt réaliste. C'est vrai que ce livre sur la peste est certainement le plus beau livre qu'il nous ait laissé en héritage, notre cher Albert Camus, apr-ès sa mort idiote dans un accident de voiture.

-Hé oui, c'est vrai.

-Encore une victime du fer, voyez-vous, mon ami.

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-Victime du fer?

-Oui, fatalement, puisque vous savez bien que les voitures sont bien fabriquées en fer et non en plastique, hum?

-Ah oui, bien sûr, vu sous cet angle vous avez parfaitement raison.

-Le fer quelle saloperie! Ca vous bousille un grand cerveau en rien de temps, alors que la nature avait mis un temps fou pour le créer chez l'homme. Le fer, c'est là d'où vient notre mal et je pen-se que c'est le diable qui y avait mis son âme à l'intérieur.

-Pas faux, mon ami, puisqu'avec toutes ces armes qu'on fabrique encore avec du fer, votre argu-ment a encore de beaux jours devant lui. Et il ne fait aucun doute pour moi qu'on a jamais tué quelqu'un avec une balle en plastique ou du moins en caoutchouc, n'est-ce pas?

-Oui, c'est vrai. Mais je veux vous rassurer que je ne suis en aucun cas l'auteur du virus de la fiè-vre bleue, mais uniquement l'auteur de la fièvre bleue qui est un livre, ne l'oubliez pas, c'est dire tout un océan entre ces deux monuments!

-Ah vous voyez, vous recommencez avec vos expressions en tout point ambiguës!

-Mon pauvre ami, vous semblez faire ici encore un amalgame. Sachez que le virus de la fièvre bleue est une chose et notre Jean Lamore en est une autre! Et que les archives de la ville Paris ne sont nullement une liste nécrologique, comme vous le pensiez, mais une réelle source d'inspira-tion pour les écrivains. Vous me semblez encore mélanger ici les torchons et les serviettes. Mais ressaisissez-vous un peu, mon ami.

-Oh c'est facile à dire, quand on tient les clefs de l`histoire!

112

-Alors là, vous êtes vraiment médisant. Mais revenons à notre histoire si vous le voulez bien. Moi ce dont je suis sûr et qui sauva notre petit bout'chou du froid intense qui régnait au cours de cette nuit du 8 décembre 1901(où la température était descendue sous les - 30 dégrés), ce furent ses cris puissants qu'il imposa à tout ce chaos environnant provoqué par le bruit des flots et de l'épaisseur du brouillard qui en cachait comme le drame. Hugue le Piaf était alors en train de cuver son vin dans sa cabane flanquée sur les quais, quand il entendit ces cris venant de la berge et, disons-le franchement, interrompre son rêve d'alcoolique où il était sur le point de déboucher une bouteille de vin rouge aussi haute que la tour Eiffel, mais sans y parvenir! Furieux contre lui-même et ce sale gosse qui l'en empêchait, il se mit à grogner son mécontenement : Rrraa! Houst! lâcha-t-il tout en se retournant violemment dans son manteau tout crasseux qui lui ser-vait aussi de couverture; mais les cris de l'enfant ne s'en arrêtèrent pas pour autant et finirent par le mettre vraiment en colère au point qu'il se mit à l'insulter à travers les planches de sa cabane : Rrrra, mais tu vas la fermer ta gueule, petit morveux! Fait chier! J'vais t' foutre à l'eau si tu la fermes pas! Mais les cris du petit continuèrent de plus belle. Excédé, il sortit de sa cabane en se dirigeant instantanément vers la berge où il découvrit notre petit Jean Lamore encore tout em-mailloté dans ses langes. Voyant ce petit ange tout seul, parmi ce tumulte de vent et de vagues qui envahissaient presque les berges, il eut pitié de ce môme et le prit dans ses bras pour le cons-oler. Aussitôt les cris de l'enfant s'apaisèrent et ses yeux rougis par ses pleurs lui parlaient pres-que de bonheur où des larmes faillirent lui couler sur les joues, mais que le froid redoutable em-pêcha. Puis il l'emporta dans sa cabane et lui fit boire quelques gorgées de vin rouge afin de le réchauffer un peu en attendant le lendemain pour l'emmener aux enfants trouvés qui se trouvait être à l'époque l'armée du salut.

-Cet enfant devait avoir une redoutable volonté de vivre dès le début de la vie, n'est- ce pas ?

-Oh oui. Et pour ne rien vous cacher, mon ami. Moi, si ma mère me laissait tout seul dans un coin de la nature, je me suiciderais certainement au bout d'une minute en mangeant des cailloux ou quelque chose comme cela.

113

-Mais moi, je pense que vous êtes complètement fou, monsieur Crassepoite!

-Ah oui et pourquoi?

-Mais ne voyez-vous donc pas que tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir, non?

-Peut être pour vous, mais moi j'ai horreur de souffrir. Et j'aimerais mieux mourir tout de suite que de souffrir indéfiniment, voilà ma conception des choses.

-Hé ben, mon ami, vous êtes pire que moi. Et franchement, je pensais que la leçon que nous av-ait donnée le petit Jean Lamore, vous aurait fait changer d'avis. Mais là, je vois que j'ai eu tort de vous la donner en exemple et j'accepte donc votre courage tel qu'il est. Mais revenons à nos moutons, si vous le voulez bien. Le petit Jean Lamore fut donc recueilli par l'armée du salut du-rant quelques mois, puis il fut vendu par un autre clochard pour une bouteille de vin rouge à un laboratoire d'expérimentation de mécanique humaine.

-Pour une bouteille de vin?

-Oui, c'est exact. Mais vous savez quand on a soif, c'est difficile de tenir et plus particulièrement quand on est un ivrogne, n'est-ce pas?

-Oui, mais n'empêche que c'est vraiment dégueulasse!

-Hé oui, malheureusement. Et c'est dans ce laboratoire, situé à la porte de Clichy, qu'on lui gre-ffa un coeur en fer à la place du sien afin de voir si cela pouvait marcher. L'expérience fut malh-eureusement un échec qu'on garda bien évidemment sous silence. On allait jeter le corps à la po-ubelle quand un savant un peu fou, qui s'appelait le professeur Banbilock, le prit en affection et le suivit médicalement durant des jours et des nuits afin de le sauver. Le problème qu'il avait avec son coeur, c'est que celui-ci se rouillait tous les deux ans. Alors, le professeur en fit const-ruire de toutes les grosseurs afin qu'il en eut un comme tous les enfants du monde jusqu'à sa vie d'adulte. La suite vous la connaissez et cette lettre en témoigne, puisque notre petit Jean Lamore avait survécu grâce à son bienfaiteur qui n'était autre que le savantissime professeur Banbilock. Et comme vous le savez, c'est lui même qui avait mis en oeuvre le célèbre virus de la fièvre bleue et son antidote afin d'aider le général Parisis à prendre le pouvoir sur la capitale, puis sur l'Europe toute entière.

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-Oui, cela me semble tout à fait exact si j'ai bien lu votre roman. Mais, au fait, ce Jean Lamore ne devenait-il pas par la suite, le colonel de Lamore dans la deuxième armée du général Parisis?

-Oui, parfaitement et qu'il allait devenir le plus impitoyable des hommes. Puisqu'il avait comme mission, dans mon roman, d'exterminer toutes les poches de résistances qui avaient pu échapper au virus de la fièvre bleue. Vous dire alors tout un programme dont la ville de Paris allait être le test grandeur nature.

-Mais que vous disait-il d'autre dans sa lettre, ce colonel de Lamore, hum?

-En fait, qu'il voulait prendre mon livre comme livre fondateur pour son nouvel empire.

-Pour son nouvel empire?

-Oui, c'est bien cela qu'il voulait." Voyez-vous, mon cher Camus, ce qu'il nous manquait à moi et a mon père, afin de donner un acte fondateur à notre nouvel empire, c'était un livre digne de ce nom. Et je ne vous cacherai point que le votre a été choisi pour ces raisons. Ce fut, disons-le, une décision assez facile à prendre par moi-même et par mon père. Car celui-ci nous offrait enfin tous les éléments nécessaires à la future construction de notre mythe qui sera basé, comme dans votre livre, sur la découverte du virus de la fièvre bleue par mon père qui n'est autre que le sav-antissime professeur Banbilock. Et je pense que cela ne pourra que vous ravir, puisque vous en êtes comme le visionnaire, n'est-ce pas? La seule comparaison que j'ai pu faire avec votre livre a été avec celui de Virgile qui n'est autre que l'Enéide, c'est à dire en romain, la naissance. Qui est, comme vous le savez certainement, le livre fondateur de l'empire romain. Pour moi, il ne fait pl-us aucun de doute que vous serez dès demain notre Virgile à tous. Et dans ce nouvel empire, un grand poète écouté par tous et reconnu pour un grand seigneur. Vous pourrez même donner des cours de poésie en public et vos admirateurs viendront de très loin pour vous demander vos con-seils afin de faire des rimes parfaites en vers bleus nécessairement. Votre nouvelle doctrine fera des émules parmi tous les survivants de la fièvre bleue que vous pourrez chanter sur le toit de votre futur palais. Mon père n'y est pas contre et malgré qu'il n'aime que les chiffres et les bacté-ries à l'état de mutation. Mais votre livre lui a beaucoup plu, mais à titre expérimental. A ce pro-pos, il me disait très justement hier sous les chutes que celui qui ne risquait rien n'avait droit à rien! N'est ce pas formidable ce qu'il a dit, mon cher ami? Ah!Ah!Ah! Il m'a prié aussi de vous dire qu'il vous enverrait dans les prochains jours 300 kilos d'antidote afin de vous sauver la vie ainsi que vos amis nécessairement de choix. Aussi ne tardez pas trop a en prendre, car il prévoya-it de larguer un peu plus de 15 tonnes de virus sur Paris le mois prochain par voie aérienne( nous avons enfin trouvé la solution, mais que je ne peux pas vous dévoiler ici dans cette lettre pour garder l'effet de surprise sur nos ennemis). Je vous prierais donc de vous éloigner durant quelqu-es jours de la capitale ou de votre commune  de la Colombe qui se trouve en banlieue, je crois. Je vous quitte en espérant vous revoir bientôt parmi nous. Et pourquoi pas sous les chutes, mon-sieur Camus? Ah!Ah!Ah! "

115

-Quoi, une attaque massive sur Paris? Mais votre lettre, elle date de quand exactement?

-De la semaine dernière, je crois.

-Vous croyez ou vous en êtes sûr?

-Oui, j'en suis sûr.

-Et vous n'avez toujours pas reçu vos 300 kilos d'antidote pour l'instant?

-Non, rien du tout, même pas un petit courrier; vous dire mon désarroi, mon ami!

-En fait, si j'ai bien compris le message de votre Jean Lamore; il nous resterait environ trois sem-aines pour recevoir notre antidote, puis pour en prendre, puis pour en donner à nos amis, sinon on est tous morts, c'est bien cela?

-Oui, c'est exact.

-Oh mon dieu, quelle histoire de fou! Mais êtes-vous sûr ce matin d'avoir bien regardé dans vo-tre boite à lettres, hein?

-Heu, non, je ne crois pas et je pense que je suis allé directement à la mairie sans l'ouvir. Vous savez avec tous ces dossiers de chiens kidnappés par de locataires anonymes, tout ça ne peut que vous fait perdre la tête.

-Mais moi, je pense que vous devriez y aller tout de suite..

-Quoi, tout de suite?

-Oui, bien sûr. Mais vous ne voyez donc pas que c'est une question de vie ou de mort, non de dieu!

-Ah oui, bien sûr.

-Allez y tout de suite et ceci est un ordre! Et n'oubliez pas que je suis votre supèrieur, houst!

D'accord, d'accord, j'y vais puisque c'est un ordre.

-Au fait, Camus, si elle s'y trouvait, téléphonez-moi immédiatement.

-Pas de problème, chef! " Robert Crassepoite le laissa donc partir, non sans une certaine crainte, sachant qu'il n'avait aucune envie de mourir le mois prochain de cette maudite fièvre bleue.

Pendant ce temps là, au quartier de la Croix...

116

Cette nuit, j'ai fait un horrible cauchemar et je n'arrive pas à m'en défaire tellement il me déroute par son non sens. Voilà, j'étais sur un champ de bataille où je combattais aux côtés de l'armée de Napoléon, comme simple fantassin. Nous étions en début d'après-midi et nous marchions moi et mes camarades sur un sol étrangement meuble et presque chaud. Mon fusils, équipé de sa baïon-nette, était pointée sur l'ennemi que nous entendions à quelques lieux d'ici où la bataille faisait rage par les explosions et par les cris qui traversaient l'espace et par l'odeur de la poudre qui no-us parvenait quand le vent tournait dans notre direction. Puis tout à coup, un de nos officiers sonna le pas de charge et nous nous mîmes à courir avec notre clarinette à deux pieds pointée sur l'ennemi; l'ennemi fit de même et nous arriva dessus en poussant des cris à réveiller les morts! Aussitôt les cris de combats me vinrent tout naturellement à la bouche ainsi qu'à tous mes cama-rades et nous nous enfonçâmes, tels des fantassins de la mort, dans l'autre armée qui était chaude et molle comme une armée de petites marionnettes. Après que j'en avais transpercé 2 ou 3, biza-rrement, je me retrouvais face à mon propriétaire, monsieur Massoni, qui était habillé avec l'un-iforme rouge des prussiens. Bref, sans trop réfléchir, je lui enfonçai ma clarinette dans le coeur, puis la retira où son sang jaillit de son poitrail en me douchant presque. Envahi soudainement par un grand soulagement, je me laissais emporter par ce bonheur irréel au milieu de ce champ de bataille. Etrangement, dans tout ce fracas d'armes croisées, d'uniformes déchirés par les ball-es, de poudre éclairante et noircissant les visages, j'avais ressenti en quintuple plus d'émotions que durant toute ma vie de simple laboureur des champs!

Napoléon, sans nul doute, m'avait approché de la demeure des dieux et je voulus bien l'en rem-ercier. Quand soudainement, je sentis une brûlure envahir ma poitrine! En levant les yeux devant moi une dernière fois, je vis le champ de bataille s'évanouir dans une sorte de brouillard dans le-quel je disparaissais corps et âme. Immédiatement après, je me réveillais en sursaut dans mon lit tout content de me savoir toujours vivant. Bon dieu, mais qu'est-ce que ce rêve pouvait bien sig-nifier pour moi? Les ingrédients qui le composaient me faisaient un peu peur, car il n'y avait rien de bien logique dans tout cela. Mais que faisais-je donc aux côtés de l'armée de Napoléon com-me simple fantassin? Et pourquoi j'avais été auparavant un simple laboureur? Et pourquoi, je me retrouvais face à monsieur Massoni qui était habillé en prussien? Ma vie antérieure n'était-elle pas inscrite dans cette petite équation de mots et pourquoi pas après tout? Et si la transmu-tation des âmes existait sans que personne n'y songeât? Hé, hé, pas si bête ma réflexion. Mais co-mment le vérifier si ce n'est par notre intuition? Mais notre intuition était elle assez fiable ou bien au contraire quelque chose qu'on devait laisser de côté, de peur de s'aventurer dans des mo-ndes obscurs?

117

Il me semblait toucher ici à des vérités qui auraient pu faire peur à plus d'un mortel sachant que certaines nuits, j'apercevais des lueurs venir d'un autre monde appartenant, semble-t-il, à celui d'hier ou de demain sans en être sûr. Mais je préférais souvent ne pas savoir ce que demain nous réserverait pour ne pas devoir rencontrer mon double en chemin. Pour la simple raison que nous touchions ici à l'énigme du temps que nos sages d'antans avaient réussi à nous faire passer à tra-vers de vieux parchemins oubliés. Prenons en connaissance, si vous le voulez bien. Ô mortels, vous qui vivez pour l'instant dans l'insouciance des jours et dans sa clarté éphémère, sâchez qu'il ne vous restera que quelques heures à vivre quand votre double vous demandera de le suivre! Et surtout n'essayez pas de lui résister, car il serait vain de vous battre contre votre propre mort et, plus particulièrement, contre son messager. Laissez-vous faire et tout ira pour le mieux pour vous en suivant à la lettre cette première étape. En ce qui concerne la deuxième étape, il viendra par les ténèbres, un second messager qui sera habillé d'un costume de fer que vous verrez  mal-gré que vos yeux seront morts (l'imaginaire pointera alors son doigt pour vous le montrer). Vous devrez alors le suivre afin qu'il vous choisisse la forme de votre future réincarnation pour les meilleurs, bien sûr. Quant aux autres, ne m'en demandez pas plus, car les surprises pourraient être à la hauteur de la vie qu'ils ont menée! " Epithame du 5 ème sciècle.

En fait, tout ceci n'était pas très rassurant pour moi dont la vie n'avait jamais été un exemple à suivre par les autres. Sans vous cacher que ce manque total d'information quant à ma future réin-carnation m'effrayait horriblement en pouvant être réincarné en chauve souris et pourquoi pas en vieille sorcière? Ah!Ah!Ah! Alors là, non, je m'y opposerais fermement. Et puis soyons franc, s'il m'arrivait un jour de rencontrer mon double dans la rue, je lui foutrais tout simplement mon poing sur la gueule afin de lui montrer que c'était moi qui décidais quand je voulais mourir et non un énergumène envoyé de l'au-delà, hein, n'est-ce pas que j'aurais raison? Et puis comme il sera à moitié *sonné* j'en profiterai pour prendre mes jambes à mon cou et m'en éloigner le plus rapidement possible. Mais il est fort possible (sachant qu'il connaît parfaitement mes habitudes où je cache mes clefs derrière le pot de fleur de ma vosine) qu'il m'attende tout bêtement à mon domicile. Et c'est très certaiement assis dans mon fauteuil que je le retrouverai à mon retour. Un retour forcément plein de reproches, puisque mes coups et mes deux nuits passées à la belle éto-ile. Mais le connaissant pour son grand sens de l'hospitalité, il m'offrirait indubitablement mon vin à boire, celui que j'aime le plus qui est un mouton rodchild 1884 pour oublier nos différents. Bref, je serai fatalement conquis et nous en viendrions à parler de ma mort ainsi que de ma fut-ure réincarnation. Et alors sous quelle forme, mon vieux, lui demanderai-je? Car n'oubliez pas, mon cher double, que le beau a toujours eu ma préférence. Mais il y ait de forte chance qu' il me ricanne au nez devant de telles exigences où m'enfuir serait ma seule issue. Mais comment, pui-sque d'après les anciens, ils ne fallaient pas résister aux assauts de notre double pour notre salut? Devait-on les croire ou bien trouver une autre solution? Et se trahir soit même ne serait-elle pas la solution pour sauver notre vie? Hé oui, pardi, vu que mon double sait que j'aime la vérité, mais aucunement fiable a 100 % puisque changeante en fonction de nos moeurs. Alors on pou-rrait alors jouer sur cette anomalie spaciotemporelle pour lui jouer un sale tour. Point de doute que je m'enfuirais alors par l'autre fenêtre donnant sur la rue des bohémiens afin de lui échapper, Ah!Ah!Ah! Et mon rire serait comme ma vengeance qu'on entendrait jusqu'au bout de la nuit où ma mort, me poursuivant jusqu'à l'aurore, voudrait m'étreindre presque en courant. Mais moi, je serai déjà loin!

118

Avant le lever du soleil.

Mon dieu, mais quelle horreur de vivre entre ces quatres murs qui sont ceux de ma chambre! Ils resemblent à s'y m'éprendre à ceux d'une prison dont je payerai injustement le loyer jusqu'à perp-étuité. Tout ceci est bien sûr effrayant pour le jeune homme que je suis qui a rompu tout contact avec le monde extérieur, non volontairement, mais uniquement à cause de cette crise économiq-ue dont les raisons me sont toujours cachées. Le seul contact qu'il me reste avec celui-ci, ce sont ces journaux qui me le procurent. Etrange occupation! me direz-vous. Oui, certainement, mais elle me permet ni plus ni moins d'observer à distance mes tendres et cruels contemporains, un point c'est tout. Comme la vie est décevante! Allons, sortons pour allez respirer un peu d'air fra-is au dehors où il semble que l'automne soit déjà arrivé. Ce qui me fait dire ceci, ce sont toutes ces odeurs de feuilles mortes que je respire par l'entrebaillement de ma fenêtre : feuilles mortes que l'on brûle dans les jardins avoisinants et dans les propriétés luxuriantes où la rose fanée po-rte désormais des couleurs délavées de jaunes et de marrons crevés. Bizarrement, le rêve de Jean-Jacques semblait me poursuivre jusqu'aux jardins de l'aurore. La nature était de toute évi-dence sa complice que je souhaitais laisser parler à sa place maintenant. "Oui, nous entendons très bien à travers ses écrits, la souffrance d'un grand philosophe qui ne put de son vivant taire un seul sentiment de son coeur où il aimait tragiquement son prochain. Ces mots sont à titre po-sthumes puisque dans ses confessions. Oui, il est innocent d'un crime qu'il n'a pu commêtre au moment des révoutions où ses idées étaient issues d'une réelle source de justice et d'égalité pour ses contemporains et non le contraire. Mais écoutons-le maintenant parler aux générations futu-res dont le bonheur leur sera promis quand elles auront totalement oublié les crimes de leurs aï-euls. Ces paroles sont adressées tout naturellement à tous les philosophes ou humanistes des te-mps modernes.« Mes chers philosophes, ne donnez jamais aux hommes les idées ou les idéaux qui pourraient leur permettre de tout détruire au nom de ces mêmes idées! Mais donnez-leur plutôt de simples projets de consomations sans risque pour lui et pour son prochain. Ainsi tous leurs excès seront encadrés par la grosseur de leur portefeuille, ce qui sera le moindre mal !"

119

Si Jean-Jacques avait fait ici, semble-t-il, un compromis avec l'argent dont il avait horreur, c'ét-ait dans le seul but de le faire passer auprès des générations futures. En sachant bien que l'argent honnêtement gagné par un métier et non par rente ou autre spéculation ne pouvait alors qu'appo-rter du bon à la socièté nouvelle des hommes. Mais étrangement, cette idée en tout point honnê-te, fut considérée en son temps comme révolutionnaire en remettant en question le système de servage que les puissants imposaient à leurs sujets. Et sa plus grande erreur(si on peut l'appeler ainsi) fut de l'avoir dit haut et fort au nez des princes. Et le clou magistralement enfoncé par lui-même quand il déclara à l'Europe toute entière que l'homme était né bon, mais que c'était la soc-iété de son temps qui le pervertissait et le rendait méchant! Ce qui déclencha aussitôt auprès de ses ennemis héréditaires, une haine vindycative qui le harcelera jusqu'à la fin de sa vie! On peut dire sans bien se tromper que ce fut cette dernière idée qui l'entraîna à une vitesse grand V au de-vant de son malheur, puisque désormais seul au monde. Il est un fait indéniable que s'il avait pu jouer le rôle du parfait gentilhomme auquel on le destinait, les choses auraient été fort différen-tes pour lui et pour le destin de l'Europe, n'est ce pas? Mais bon le crier sur tous les toits, c'était bien un scandale! Voilà donc où se trouvait son crime : il avait dit la vérité aux puissants sans en être effrayé!

En pensant à tout cela, je me demande bien si le monde d'aujourd'hui est si différent de celui de Rousseau? Car n'est-il pas vrai que nous sommes tous prêts à mentir pour notre propre survie économique? Le problème serait-il toujours d'actualité? Mais sincèrement, pouvait-on lui repr-ocher d'avoir voulu considérer ses contemporains comme des êtres parfaits et non imparfaits? Quelle générosité d'âme vois-je dans ce coeur là! Quelle confiance envers cette humanité qu'il considérât comme sa propre famille! Rousseau était sans aucun doute un génie d'amour qui par des humiliations successives avait dù réinventer le bonheur terrestre afin de le redonner à ses se-mblables, c'était là me semble-t-il sa seule et unique ambition. Autre chose, il me semble que Jean-Jacques  Rousseau, d'après ses confessions, n'eut point eu véritablement de vie privée et bien qu'il fut marié avec Thérese Levasseur. Car le "je" chez lui ne s'apparente pas à cette ind-ividualité moderne et égoïste que nous connaissons tous aujourd'hui, mais à cette part d'hum-anité qui appartient au bon sauvage que nous ne sommes plus : part d'humanité que nous avons délaissé au temps de Paul et Virginie pour un tout autre bonheur, celui du confort social et ma-tériel nous rendant paradoxalement pas plus heureux que notre premier sauvage, bref, un bonh-eur artificiel payable comme une simple marchandise. Le "je" chez lui, c'est l'être qui souffre, c'est celui qui cherche un ami à qui confier ses peurs et ses angoisses en plein milieu de ce 18 ème siècle si sensible et si brutal. Mais un ami, qui malheureusement, ne trouvera pas parmi ses contemporains à cause de sa très grande timidité quasi maladive. Bref, il écrira donc des livres afin de se soigner, mais à quel prix? Quand on sait que les hommes de son temps n'étaient pas prêts à entendre la vérité, sa vérité. Et pour cause, ce monde fait d'injustices et de privilèges était devenu une véritable bombe à retardement qui ne demandait qu'à exploser ou bien qu'à être dé-sarmorçée par moyens légaux et justes(et non par des feux artifices pour le peuple) pour éviter le chaos. Malheureusement, cette tragédie arrivera avec la révolution française! Pour moi, Jean-Jacques Rousseau est toujours d'actualité et vit parmi nous, parmi les bosquets apparemment tranquilles du lac de Genève, parmi l'élégance de nos démocraties apparentes, mais où le coeur n'a desormais plus le droit de cité avec la raison. Puisque notre république était devenue un joli costume pour le 14 juillet et qu'elle ne favorisait plus que les riches, alors pourquoi se battre pour elle? Mon cher Régis, je voudrais maintenant que nous tirions des conclusions puisque nous n'avons plus d'avenir en son sein.

120

-Oui, comme je le crois.

-Et pourquoi n'envisagerions nous pas de nous battre pour autre chose que la liberté?

-Pour autre chose que la liberté?

-Oui.

-Mais de quelle autre liberté, vous voulez me parler?

-Mais de celle qui n'est pas inscrite dans notre constitution des droits de l'Homme.

-Mais celle-ci n'est elle pas intouchable au niveau moral ?

-Oui et c'est bien là le problème!

Comment? Mais vous savez des millions d'hommes et de femmes ont donné leur vie pour l'insc-rire dans le patrimoine de l'humainté?

-Oui et je vous le répète une fois de plus, c'est bien là le problème.

-Comment, c'est bien là le problème?

-Oui, parce que c'était en vérité pour de la pure gloriole.

-Pour de la pure gloriole?

-Oui, tout bêtement.

-Mais alors tous ces gens sont morts pour rien?

-Oui, pratiquement, car après la révolution les rois ont repris le pouvoir.

-Mais tout ça, c'est injuste!

-Oui, parfaitement injuste, mais c'est ainsi. Car le peuple est souvent aveugle quant il s'agit de choisir son guide. Et je ne sais par quelle tare héréditaire, mais celui-ci choisit toujours le plus mauvais d'entre eux qui se révèlera plus tard d'une incompétence totale, voir un tyran.

-Mais quoi, vous voulez me dire que le peuple s'est souvent trompé?

-Oui, parce que celui fantasme beaucoup sur sa soi-disant liberté, alors qu'il ne l' aura jamais!

-Hum, hum, mais tout ça ressemble du masochisme?

-Oui, parfaitement.

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-Vu vos arguments, je ne peux être que d'accord avec vous. Mais alors que me proposez vous à la place de notre chère liberté?

-Ah chère liberté, vous le dites bien, mon ami!

-Ah oui, vous croyez?

-Oh oui. Car voyez- vous, notre constitution nous coûte bien trop chère aujourd'hui. Vous vous rendez compte, tous ces ministres, députés, sénateurs, maires, conseillers de ceci et de cela et le tout payé avec l'argent du peuple. Mais tout ça ne peut que nous mener à la ruine et à la prochai-ne révolution!

-Certainement. Mais ne m'avez vous pas dit tout à l'heure que si le peuple souffrait c'était bien de sa faute, car il choisissait souvent son propre bourreau?

-Oui, c'est exact.

-Mais alors pourquoi s'inquiéter pour lui?

-Heu..oui, je crois que vous avez entièrement raison, mon ami. Bien, bien, élevons le débat si vous le voulez.

-Et alors que me proposez vous à la place de notre chère liberté, hum?

-Je vous propose donc la vraie liberté, qui n'est pas celle que nous propose la république, mais celle que l'on peut prendre sans autorisation.

-Sans autorisation? Mais là, il me semble bien que vous sortez du cadre démocratique, non?

-Mais non, pas du tout! Pour la simple raison que la démocratie n'est qu'un mot et qu'un cadre immense où l'on peut mettre dedans tout ce que l'on veut. Et c'est ce qui avait permis à Hitler d' accéder au pouvoir, ne l'oubliez pas!

-C'est vrai, comme vous le disiez si bien, on peut y mettre dedant tout ce que l'on veut!

-Oui, même les cas extrèmes. Où son système politique est souvent exploité par le dogme répu-blicain qui n'a en vérité aucun sens précis. Car depuis 2500 ans, nous avons eu droit à toutes sortes de républiques plus ou moins farfelues : islamiques, socialistes au temps de l'URSS, im-périales au temps des romains, populaires en Chine et même démocratiques au Congo, Ah!Ah!Ah! Vous dire alors le trouble et la confusion que ce mot devait générer dans la tête de nos conc-itoyens, mon ami! Mais moi, ce que j'aimerais m'enretenir avec vous maintenant, c'est de cette relation étroite qu'il existe entre la liberté et la vérité.

122

-Entre la liberté et la vérité? Mais moi, je pensais qu'elles n'avaient aucun rapport entre elles.

-Oh, détrompez-vous, mon ami, car toutes les deux sont liées comme une main de fer dans un gant de velours, si l'on peut dire.

-Comme une main de fer dans un gant de velours?

-Oui, parfaitement.

-Alors là, j'aimerais bien que vous m'expliquiez.

-Sans problème, mon ami. Voyez-vous, ce que les gens ne savent pas, c'est que la vérité naît de la liberté et que sans cette dernière aucune vérité ne pourrait être établie sur la terre ou dans la so-cièté..

-Excusez-moi, mais je ne vous ai pas bien compris.

-En gros, je voulais dire que le peuple en choisissant son destin fabriquait lui même sa vérité. Et s'il s'est trompé en chemin, c'est seulement sa vérité qui lui éclatait à la gueule!

-Ok, je comprends mieux maintenant. Cela veut dire que selon le type de société qu'on aura ch-oisi, on aura droit à une vérité et pas à une autre, c'est bien cela?

-Parfaitement.

-Mais à quoi voit-on si le peuple s'est trompé en cours de route?

-A la tête qu'il fait dans la rue!

-Ah!Ah!Ah! Mais tout ceci me paraît d'une simplicité déconcertante!

-Oh oui et c'est bien pour cela qu'il est inutile d'étudier la politique à siences Po ou de regarder les journaux et la télé pour voir si le monde va bien, sortir dans la rue suffit amplement!

-Et comment va le monde aujourd'hui?

-Je pense qu'il va plutôt mal. Mais au fond, je m'en contrefiche complètement. Car si le peuple est malheureux, c'est bien de sa faute et c'est seulement sa vérité qui lui éclate à la figure!

-Entièrement d'accord avec vous.

-Mais qu'elle a été au juste sa dernière erreur?

-D'avoir cru les médias!

-Vous voulez dire les journalistes et les hommes politiques?

-Oui.

-Pourtant la liberté de la presse, c'est une bonne chose, non?

-Normalement oui. Mais quand l'économie va trop bien ou trop mal, elle commence à divaguer et à se prendre pour le centre du monde.

123

-Pour le centre du monde?

-Oui..en voulant jouer dans la cour des grands et agir sur le monde politique.

-Mais n'est-elle pas uniquement concentrée sur l'information?

-Oh, mon ami, vous êtes bien naïf!

-Allumez votre poste de télé et vous verrez comment ces gens nous abreuvent quotidiennement d'informations à nous faire voir le monde à l'envers.

-Mais alors que me proposez-vous d'autre à la place de tous nos médias?

-Mais la vérité, mon cher.

-Ah oui, bien sûr, je vois à quoi vous voulez en arriver. En gros, si je résume votre pensée, nous ne devons plus croire nos médias afin de créer notre propre vérité!

-Parfaitement exact et je suis heureux que vous m'ayez compris. Et puis soyons lucide, cette vér-ité que nous attendons tous de leur part n'est-elle pas une formidable illusion imaginée par nous tous?

-Oh oui, je le crois moi aussi.

-Alors pourquoi devrait-on continuer à vivre dans ce monde qui ne sera fait que d'images et de sons fabriqués par des professionnels et non par la vérité?

-Parce que ça doit certainement nous rassurer de voir le monde en couleur et non en un triste noir et blanc, non?

-Possible. Mais n'empêche que la vérité a toujours eu horreur des feux artifices et des banquets somptueux organisés pour une histoire de décoration, voyez-vous.

-Oui, mais n'empêche lorsque ça brille à l'intérieur du petit écran, tout le monde est là pour le re-garder, n'est-ce pas?

-Oui, puisqu'ils jouent avec la lumière donc avec la vérité ni plus ni moins. En exploitant sans aucune morale la religion chrétienne et ses expressions qui lui sont propres, comme quand la lu-mière fut ou bien quand les rayons du soleil dissipèrent les brumes au tour de Jésus-Christ. Vous dire alors tous les effets que cela pouvaient avoir sur tous les téléspectateurs chrétiens et aujourd'hui chez tous nos téléspectateurs désoeuvrés.

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-C'est pas faux, ce que vous dites là. Mais pensez-vous alors que la télé, avec tous ces sons et ces images produites à l'échelle mondiale, pourrait être une émanation du monde chrétien occident-tal?

-Sans aucun doute. Car voyez-vous, le monde oriental, et plus particulièrement, le monde musu-lman a toujours eu horreur des images animées faites d'hommes et d'animaux gesticulant dans tous les sens et n'avançant bizarrement pas plus vite qu'un escargot. Visiblement, la religion ch-rétienne était avant l'heure du cinémascope et la religion musulmane une réalité qui s'imposerait à nous comme une vérité non saisissable par les images, voilà mon sentiment.

-Et donc vous pensez que la vérité pour le monde occidental est morte, c'est votre conclusion!

-Oui, malheureusement. Car la télé, en voulant poursuivre le mythe de la religion chrétienne par l'image et le par son diffusés à l'échelle mondiale, avait reçu à ses tous débuts comme l'accord tacite de ses téléspectateurs croyants : accord tacite qui par la suite se transforma en une réelle estime pour ses programmes réalisés avec une grande intelligence, ne nous le cachons pas. Mais cet état de grâce malheureusement ne dura pas longtemps à cause de cette folie technologique qui s'empara d'elle et la força à inventer ses propres dieux,  rompant ainsi avec le message chré-tien pour laquelle elle avait été cree.

-Quoi, elle se mit à fabriquer ses propres idoles?

-Oui.

-Mais c'est scandaleux!

-Oui, puisque en le faisant, elle reniait sa mission première qui était de répandre l'amour dans tous les foyers chrétiens ou non. Ainsi en trahissant l'accord tacite, elle perdait par cette même voie l'estime des téléspectateurs croyants.Voilà donc où en était arrivé notre télévision à un jeu télévisé où Dieu était mis en concurrence avec les dieux de l'audimat. Question 1: A qui croyez vous le plus, au dieu invisible ou bien à Madonna? Question 2: Pourquoi Dieu ne vous aide pas quand vous mourez d'ennui chez vous? Question  3 : Pourquoi Jésus-Christ vous a t-il abandon-né? Bien évidemment, toutes ces questions finirent par faire perdre la  foi à tous les téléspectate-urs avec la multiplications des émissions de distractions.

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-Mais comment avait-elle fait pour prendre la place de Dieu dans le coeur des téléspectateurs?

-Oh en fait, c'est très simple, en remplaçant une image par une autre ou bien ce qui n'est pas plus honnête, une vérité par un mensonge afin de créer de nouvelles croyances chez le téléspectateur qui bien sûr n'en serait pas conscient. Voilà donc où se trouvait leur usurpation à des fins, bien évidemment, politiques, idéologiques et écoomiques. Ainsi le fond de notre pensée se perdant sans cesse dans ces nuées d'informations où la vérité finirait un jour par s'y perdre. Il ne fait au-cun doute pour moi que la vérité renaîtra dans nos esprits quand l'image aura tout simplement disparu du petit écran. Et certainement, par une implosion de celui-ci ou bien par une guerre du futur où l'image sera devenu le grand satan. Mais en attendant, regardons-là avec des yeux mé-fiants, puisque symbole d'une future destruction!

-Fichtre, ça en bouche un coin de le savoir maintenant!

-Hé oui, mais c'est la vérité où tous nos jeux vidéos n'en sont que le reflet. Et qu'un jour, ce sera la télé qui en sera la cible pour nos générations post-vidéos qui en auront certainement marre de jouer virtuellement à la guerre avec des manettes en plastiques et non avec de vrais pistolets la-sers. Cette fin de l'image viendra certainement un jour et, quand celle-ci sonnera pour tous nos médias, personne bien évidemment ne pourra en réchapper sauf les juifs qui je crois auront eu l' intelligence de s'en éloigner à temps.

-A temps, vous me dites?

-Oui.

-Mais comment?

-Grâce au veau d'or, tout simplement.

-Grâce au veau d'or?

-Oui, très certainement.

-Mais croyez-vous sincèrement que tous les juifs de la télé pourrons monter dessus, afin de s' enfuir quand ça va tout « péter » dans les médias?

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-Non, non, j'ai pas dit ça. Disons plutôt que ce veau d'or leur permettra de les sauver, non comme vous le pensez, mon ami, mais en l'abandonnant aux mains des incroyants qui s'en disputerons les derniers morceaux en croyant que l'or qui le compose pourra les sauver d'une mort médiatique ou autre. Vous dire alors les morts qu'il y aura le jour du grand crac médiatique!

-Et les juifs seront alors très loin, n'est ce pas?

-Oh oui, très loin.

-Mais qu'est-ce au juste ce veau d'or, mon ami?

-Ah, je vois que vous ne connaissez pas l'histoire de ce veau d'or qui avait donné à Moïse pas mal de fil à retordre( ne nous le cachons pas) pour que son peuple s'en détourne. Parce que ce veau d'or lui avait été offert gratuitement par les dieux de l'Olympe afin qu'il puisse parvenir sans encombre jusqu'à la terre promise. Mais ce veau d'or se montra par la suite être un véritable cadeau empoisonné pour son peuple.

-Un veau d'or offert par les dieux de l'Olympe?

-Oui, par les dieux grecs et égyptiens, si vous voulez.

-Mais pourquoi donc?

-Pout tout simplement les rallier à leur cause en voulant qu'ils aimassent l'or comme eux, com-me un dieu. Mais Moïse s'y opposa fermement, car quelques jours auparavant, le vrai Dieu lui avait parlé sur le mont Sinaï et lui avait dicté sur des tables de pierre les lois éternelles qui doré-navant devaient guider son peuple vers la liberté et ainsi l'affrachir pour toujours de l'esclavage. Mais un jour, Moïse, en revenant du mont Sinaï, fut surpris de les voir tous à genoux se proster-ner devant ce veau d'or tout en or massif et il faillit bien tomber dans les pommes devant ce spe-ctacle horrible où visiblement toutes ses leçons n'avaient servies à rien! pensait-il avec une gr-ande amertume dans la bouche. Furieux, il se mit alors à les insulter comme un fou pour leur faire comprendre qu'ils étaient tous dans l'erreur..et tout le monde voulait en vérité le tuer pour avoir dit ça. Mais étrangement, sa voix biblique, qui avait retentit dans ce désert comme l'éternel, les arrêtèrent dans leur action criminelle et lui demandèrent quelques explications. Moïse dut bien évidemment argumenter et mit pour cela 3 jours et 3 nuits pour y arriver. Et il en arriva à cette conclusion étrange pour lui et pour les siens, que le veau d'or serait fondu puis transformé en de petites galettes d'or et que le tout serait non partagé entre tous, mais jeté du haut de la montagne du Kipoure afin que personne ne puisse le chercher. L'annonce fit bien sûr l'effet d'une bombe parmi son peuple! ce qui créa des dissentions à l'intérieur de celui-ci. Mais c'était bien là le prix à payer s'ils voulaient retrouver la paix et la liberté au milieu de toutes ces puissances militaires représentées par les armées Egyptiennes et Mesapotamiennes, c'est ce qu'avait dit Mo-ïse à son peuple pour le convaincre. Alors d'habiles maçons construisirent le four et le reste du travail fut réalisé par de sérieux forgerons ou fondeurs de métaux. Et le tout, transporté par un chariot de bois, fut jeté du haut de la montagne du Kipoure, il faut le dire, mais avec un goût bien amer dans la bouche.

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-Bah, quel gâchis de jeter tout cet or par la fenêtre, ne le pensez vous pas?

Oh oui, c'est certain. Mais je ne vous cacherai point que durant la nuit qui suivit ce grand sacr-ifice pour le peuple juif, un groupe ennemi aux idées de Moïse, alla récupérer l'or au fond de la montagne pour fonder la ville de Jérusalem.

-Ah, j' m'en doutais bien qu'ils n'allaient pas laisser tout cet or dans la nature!

-C'était évident. Mais étrangement personne ne le sut sauf les voleurs, bien évidemment. Le lend-emain, Moise et le reste de la caravane(qui formait alors la majorité) partirent le plus loin poss-ible de ce lieu où la tentation restait encore très forte. Mais c'était ça ou bien l'esclavage jusqu'à perpétuité pour son peuple. Et Moise avait très bien compris que l'or en était comme le symbole frappant.

-Heu..une question, mon ami.

-Hé ben, allez-y, je vous écoute.

C'est à propos de vos juifs que je trouve en fort nombre à la télé et pour des raisons que je n' arrive pas à m'expliquer, pourriez-vous?

-Oh pas de problème, mon ami. Mais avant tout, je voudrais bien mettre les choses au claire et dire que mes propos ne doivent aucunement servir à l'antisémitisme ambiant qui règne aujour-d'hui en France, mais servir à expliquer : pourquoi nous avons autant de juifs au coeur de nos médias et plus particulièrement à la télé?

-Hé ben, mon ami, je serais très curieux de le savoir.

-Hum, hum..vous savez, les juifs ont toujours eu de la fascination pour l'or, mais avec une véri-table hantise de le posséder.

-Ah oui et pourquoi donc?

-Hé ben, tout simplement, à cause du veau d'or, vous ne vous en souvenez plus?

-Ah oui, je m'en souviens très bien! et que vous me disiez que ce veau d'or était une sorte de cheval de Troie envoyé par les dieux de l'Olympe, afin que le peuple juif tombe lui aussi dans le piège du feu, du sang et de l'or à la clef, c'est bien cela, n'est ce pas?

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-Oui, oui, c'est bien cela, et je vois que vous avez très bien suivi mon histoire : histoire qui mal-heureusement se poursuit encore de nos jours avec l'or des américains qui répand le feu et le sang sur l'état d'Israël et sur toute la région du proche-orient.

-Hé oui et je pense ce que vous dites là me semble très vrai.

-Et tout ceci est bien dommage, car cette région pourrait facilement retrouver la paix si les Isra-éliens renonçaient au veau d'or donc à l'or des Amériains, voilà c'est mon sentiment. En étant entièrement convaincu que la majorité des juifs serait de cet avis, puisque d'après son histoire elle avait suivit Moïse vers la voie de l' exil afin d'échapper à l'idolâtrie et à l'amour de l'or. Mais pour ceux qui fondèrent la ville de Jérusalem, l'histoire était toute autre en sachant que le veau d'or existait toujours dans leur coeur où le mot or en hébreux voulait dire bonheur. On peut dire, sans bien se tromper, que l'élite qui forme actuellement l'état d'Israël fait très certainement partie des adeptes du veau d'or pour les raisons que je venais d'évoquer. Quand au reste de la popula-tion, elle serait partagée entre l'ancien testament, le veau d'or et la tentaion de Jésus-Christ qui est le voeux de pauvreté. Vous dire alors toute la complexité de faire cohabiter toutes ces pens-ées à l'intérieur d'une même communauté, et plus particulièrement, chez un peuple nomade com-me le peuple juif. Ajouter-y le problème des palestiniens dont la religion est l'islam, vous dire alors que l'exil proposé par Moïse et pour son peuple a toujours de beaux jours devant lui, n'est-ce pas? En résumé nous avons ici, Moïse et l'idée de l'exil pour son peuple, Jésus-Christ et le voeux de pauvreté pour son peuple et les hommes politiques de l'Etat d'Israël défendant le veau d'or pour son peuple. Bref, en regardant l'Histoire en face, nous pouvons dire que la majorité des juifs n'était pas responsable de la mort de Jésus-Christ, mais  une minorité assoiffée d'or et de pouvoirs qui l'avait abandonné aux mains des puissants. Moïse avait prédit la malédiction pour son peuple s'il ne respectait pas les lois éternelles et l'actualité semble comme le confirmer, n' est-ce pas?

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-Hum, hum, mon ami, je vous écoute depuis tout à l'heure et j'ai encore l'impression que vous vous êtes éloigné de notre sujet qui était : pourquoi avons nous autant de juifs au coeur de nos médias et plus particulièrement à la télé?

-Mais avec tout ce que je venais de vous dire, cela devrait être évident, non ?

-Non, pas vraiment.

-Pourtant c'est facile à comprendre : la télé représente le veau d'or donc l'instrument des puissan-ces occidentales afin de créer de nouvelles croyances ou de nouveaux dieux, si vous voulez. Et que la télé pour les juifs, c'était ni plus ni moins leur péché mignon de s'y frotter, mais surtout pas de s'y piquer, voilà c'est simple, non?

-Ah oui, j'ai tout compris maintenant. Et que c'est cette fascination pour le veau d'or les attirai-ent naturellement vers cet écran de télévision, un peu comme un papillon vers un astre brillant comme de l'or.

-Oui, tout à fait...et que la technique d'aujourd'hui, ce sont les glaives d'hier.

-Oui, parfaitement.

-Fichtre, ça décoiffe d'apprendre la vérité comme ça!

-Oui, je le sais, mais c'est ainsi, la vérité a toujours eu le défaut ou la qualité de se cacher dans des endroits où on ne l'attendait pas. Et que cette télé, apparemment inoffensive, c'était de la vr-aie dynamite pour les religions monothéistes, ce que  les juifs, les chrétiens, les musulmans ont très bien compris. Et quand il arrivera le grand crac médiatique ou la fin de l'image, les religions reprendront certainement du service en sachant que tous les dieux qui auront été crées par la télé se seront entretués pour une gloire éphémère, voilà c'est simple.

-Heu..oui, puisque vous le dites. Mais l'islam alors que deviendra-t-elle à la fin des images?

-Oh, certainement la grand gagnante vu qu'elle n'a jamais eu besoin de l'image et de la télé pour se propager.

-C'est vrai. Alors donc à l'avenir, nous allons tous devenir musulmans, si j'ai bien compris votre raisonnement, hein?

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Oui, je le crois. Avec l'intime conviction que les intellectuels de demain seront tous orientaux ou musulmans pour la simple raison que la pensée occidentale aura fait son temps. Regardez autour de vous tous les désastres occasionnés par la bourse de New York sur l'économie réelle. Aujourd'hui, on ne peut plus continuer de la sorte avec cette idéologie basée sur l'argent dont le but est d'écraser les autres peuples par la force que celui-ci procure aux nations occidentales. En fait, nous vivons toujours au temps des romains et c'est bien malheureux. Et j'ai bien peur que la chute de l'empire romain soit proche, car je sens au fond de moi comme le désir effréné des soi-disant peuples barbares de reprendre leur revanche. Sans vouloir vous cacher que j'ai toujo-urs eu de la fascination pour ces peuples barbares dont le rêve était de s'attaquer au mammouth.

-Au mammouth?

-Oui, je voulais parler de la grosse " bêbête " qui voulait toujours avoir raison et dominer le mo-nde. Et que de s'attaquer à cela était desormais une noble tâche pour nous tous, n'est-ce pas?

-Vous trouvez?

-Oui, pour tout simplement donner de l'espoir aux futures générations, Ah!Ah!Ah!

-Monsieur camus, je pense vraiment que vous êtes un révolutionnaire!

Oui, forcément, car nous le seront tous quand l'image aura tout simplement disparu du petit éc-ran.

-Vous voulez dire quand il n'y aura plus de témoins?

-Oui, parfaitement.

-Fichtre, j'en ai des frissons de le savoir maintenant!

-Oui, mais vous savez, ce n'est qu'un retour aux choses sachant que l'Occident n'a fait qu'hum-ilier la religion musulmane depuis des siècles en voulant ignorer sa véritable puissance. En ne voulant pas accepter que la pensée de Dieu puisse comporter un troisième pilier qui était celui de l'islam. Bref, l'équilibre pour Dieu étant devenu instable, la catastrophe ne pouvait alors qu' arriver!

-Et vous pensez donc qu'il avait donné tous les pouvoir à l'islam, afin de rétablir le troisième pilier de sa pensée?

-Oui, sans aucun doute, car son message devait parvenir aux hommes par l'intermédiaire des médias actuels tels que la télé et la presse. Mais ces derniers le tronquèrent afin de défendre leurs intérêts judéo-chrétiens. En fait, à l'image même de cette Amérique aidant le peuple juif à poursuivre le veau d'or. Bref, un combat inégal puisque deux contre un, n'est ce pas ?

-Hé oui, fatalement. Mais pourquoi Dieu avait-il confié cette tâche si lourde à l'islam, alors que celle-ci était fataliste par nature? Pensez-vous que Dieu aurait pu avoir des idées suicidaires ou bien l'avait-il vu comme une détermination à en finir avec ce monde exclusivement judéo-chr-étien ?

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-Au Dieu suicidaire, ah non, je n'y crois pas! Mais plutôt à cette volonté de répandre l'islam à vitesse grand V afin de montrer au monde occidental ce qui pourrait lui arriver s'il ne changeait pas sa façon de penser envers ses frères orientaux, oui, ça j'y crois.

-Et bien sûr les gens de la télé l'ont compris?

-Ah non, je ne le crois pas.

-Mais comment va-t-il donc s'y prendre dieu? En coupant l'électricité, peut-être?

-Vous plaisantez, mon ami! En fait, il les punira en utilisant l'image comme une arme où nos informations seront tellement faussées et nos images pleines de sang que les gens s'en détourn-erons pour regarder à la place, un bon dessin animé sur le lecteur video.

-Hum, hum, tout ça me semble plausible, puisque j'ai moi-même arrêté de payer ma redevance en jetant mon poste à la poubelle!

-Ah vous voyez que vous aussi vous sentez la chose venir!

-Heu, disons pluôt, c'est parce que je la trouvais un peu trop chère pour seulement regarder des émissions débiles et une actualité désastreuse uniquement concentrée sur la bande de Gaza, voy-ez-vous.

-Mais c'est tout comme, mon ami. Et que le plus important pour vous était d'avoir compris qu'on vous volait votre argent et que l'on vous mentait toute la journée, voilà c'est simple.

-Ben oui, je crois que ça doit être pour ça qu'elle est partie à la poubelle. Mais vous savez, j'ai quand même du remords.

-Du remords?

-Oui, parce que toutes ces informations, même si elles étaient fausses, me changeaient beaucoup les idées, voyez-vous.

-Ah nous y voilà, la télé vous changeait les idées au point d'en oublier la réalité.

-Oui, je l'avoue.

-Hé ben, mon ami, comme je vous plains!

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-Mais vous savez, c'était dû à mon terrible ennui occasionné par un manque réel d'amis ainsi que par de vrais projets d'avenirs; la chose est évidente, hum?

-Oui, me semble-t-il. Mais vous auriez pu quand même deviner que cette boite électronique allait prendre le pouvoir chez vous et vous faire perdre votre temps, non?

-Oh oui, très certainement. Mais vous savez quand tout le monde vous sourit à travers l'écran, ça ne peut que vous rendre accrocs.

-Hum, hum, c'est bien ce que je pensais, vous êtiez devenu un drogué de la télé et que votre sit-uation psychique en ce moment était réellement désastreuse, vu qu' elle vous avait séduite com-me le veau d'or avait séduit le peuple juif. Et là je pense que ça va être très long de vous en déf-aire.

-Ah oui, c'est grave docteur?

-Grave, j' dirai pas ça. Mais disons que ça pouvait encore se soigner par un vomissement progre-ssif de la chose, voyez vous.

-Et vous pensez que la chose soit encore possible pour moi?

-Oh oui, tout à fait. Mais surtout n'allez pas croire que le fait d'avoir jeté votre télé à la poubelle va la résoudre plus rapidement.

-Ah non? Pourtant l'idée était bonne.

-Oui, dans la forme. Mais ce que vous n'avez pas bien compris dans cette histoire de vomissem- ent progressif, c'est qu'en vous séparant du jour au lendemain de votre télé, vous avez fait ni plus ni moins le contraire.

-Ah oui?

-Oui, malheureusement. Et sans le savoir vous avez opté pour le vomissement immédiat que j'a-ppellerai le vomissement fatal.

-Fatal?

-Oui, fatal, par le fait que vous risquez à cours terme d'y laisser votre peau ainsi que tous vos or-ganes, tels que le coeur, le foie, la rate mais aussi les poumons d'où le danger.

-Mais alors que me proposez vous pour me sauver?

-Hé ben, que vous alliez la récupérer au plus vite et vous en dégoûtier progressivement.

-Alors là, c'est vraiment sympa. Et je pense que je vais dès ce soir allez la récupérer et m'en dég-oûter progressivement, comme vous l'avez dit. Alors là, vous êtes vraiment un chic type.

-Mais non, c'est tout naturel.

-Hé ben, c'est comme si c'était fait.

-Parfait, parfait. Heu...une dernière chose, mon petit Régis.

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-Oui.

-Si ça perdurait trop longtemps, jetez la carrément à la poubelle votre télé. Et si le courage vous en manquait, vous n'auriez plus alors qu'à priez le bon dieu qu'il veuille bien vous sauver la vie.

-Mais que vous voulez dire par là?

Chapitre 4

Madame la fatalité

-Hé ben, si dieu avait choisi la fatalité pour nos temps à venir, c'est qu'il en connaissait parfaite-ment les raisons.

-Pour notre future liberté, vous voulez me dire?

-Oui, parfaitement. Et ce que vous devez faire maintenant, c'est laissez tomber ce soi-disant bon-heur social que la société républicaine vous promettait.

-Ah oui? Mais alors que vais-je faire si mon temps n'est plus consacré à mes illusions ?

-Mais à la vraie liberté qui n'est pas celle que l'on nous donne, mais celle que l'on prend sans au-torisation.

-Ah oui, c'est vrai, je l'avais complètement oublié! Et comment va-t-on si prendre, hum?

-Hé ben, à faire des choses interdites afin de rétablir la vérité.

-Mais ne me pousseriez vous pas au suicide avec vos idées ?

-Mais non, j'ai pas dit ça. J'ai dit seulement qu'il te faut laisser tomber ce bonheur social que la société républicaine devait te promettre, car celui-ci ne viendra certainement jamais.

-Alors là, vous me déprimez vraiment.

-Mais non, rassures-toi..et si je te le dis, c'est pour ton bien. Car je te vois venir avec tes gros sabots et ton idée complètement folle de vouloir sauver l'humanité de l'épidémie de fièvre bleue, alors que c'est à Dieu de la résoudre. Et en t'y jetant corps et âme, tu vas gaspiller ton énergie pour rien et finir ta vie comme Jésus-Christ, c'est à dire crucifié! Alors là, non, laisse tomber toutes ces idées généreuses et occupes-toi plutôt de ton destin qui à bien d'égard a autant de valeur qu'un grand homme, puisque le génie dans toute cette histoire, c'est la vie elle-même et non les idées reçues, voilà tout. En attendant que la révolution s'opére en toi, veille bien sur ta santé. Car sans cela, tu ne pourras jamais changer le monde en profondeur vu que le monde act-uel est gouverné par de pâles démocrates dont la force est faite de lois établies pour un certain temps et non d'une manière immuable, car la démocratie n'est qu'une grande illusion, vois-tu.

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Et pour que le monde change, il nous faut nécessairement de nouveaux guerriers, bref, une nou-velle espèce d'homme supèrieure à celle que l'on trouve aujourd'hui dans nos démocraties flasq-ues où l'argent est devenu une idôle, la quête du grâal. Mon dieu, quel triste constat! La vie se resumerait donc, dans ce système des plus médiocres, à passer sa vie à rechercher l'argent et non à vivre libre. Mais où est donc l'esprit d'aventure dont l'homme a toujours su fait preuve par le passé pour exprimer son génie, si c'est pour finir aujourd'hui esclave d'une machine qui focalise toute son energie sur un unique projet, l'argent? De ce simple constat, il est urgent que l'homme libre se ressaisisse afin qu'il ne dépérisse point d'ennuis et de déseouvrements où l'alcool et la drogue fera de lui une pauvre loque. Je sais qu'il est dure de l'entendre, mais c'est bien la vérité. Comme tu le vois, j'ambitionne pour toi un autre destin, disons beaucoup plus noble que ces dé-mocrates veulent t'infliger. Vois dans l'Histoire de l'Amérique, comment les yankees ont décimé les peuples indiens, pourtant faits de rudes guerriers en leur faisant boire tout bêtement de l'alco-ol! Ces pauvres grars en étaient rendus à l'appeler "eau de vie" ou "eau qui chante " tellement ça les consolait d'être tombé si bas.

Ces concepts américains ont été malheureusement importés dans notre vieille europe  où l'on voit aujourd'hui les tristes conséquenses sur l'homme moderne où la dignité et la liberté ne sont plus recherchées, mais seulement l'appât du gain et l'ivrognerie quand la vie est en echec. Il est temps que l'homme se ressaisisse et qu'il arrête de prendre tous ces stupéfiants. Je nierai pas que les états démocrates se battent contre ce fleau, oui, je l'avoue. Mais moi, je suis convaincu qu'ils ne le font que pour sauver les apparences. Car pourquoi abandonneraient-ils toutes ces taxes qui leur rapporte autant d'argent? Ici s'exprimait ni plus ni moins l'hypocrisie des gouvernements dé-mocratiques en voulant être gagnant sur les deux plans, moral et économique. Nous sommes ici en présence d'un monstre qu'il est très difficile d'abattre avec des armes traditionnelles, mais enc-ore battable par des hommes dont le corps et l'esprit sont sains. Je sais que ces nouveaux guerr-iers viendront un jour et toi, je sens que tu peux en faire partie. Quant aux autres, qui sont imbi-bés d'alcool, drogués où accaparés par la quête de l'argent, il est désormais trop tard. Allez, mon cher Regis, scelle-ton destin et rejoins nos rangs!"

Ainsi s'exprimait en moi la voix de la fatalité qui, pour ne rien vous cacher, avait de sacrés bons arguments pour me détourner de la voie respectable de la démocratie en me conseillant ni plus ni moins de me convertir à l'Islam! Bref, de me mettre le turban sur la tête et une kalachnikov sur l'épaule. Alors là, non, plutôt mourir que de plier l'échine à la fatalité! lui aurais-je répondu si elle avait eu le courage de revenir. Mais sa voix était partie rejoindre mes pauvres compagnons d'infortunes afin de leur tenir comme à moi ce langage universel et éternel: Vous savez, mes am-is, ne vous inquiétez plus pour votre avenir, car l'argent n'est rien et seul le combat pour une ca-use mérite le sacrifice de sa vie, le reste n'est qu'une illusion!

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-Eux : Ah oui?

-Elle : Oui, parce que les riches ne l'emporterons pas dans leurs tombes. Et que leurs victoires ne seront faites que de coups boursiers et de détournements de fonds, c'est dire de bien tristes tro-phés.

-Eux : Hé oui, c'est vrai!

-Elle : Alors pourquoi voulez-vous finir votre vie comme eux, des sous pleins les poches et la bouche remplie de mépris pour les pauvres?

-Eux : Madame la fatalité, nous en savons rien. Mais ici sur terre, c'est d'usage que d'en avoir plein les poches, ça fait parait-il too much, bref, comme sauvé des eaux.

-Elle : Ah vous voulez parler de ces gens, qui parce qu'ils ont beaucoup d'argent, se croient plus intelligents donc plus forts que les autres?

-Eux : oui, c'est ça.

-Elle : Mais n' y faites pas attention, mes amis, car un jour leur argent sera rempli de tous leurs crimes. Et que les gens les plus sages seront ceux qui sauront s'en défaire à temps pour ne pas avoir les mains pleines de sang. Important à signaler, leurs crimes seront beaucoup plus grands que les crimes commis par nos tyrans du passé, parce qu'ils se passeront à l'échelle mondiale où la démocratie capitaliste aura étendu ses tentacules. Et ces millions de morts passeront alors in-aperçus pour nous puisqu'il ne s'agira ici que de morts économiques et de suicides dus au progr-rés des sciences, bref, aucun progrés véritable pour l'humanité, mais un carnage souterrain et vis-ible uniquement par les hommes possèdant le troisième oeil. C'est à dire les religieux, les philo-sophes et les poètes. En fait, très peu de gens à l'échelle de la planète, n'est-ce pas?

Eux : Ah oui, c'est vrai ce que vous dites là, car les gens riches en l'amassant pensent au pouvoir que celui-ci pourra leur donner sur les autres et leur faire tout ce qu'ils voudront d'où les crimes en perceptives.

-Elle : Parfaitement exact. Et vous en n'y touchant point, vous serez sûr d'arriver directement au paradis. Et connaissant votre cœur pur comme de l'eau de roche, vous combatterez pour moi et non pour l'argent.

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-Eux : Nous vous remercions beaucoup, Madame la fatalité, car sans votre visite, nous aurions certainement gâcher notre vie à envier le bonheur des riches en voulant absolument leur ressem-bler. Mais connaissant maintenant la vérité, nous sommes prêts à nous battre pour la gloire de dieu!

-Elle : Ah voilà de belles paroles que j'aime entendre, mes amis, en sachant désormais que la mort ne vous effraye point! Alors que nos pales démocrates sont uniquement prêts à donner leur vie contre une valise pleine de dollars et non comme vous contre un vrai idéal de justice et de liberté. Pour eux, la liberté et la justice est une marchandise comme une autre et se négocie au plus offrant afin de répandre le système démocratique-capitaliste sur toute la planète et préparer le futur carnage pour les prochaines générations où le vide de sens de l'existence fera un génoci-de planètaire. Il ne faut pas croire, non plus, s'il y avait des survivants, qu'ils seraient forcément les élus que l'humanité attendait, oh non. Car s'ils ne sont point les élus que nous attendions, le massacre continuera jusqu'à ce que la nouvelle espèce d'hommes et de femmes se soit reouvelée sur la planète entière. Dieu est patient et s'il agit ainsi, c'est pour notre bien.

Eux : Oh si c'est le dessein de Dieu de remplacer l'humanité par une autre meilleure, c'est qu'il en connaît parfaitement la raison. Et nous, nous seront ses serviteurs pour l'éternité, Inc' halla!"

Ainsi se terminait le dialogue entre mes pauvres diables et cette dame d'un certain âge que j'app-ellerai Madame la fatalité qui, ne nous le cachons pas, avait fait beaucoup rire Voltaire au siècle des lumières en voulant ridiculiser dans un de ses contes la vie du musulman ou du mahometan tellement son esprit était moqueur et plein de sarcasmes. C'est dire tout simplement que même chez les grands penseurs, les idées pouvaient devenir érronées avec le temps et que plus personne n'oserait aujourd'hui se moquer de l'islam vu son implantation réussie dans nos pays occidenta-ux à part les imbéciles, bien évidemment. Bref, que Voltaire soit dépassé par les événements, oui, on peut le dire sans se tromper, mon cher lecteur. Car son erreur fut de croire qu'il n'y avait en ce monde qu'une seule religion, la Raison. Pourtant Casanova, qu'il avait rencontré un jour, lors d'une discution lui avait fait comprendre qu'il existait une troisième religion qui s'appelait la superstition. Ce qui l'avait rendu fou furieux et que Casanova était rentré chez lui très desta-bilisé par cet homme qui voulait toujours avoir raison. En fait, ce qui l'opposait fondammenta-lement à Voltaire( même si casanova  dire était à son époque un homme libre et aussi instruit que Voltaire), c'est qu'il était un séducteur dans la vie. A l'inverse de Voltaire( qui était laid et frappé par la petite vérole) où pour arriver à ses fns, il exploitait souvent la crédulité des gens donc la superstition. En fait, le séducteur épousait la forme de son époque où la magie, il est vr-ai, avait encore un certain pouvoir sur les gens au point de considérer le Roi comme le repré-sentant sur Terre de la puissance divine. Il ne faut pas le nier, mais cela avait un certain effet et non sans charme, n'est-ce pas? Mais avec Voltaire tout cela tombait à plat et le Roi devenait un homme ordinaire! Bref, Casanova pressentait au fond de lui-même, lorsque la Raison aura env-ahi toute l'europe, qu'il perdra tout et c'est ce qui arrivera. C'est étrange, mais je trouve très interessant qu'il ait eu l'idée de siginfier à Voltaire que la superstition avait droit, elle aussi, de cité parmi les hommes. Car la Raison, appliquée froidement comme une formule mathémati-que, ne pouvait que présager de futures catastrophes pour l'humanité, comme la révolution Fran-çaise, la révolution Russe, puis les deux guerres mondiales. Bref, un monde de destruction, on peut le dire, issu directement de la sacro-sainte RAISON!  

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Avec le triste constat, après tout ce que je venais d'énoncer, que les historiens avaient mal fa-it leur travail en nous présentant toujours le siècle des lumières comme quelque chose de form-idable, alors qu'il ne fut que désastre pour l'humanité. Si Voltaire revenait aujourd'hui, il serait abasourdi de voir comment le monde à changer avec le retour des religions parmi nos sociètés occidentales ou non. Mais une chose toute  fait logique pour l'humanité après 2 siècles de haut matérialisme symbolisés par la destruction de masse. Je sais que la vérité est dure à entendre, mais Voltaire et Rousseau furent aussi des Hitler et des Staline  à leur façon."

Après avoir écouté ce long monologue, sorti directement de la bouche de Madame la fatalité sur ce qu'on appelle la marche du monde( sujet qui lui tenait particulièrement à coeur puisqu'elle en connaissait tous les secrets), je me demandais si pour autant je devais la suivre en écoutant mon amour propre qui me disait toujours de ne rien céder à cette grande dame qui pourtant venait de me dire la vérité sur le monde tel qu'il était? J'étais stupide, semble-t-il, ou peut-être fou comme ce Voltaire ou ce Rousseau qui par blessures d'amour propre était prêt à continuer le massacre sur les corps et sur les idées. C'était là, semble-t-il, mon orgueil d'occidental qui reprenait le des-sus sur la pensée orientale qui pourtant était l'avenir du monde. En fait, je voulais lui prouver que je pouvais encore me battre contre mon pauvre destin. L'avenir me dira si je me suis trompé ou non. Mais ce qu'il y avait de formidable, dans ce pari insensé que je voulais tenir avec moi- même, c'était de savoir que je serai dans cette histoire particulière mon propre héros et non le jouet inavoué de la fatalité. PS : Pourquoi vouloir jouer au héros alors que les temps semble s'y opposer? Mais bon, pas de panique, je vais prendre mon temps pour me décider si je dois me laisser absorber par cette démoniaque fatalité ou bien lui faire front.

  

Pendant ce temps, à la mairie de la Colombe et dans le bureau de monsieur Crassepoite.

Driiing! Driiiing! Driiing! Oui, allô, c'est qui à l'appareil? C'est vous, Camus?

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-Oui, oui, c'est moi!

-Ah comme je suis content de vous entendre! Et Alors?

-Oui, votre intuition ne vous a pas trompé, car je viens de trouver dans ma boite à lettres, une enveloppe avec notre antidote à l'intérieur.

-Ah vous voyez que je vous l'avais dit! Bon dieu, de bon de dieu de ouf! Mais une chose, mon ami, notre bienfaiteur ne nous avait-il pas dit qu'il nous en enverrait 300 kilos, hum?

-Heu..oui je crois. Mais, rassurez-vous, il me disait dans sa lettre qu'il nous enverrait le reste par petite dose afin de ne pas éveiller les soupçons des douaniers français.

-Mais c'est pas con du tout. Même je dirai que cet très intelligent de sa part vu qu'en France on contrôle tout, même les petits paquets de bonbons qu'envoient les grand mères à leurs petits enf-ants.

-Hé oui, malheureusement, mais c'est devenu comme ça en France. Et c'est bien pour cette rais-on que cela doit changer au plus vite, mon ami.

-Entièrement d'accord avec vous, monsieur Camus.

-Alors qu'est-ce qu'on fait maintenant? Vous venez ici chez moi ou bien je viens à la mairie vo-us donner votre dose, hum?

-Heu..non, attendez-moi plutôt. J'pense que je serai chez vous dans un petit quart d'heure env-iron.

-Très bien, je vous attends.»

Monsieur Crassepoite raccrocha le combiné du téléphone en ayant sur le visage comme le signe d'une délivrance assurée. Mais avant d'y parvenir réellement, il devait encore traverser toute la circulation de sa commune avec sa voiture, ce qui n'était pas pour lui une partie de plaisir. Quant à monsieur Camus, après qu'il ait raccroché, il se dirigea calmement vers la table de son salon où il avait étalé toutes les pièces que contenaient l'enveloppe. A sa droite, il avait posé la lettre man-uscrite de Jean Lamore, à sa gauche les deux petits sachets contenant l'antidote et au milieu de tout ceci, le mode d'emploi de l'antidote. Puis il s'asseya et se mit à regarder le tout comme s'il eut été en face d'un trésor inestimable. Non, il ne rêvait plus maintenant, pensa-t-il en ayant sous les yeux tout ce qu'un homme aurait voulu posséder pour pouvoir survivre à cette grande épid-émie de fièvre bleue que le professeur Banbilock prévoyait de lancer sur la ville de Paris à la fin du mois : grande épidémie qui allait décimer la moitié de la population parisienne ainsi que celle de sa banlieue où le vent la portera. Et cette chance que lui avait donné son bienfaiteur(si on po-uvait l'appeler ainsi!) représentait pour lui tout ce dont il avait toujours rêvé depuis son adoles-cence. C'est à dire le passeport idéal pour accéder enfin à un autre vie, à un autre monde et à une nouvelle civilisation où il pourra réaliser ses rêves les plus fous. Ce qui le mit dans un état quasi euphorique d'y penser.

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"Disons pour l'instant que je suis sauvé, ceci ne fait aucun doute. Mais je pense qu'il nous fau-dra bien tout le reste de la marchandise afin de pouvoir réaliser tous nos plans qui suivront la catastrophe. Car si le virus ne tue point la moitié de la population à cause des aléas de la météo, qui pourraient fortement influencer sur sa virulence, nous pourrions envisager ici une possibili-té de gagner beaucoup d'argent en vendant nos doses à ceux qui en auront les moyens et devenir richissime. Mais pour l'instant, nous n'en sommes pas encore là. Même si mon génie ne doit pas être remis en question ici, je pense que trop de générosité envers les amis politiques de monsi-eur Crassepoite pourrait bien contrecarrer nos plans. Puisque ces derniers, issus de l'ancien sys-tème républicain à moitié usé par le temps, pourraient bien nous importer toutes sortes de conf-lits ancestraux dans ce nouveau monde. Et bien sûr, je serai contre en lui demandant de les choi-sir ailleurs et dans des rangs où ils sont les plus sages. Car il ne faudrait pas oublier que nous n' aurons plus de problèmes de surpopulation, d'économie, de guerres, de pollution, etc et ça je pense qu'il le comprendra facilement. Mais aussi pour parfaire ce nouveau monde( où j'aurais souhaité qu'il ne soit peuplé que par d'illustres inconnus pour des raisons évidentes de stabilité), je pense que l'envoi gratuit de doses d'antidotes à ces illustres inconnus (choisis par hasard dans le botin ) me semblerait une bonne chose à envisager.

Car en donnant une chance à la providence et au hasard, on rétablirait une certaine justice entre les riches et les pauvres, n'est-ce pas? Et que ceux qui survivrons sans ces aides grâce à leur pat-rimoine génétique hors du commun seront bien évidemment les petits veinards de l'histoire, mais je ne crois pas qu'ils seront si nombreux que cela, Ah!Ah!Ah! Et comme je n'ai pas d'amis pol-itiques et, disons-le franchement, d'amis tout court dans la vie à part mon césartosaure des Indes, ce serait ici à moi mon cadeau qui me réjouit par avance. Mais attendons toutefois que le reste de la marchandise nous soit parvenue entièrement pour mener à bien cet entreprise toute phila-nthropique. Et pour finir, je lui dirai afin de le convaincre( lui qui à horreur de circuler en ville avec sa voiture) que nous n'aurons plus à nous battre pour une place de stationnement, pour un job, pour prendre la parole à la tribune, pour dire qu'on a raison, pour faire taire son voisin quand il fait trop de bruit, pour ne plus faire partie des statistiques, de l'avis de l'opinion, pour la paix dans le monde, etc. Mais pour enfin jouir de toutes ces perceptives d'avenirs faites de victo-ires assurément garanties par ce nouveau monde où l'on pourrait avoir le choix de faire ou de ne pas faire les choses. En gros, comme si nous pouvions tenir ce langage.

-Tu sais Bernard, si tu veux fais-le. Mais moi, je ne t'en empêcherai pas!

-Oh zut alors, allons plutôt nous baigner, nous en reparlerons après!

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-D'accord.

Après le bain..

-Bernard, penses-tu vraiment que tu seras plus heureux d'avoir un ou deux millions de plus dans ta bourse, hein?

-Non, je ne le crois pas. Mais disons que ça m'occupera, le temps que mes parents reviennent à la maison.

-Tes parents t'ont laissé seul à la maison?

-Oui, mais ça m'arrange bien de ne pas les avoir sur le dos en ce moment, ah! ah! ah!

-Comme je te comprends, Bernard!

Et s'ils m'ont laissé seul, c'est pour que je puisse réaliser mon projet sans leur aide et je pense que 3 jours me suffiront amplement.

-Si tu veux fais-le!

Et puis, non, après tout. Car vois-tu, hier, en jetant ma ligne sur les flots bleus de la mer où tout l'univers s'y reflétait à merveille, j'ai été saisi d'un trouble indéfinissable où je me demandais curieusement si notre bonheur à tous n'était pas enfermé dans ce geste anodin de jeter notre ligne à l'eau, comme si nous allions à la pèche au bonheur?

-Oh oui, il est certain que cette métaphore n'est pas fausse puisqu'il nous arrive souvent de con-fondre notre bonheur avec un gros poisson. Et tant que nous l'avons pas attrapé, celui-ci nous rend terriblement malheureux.

-En vérité ce qui me troublait, ce n'était point cela, mais plutôt de savoir que j'y allais avec des armes sacrement dérisoires où l'hameçon au bout de ma ligne était plutôt fait pour la friture et ma canne en bois de chataînier au lieu d'être en bambou. Quant à mon bouchon n'en parlons pas, c'était un morceau de polystiréne que j'avais récupéré sur la grève, te dire que je me sentais plu-tôt ridicule devant toute cette immensité où je devais soi-disant trouver mon bonheur! Après quelques réglages de bouchon, disons-le infructueux devant ces profondeurs abyssales, dépité, je jetai ma canne au milieu des rochers et allai me coucher au milieu de ces derniers où du sable chaud en comblait les fonds. Et tragiquement, je me demandais si ce bonheur tant désiré viendra-t-il un jour? Aussitôt une pluie de grosses larmes envahit mes yeux et mon horizon se trans-forma tout à coup en un violent orage. Pourtant, il faisait très beau autour de moi et c'est bien cela qui me choquait le plus. Ainsi, me voyant si seul au monde, mes larmes eurent raison de mon caprice et je dus bien malgré moi les savourer jusqu'au coucher du soleil où la fraîcheur du soir m'ordonna de rentrer chez moi. Voilà donc où en était arrivé mon beau projet, à une crise de larmes !

-Oh oui, cela a dû être bien éprouvant pour toi. Mais n'empêche que ça t'avais ramené les pieds sur terre et que tu en avais même éprouvé du plaisir dans ces larmes, n'est-ce pas? Et qu'en ch-erchant ton bonheur, tu en découvrais un autre. N'était-ce point ici une chose formidable et rem-plie d'espoir pour nous tous?

-Oui, je le crois bien, et que de vouloir absolument le bonheur est une mauvaise chose pour l'hu-manité. Puisque cette quête nous entraîne souvent vers des chemins remplis de larmes, mais non moins savoureuses pour nous.

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-Allez tais-toi, Bernard, et piquons une tête dans la mer!

-Allez, j' te suis! »

Et les deux gamins, riant à je ne sais quoi de funeste, plongèrent nus dans la mer et disparurent.

Chapitre 5

L'enfance studieuse

Monsieur Camus, qui était revenu à la réalité, se demandait si ce rêve était prémonitoire ou bien totalement issu de ses frustrations de jeunesse? Car la sienne de jeunesse ne s'était pas passée à battre la campagne ou à piquer des têtes dans la mer avec ses amis, oh non. Mais plutôt enfermé dans sa chambre d'enfant à étudier l'histoire des civilisations disparues et, plus particulièrement, sur les raisons de leur déclin alors que celles-ci se portaient à merveille juste avant leur dispariti-on! Bref, le mystère semblait planer sur tout cela et sa curiosité d'enfant ne fut point trahie, pu-isque 20 ans plus tard, elle lui en donnait comme les clefs où l'enfant d'hier était récompensé par l'homme d'aujourd'hui. Voilà donc où se trouvait sa réelle victoire et en avait certainement gâ-ché sa jeunesse. Mais il ne le regrettait pas, car il savait désormais tout sur les sociétés des Hom-mes et sur les raisons de leur déclin où tout était en vérité imbriqué, comme dans un montage de légo où chaque pièce avait son utilité pour tenir l'édifice aussi bien des forces intérieures qui essayaient de le faire exploser que des forces extérieures qui essayaient de le faire imploser. En fait, tout tenait dans cet étrange équilibre où les forces intérieures devaient être égales aux forces extérieures, sinon l'édifice social, économique et culturel tombait en morceau!

Et il avait mis 20 ans pour le comprendre! Mon dieu quelle perte de temps, me direz-vous pour apprendre si peu, mon cher lecteur! Oui, c'est certain. Mais ce qu'il y avait de formidable avec cet énoncé si simple, c'était son extrême facilité à l'appliquer comme modèle à toute société hu-maine vivant d'une façon organisée autour de leur croyance religieuse ou autoritaire particuliè-re. En considérant que tout système avait la forme de gouvernement qu'il méritait en gros et que chaque forme de gouvernement avait les défauts que les autres n'avaient pas pour être précis. "Ainsi, je découvris, après plusieurs années de recherches sur la socièté égyptienne à l'époque des pharaons que la forme pyramidale de leur pouvoir, n'était pas anodine, mais la conséquence d'une politique qu'on pourrait appeler celle de l'enfermement sur soi-même voulue par les rois d'Égypte pour de possibles raisons mégalomaniaques ou de dégénéréscence mentale, tout cela restait possible, mon cher lecteur. Mais ce que nous pouvons affirmer ici, c'est que de l'extèrieur cette citadelle semblait imprenable vu l'escalade bien trop téméraire de cet édifice pentu sous les 50 degrés au soleil que personne de sensé n'aurait envisagé de faire, n'est-ce pas? Mais regardo-ns maintenant à l'intérieur de la pyramide et que voit-on exactement? Rien, parce que le somm-et où le pouvoir est installé est caché par ces innombrables galeries intérieures ou escaliers raid-es ou en colimaçon s'arrêtant tout simplement dans le vide( piège à rats) qui vous surprennent durant votre élévation. En fait, vous n'avancez pas vraiment parce qu'il y a beaucoup de monde au niveau de la base et vous empêche, bien évidemment, de prendre les escaliers pour monter plus haut pour être clair. Sans parler des étages supérieurs où la chose devait être plus ardue!

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Ainsi voyons-nous que la forme pyramidale, employée par les pharaons aussi bien dans la const-ruction de leurs temples que dans leurs gouvernements, leur fut fatale. Car leurs ennemis, n'étant pas nés aveugles, s'aperçurent que la seule manière de les prendre était de fermer toutes les issu-es extérieures afin que le sommet, où les élites étaient installées, meurent d'etouffement en étant isolées de la base donc du peuple. Ces voyous de hautes volées, qui allaient mettre le feu aux ét-ages superieures, savaient pertinement que le peuple aurait tout le temps de s'enfuir vu que la ba-se de la pyramide, où il vivait, donnait accés directement aux portes de sorties et ils ne se trom-pèrent point. Quant aux étages supérieures, leur destin était dèja scellé. En fait, ce que Camus voulait faire comprendre par cet exemple d'étouffement par le haut, c'est que les hautes valeurs distinguées par ces civilisations hors du commun étaient en vérité inateignable par le peuple et en faisait donc un peuple de frustrés. On peut dire clairement ici sans bien se tromper que ce sont les valeurs populaires qui engloutirent ces hautes civilisations dans une sorte de marais plus ou moins nauséabond où le sexe, le fric, l'alcool, l'incertitude prirent le dessus sur tout ce qui était noble. Visiblement sa théorie sur la disparition des grandes civilisations fonctionnait à merveille puisque nous vivions aujoutd'hui dans des civilisations décadentes, n'est-ce pas, mon cher lect-eur? Voilà une chose de faite. Mais continuons si vous le voulez bien. Mes expériences sur les organismes vivants furent aussi de la partie afin de me prouver mes propres théories sur le déclin des sociétés. Car quoi de mieux que d'expérimenter sur le vivant une longue agonie ou bien une mort brutale afin d'en saisir les derniers signes? Ma soeur Caroline participa elle aussi à ces ex-périences très originales, il faut le dire, où son travail consistait à poser des pièges dans le jard-inet pour y capturer vivants des rats ou tout autre rongeurs nuisibles. Les cages, je les fabriquais moi-même avec du fil de fer et des planchettes de bois que je clouais entre elles pour donner à ma cage l'aspect d'une petite maison confortable, si on peut le dire. Et le piège consistait alors à attirer le rat à l'intérieur par un appât fait de viande ou de fromage, puis de refermer la porte le plus vite possible!

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En fait, j'avais utilisé le système de la porte coulissante où le contre poids était la nourriture re-liée à la porte par un fil de canne à pèche qui glisserait de son propre poids après que la nourri-iture ait été toute mangée. Mon premier rat pris, ma première action fut de lui envoyer un coup de massue sur la tête pour voir comment il allait réagir. En fait, cette expérience, qui technique-ment était très facile à réaliser, se montra en vérité très dificile à mettre en oeuvre. Car le coup que je lui portai sur la tête fut d'une telle violence qu'elle explosa littéralement sur la table d'ex-périmentation en parvenant à tâcher nos vêtements! Bien évidemment, tout ceci fut très embarra-ssant pour nous où maman aurait pu connaître par notre linge tâché notre mystérieuse activité où le matériel vivant était mis à rude épreuve aussi bien le cobaye que l'expérimentateur. En fait, nous sortîmes de cette situation embarrassante en lavant nous même nos vêtements au robinet du jardin avec un petit morceau de savon que Caroline avait pris en cachette dans la salle de bain. Ainsi, nous décidâmes pour nos prochaines expérimentations qu'elles se feraient avec un peu pl-us de douceur et d'humanité en dosant notre coup, non pour tuer la pauvre bête, mais seulement pour voir ce qu'elle avait dans le ventre. Bref, nous dûmes attendre une nouvelle prise pour pou-voir le faire. Mon deuxième rat pris, j'eus la douceur, cette fois-ci, de ne pas lui envoyer un coup de marteau sur la tête, mais un coup de maillet dont le bout était recouvert de caoutchouc, ceci par précaution. Aussitôt, mon gros rat s'endormit sur notre table d'opération où je lui passai ens-uite deux petites cordelettes autour du corps afin de l'immobiliser. Pendant ce temps là, Caroli-ne avec son stéthoscope mesurait son rythme cardiaque, bref, tout se passait alors très bien pour lui ouvrir le ventre.

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Avant ceci, je lui rasai le ventre avec un rasoir a main qui me prit environ 3 minutes, puis je pris mon cutter et sans trop appuyer dessus pour ne pas lui endommager les organes vitaux, j'ouvris la peau sur une longueur de 10 centimètres et vit alors un monde extraordinaire s'ouvrir à moi : où des organes aux formes et aux couleurs inquiétantes gigotaient avec extrême précision, un peu comme si nous étions à l'intérieur d'une horloge dont le mécanisme nous était encore inco-nnu. Avec un réseau de nerfs parcourant en surface les organes afin de pouvoir les stimuler au moment voulu et tout un ensemble de veines et d' artères alimentait chaque organe en fluide san-guin. C'est dire que couper un nerf aurait pu mettre un organe en exil et couper une veine mettre en péril l'organe concerné, puisque le sang lui apportait sa nourriture. J'ouvris ensuite la cage th-oracique pour accèder au poumon et au coeur. Les deux poumons ressemblaient étrangement aux ailes d'un papillon, ce qui me plut beaucoup vu que cette forme semblait parfaitement ada-pter pour ventiler l'organisme vivant. Le côté rosé me plut aussi beaucoup puisque couleur de la santé, n'est-ce pas? A propos du coeur, celui-ci m'effraya horriblement par ses saccades inferna-les à vous faire tomber dans les pommes! Par contre celui-ci faisait du bruit, alors que les autres organes étaient silencieux. Tiens donc, nous avions d'un côté des organes muets et de l'autre des organes bruyants, telle fut ma seconde découverte. Caroline, inquiète sur la longueur de l'opéra-tion, me demanda d'abréger mon expérience,  c'est ce que je fis en recousant les muscles, puis la peau du rat avec du fil à coudre que j'avais pris dans la trousse à couture de maman. Ensuite, je le remis dans sa cage, puis partis me laver les mains tel un chirurgien chevronné. C'est dire que je me sentais très fier d'avoir pu mener cette expérience jusqu'au bout sans avoir tué la pauvre bête et Caroline m'en remercia.

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La suite de toutes ces expériences sur les rats serait très longue à vous raconter. Mais ce que je peux vous affirmer ici, mon cher lecteur, c'est que celles-ci confirmèrent mes propres théories sur les sociétés des hommes et sur leur destin. En constatant que leurs défauts se trouvaient dans la constitution même de leurs gouvernements où ils reproduisaient un peu mécaniquement leur propre fonctionnement intérieur d'où le drame qui en découlait tout naturellement. Car la nature étant toujours la plus forte par rapport à ses imitateurs, celle-ci allait un jour les renverser et les forcer à trouver de nouvelles formes de gouvernements ou d'organisations afin de pouvoir s'ad-apter aux nouvelles conditions extérieures. En gros, en les construisant à leur image, ils y plaçai-ent machinalement une tête pour penser, des yeux pour voir, une bouche pour se nourrir, des mains pour saisir et des jambes pour pouvoir s'enfuir quand ça tournait mal, etc. Bref, toutes les raisons du déclin des sociétés humaines étaient enfermees dans cette petite phrase de rien du tout où l'Homme, en fait, se battait contre le vieillissement de ses propres organes ni plus ni moins. Où sa peau vieillissante en formait comme les derniers remparts, ses yeux comme la vigie décli-nante et ses ennemis devenant tout naturellement la fougue de la jeunesse où tout ses organes étaient prêts à renverser le monde pour le faire à son image, c'est à dire, jeune, beau et riche!

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En parlant de cette longue agonie, j'eus un jour la folie d'injecter par voie intraveineuse de l'alc-ool Grand Marnier à mon rat de laboratoire, afin de savoir si l'alcool pouvait régénérer les tissus en leur redonnant une nouvelle élasticité donc plus de jeunesse. Je savais que cette idée était co-mplètement folle tant que je ne l'avais pas expérimentée. Bref, profitant du sommeil de mon rat, je lui donnai un coup de maillet sur la tête, puis je lui injectai du Grand Marnier dans les veines. Les résultats au début me parurent très bons, puisque celui-ci se réveilla immédiatement en fais-ant des bonds dans sa cage durant une heure! Mes résultats semblèrent confirmer mes propres hy-pothèses, pensai-je avec enthousiasme. Puis je le laissai se reposer dans sa cage en renouvelant mon expérience durant toute une semaine. Mais la suite fut désastreuse, car mon rat devint tout bêtement alcoolique et me demandait quoidiennement sa dose d'alcool à travers sa cage par des signes assez étranges, voyez-vous, en me montrant son derrière pour que je le pique à nouveau! Bref, j'abandonnai l'expérience complètement dépité. Tout le reste de mes expériences furent au-ssi d'éclatant échecs en leur injectant de la cocaïne, puis de l'héroïne ou bien en les enfermant à l' intérieur d'une boite remplie de fumée de cannabis (stupéfiant paradoxalement très facile à trou-ver à la porte de mon lycée ou dans les cafés environnants). Désastre sur toute la ligne! drogué à fond la caisse et donc irrécupérable pour la société.

L'expérience sexuelle fut aussi à l'honneur pour mes rats. Et je ne vous mentirais pas en vous di-sant que l'exercice épuisant auquel je les soumis eut raison de leur santé où certains furent vic-times de crises cardiaques et d'autres de maladies vénériennes. Mais le plus grave fut au niveau de la surpopulation dans mes cages qui provoquèrent des combats entre mes rats où les plus forts s'emparèrent de la nourriture en laissant les autres mourir de faim. J'eus même une révolte dans l'une d'entre elle où un ensemble de dix ou quinze rats tuèrent le mâle dominant afin de lui prendre sa place. Extraordinaire tout ça! Une réplique parfaite de ce qui se passait dans la société des Hommes, n'est-ce pas? La dernière de mes expèriences sur les rats (qui me sembla la plus té-méraire de ma part) fut de leur injecter le virus de la rage par voie intramusculaire afin de voir comment ce virus allait évoluer ou se transformer dans un corps vivant. Je vous avouerai ici que j'avais pu obtenir un peu de bave contaminée grâce à un copain d'école qui la veille avait tué avec le fusil de son père un renard contaminé près de son poulailler. Et avant que les services vétérinnaires aient eu le temps d'intervenir, je lui avais donné une seringue pour qu'il m'en pré-lève un peu, ce qu'il avait réalisé sans problème. Bref, apres avoir injecté de la bave contaminée dans le muscle fessier de mon rat, je me mis à observer l'évolution de la maladie. Et la surprise fut de voir qu'il supportait bien à ce traitement, mais qu'il développait au niveau de la mâchoire une hyper-trophie de la dentition, un peu comme si la bave du renard développait les dents!

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J'observais aussi que son caractère se modifiait de jours en jours en devenant de plus en plus agressif envers ses voisins. Un matin, en entrant dans mon labo, je m'aperçus que mon rat conta-miné avait grossi d'une manière effrayante et qu'il manquait 2 rats dans la cage! Je pensais avoir oublié de fermer la cage la veille. Mais après vérification, je constatais que celle-ci était bien fermée! Mais où étaient-ils donc passé, je me demandais alors? L'idée que le gros rat avait pu les manger me vint tout à coup à l'esprit, non sans frayeur, je ne vous le cacherai pas. Afin de le vér-ifier moi-même, je lui donnai un coup de massue sur la tête pour l'endormir, puis je lui ouvris le ventre. Et c'est là que je découvris mes 2 rats à l'intérieur complètement déchiquetès! Horre-ur, mon expérience venait de me prouver que j'avais réussi à modifier les gènes du rat en le tran-sformant en gros chat grâce à de la bave de renard contaminé par le rage. J'ai eu vraiment très peur a ce moment là vu qu'elle pouvait réprésenter une réelle découverte et disons-le monum-entale pour l'humanité. Puisque celle ci pouvait permettre maintenant à la science de modifier les espèces vivantes à des fins alimentaires par exemple. Malheureusement, mon imagination prit le dessus sur ma raison et je dus achever mon rat mutant avec un hâchoir, puis le brûler au fond du jardin durant l'absence de maman et ma soeur Caroline qui étaient sorties toutes les 2 en ville. Sur le champ, je rangeais tous mes papiers où j'avais pris des notes sur mon rat mutant afin de me décharger de cette lourde responsabilité envers l'humanité et de toutes les espèces vivan-tes sur la Terre. Quelques semaines plus tard, je nettoyais l'ensemble de mon labo, tuais tous mes rats, puis les brûlais au fond du jardin pendant l'absence de ma soeur et de ma mère de la maison.

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Ouf quel soulagement, je ressentais en me débarrassant de ce lourd fardeau pour le jeune garçon que j'étais, c'est à dire à peine 19 ans! La suite vous la connaissez, mon cher lecteur, puisque l'a-nnée suivante, j'entrais à l'école de médecine de Paris, puis tombais malade pour une raison inc-onnue. Voilà en réalité ce qu'avait été mon parcours jusque là : une enfance studieuse, une adol-escence tourmenté par un génie qui avait du mal à éclater et une vie de jeune homme brisée par une longue maladie où j'avais cru mourir à la fleur de l'âge." Monsieur Camus, qui était emporté par tant de souvenirs douloureux, se redressa stoïquement sur sa chaise pour regarder au plafo-nd, comme un enfant qui s'était perdu dans un monde qu'il ne comprenait plus, faillit pleurer, mais se retint car il n'y avait pas de quoi! jugea-t-il avec lucidité. Puis il tourna la tête vers la fenêtre où la lumière du jour, derrière les rideaux blancs, semblait l'interpeller ou l'hypnotiser, y resta quelques instantss, puis plongea ses yeux sur son césartosaure des Indes qui tout en bois vernis posé sur son socle de granit le regardait avec des yeux effrayants et la mâchoire terrifiante avec une envie de le dévorer. Paradoxalement, Camus semblait touché et ému et se disait: Tiens, voilà un animal qui ne trichait pas avec lui-même en étant horriblement laid et s'en moquait epe-rdument! J'donnerais bien ma tête à couper si durant sa vie, il n'avait pas mangé au moins 2 ou 3 mammouths ou peut-être quelques tiranosaures vu sa taille à l'origine? Mais le césartosaure ne lui répondit pas et continua à le regarder comme tout à l'heure, c'est à dire avec des yeux éffran-ts!

Bof..de toute façon de ton avis, je m'en fou complètement, mon vieux, vu que j'ai là devant moi tout ce qu'il faut pour survivre à la prochaine épidémie. Toi, tu es mort et tu le resteras, voilà ta vérité! Le césartosaure ne broncha pas et resta de glace devant ses provocations. Tout à coup, il fit semblant de se lever de sa chaise comme pour lui faire peur, mais celui-ci ne bougea pas d'un millimètre sur son socle de granit. Ah je crois bien qu'il n'y a plus rien à faire pour toi, mon gars. En fait, je crois que t'es mort pour de bon! Silence à nouveau. Camus, qui était à moitié désespé-ré, pivota sur sa chaise et replongea ses yeux sur la table où tout son trésor était étalé. Il tendit le bras et prit d'une main fébrile la lettre de Jean Lamore pour la porter tout près de son visage afin de la renifler avec son nez et d'y percer avec ses yeux tous les secrets qu'elle pouvait bien renfe-rmer. Soudainement ses doigts se mirent à glisser frénétiquement le long du parchemin pour en détecter les moindres granulations où son nez fut pris de violents mouvements d'avant en arrière en décelant dans le papier des odeurs boisées de forêts canadiennes et de sucre d'érable. La coll-ant ensuite contre son oreille, il entendit le bruit des torrents et de l'eau qui très semblablement l'avait purifié de ses milles imperfections où Jean Lamore avait immortalisé ses recommanda-tions à l'enre violette et par ses larmes de rouille qui en imprégnaient le papier. A travers ces ara-besques d'écritures et de couleurs rouillées, il semblait y voir tout un océan de couleurs, une so-rte d'été indien se déroulant au fin fond des forêts canadiennes où les chutes du Niagara en don-nait comme le rythme saccadé des sources, comme une symphonie des temps perdus!

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Emporté par ce torrent d'émotions, il faillit bien perdre connaissance, mais se ressaisit en repos-ant la lettre sur la table, puis ferma les yeux quelques instants et se mit à tapoter sur les deux pet-its sachets contenant l'antidote. Tiens, tiens, vous deux, j'vous avais complètement oublié! Alors là, n'allez pas croire que je vais vous lâcher comme ça, puisque je vous tiens maintenant. Et les deux petits sachets semblèrent lui répondre par une sorte de toc! toc! dû essentiellement au tam-bourinage de ses doigts. Fait chiez, c'monsieur Crassepoite, mais il en met du temps pour arri-ver! lâcha-t-il avec emportement. J'parie qu'il a dû encore se perdre avec sa voiture dans la circ-ulation communale, tel que je le connais. Et son permis de conduire, j'en suis sûr qu'on lui avait donné par complaisance tellement il a de relations ici. Hum, hum, bon, attendons-le, puisque monsieur le directeur de cabinet veuille prendre son temps.

Chapitre 6

Le mode d'emploi

Ding ! Dong! Ding! Dong!

-Ah c'est lui, je crois!

Ding! Dong!

-J'arrive! J'arrive!

Ding! Dong!

Mais merde, il est con ou quoi? Monsieur Camus ouvrit enfin la porte et aperçut son ami qui semblait au bord de l'asphyxie générale.

-Ah, mon cher Camus, vite, vite, montrez-la moi!

-Mais quoi, mon cher Crassepoite?

-Mais ma dose d'antidote, parbleu!

-Ah oui! Hé ben, elle est sur la table du salon. En attendant cela, il se rua comme un fou dans son salon et faillit bien le renverser.

-Oh, mais faites attention! Vous ne voyez pas que je suis devant vous, hein?

-Oh excusez moi, mon ami, je ne vous avais pas vu..

-Alors là, vous manquez pas de culot!

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-Allez, fermez-là! Heu..je voulais dire la porte. Et rejoignez-moi afin de m'expliquer comment je dois prendre mon antidote. Allez, dépêchez-vous!

-Ooh, calmez vous, je ne suis pas un cheval de course!

-Alors, vous venez?

-D'accord, j'arrive.

Monsieur Camus referma la porte non sans dégoût et partit rejoindre son ami le tyran dans le salon. Quand il arriva devant la table, celui-ci avait déjà touché à tout et il tenait entre les mains la lettre de Jean Lamore qui ne lui était pas adressée!

-Alors là, monsieur Crassepoite, vous exagérez. Reposez-moi immédiatement cette lettre qui ne vous concerne pas.

-Ah oui?

-Oui, parfaitement.

-Mais je croyais que tout ce qui était à vous était à moi, non?

-Mais vous rêvez, mon ami?

-Mais n'est-ce pas vous, la dernière fois dans mon bureau qui?

-Mais moi, je ne vous ai jamais dit ça.

-Bon, bon, d'accord, je la repose.

Ce dernier reposa la lettre sur la table et monsieur Camus prit aussitôt les deux doses d'antidote pour les lui montrer.

-Voilà, mon cher ami, où se trouve notre salut!

-Aaah, faites voir!

Aussitôt, il les lui passa sous le nez, puis les retira comme pour lui montrer que le propriétaire c'était bien lui et personne d'autre.

-Allez, ne chipotez pas comme ça et donnez-moi ma dose. Sâchez que je ne suis pas venu ici pour rien et vous le savez très bien.

-Oh sans aucun doute, Mais avant de vous la donner, il nous faut absolument lire la notice d' emploi, n'est-ce pas?

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-Heu, vous croyez?

-C'est necessaire, mon ami.

-Bon, si vous le dites..

-Allez, prenez cette chaise et asseyez-vous à côté de moi.

-Oui, oui, je suis à vous, mon ami.

Aussitôt, les deux compères s'asséyèrent côte à côte comme deux enfants devant la table et Cam-us commença à lire la notice. Préhambule. Mon cher Camus, voici la notice d'emploi de l'anti-dote de la fièvre bleue et veuillez bien la suivre, sinon son efficacité pourrait bien vous jouer un mauvais tour quand le virus vous attaquera la fin du mois.

-Oulala, c'est pas très rassurant tout ça, mon ami!

Heu..si, si, c'est seulement une mise en garde afin que tout se déroule parfaitement pour nous.

-Puisque vous le dites.

Premièrement, prendre un verre d'eau minérale et non de l'eau du robinet, car la javel pourrait bien détruire l'extrait de BBK qui se trouve dans l'antidote.

-Ah vous voyez monsieur Crassepoite, qu'il nous faut être très rigoureux afin de ne pas nous voir mort à la fin du mois.

-Hé oui!

Deuxièmement, versez le contenu du sachet dans l'eau avec délicatesse, puis mélangez le tout avec une cuillère désinfectée soit à l'alcool soit par le feu. Troisièmement buvez le tout par pe-tites gorgées et non d'un seul coup afin de laisser l'antidote agir progessivement à l'intérieur de vos organes. Quatrièment, allongez-vous sur votre canapé ou bien sur votre lit durant au moins 24 heures pour éviter tout perte d'énergie durant l'incubation de l'extrait de BBK qui pourrait alors amoindrir vos défenses immunitaires. Cinquièmement, suivez tout ça à la lettre et vous serez sauver de la grande épidémie de fièvre bleue. PS : il se peut qu'une petite fièvre se déclare après la prise. Mais n'ayez aucune inquiètude, car celle-ci fait partie entièrement du processus.

-Allez, monsieur Crassepoite, je crois qu'il est temps pour nous de le prendre.

-D'accord, je vais allez chercher dans la cuisine deux verres et de l'eau minérale. Vous, pendant ce temps là, désinfectez-moi une petite cuillère avec de l'alcool.

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-Heu..oui, mais où mettez-vous vos petites cuillères, mon ami?

-Hé ben, suivez moi, comme ça vous le saurez.

-Bien, je vous suis.

Monsieur camus, cette fois-ci, le devança pour ne pas être une nouvelle fois bousculé par celui-ci qui semblait avoir une patience de mouche concernant sa propre survie. 2 minutes plus tard, Camus revint dans le salon avec tout son matériel et Crassepoite était toujours dans la cuisine.

-Hé, monsieur Camus, mais je ne trouve pas l'alcool! Vous le mettez où ordinairement?

-Oulala, c'est pas vrai, mais ce qu'il peut être empoté celui-là! Il est dans l'armoire à pharmacie qui est à côté de la fenêtre.

-Ah oui, d'accord, je la vois. Quelques secondes plus tard, il revint dans le salon avec sa cuillère désinfectée qu'il tenait presque du bout des doigts.

-Allez, passons aux choses sérieuses maintenant..»

Chapitre 7

Le voyage métaphysique

Après qu'ils aient suivi scrupuleusement la notice d'emploi, ils burent ensemble leur potion ma-gique, puis partirent s'allonger : Crassepoite sur le canapé du salon et Camus dans sa chambre. L' antidote ne fut pas long a agir et nos deux héros tombèrent immédiatement dans un sommeil pr-ofond qui ressemblait étrangement à une chute vertigineuse au fond d'un trou d'eau où des bruits de cascades étaient plutôt effrayants. Une angoisse d'eau faillit bien les noyer sur place, mais qui disparut aussitôt qu'ils traversèrent à la nage un marécage se finissant fort heureusement pour eux par une faune verdoyante peuplée d'oiseaux chantant sous un ciel bleu! Cette vision du para-dis, telle qu'ils se l'étaient imaginée auparavant, leur était enfin accessible par ses rives les plus hospitalières. Et nos deux aventuriers, sans aucune espèce de préjugé, s'y étendirent pour y faire sécher leurs vêtements quelque peu mouillés et nauséabonds. Au même instant, un grand soleil apparut dans le ciel comme pour leur souhaiter la bienvenue et un vent chaud se mit subitement à souffler au point que tous leurs vêtements furent nettoyés, puis séchés en un rien de temps. Incroyable, ils n'en croyaient pas leur yeux tellement ça les dépassait! Et ils le vérifiaient par eux-même en se tâtant mutuellement la cravate, puis le col de leur chemise. Oui, bien effectivement, tout était parfaitement sec! constatèrent-ils avec fierté en pensant que leur antidote fonctionnait à merveille et qu'il détenait très certainement des pouvoirs magiques jusque là insoupçonnés. 

-Et si notre antidote possédait aussi le secret de la vie éternelle? demanda soudainement Camus.

-Hé pourquoi pas? répondit Crassepoite d'une façon un peu naïve.

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-Moi, j'en suis parfaitement convaincu, mon ami. Et je pense aussi que l'on devrait se mettre im-médiatement en route afin de le savoir, hum?

-Oui, me semble-t-il..

-Alors, allons-y.

-D'accord, je vous suis.»

Mon cher lecteur, il faut vous dire que cette étrange idée, qui était d'accéder par l'antidote à la vie éternelle, ne leur était pas venue comme ça par hasard, mais qu'elle avait germée depuis le début de cette épidémie de fièvre bleue qui les avait comme catapulter vers des rêves les plus fous où bien évidemment la demeure des dieux leur serait enfin ouverte

Camus prit naturellement les devants et n'eut point peur d'entraîner son compagnon vers cette destination quelque peu prétentieuse. Car le paysage qui se présentait à eux maintenant ne resse-mblait en rien à un pré rempli de coquelicots, mais à une jungle tropicale où des cris d'animaux sauvages s'en échappaient comme en signe d'avertissement. Mais poussés par cette envie irrép-ressible de faire partie de ces nouveaux élus, ils pénétrèrent ce lieu hostile en étant accueillis par un grand éclat de rire ressemblant étrangement à celui d'un singe moqueur! Mais nos deux com-pères, quelque peu embarrassés, essayèrent plus ou moins de le cacher : Camus en sifflotant et Crassepoite en ramassant une branche sur le sol afin de s'en faire une canne ou une arme? En fait, on n'en savait rien. Lieux particulièrement hostiles, avec cette absence de vision lointaine due essentiellement à cette végétation qui barrait tout simplement l'horizon. Mais sans véritable-ment inquièter nos deux héros qui continuèrent à marcher droit devant eux avec une entièrement confiance aux pouvoirs magiques de leur antidote. Sous entendu que c'était la seule voie à sui-vre pour arriver au plus vite dans la demeure des dieux, pensaient-ils, d'un pas étrangement sûr puisque sans boussole, sans coéquipier sérieux et sans l'accord des autres, comme les pionniers d'une ère nouvelle ou d'une nouvelle civilisation. L'important pour eux n'était plus de compter sur leur expérience, mais de suivre leur intuition en décodant les nouveaux signes qui allaient naturellement se présenter à eux. Camus s'arrêta soudainement de siffloter pour écouter les bru-its de la forêt envahir son esprit où le singe s'était tû et un vent léger s'était levé à travers cette faune épaisse qui n'en finissait pas de s'étendre. Reniflant l'air ambiant, comme un petit animal sauvage, il y détecta des odeurs d'épices mélangées à des fruits confis avec l'idée saugrenue que quelqu'un faisait en ce moment la cuisine dans ces lieux perdus, puis interrogea du regard son ami, qui était en train de gratter le sol où des pierres brillantes en sortaient à moitié. Tout à coup, il s'écria : Mon dieu, mais c'est de l'or!

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-Quoi, que dites-vous là, mon ami?

-Oui, vous avez bien entendu, c 'est de l'or et pas du toc, croyez-le bien!

-Faites-voir! Crassepoite arracha aussitôt du sol une petite pépite qu'il montra à Camus. Mon dieu, mais vous avez entièrement raison. Mais c'est de l'or et du vrai! Houha, c'est pas croyable! Trouver de l'or en plein milieu de cette forêt me semble tout à fait surprenant, voyez-vous. Car tout bon explorateur vous le dira, l'or a toujours eu horreur des endroits riches en végétation et préfère plutôt les sols pauvres, mais particulièrement riches en arsenic.

-Oui, cela me semble très exact, mon ami. Mais ce que je vois devant moi semble parfaitement le démentir, n'est-ce pas?

-Oui, je ne vous dirai pas le contraire. Mais n'empêche que ça m'interroge tout de même..

-Alors là, je vous trouve bien difficile devant tout cet or qui ne demande qu'à être exploité et qu' à nous rendre riche au passage, n'est-ce pas?

-Oui, peut être, mais?

-Mais quoi?

-Je pensais au véritable but de notre expédition qui, ne l'oublions pas, est d'atteindre la demeure des dieux avant ce soir, n'est-ce pas?

-Quoi, vous vous inquiétez pour cela, alors que nous sommes riches maintenant. Mais vous êtes complètement fou!

-Oh, oh, mesurez un peu vos paroles, mon ami. Et pour ne rien vous cacher, je pense que tout cet or n'est pas réel..

-Alors là, vous dépassez les bornes. Tenez, prenez ça dans votre main et soupesez-le. Alors qu' en pensez-vous?

-Certes ça a un certain poids. Mais de là à nous transformer en mineur de fond, votre proposi-tion me semble tout à fait cocasse. En pensant que tout cet or a été mis sur notre route afin de nous tendre un piège ni plus ni moins.

-Et bien sûr, vous pensez que ce sont les dieux qui l'auraient mis pour nous écarter du bon che-min?

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-Oui, parfaitement.

-Bon, bon, je n'insiste pas puisque vous le voyez comme ça! dit monsieur Crassepoite non sans amertume dans la bouche.

-Parfait, parfait et maintenant ne perdons plus notre temps et reprenons notre route, si vous le voulez bien.

-D'accord, je vous suis, m'sieur Camus.

Celui-ci reprit aussitôt les devants et assura une nouvelle fois à son compagnon le bien fondé de ses propres théories en lui disant que le sacrifice de l'or en valait bien la chandelle vu que le pouvoir était au bout et non cette compromission à l'or. Crassepoite, quelque peu déprimé, l' écoutait en marchant et hochait la tête de temps en temps pour lui dire qu'il avait raison et Ca-mus semblait heureux d'avoir un compagnon comme son directeur de cabinet soumis à tous ses désirs. Et lui lançait en retour de grands sourires hypocrites pour reprendre son petit discours d' intellectuel perdu dans la jungle. Au bout d'une demi-heure de marche et de discutions unilatéra-les, ils atteignirent enfin une clairière qui leur offrit un ciel magnifique où des oiseaux de toutes espèces voltigeaient avec frénésie en tournoyant sur eux mêmes ou bien montaient soudaineme-ment vers des hauteurs infinies pour jeter des cris de bonheur. Une immense joie alors les subm-ergea en restant comme ça un peu hébétés devant ce spectacle aux allures prophétiques. Mais le clou du spectaccle fut véritablement atteint, quand les oiseaux disparurent du ciel en laissant pl-ace à un concert d'applaudissements, comme surgissant de nulle part! Camus et Crassepoite se demandaient si tout cela était bien réel? Et se sentant personnellement touchés par tous ces app-laudissements, ils plièrent une fois, puis deux fois l'echine devant cette scène assez étrange où aucun public n'était visible!

Ô merci public adoré! prononça en catamini Camus entre deux courbettes. Son ami, intrigué et voulant savoir quel effet ça pouvait faire d'être applaudit pour des pitreries, essaya une ou deux roulades au sol; mais l'autre furieux le remit aussitôt sur ses jambes pour lui faire reprendre une pose disons plus diplomatique. C'est à dire une pose élégante et souriante face à un public invisi-ble, mais présent par ses applaudissements. Bien que mécontent, il le comprit et un sourire très cheese s'imprima aussitôt sur ses lèvres, quoique minces, mais non moins agiles à jouer avec les sentiments. Merci Ô public adoré! prononça une nouvelle fois Camus dont la voix était cassée par l'émotion. Oh non, c'est vraiment trop, public adoré! rétira-t-il comme comblé par son amour propre. Puis il fit une petite révérence, mais cette fois-ci en jouant sur la flexion du poignet comme au temps des rois. Son compère essaya tout bêtement de l'imiter, mais il fut tellement ridicule qu'il déclencha au milieu de tous ces applaudissements une cascade de rires, Ah!Ah!Ah! Subjugué par ce qu'il venait d'entendre, il essaya à nouveau, mais cette fois-ci en faisant une horrible grimace. Aussitôt, les rires redoublèrent et Camus dût s'avouer que son directeur de ca-binet avait plus de succès que lui auprès du public dans le domaine du rire. Exaspéré, il tenta lui aussi de faire une grimace, mais sans aucun succés quand il constata qu' aucun éclat de rires ne surgit de la foule invisible! Dépité, il continua à faire ce qu'il savait faire le mieux, c'est à dire des courbettes.

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Mais la suite fut pour lui très pénible au point de devenir un vrai supplice. Car les applaudisse-ments, au lieu de s'apaiser et de s'arrêter comme il était convenu à la fin de tout spectacle digne de ce nom, s'amplifièrent d'une manière monstrueuse qu'ils en devinrent un véritable vacarme. Crassepoite, quant à lui, ne semblait rien entendre et continuait à se rouler par terre où les rires fusèrent de plus belle. Quel taré, ce type là, il n'entend rien à ce qui se passe autour de lui! Mais il est sourd ou quoi? Exaspéré par son comportement débile, il enfonça ses deux doigts dans ses oreilles pour lui montrer qu'ils devaient partir au plus vite de ce lieu devenu infernal en lui cri-ant : Vite, partons d'ici, car les dieux sont en train de nous tendre un piège pour flatter notre égo et faire échouer notre plan de les approcher! Sans broncher Crassepoite se releva et le suivit. Tous les deux coupèrent en ligne droite la clairière et s'enfonçèrent dans un petit bois pour se mettre à l'abri. Après une course effrénée, nos deux héros, se sentant enfin en sécurité, s'arrêtère-nt de courir en s'asseyant sur un vieux troncs d'arbre qu'il y avait au sol. Le souffle coupé et la gorge en feu, ils se regardaient avec des yeux exorbités qui contenaient comme des reproches d' aimer un peu trop cette gloire à bon marché que proposait le public à tous ceux qui voulait le séduire. C'est vrai qu'à ce jeu, ils s'y étaient piqués, mais ne s'y reprendraient pas d'ici tôt! se ju-raient-ils d'un air fâché. Ayant repris un peu de force, ils se remirent en route et arrivèrent assez rapidement de l'autre côté du petit bois.

Bizarrement, celui-ci donnait sur des dunes de sable bleu où un vent furieux soulevait des nua-ges blancs donnant naissance à un fabuleux spectacle où le ciel semblait être produit par des fo-rces inconnues et divines. Le sable, quant à lui, semblait froid comme de la glace et une route de fortune était tracée par divers ossements d'une blancheur éclatante sous un soleil rouge. Camus, prudent, posa un pied dessus pour voir s'il n'était pas mouvant, tâta sa dureté, puis fit quelques pas en avant. Apparemment, celui-ci semblait supporter son poids et leva la tête pour embrasser du regard le haut de la dune où il remarqua des formes géométriques parfaites se dresser vers le ciel.

-Ah c'est ce je pensais! lâcha-il soudainement. Son ami le regardait alors comme intrigué. Heu, monsieur crassepoite, vous voyez là haut ces grandes colonnes de marbre?

-Oui, bien évidemment que je les vois, je ne suis pas aveugle!

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Eh ben, je crois que c'est là où doit se trouver notre entrée qui doit mener à la demeure des dieux.

-Si vous le dites!

-Et je pense qu'on y verra plus clair quand nous les auront atteintes, voyez-vous.

-Hé ben, allons-y!

-Hé ben, mon ami, je vous trouve bien courageux.

-Alors là, pas du tout, mon ami, et c'est plutôt parce que je n'ai plus véritablement le choix que j'emploie ce langage avec vous, voilà la vérité.  

-Franchement, je suis un peu déçu que vous me teniez ce langage, alors que nous sommes si prés du but. Mais si vous le percevez ainsi, je ne peux pas vous en tenir grief. Mais ceci dit en passa-nt, je trouve que vous avez pris un peu de poil de la bête depuis le début de notre expédition, hum?

-Oui, un peu. Mais de là à me prendre pour Indiana Jones, ce serait un peu exagéré, n'est-ce pas?

-Oh oui, très certainement. Mais bon..

Ne sachant plus quoi lui répondre, Camus se tut et le regardait avec des yeux remplis d'estimes. Car ce langage franc et direct ne lui déplaisait aucunement, mais le rassurait sur la sincérité des propos qu'il venait d'entendre. Il s'approcha doucement de son compagnon et lui posa la main sur l'épaule comme pour lui montrer son affection. Crassepoite, touché par ce geste, le regardait à son tour avec des yeux humides, mais non moins, remplis de courage.

Mon cher lecteur, je ne vous cacherai pas, ce qu'il y avait de touchant et de beau dans cette scène aux allures hollywoodiennes( à part, bien évidemment, les yeux humides de monsieur Crassepoi-te), c'était le paysage qu'il y avait autour d'eux qui formait le troisième personnage de cette aven-ture extraordinaire. Imaginez un peu, nos deux héros en bas d'une dune de 400 mètres de haut ressemblant étrangement à deux points minuscules qui gesticulaient pour atteindre l'éternité! Ce-rtains pourraient prendre la scène pour quelque chose de tragi-comique, n'est-ce pas? Mais moi, qui suis que le spectateur de leurs exploits, je ne peux leur dire qu'une chose, c'est Bravo. Oui, bravo pour le courage qu'ils ont d'affronter la mort afin d'accéder au rang des dieux. Pure mégal-omanie, me direz-vous. Oui, très probablement, mais non moins beau par le combat qu'il néces-site, n'est-ce pas?

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Armés de deux bâtons de pèlerins, nos deux héros s'engagèrent sur la dune en marchant oblique-ment pour arriver au sommet. En cours de route, le vent souffla si fort qu'il les rejeta plusieurs fois en bas de la dune et s'en tirèrent à chaque fois par quelques contusions ou quelques bleus aux genoux et au coudes. Camus imagina alors un stratagème afin de déjouer ce vent capricieux très certainement guidé par des esprits malins voulant jouer avec leur nerf. En remarquant au so-mmet de la dune, un vent si puissant que personne à vrai dire pouvait le franchir où des forces d'une rare violence rejetait tout à l'extérieur et empêchait son franchissement. Camus décida donc de fabriquer une aile delta pour le franchir qui, bien évidemment, serait montée sur place en pièces détachées pour des raisons pratiques. Quant à la suite, celle-ci serait ce qu'elle serait puisque sans aucune certitude quant à sa réussite.

Après qu'ils en aient discuté ensemble, ils retournèrent dans le petit bois chercher des branches pour la fabriquer. Celles-ci furent coupées, puis élaguées avec le couteau Suisse de monsieur Crassepoite. Entre temps, Camus, sur une simple feuille de papier, avait dessiné le plan de leur aile avec plus ou moins de détails. Mais son véritable tourment était de trouver la voile qui la recouvrirait et avait demandé a plusieurs reprises à son ami s'il avait une idée sur la question. Mais ce dernier, un peu fatigué par les excentricités de son compagnon, lui répondait à chaque fois qu'il n'en savait rien et qu'il ferait mieux de demander aux gorilles de la forêt s'ils avaient la réponse! Camus, exaspèré, lui répondait que son attitude laissait à désirer et qu'il ferait mieux de l'aider et de trouver une solution avant la nuit, sinon ils risquaient tout simplement de mourir de froid et de faim! En lui faisant peur de cette façon, Crassepoite lâcha soudainement : Oh, mon-sieur Camus, je crois que je la tiens notre solution!

-Ah oui et quelle est elle? lui demanda-t-il en n'y croyant qu'à moitié.

-Oui, oui, je pensais à toutes ces feuilles de bananiers qu'on pourrait...

-Quoi, à des feuilles de bananiers? Mais ne seriez-vous pas devenu fou, mon ami?

-Mais attendez un peu que je finisse! Oui, je pensais à toutes ces feuilles de bananiers qu'on a vu tout à l'heure en traversant la jungle et qu'on pourrait coudre entre elles avec de petites lianes, afin de réaliser une sorte de toit pour couvrir notre aile.

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-Mais oui, parbleu, c'est ça qu'il nous faut! Mon dieu, Crassepoite, je ne vous savais pas si créa-tif dans de telles circonstances! Houhaa, mais elle est géniale votre idée! Vous voyez que vous aussi pouviez avoir du génie et c'est que j'essaie de vous faire comprendre depuis le début de notre aventure, croyez-moi.

-Je vous remercie beaucoup pour cette remarque. Mais il faut dire que cette idée elle m'est venue tout simplement parce que je ne voulais pas mourir loin de chez moi, et disons-le franchement, loin de mon bureau. Bien, bien, si cela vous stimule ainsi, mon ami, je n'ai rien contre. Allez, ne perdons plus notre temps et repartons dans la forêt.

-D'accord, je vous suis...

Sur ces mots, nos deux acolytes retraversèrent le petit bois, puis la clairière et s'enfonçèrent à nouveau dans cette jungle qu'ils avaient tout à l'heure traversée avec une certaine crainte. Mais cette fois-ci, ils n'eurent aucune surprise désagréable et trouvèrent sans problème les feuilles de bananiers et les petites lianes végétales dont ils avaient besoin pour réaliser leur aile delta. L'en-semble fut transporté à dos d'hommes en deux ou trois voyages sur les flans de la dune et les 2 bâtons de pèlerin jetés pour cause d'embarras. Camus, aidé par son compagnon, escaladèrent à nouveau cette dune vertigineuse, mais avec cette fois-ci tout leur matériel sur leur dos. Ce dern-ier porta les branches et Crassepoite les feuilles de bananiers et les lianes. Si la montée ne fut pas une partie de plaisir, ils ne s'en plaignirent aucunement parce que les enjeux en valaient bien la chandelle, pensaient-ils le coeur léger. Ils arrivèrent assez rapidement au sommet et à l'endroit stratégique où ils devaient s'élancer dans le vide pour accéder enfin à la vie éternelle.

-Ca y'est, je crois qu'on y est! lâcha Camus complètement exténué en posant ses branches sur le sable.

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-Oh oui, mon ami, et c'est une chance que nous y sommes arrivés sans dommages vu ce satané vent qui aurait pu sans problème nous renvoyer tout en bas. Mais étrangement, Camus ne lui ré-pondit pas parce qu'il regardait tout simplement l'horizon où il voyait un ciel d'un rouge écar-late, une jungle d'un vert intense et une mer de sable bleu dont les dunes ressemblaient étrang-ement aux vagues d'un océan figé dans le temps et dans l'espace, ce qui le déroutait beaucoup en vérité. Et pour une raison inconnue, il plongea sa main dans le sable pour en extraire une poig-née qu'il se mit à observer attentivement en la laissant s'échapper doucement. Où il sentit des mi-lliers de petits fourmillements, tels de petits atomes vivants, lui caresser les doigts ainsi que l'es-prit par des questions philosophiques, comme pour lui montrer l'insignifiance des choses liées au temps. Quelque peu dégoûté, il se frotta les mains l'une contre l'autre pour en détacher les dernières particules, puis se tourna vers son ami pour lui dire : Mon cher Crassepoite, je pense qu'il est temps pour nous de nous mettre au travail!

-Oui, soyons pratique, mon ami.

Camus sortit de sa poche le plan de l'aile et l'étala sur le sable, puis il prit son crayon pour en rectifier les dimensions par la peur qu'elle ne supporte pas le poids de deux personnes en l'air. La branche centrale, qui devait soutenir l'ensemble, ferait 24 pieds de long et la branche transversale 12 pieds de large, afin que l'ensemble forme un triangle parfait, pensa-t-il tout en mastiquant son crayon dans sa bouche. Ayant passé en revue tous les petits défauts mécaniques de son aile, il passa ensuite à la voile et demanda à son ami comment il allait s'y prendre. Mon ami, dit-il, don-nez-moi seulement la dimension qu'il vous faut et je pense, avec ces feuilles de bananiers et ces petites lianes, pouvoir m'en sortir

-Bien, si vous le dites. En tout, il me faudrait une surface de 25 pieds de long sur une largeur de 13 pieds pour n'avoir aucune surprise.

-D'accord, ce sera fait!

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-Ok, moi pendant ce temps là, je vais commencer à faire l'armature! dit-il en prenant 2 branches, puis partit à une dizaine de mètres plus loin pour réaliser son ouvrage. Crassepoite, quant à lui, arpenta la dune et traça avec un bâton la dimension de la voile. Après cela, il prit une pile de feuilles de bananiers avec des lianes et s'asseya à côté pour commençer à coudre les feuilles en-tre elles, comme une bonne couturière le ferait pour un ouvrage vestimentaire qui s'étalait au fur et à mesure de sa fabrication. Son compagnon travaillait lui aussi très vite et avait en quelques minutes relié, grâce à des lianes, les branches entre elles où une sorte de triangle semblait prend-re forme sous ses yeux à son grand contentement. Après l'armature, pensa-t-il, il faudra la con-solider par de petites traverses légères, sinon rien ne pourra tenir, c'est évident. Pour cela, il cas-sa des branches plus courtes et les fixa de part et d'autre de l'armature pour assurer une certaine stabilité à son ouvrage. Crassepoite avançait très vite et la forme, qu'il avait traçée tout à l'heure sur le sable, était pratiquement recouverte d'un grand tapis vert où des lianes jaunes formaient un treillage artistique. Camus, voyant cela, lui adressa un compliment que ce dernier remercia par un regard ému.

-Encore quelques feuilles à coudre et ce sera fini! lança-t-il.

-Parfait, parfait, mon ami. Moi, il ne manque plus que votre ouvrage pour que le mien soit term-iné. Mais prenez votre temps, je ne veux pas vous embêter. Sur ces mots, il s'asseya sur le sable et fixa l'horizon, qui entre temps avait changé, où le rouge du ciel était devenu plus sombre ainsi que tout le reste du paysage. Mais ne s'en inquiétait guère, car de l'autre côté un autre paysage allait s'offrir à lui avec forcèment un nouveau soleil et tout le reste inimaginable.

-Ca y'es, j'ai fini, monsieur Camus! Allez, aidez-moi maintenant à le transporter.

Aussitôt son collègue se releva et alla se placer à l'autre bout de l'ouvrage.

-Heu..faites-attention, prenez-le bien part les deux bouts pour éviter qu'il se déchire.

-D'accord, d'accord, je fais attention. Et ils le transportèrent ainsi sur une dizaine de mètres, puis le posèrent délicatement sur l'aile.

-Youhaa, ça en bouche un coin tout de même, monsieur Camus, hein?

-Ouhais et je dirai même que tout cela me semble extraordinaire de pouvoir fabriquer un si bel appareil avec si peu de matériaux qui va enfin nous faire visiter la demeure des dieux.

-Oui, c'est assez surprenant de le penser, mon ami. Mais c'est bien réel, puisque nous le voyons de nos propres yeux, n'est-ce pas?

-Oui, c'est vrai. Mais avant cela, attachons-la solidement pour éviter qu'elle ne s'envole, car j'ai remarqué que le vent faisait quelques embardées.

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-Oui, moi aussi, je l'avais remarqué, répondit Crassepoite en pliant les genoux devant l' ouvrage avant de commencer à coudre la voile sur l'armature.

-Mon ami, je vous laisse faire vu vos talents de couturière qui me dépasse un peu. Moi pendant ce temps là, je vais préparer les harnais de sécurité pour que l'on puisse tout de même être en sécurité sur notre engin et je pense que deux bonnes lianes feront l'affaire..

-Pour la sécurité,  je vous fais entièrement confiance. Sur ces mots, il partit chercher dans le tas de lianes, les plus longues, mais aussi les plus solides pour fabriquer une sorte de noeud coulant sur chacune en attendant que son ami finisse de coudre les derniers morceaux de la voile sur l'ar-mature. Quand il eut finit son travail, Crassepoite se releva et Camus lui tendit une liane afin qu' il la mette autour de sa taille. Après cela, il lui demanda de soulever l'aile pour qu'il puisse poser le triangle de direction qui devra servir à diriger l'engin quand il sera dans les airs. Avec intelli-gence, il le fixa solidement avec une liane sur le point G de l'aile qui était ni plus ni moins le centre de gravité de l'appareil afin que celui-ci vole droit et pas dans tous les sens. Tout ceci av-ait été plus ou moins calculé par Camus en fonction de leur poids respectif, mais aussi par celui de l'appareil.

-Tenez-le encore une minute ou deux comme ça et là je pense que j'aurai fini.

-D'accord, mais faites vite, car le vent semble s'amuser avec nous et j'ai bien peur que notre aile s'envole sans nous!

-Encore une minute! Ca y'est, c'est bon, maintenant vous pouvez le reposer.

-Ouf, ça commençait vraiment à être lourd!

-Oui je sais, mais c'est ce vent qui..Heu, monsieur Crassepoite, je voudrais vous expliquer une dernière chose avant de nous lancer dans les airs avec notre aile, c'est la manière dont nous all-ons la piloter qui se fera grâce au triangle de direction que je viens de fixer. De même qu'il nous faudra utiliser le balancement de notre corps sur les harnais de sécurité pour nous diriger.

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-Oui, oui, j'ai bien compris, je me pousserai quand vous me l'ordonnerez, c'est bien cela?

-Oui, parfaitement. Bon, allons-y maintenant et fixons nos harnais de sécurité à cet endroit en lui montrant la branche autour de laquelle il devait faire passer et y faire un noeud solide. Ceci fait, les deux compères passèrent sous l'appareil et le soulevèrent par le triangle de direction qui se souleva assez facilement. Aidé par une petite brise, l'appareil tenait pratiquement tout seul en l' air.

-Houhaa, c'est dingue, mais ça à l'air de marcher!

-Mais c'est ce que je vous disais, mon ami..et les dieux ne vont certainement pas être content de nous voir survoler leur territoire, Ah!Ah!Ah! Écoutez comme le vent est furieux de l'autre côté!

-Oh oui, je l'entends et ça ressemble à une tempête!

-Sans aucun doute. Mais tout cela n'a vraiment plus importance, puisque nous avons maintenant notre aile. Et à moins qu'elle ne craque avant, elle va nous emporter vers la demeure des dieux et ainsi nous consacrer, Ah!Ah!Ah!

-Si vous le dites, alors allons-y!

-Prêt à vous envoler pour la vie éternelle, mon ami?

-A vos ordres, mon capitaine! lança un peu maladroitement Crassepoite qui avait un peu de sable bleu collé sur le front. Sur ces mots, ils poussèrent leur appareil au bord de la dune et s'élançèr-ent dans le vide. L'aile delta fit aussitôt deux looping avant de plonger de l'autre côté où un vent furieux les souleva vers des hauteurs infinies, puis les fit redescendre à une vitesse vertigineuse en frôlant les falaises intérieures en grès rose. Les deux pilotes, épouvantés, lancèrent des cris de joies et de terreurs en même temps, mais purent rétablir magistralement leur aile grâce à leur témérité.

Maintenant, ils survolaient une région assez calme où le vent semblait comme sortir de terre et gonfler leur voile en feuilles de bananiers.

-Mon ami, je crois que nous sommes passé à travers! souffla Camus à son coéquipier qui se balançait à côté de lui sur son harnais de sécurité.

-Oui, je le crois moi aussi, vu que le vent s'est vachement calmé depuis tout à l'heure.

-Mais gardons le cap et nous verrons où le vent nous portera.

-Oui, très bien, gardons ce cap. 

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L'aile ressemblait étrangement, par sa voile de verdure et par ses deux pilotes rougis par le vent glacial, à un oiseau de race inconnue qui continuait à s'enfoncer dans cette région froide où au-cun mortel n'était invité à survoler ou du moins atterrir. Leur appareil semblait frémir sous le vent et de temps en temps Camus jetait des coups d'oeil à la voile qui semblait tenir le coup, pensait-il en reprenant sa position de vol. Crassepoite, quant à lui, était "aux anges" et très heu-reux que son ouvrage ait tenu le coup au vent furieux et un sourire un peu bête s'imprimait sur sa bouche. Le vent, tel un alcool fort, semblait les saouler et provoquer en eux des cris de joie incontrôlés. Un vent chaud soudainement fit monter l'aile au dessus d'une mer de nuages roses, puis l'entraîna dans une percée où elle prit énormément de vitesse où un coup de tonnerre gronda et une pluie fine s'abattit sur leur voile où les feuilles de bananiers évacuèrent l'eau par les côtés en gardant parfaitement leur étanchéité. Tout ceci dura une minute ou deux, puis un grand soleil apparut en face, comme une grosse médaille en jetant des rayons intenses à tout l'univers; la tem-pérature monta soudainement et les feuilles de bananiers, au lieu de griller et de partir en fum-ée, se soudèrent entre elles pour former un tapis uniorme totalement étanche!

-La chance est avec nous! lança Camus en voyant tout cela s'opérer au dessus de sa tête. Crassep-oite n'en croyait pas ses yeux et pensait que ces feuilles de bananiers devaient êtres indestructi-bles pour pouvoir supporter tant d'épreuves : épreuves, bien évidemment, envoyées par les dieux afin qu'aucun mortel ne puisse s'approcher de leur demeure, pensaient-ils d'une manière euphor-ique.

L'aile semblait continuer son voyage comme si de rien n'était et nos deux aventuriers essayèrent une manoeuvre vers le bas pour y voir plus clair. Manoeuvrant tous les deux le triangle de direc-tion, ils plongèrent aussitôt au milieu d'une immense vallée où ils y aperçurent un nombre imp-ortant de petits lacs tranquilles dont les bords étaient habités par de grandes bâtisses austères, mais non moins attachantes pour une âme solitaire et recueillie.

-Ah c'est ce que je pensais! dit soudainement Camus.

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-Ah oui? répondit un peu machinalement Crassepoite.

-Oui, mon ami. Car, voyez-vous, j'ai toujours pensé que les dieux avaient des goûts comme cela où leur paysage préféré était celui de la tranquillité avec très peu de confort en vérité. Et les ors et les pierries qu'on s'imagine souvent à leur place ne leur sont ici d'aucune utilité où tout est gratuit avec une nature généreuse et de bons esclaves travaillant au champ avec le sourire, etc, etc.

-Désolé, mon cher, mais je ne vois rien de tout cela en dessous!

-Mais soyez patient, c'est ce nous allons sûrement voir dans un petit instant..

Aussitôt dit aussitôt fait, nos deux acolytes poussèrent le triangle de direction vers le bas pour se trouver à survoler l'une des grandes bâtisses où ils y aperçurent un vieil homme en tunique bl-anche qui promenait son chien au bord du lac.

-Mon dieu, Camus, ça y'est, j'en ai vu un!

-Oui, je le vois moi aussi et celui-ci n'a vraiment pas l'air de s'en faire, hum?

-Mais c'est normal puisque c'est un dieu.

-Et son chien, j' parie que ça doit être lui aussi une sorte de dieu animal, n'est-ce pas?

-Oh oui, forcément, vu qu'ici seuls les immortels ont droit de cité. Et si nous pouvons le survol-er, c'est tout simplement grâce à notre antidote qui possède des pouvoirs magiques.

En continuant ainsi leur voyage, ils survolèrent une deuxième bâtisse où ils y aperçurent un deu-xième homme, qui était habillé en tunique bleue et tenait dans ses bras une guenon à laquelle il faisait des bisous!

-Vous avez vu, mais c'est à tordre de rire cette histoire, non?

-Oui, mais n'oubliez pas que ce sont des dieux et ils font ce qu'ils veulent nos dieux.

-Oui, mais n'empêche que je leur trouve de drôle de moeurs.

-Possible ce que vous dites là. Mais allons voir plus loin s'il en ait pas d'autres de la même trem-pe, mon ami.

-D'accord, allons-y.

Aussitôt, ils dirigèrent leur voile vers une troisième bâtisse où ils aperçurent au milieu d'un lac, un homme chevauchant le dos d'une baleine avec force agilité et une joie certaine.

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-Non de dieu, mais vous avez vu comme ils ont l'air de bien s'amuser ces deux là!

-Oui, je le vois bien. Mais il y a quelque chose qui m'intrigue un peu dans tout cela. Car depuis que nous survolons ces bâtisses, nous y avons vu aucune femme! Visiblement nos dieux ont pl-utôt l'air de préférer la compagnie d'animaux domestiques que celle des femmes pour des raiso-ns évidentes, Ah!Ah!Ah!

-Tout à fait d'accord avec vous, Ah!Ah!Ah! Mais continuons notre voyage afin d'en savoir un peu plus sur ce paradis perdu. Sur ces mots, ils survolèrent une dizaine d'autres bâtisses et purent constater, bien éffectivement, que les dieux vivaient seuls ou du moins accompagnés par un ani-mal domestique.Voyez-vous, monsieur Crassepoite, ce que je pense, c'est que nos dieux sont de parfaits célibataires et bien évidemment pour des raisons de tranquillité. Car s'ils devaient su-pporter une femme à la maison, ils ne pourraient plus méditer quand ils le voudraient ou bien s' amuser en les obligeant à rentrer à heures fixes à la maison, sinon elles leur feraient des repro-ches comme à ceux qu'on fait aux petits enfants!

-Oh comme je les comprends!

-Mais continuons notre route si vous le voulez bien.

-Oh oui,  je suis vraiment intéressé par leur société qui à première vue est celle d'un paradis per-du.

-Oui, ça en à tout l'air. Mais soyons prudent, car celui-ci pourrait bien nous cacher quelques sur-prises, dit Camus en reprenant sa position de vol. Après qu'ils aient survolé une grosse partie des bâtisses, ils survolèrent des champs à perte de vue où ils aperçurent, courbés sur les moissons, des hommes à la peau verte et d'autres à la peau fluorescente cueillir sur de longues échelles des fruits d'une grosseur inhabituelle.

-Allons plus loin, dit-il, mué par un désir de connaître la vérité. En allant toujours tout droit et, après qu'ils aient traversé champs et vergers, ils aperçurent au dessous d'eux, une terre totaleme-nt désolée où se dressait des bâtiments sans toits extérieurs, mais grillagées par le haut. Mon dieu, mais ce sont des prisons! lâcha soudainement Crassepoite.

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-Oui, ça en a tout l'air. Mais allons voir de plus près, mon ami. Aussitôt, nos deux compères bai-ssèrent le triangle de direction et se trouvèrent en quelques secondes au dessus des grilles de la prison où ils aperçurent à leur grande surprise des milliers des femmes qui criaient : A mort les tyrans! A mort les despotes! Nous voulons la liberté sexuelle! Rendez-nous nos enfants, nos ma-ris et nos amants! A mort les tyrans! A mort les despotes! Nos deux pilotes, en redressant leur appareil vers le ciel, se lançaient des regards interrogatifs et se demandaient si leur intuition n'ét-ait pas la bonne? Confus pendant quelques instants, ils s'en allèrent de cet endroit pour aller voir plus loin si une explication leur serait donnée. En reprenant de l'altitude, ils aperçurent au loin le sommet d'une montagne à l'aspect lugubre dont la roche était noire comme la mort!

-Mon dieu, vous voyez ce que je vois?

-Oui et ça ressemble étrangement à un volcan. Mais soyons prudent en nous y approchant, car celui-ci pourrait bien entrer en éruption et détruire notre voile en quelques secondes! En descen-dant vers la base du volcan, ils furent étonnés d'apercevoir un nombre assez impressionnant d' enfants et de jeunes hommes qui semblaient marcher aveuglément vers le sommet.

-Mon dieu, mais il y a des enfants!

-Oui et j'en bien peur que je commence un peu à comprendre..

-Ah oui?

-Oui, malheureusement.

En remontons au niveau du cratère pour en savoir un peu plus, l'appareil se porta au dessus du volcan où nos deux aventuriers purent assister à un spectacle digne de la cité des dieux : où le fl-ot humain, qu'on avait aperçu en bas du volcan, réapparaissait maintenant au sommet et se jetait d'une manière continue au fond du cratère où il disparaissait engloutit dans la lave en fusion! L'image faisait véritablement froid dans le dos malgré la température des lieux, je ne vous le cac-herai pas. Mais ce qu'il y avait d'étrange dans cette cérémonie funeste, c'était l'impression que to-ute cette jeunesse ne se rendait pas bien compte de son sacrifice en y allant, non pas le coeur lé-ger, mais pareillement à des automates guidés par des forces invisibles.

-Mon dieu, je crois avoir tout compris! lança Camus pris soudainement par une révélation.

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-Ah oui? demanda son ami quelque peu sonné par ce qu'il venait de voir.

-Oui, je crois, car si les dieux en sont arrivés à sacrifier les enfants et les jeunes hommes, c'est pour une raison assez simple, voyez-vous.

-Ah oui et pour laquelle?

-Pour tout simplement n'avoir plus à s'occuper des Hommes afin d'assurer leur tranquillité, ni plus ni moins.

-Pour uniquement ceci?

-Oui, mais c'est déjà un exploit d'y arriver, mon ami, quand on sait que cette préoccupation pour les Hommes est la source de tous nos ennuis sur la Terre et nous empêche d'accéder au vrai bon-heur dont rêve les poètes quand ils rentrent en transe en découvrant que la vraie vie est ailleurs et certainement pas dans la réalité!

-Ah oui?

-Oui, parce que je suis convaincu que le bonheur n'est pas fait pour nous et, plus particulièreme-nt, pour ce couple assez étrange que forme l'homme et la femme qui se fait la "gueguerre" perpé-tuellement l'un contre l'autre afin d'obtenir la garde des enfants en extrapolant la chose, bien évi-demment. Les dieux, faut se l'avouer, n'ont plus ce problème et sont desormais heureux grâce à cet état parfait de solitude en ayant plus affaire aux Hommes. Certes de parfaits égoïstes, ne nous le cachons pas, mais pour un bonheur total qu'ils ne veulent en aucune façon dérangé par un pla-isir si fugitif qu'est le bonheur humain : illusion du bonheur que nous même mortels connaiss-ons très bien pour en avoir fait l'éloge ridicule auprès de nos semblables, n'est-ce pas? En résu-mé, les dieux ne veulent plus s'occuper des Hommes parce qu'ils en ont marre de s'occuper d' idiots, Ah!Ah!Ah! 

-Entièrement d'accord avec vous, monsieur Camus! dit Crassepoite en le regardant d'un air mali-cieux

-Pourtant leur royaume est toujours accessible à ceux qui le veulent bien, mais à condition qu' ils soient poètes au fond de leur coeur ou bien très malheureux auprès de leurs semblables. Au-tre chose, mon ami, c'est le défaut qu'on les femmes de vouloir "pondre" d'une manière illimitée qui est un véritable drame pour la planète, voyez-vous. Et que ce comportement irresponsable demandera forcément des comptes aux futures générations afin d'éviter le chaos social tel est no-tre desaccord sur l'évolution de la socièté. Et les dieux ont bien évidemment trouvé la solution en éliminant tout simplement la prolifération de l'espèce humaine sur la Terre!

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-Mais c'est insensé, non?

-Je ne vous dirai pas le contraire. Mais vous personnellement qu'elle serait votre position mora-le, si on vous proposait d'y vivre  à ce prix la?

-Moi?

-Oui, vous.

-Hé ben, pour ne rien vous cacher, comme je suis redevenu célibataire, je ne refuserais pas la pr-oposition si mon bonheur personnel en était la finalité.

-Bien, c'est ce que je pensais et étant célibataire comme vous, si les dieux me proposaient de vi-vre avec eux, je ne serais bien évidemment pas contre. Monsieur Crassepoite, je vois que nous sommes une fois de plus cul et chemise, n'est-ce pas?

-Hé oui, il me semble bien.

-Hé alors qu'attendons nous pour nous y poser?

-Hé oui et pourquoi pas, mon ami?

Chapitre 8

Le retour à la réalité

Monsieur Camus et monsieur Crassepoite, qui voulaient manoeuvrer le triangle de direction ve-rs le bas, celui-ci pour une raison inconnue se cassa et leur appareil fut emporté par un vent furi-eux et partit dans les airs tel un fétus de paille. La voile en feuille de bananier se déchira comme du papier à cigarette et l'armature de l'aile se disloqua en libérant les harnais de sécurité où nos deux aventuriers furent éjectés en plein ciel! L'un partit à gauche et l'autre à droite avec leur bout de harnais encore fixé autour de la taille. Une chute vertigineuse s'ensuivit vers les dunes de sa-ble bleu et tous les deux prièrent que tout ceci ne fut qu'un mauvais rêve, puis la nuit tomba brutalement autour d'eux. 

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Aussitôt Camus se réveilla en sursaut dans sa chambre qui était plongée dans la plus sombre ob-scurité, puis se leva pour se diriger vers la fenêtre afin de se donner une idée de l'heure qu'il pou-vait bien être. En poussant le rideau, il s'aperçut que dehors il faisait nuit et que tout était éteint, les lampadaires et les cabines téléphoniques. Mon dieu, mais quelle heure peut-il bien être? D'un pas pressé, il sortit de sa chambre et s'enfonça dans l'obscurité du salon où apercevant de la lum-ière dans la cuisine, il s'y précipita et vit à son grand soulagement, monsieur Crassepoite qui se servait un verre d'eau au robinet.

-Ah comme j'ai eu peur de ne plus vous revoir, mon ami!

-Moi de même, répondit Robert en reposant son verre sur le bord de l'évier.Vous savez, je ne sais pas comment vous le dire, mais votre antidote m'a laissé un peu sur ma faim quant à son po-uvoir réel. Fichtre! se sentir s'y proche de la demeure de dieux et ne pas pouvoir y atterrir, tout cela est plutôt decevant, n'est-ce pas?

-Mais quoi, vous etiez aussi? demanda Camus surpris.

-Mais vous le faites exprès ou quoi? Mais vous étiez bien à mes côtés sur l'aile delta quand cel-le-ci a craqué en plein ciel, non?

-Oui, oui, bien sûr. Mais voyez-vous, je trouve très surprenant que le délire provoqué par l'anti-dote ait pu nous joindre l'un à l'autre pour une aventure à la limite des rêves humains où il ne manqua pas grand chose pour participer au banquet des dieux.

-Oui, cela est très juste et j'espérais bien que votre antidote ait eu ce pouvoir. Mais là, je suis fort déçu que la chose n'ait pas marché comme nous l'eussions désiré et j'ai bien peur que notre antidote ne puisse pas nous sauver de l'épidémie de fièvre bleue si mes craintes sont fondées.

-Quoi, mais de quelles craintes vous voulez parler?

-Hé ben, que nous soyons fait rouler par notre Jean Lamore qui ne serait qu'un escroc Canadien et rien de plus.

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-Alors là, je ne suis pas d'accord avec votre analyse! Et j'estime que notre antidote a très bien fonctionner sur notre organisme et nous a immunisé contre cette épidémie de fièvre bleue. Et que notre erreur a été de croire que notre antidote pouvait nous rendre immortel.

-Je suis entièrement de votre avis..

-Et si nous n'avons pas pu nous asseoir au banquet des dieux, c'est uniquement pour cette raison. Mon ami, je crois et malgré notre antidote, que nous restons malheureusement mortel pour des raisons que nous ne connaîtrons jamais.

-Ah vous me rassurez. Et puis disons-le franchement, je n'en demandais pas plus a notre antidote et que le reste soit desormais oublié entre nous.

-Bien, je vois que nous sommes à nouveau d'accord.

-Oui et si cela ne vous gène pas, mon ami, je crois que je vais rentrer maintenant.

-Oh oui, vous faites bien, il est déjà si tard!

-Heu..une dernière chose au sujet de l'antidote. N'oubliez pas qu'il doit nous parvenir avant la fin du mois, sinon tous nos amis politiques seront morts !

-Ok, ok, nous en reparlerons demain, monsieur Crassepoite. »

Avant de se séparer, il se serrèrent la main comme deux vieux amis. Car avec tout ce qu'ils vena-ient de vivre ensemble, on pourrait bien le croire. Mais quant à savoir s'ils le resteraient, dieu seul le savait.

Quartier de la Croix.

Je suis encore en état de choc par ce que je viens d'apprendre ce matin dans le journal. Hier soir, un drame s'est déroulé "Aux petits bains de la république" où l'on dénombre une quinzaine de morts suite parait-il à une bousculade qui se serait passée à l'intérieur de l'établissement. Les se-uls témoignages qu'ils ont pour l'instant sont ceux des survivants qui auraient déclaré a la presse locale qu'ils avaient été pris d'une étrange crise de toux ou de suffoquement, alors qu'ils rejoign-aient tranquillement les vestaires entraînant la bousculade et les conséquences que nous connais-sons désormais. En fermant mon journal sur ce fait divers, dramatique pour les gens concernés et pour l'image maintenant ternie de ces soi-disant petits bains de la répubique, je me demandais si ma négligence en matière d'hygiène ne m'avait pas sauvé la vie? Car quoiqu'on puisse en pen-ser, n'en suis-je pas la preuve vivante en ce moment? En fait, si je suis toujours en vie, c'est grâ-ce à mon attitude antisociale que je le dois. Et si je le dis, ce n'est pas pour m'en glorifier, croy- ez le bien, mais pour faire éclater une vérité en plein jour sur la puanteur qui règne dans mon lo-gis. Et je me demande bien si le virus de la fièvre bleue ce n'est pas moi qui le cultive à mon do-micile? Et si l'on ne devrait pas me mettre en quarantaine afin de ne pas infecter tout mon quar-tier? En fait, je m'y opposerais fermement car je ne voudrais en aucun cas que l'on me montre du doigt et que les habitants de mon quartier me qualifient de pestiféré! Et préfère de loin garder mon anonymat qui en tout cas me permet aujourd'hui de me tenir toujours en vie. Ma ténacité à vivre, malgré toutes mes misères, me fait penser que je dois certainement faire partie de la race humaine pour pouvoir le supporter. Car ne nous le cachons pas, mais celle-ci avait dû traverser pas mal d'épidémies ou de fléaux dans le passé pour pouvoir supporter son état d'aujourd'hui qui est disons-le déplorable en matière d'hygiène mentale et corporelle où la méchanceté en est le fleuron, voyez-vous.

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Comprenez bien, mon cher lecteur, si je parle ainsi (de mes contemporains), c'est en  parfaite co-nnaissance de cause. Car toutes ces paroles fielleuses que je tiens sur mon semblable ont bien évidemment une origine, ne nous le cachons pas, sachant que pour pouvoir vivre ensemble depu-is des lustres, ô combien nous avons dû en faire de concessions! Mais là, il me semble ne rien vous apprendre de nouveau, n'est-ce pas, mon cher semblable? En fait, dans cette histoire en co-mmun, vous et moi sommes deux victimes en réalité et lorsque nous nous croisons dans la rue l'idée de nous étriper sur le bord du trottoir ne manque rarement de nous traverser l'esprit, n'est-ce pas? Je peux le comprendre entièrement, car j'en ai parfois la folle envie, Ah!Ah!Ah! Mais so-uvent la crainte nous fait croiser notre chemin sans vraiment nous regarder et cela est bien pour tout le monde, n'est-ce pas? En fait, mon grand regret, ce n'est pas mieux vous connaître, mais jamais vous connaître, voilà la vérité! Et votre présence en tout lieu m'exaspère, m'irrite les nerfs et où que j'aille sur n'importe quel coin de la terre, je vous aperçois comme un diable vous em-parer du moindre coin de verdure pour y installer votre nombreuse famille derrière de hauts remparts; un îlot de bonheur pour vous, parait-il!

Et moi qui ne suis que de passage sur cette terre, j'en vomis presque mon quatre heures. Etant donné que je ne suis qu'un simple spectateur, je ne peux malheureusement que reprendre ma ro-ute vers un autre sentier où l'Homme et toute sa tribu n'a pas encore marqué sa trace de désolati-on et de destruction..et ce sentier, c'est l'inconnu, c'est l'inconnu des sentiments, c'est l'inconnu des rumeurs, c'est l'inconnu du temps qui passe, c'est ce qui n'est pas encore là, c'est l'incertitu-de, bien évidemment, c'est être ou ne pas être, c'est l'aurore seul, c'est l'imagination au pied des grues, c'est la fuite vers ce possible mépris, oui, c'est ça. Bref, puisqu'il n'est plus possible pour nous d'avoir de l'avenir sur cette Terre, remontons le temps si vous le voulez bien et réinvento-ns cette machine à remonter le temps afin de rejoindre notre première origine qui est celle de la nature. Il est vrai que je suis le fils de l'Homme, mais l'Homme n'est-il pas la création de la nat-ure? Alors pourquoi ne pas courtcircuiter l'Histoire des générations? Ne pourrait-on pas ainsi remonter jusqu'à la première génération et refaire le chemin avec le sentiment que tout est neuf devant nous? Le paradis terrestre serait ainsi à notre portée, puisque nous y poserions nos prem-iers pas.

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En fait, la société humaine ne s'étant pas encore organisée sur toute la planète, l'Homme pourra vivre heureux en attendant les injustices sociales qui plus tard lui feront maudire sa propre desc-endance, tel sera son destin au sein de la société des Hommes dont la voix prendra la couleur de l'amertume, du regret et du découragement avant de sombrer dans un cri. Mais la nature n'enten-dra pas son cri parce qu'elle l'aura abandonné à son propre sort telle sera sa double peine. Pourt-ant la nature l'avait doté de sacrés dons, alors pourquoi tout ce gâchis? Et de son couronnement par la nature qui s'en rappellera, sinon les poètes? Un jour, je partirai au milieu des bois pour dire aux bêtes ce que je fus en des temps ancestraux. Peut-être me comprendront-ils ou non? Mais moi, j'aurai fait l'effort de leur rappeler ce que je fus, voilà l'Homme que je suis. Sincère-mement, je voudrais qu'on m'emprisonne jusqu'à la fin de mes jours dans une prison de verdure. Mais les Hommes persistent à vouloir m'enfermer dans une prison de fer et là est semble-t-il notre désaccord. Car n'est il pas vrai que ma mise en quarantaine serait une sage décision pour l'avenir de la planète? Mais sincèrement qui voudrait réellement nous l'imposer sinon que nous même qui avons été abandonné par la nature? Et les dieux n'ont-ils pas démissionnés? Et le Dieu unique est-il un vrai dieu? En aurai-je le courage par moi-même? Non, je ne le crois pas, parce que je suis faible et à moitié mort. Mais qui peut m'aider, mes semblables à moitié morts? Sin-cèrement, je n'y crois pas.

En fait, si je suis toujours vivant cela m'étonne guère, car que je me suis toujours méfié des ge-ns qui voulaient mon soi-disant bonheur et ce genre de personne il y en avait un nombre incroya-ble dans les partis politiques. Mais les choses sont ainsi faites pour les Hommes qui ne savent pas se gouverner tout seuls, n'est-ce pas? En parlant de nos "politiques", il y en a particulièreme-nt que je déteste, ce sont ceux qui prônent la propreté à tout va aussi bien dans les affaires privé-es que publiques et veulent savoir si le fond de votre culotte est propre ou bien si votre mental l' est aussi, si vous êtes un bon travailleur, un bon père de famille, le montant de vos ressources, l' âge de vos enfants( sont-ils imposables ou non?) etc, la suite serait longue à énumérer en nous faisant bien évidemment penser au pire. Pour être franc avec vous, je dirai que leur politique av-ait tué une quinzaine de semi-clochards qui en vérité ne demandaient à la commune qu'une bon-ne douche afin de garder leur dignité. Bref, leur politique de désinfection avait fait des morts et moi dans cette triste affaire, j'aurais pu en faire parti si mon individualisme forcené ne m'avait pas sauvé la vie.

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A la télé, ils en ont pratiquement pas parlé et c'est ce qui m'a le plus révolté. Bref, il semblerait que nous, les gens de province, n'avons pas assez d'importance pour les médias parisiens qui ne traitent que d'affaires d'états ou s'y rapprochant. Et si les journaleux voyent les choses comme cela d'en haut, je suis vraiment triste pour eux. Car s'ils pensent que le monde tourne seulement autour du palais de l'Elysée, hé ben, ils pourraient bien se mettre un doigt là où je pense, si un jour la révolution se passait en province et non à Paris, comme s'ils l'avaient souhaité pour des raisons de commodité, Ah!Ah!Ah!. Vous dire alors leur déception de devoir quitter leur bunker pour se taper la province en jeep ou en habits de camouflages! Point de doute alors que la ca-pitale changerait de place et Paris deviendrait une petite ville de province et pourquoi pas? Mais pour l'instant, mon petit Régis, nous en sommes pas là et disons plutôt dans la merde jusqu'au cou pour être d'actualité. Au fait, le président de la république, monsieur Macador, a fait savoir à la France tout entière que des mesures d'hygiènes sévères seraient mises en place sur tout le terr-itoire afin d'endiguer cette épidémie venue de l'étranger. Il mentionna même le nom " des petits bains de la république" afin de sauver la nation française et sa culture. J'en suis tout retourné de penser que cette information sur la mort d'une quinzaine de semi-clochards dans ma commune ne lui avait point été mentionnée. Quelle injustice vois-je ici! Mais il faut le dire que les médias parisiens ne semblent pas très concernés par ce qui se passe réellement en province et c'est affl-igent tout ça. Et s'ils pensent que leur travail consiste à se faire un nom parmi les stars du petit écran, ils peuvent bien se mettre un doigt dans les fesses!

P S: je suis complètement dégoûté par mes contemporains!

Chez Adolf Affond, maison d'édition de monsieur Camus, 9 h du matin.

Driing! Driing!

-Allô, c'est monsieur Pignon?

-Oui, oui, c'est lui même à l'appareil!

-Ah, monsieur Pignon, j'ai une très mauvaise nouvelle à vous annoncer!

-Ah oui?

175

-Oui, je suis désolé, mais les entrepôts des Batignoles ont brûlés hier soir. Et on ne sait toujours pas si l'incendie est d'origine criminel ou accidentel.

-Quoi, les entrepôts des Batignoles ont brûlé! Mais c'est une blague ou quoi?

-Mais non, monsieur Pignon, c'est la vérité. Je suis sur le site et je vois que tout est parti en fu-mée, sauf l'imprimerie qui a pu résister par on ne sait quel miracle.

-Et mon stock a t-il brûlé entièrement?

-Oui, malheureusement, et je ne vous cacherai pas que j'ai là devant moi un gros tas de cendre qui est ni plus ni moins le reste des 100 000 exemplaires de la fièvre bleue de monsieur Camus.

-Quoi, mes 100 000 exemplaires partis en fumée comme ça! Mais c'est de la folie!

-Je ne vous le dirai pas le contraire, monsieur.

-Une petite chose, mon ami, vous me téléphonez et je ne sais pas qui vous êtes?

-Ah oui, bien sûr! Je suis monsieur Boniface et je suis chef délégué communiste à l'imprimerie des Batignoles.

-Ah oui, bien sûr, bien sûr, et vous n'avez rien vu hier soir?

-Non, rien du tout.

-Mais le gardien à l'entrée a-t-il vu quelque chose?

-Non, rien.

-Bien, bien, puisque vous le dites.

-Pour ma part, je ne vous cacherai pas que c'est vraiment pas de chance pour vous, et plus parti-culièrement, pour ce monsieur Camus dont le livre allait faire un tabac en France et dans le mo-nde entier, parait-il.

-Oui, il devait en faire un, bien effectivement. Mais avec tout ce qui vient de nous arriver, je crois la chose compromise pour l'instant.

-J'en suis vraiment navré pour vous, monsieur Pignon, croyez-le bien.

-C'est un fait, n'est-ce pas?

Vous savez, nous les communistes on sait à peine lire...et ce que disait ce monsieur Camus dans son livre était assez culotté selon les dires de tous mes camarades.

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-Ah oui?

-Oui, puisqu'ils m'en ont parlé.

Hum, hum, une toute dernière chose, monsieur Boniface, avant de vous quitter, c'est que vous aurez très certainement de mes nouvelles avant la semaine prochaine.

-Ah oui? lâcha soudainement Monsieur Boniface qui n'eut pas le temps de demander pourquoi quand monsieur Pignon raccrocha.

-Merde de merde, fait chier ces communistes! J'parie qu'ils sont dans le coup. J'aurais dû le pré-voir vu que la presse en France est tenue par eux du côté des imprimeurs, bien évidemment. C' est de ma faute, c'est de ma faute! et j'aurais dû plutôt faire imprimer le livre de monsieur Cam-us à l'étranger, comme ça je n'aurais pas eu toutes ces emmerdes. Mais qu'est-ce que je vais pouvoir dire à son l'auteur, non de dieu! Appelons-le immédiatement pour le prévenir.

Camus se trouvait alors dans son bureau de la mairie, quand monsieur Pignon, son éditeur, lui téléphona.

Driing! Driing!

-Oui allô, monsieur Camus?

-Oui, c'est moi.

-C'est moi, Pignon, à l'appareil.

-Ah content de vous entendre, mon ami! Alors, comment ça marche mon bouquin..les ventes fil-ent, hum?

-Heu..monsieur Camus, j'ai une très mauvaise nouvelle à vous apprendre.

-Ah oui?

-Oui. Les entrepôts où étaient entreposé votre livre, c'est à dire 100 000 exemplaires sont partis en fumée la nuit dernière!

-Quoi, 100 000 exemplaires de mon bouquin partis en fumée?

-Oui et on ne sait toujours pas si c'est criminel ou accidentel.

-Ah fallait bien si attendre tellement mon bouquin était révolutionnaire, et plus particulièrement, pour réformer ce monde décadent!

-Oui, je le sais bien. Mais moi dans cette affaire, j'ai perdu 50 000 euros et qui va me les rembo-urser, hein? Je ne suis même pas assuré, vous vous rendez compte. Les assurances ne couvrent pas ce genre de dommages qui sont dûs essentiellement aux risques que comportent le lancement d'idées nouvelles. Mais qu'est-ce que je vais devenir, mon dieu?

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Monsieur Pignon semblait au bord de la crise de nerf, quand monsieur Camus le rassura par des propos prophétiques qui bien sûr le sauveraient du naufrage économique, mais surtout de l'épid-émie de fièvre bleue.

-Mon ami, ne pleurez pas comme ça. Vous le ne savez peut être pas, mais j'ai véritablement du respect pour vous et pour votre métier qui est pour moi le plus beau métier du monde, malgré tous les risques que celui-ci comportent.

-Oh, merci, merci, mon ami de me dire ceci.. sniff... sniff..

-Il est vrai que ce sont très certainement les communistes qui nous ont fait ce sale coup, afin de nous nuire tout simplement.

-Oh oui, c'est évident..sniff..sniff...

-Mon ami, veuillez m'écouter maintenant, car j'ai quelque chose de très important à vous dire qui va très certainement vous choquer.

-Ah oui?

-Oh oui, forcément. Car voyez-vous maintenant de mon livre, je m'en contrefiche complètem-ent!

-Ah oui? Et mes 50 000 euros alors?

-Je m'en contrefiche aussi.

-Alors ça oui, c'est vraiment choquant!

-Mais écoutez la suite, mon ami, elle va vous surprendre. Car vous ne le savez certainement pas, mais nous allons avoir la semaine prochaine à Paris, une véritable catastrophe qui va décimer une grande partie de la population avec le pouvoir, bien évidemment.

-Et alors qu'est-ce que cela peut me faire? Mais ça va pas me faire revenir mes 50 000 euros !

-Mais monsieur Pignon, vous ne pensez qu'à l' argent ou quoi?

-Bien sûr que oui, parce que moi j'ai des comptes à rendre à mes actionnaires, ne l'oubliez pas!

-Oui, oui, bien sûr, mon ami. Mais pourquoi vous vous inquiétez pour eux, alors qu'ils seront tous morts de la fièvre bleue à la fin du mois!

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-Ah oui, vous croyez?

-Bien sûr que oui, puisque je vous le dis.

-Ah dans ce cas!

-Et moi dans cette histoire, qui vous parait horrible, je veux seulement vous aider.

-Et comment?

-Voilà dans quelques jours, je vais recevoir de la part d'un ami près de 300 kilos d'antidote et je compte vous en fournir afin de pouvoir échapper à vos créanciers ainsi qu'à l'épidémie de fièvre bleue.

-Hé ben dans ce cas faites vite, car je ne veux pas me faire assigner en justice par tous mes acti-onnaires d'ici la fin du mois.

-Mais sans problème, mon ami. Vous aurez votre dose et vous pourrez ainsi échapper à tous vos actionnaires ainsi qu'à la fièvre bleue qui, soit dit en passant, est certainement la pire des choses à laquelle on pourrait échapper.

-Si vous le dites.

-Allez, monsieur Pignon, reposez-vous en attendant la semaine prochaine.

-J'attendrai votre courrier avec grand intérêt, mon ami. Au revoir.»

Monsieur Camus raccrocha avec une sorte de bonheur sur le visage, comme s'il avait enlevé une grosse épine du pied à son ancien éditeur. Quant à lui, ses intérêts se trouvaient bien évidemm-ent ailleurs et ne visaient que le pouvoir qu'il aurait dans ce nouveau monde qui allait s'ouvrir à lui à la fin du mois. Quatre jours plus tard, il reçut ses 300 kilos d'antidote à l'intérieur d'un én-orme tronc d'arbre que Jean Lamore lui avait envoyé au nom d'un institut de recherche agricole. Les douaniers n'y avaient vu que du feu pour ainsi dire. Les jours suivants, il donna une dose à son éditeur et à sa famille et une partie des doses furent envoyées au hasard par courrier à des inconnus, afin de respecter son idée que tout le monde pouvait avoir une chance d'échapper à l' épidémie de fièvre bleue. Il se brouilla une nouvelle fois avec monsieur Crassepoire qui voulait sauver toute la classe politique française, ce que Camus refusa afin que ce monde soit nouveau et non pas un éternel recommencement d'idées anciennes plus ou moins rafistoler par des hom-mes politiques s'apparentant à des dinausores, Ah!Ah!Ah! Son directeur de cabinet l'écouta et dut choisir parmi la classe politique française les hommes et les femmes n'ayant aucun passé re-vanchard ou du moins omnibulés par le pouvoir.

179

Quartier de la Croix..

Ce matin, j'ai reçu une étrange lettre qui contenait un petit sachet. En l'ouvrant, j'ai pu lire ceci : Monsieur, si vous voulez survivre à la fin de la semaine à l'épidémie de fièvre bleue, vous devez impérativement prendre la dose qui se trouve dans le sachet. C'est ce que je viens de faire et, di-sons-le franchement, c'est la première fois que quelqu'un veut me sauver la vie pour des raisons que je n'arrive pas bien à comprendre. Mais bon, c'est quant même gentil de sa part, n'est-ce pas? Oh comme j'ai mal à la tête! Mon dieu, je me sens mal! Mais qu'est-ce que j'ai? Mon dieu et si la dose c'était du poison? Ah quel con que je suis!" Régis, ne sachant pas que l'antidote produisit un tel effet, s'endormit aussitôt sur son canapé et fut emporté par des hallucinations qui l'entraî-nèrent  à la limites des rêves humains où Camus et Crassepoite s'étaient retrouvés quelques jou-rs auparavant. Quant à lui son voyage intérieur se faisait sans l'aide d'un compagnon, ce qui était assez désespérant, n'est-ce pas?

Journal intime de monsieur Camus.

J'ai eu ce matin le professeur Banbilock au téléphone. Mon dieu, quelle surprise que j'ai eu en entendant sa voix pour la première fois! Celle-ci était douce et remplie d'espoir pour l'humanité m'a t-elle fait comprendre en m'indiquant l'heure et le jour du largage de 15 tonnes de virus de fièvre bleue sur Paris. C'est dans 5 jours exactement et j'en suis déjà tout ému. J'ai commencé mon journal intime ce matin, car je compte le tenir jusqu'au jour J. J'ai prévenu aussi monsieur Crassepoite et mon ancien éditeur. Voilà ce que j'avais à dire aujourd'hui. Allez à demain.

Le lendemain au Quartier de la Croix.

Je me suis réveillé en pleine nuit et j'ai encore du mal à m'en remettre tellement je n'y crois toujours pas. La dose que j'ai prise hier m'a fait miroiter des choses auxquelles je ne croyais plus en me voyant riche comme Crésus en compagnie d'une cinquantaine de femmes qui me donnait ni plus ni moins du plaisir. Bref, celles-ci me violaient et moi j'étais prêt à toutes les satisfaire, vraiment fantastique! Ensuite, il y eut un homme qui me donnait plein de billets, puis je me dép-laçais sur un tapis volant au dessus d'un désert de sable bleu où je découvrais une cité interdite faite de palais magnifiques dorés à l'or fin et sertis de diamants. Bizarrement, je n'avais qu'à ten-dre les mains pour me servir! Sincèrement, si cette lettre a dit vrai, je suis vraiment pressé d'arri-ver à la fin du mois qui est dans quatre jours exactement. Et même si c'est au prix d'une catas-trophe pour l'humanité, moi je m'en contrefiche totalement. Car tout ce j'ai toujours rêvé me se-mble désormais à ma portée et ne veut aucunement le rater vu que la vie pour l'instant ne m'a ja-mais gâté au niveau des filles et de l'argent. Avec cet antidote, je pense que mes rêves les plus fous vont pouvoir maintenant se réaliser et j'en suis tout ému, tout retourné de le savoir. Et puis merde, quoi demander de plus pour un simple mortel qui n'a jamais joui du bonheur des riches? En attendant la fin du mois, je vais suivre les informations à la télé pour me tenir informé sur tout ce qui va se passer avant le grand jour de notre libération. Allez, bonne nuit les amis!

180

Journal intime de monsieur Camus.

J- 4

Fusées

1- Pourquoi envier le sort des puissants, puisqu'ils vont tous crever à la fin du mois?

2- Pourquoi en vouloir à la presse, puisque son sort est maintenant réglé?

3- Pourquoi continuer à haïr les juifs, alors qu' ils sont des gens comme tout le monde?

4- Pourquoi j'ai cru pendant longtemps que je finirai ma vie comme un pauvre imbécile, alors qu'un grand avenir s'ouvre maintenant à moi!

5- Comme il est triste de savoir que toutes nos vedettes de l'écran seront oubliées à tout jamais!

6-Comme il est joyeux de savoir qu'une nouvelle civilisation s'ouvre enfin à l'humanité toute entière!

Petits conseils à soi même.

Puisque les dés sont maintenant jetés, prenons notre nouveau rôle au sérieux. Car même si celui-ci va être des plus important sur la planète, il nous faudra être juste et droit envers tous ces nou-veaux personnages totalement issus du destin, si l'on peut dire. J'ai téléphoné ce matin à monsi-eur Crassepoite pour lui dire que j'avais trouvé une cabane de jardin en banlieue parisienne pour s'y cacher le jour J. Il m'a répondu qu'il m' attendrait sur la place de la mairie avec sa voiture. Je lui ai dit que j'y serai à 11 heures du matin; tout ceci étant réglé pour les jours à venir.

Quartier de la Croix.

J-3

En regardant hier soir la télé, il m'a semblé qu'on en parlait très peu de cette épidémie de fièvre bleue, comme si les autorités et les médias voulaient le taire pour des raisons que je n'arrivais pas bien à comprendre. Comme d'habitude, ils nous ont montré la vie des parisiens et des parisi-ennes qui se rendaient à leur travail avec une gueule d'enterrement sauf, bien évidemment, quand la caméra de la télévision française les filmait de face. On a vu aussi le vieux quartier Montmart-re avec tous ces théâtres où l'on faisait la queue jusque dans la rue où un acteur de la télé avait décidé de monter sur les planches, afin de remonter aux sources de la comédie, tels étaient ses propos devant les journalistes invités à cette première. Les gens dans la rue riaient à je ne sais quoi, se retournaient quand la caméra les prenaient sur le vif, montraient leurs dents blanches, leurs bijoux, rentraient leur ventre et prenaient des accents dignes d'une comédie à la sauce Can-noise. Après cela, les journalistes nous ont fait visiter la place Pigale en floutant le visage des prostituées en les interwevant au bord du trottoir : Alors avec ou sans préservatifs? Oh vous sa-vez, répondait la prostituée, moi je prescris toujours au client le préservatif..et s'il ne le veut pas qu'il aille se faire voir ailleurs! Ohlala, quelle télé, je vous dis pas! Après cela, nous sommes allés rendre visite au curé de notre dame de Paris qui était en train de rassurer un groupe de tour-istes sur la vie après la mort qui, armés de leurs appareils photo et à moitié dénudés dans ces lie-ux austères, semblaient respirer à nouveau, puis lui posaient toutes sortes de question en espagn-ol, en anglais et même en suédois!

181

Et ce qu'il y avait d'extraordinaire dans cette scène, c'est que le curé s'en sortait très bien en fai-sant toutes sortes de grimaces pour imager la chose où le diable avait encore de beaux jours dev-ant lui. Mais le clou de l'émission fut véritablement atteint par la télévision française, quand les journalistes le prirent dans un coin pour lui faire avouer s'il n'était pas pédophile! Je ne vous ca-cherai pas que tout ceci me mit très mal à l'aise devant mon petit écran, car c'était pour moi de la pure provocation journaliste dont je voulais bien évidemment entendre la suite; mais les journal-istes rectifièrent le tir en lui disant que c'était uniquement les besoins de l'actualité qui leur imp-osait de lui poser ce genre de question et non un désir de pure provocation télévisuelle. Bref, une sévère discution eut lieu afin de savoir s'il désirait avouer son crime au fond de la cathédrale ou bien dans le confessionnal? Le curé de notre Dame se trouvait alors très mal à l'aise devant la ca-méra qui était braquée sur lui comme une arme. Cet instant me parut interminable et d'une gran-de souffrance pour le pauvre curé pour lequel j'avais un peu pitié, comme des millions de télé-spectateurs, je pense. Le souffle coupé devant mon petit écran, j'attendais bien évidemment l'ave-ux!

Mais il n'eut point lieu, car le curé reprit son air angélique et leur demanda de prier avec lui pour le bonheur de l'humanité. Mais les journalistes, abasourdis par cette réponse, rejetèrent son invi-tation en prétextant que le sujet de l'émission était tout autre et concernait la vérité au sein de l' Eglise catholique, comme celle que vous chercher auprès de dieu, monsieur le curé, lui avait dit brutalement un des journalistes qui semblait être un ancien prêtre défroqué, Ah!Ah!Ah! Se trou-vant ainsi à égalité au niveau du message médiatique( puisque les journalistes venaient de prou-ver qu'ils n'aimaient pas beaucoup l'humanité et le curé certainement un peu trop), la suite est di-gne d'être raconté. Car se voyant une fois de plus battu par les ordres religieux, les journalistes le coincèrent entre le bénitier et le confessionnal et le prièrent d'avouer, sinon ils en viendraient aux mains. Mais comme le curé ne voulait toujours pas avouer son crime (un sous-titre avait été mis en bas de l'écran  pour le montrer), les journalistes l'empoignèrent par la soutane et l'enfermèrent dans le confessionnal. Quelques secondes plus tard, on vit le curé ressortir du confessionnal en jetant des cris d'épouvants et disparaitre au milieu des touristes. Cette dernière scène avait été filmée par une deuxième caméra placée au bon endroit en cas où le curé aurait cassé la première pour des raisons que l'on devinera facilement. Et les séquences de l'émission adroitement mon-tées pour désormais afficher le mot " FIN" sur  l'écran, comme pour en montrer toute la sym-bolique.

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On parla ensuite des festivités qui se préparaient pour la capitale et des spectacles qu'ils y aurai-ent où forcément le flot de touristes y dépenserait son argent. Visiblement, les journalises de la télévision françaises se vantaient d'avoir comme du travail sur la planche et surtout un privilège énorme qui leur était accordé par la mairie de Paris de considérer les parisiens et les parisiennes comme des rois dans leur capitale et non plus les touristes qu'on allait maltraiter pour l'occasion.

Quand j'éteignis ma télé, la chose qui me fit mal au coeur, ce fut d'entendre les rires des journal-istes se moquer des petites gens qui seront désarmés devant leur caméra objectif grand angle ainsi que des reportages faits en bas de chez eux pour presque rien. Bref, la télé serait à nouveau la grande gagnante avec des frais de déplacement divisés par on ne sait combien. En fait, tout ce-la me dégoûtait tout en me réjouissant de savoir que la grande épidémie allait s'abattre sur eux au moment des festivités. J'y voyais alors comme une vengeance pour tout ceux qui n'avait pas les moyens de voyager et d'aller visiter la capitale par manque d'argent où les privilègiés allaient en crever pour le bien d'une nouvelle humanité, Ah!Ah!Ah! Et que demandez de mieux? Tous les gros bonnets seront là et ils vont crever comme les autres. Mon dieu, quelle justice divine vois-je ici! Je pense que c'est tout simplement leur destin de partir de cette façon, car ils se sont gavés comme des porcs durant 30 ans avec un système qu'ils avaient tourné à leur avantage. La roue tourne et d'autres personnes doivent entrer dans le jeu, c'est la nouvelle règle du jeu et c'est mieux comme ça. En fait, c'est comme dans la vie où les acteurs doivent changer, sinon on s'enn-uierait à mourir, Ah!Ah!Ah!

Un peu de renouvellement d'air ne peut faire que du bien à un vieux système politique asphyxié par la dépense étatique et médiatique. Je vais quant même suivre les festivités à la télé même si tout cela me dégoûte en espérant qu'un connard de journaliste filme l'ensemble de la catastrophe. Mais sincèrement, je n'y crois pas trop, vu qu' ils seront tous morts avant, Ah!Ah!Ah! Espérons seulement qu'ils n'éteignent pas la caméra et qu'ils la laisse filmer l'horreur pour notre plus gra-nd plaisir de téléspectateur, bien évidemment. Bref, j'en demande pas plus pour l'instant à la machine audiovisuelle . Allez à demain les amis!

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J-2

Ce matin, j'ai été réveillé par un bruit étrange sur mon plafond, comme si une masse lourde s'y était écrasée contre. J'vous dit pas comme j'ai eu peur et j'ai bien cru que j'allais mourir d'une crise cardiaque! Après avoir repris mon calme, j'ai essayé de capter ce qu'il pouvait bien se pas-ser au dessus et c'est alors que j'ai entendu des voix sourdes se lamenter d'un grand malheur. Mais comme ce n'était pas mon problème, je me suis aussitôt bouché les oreilles et caché sous mes draps. Mais impossible de me rendormir tellement là haut ils faisaient de bruit en marchant de long en large comme s'ils portaient des meubles ou quelque chose comme ça en étant très gê-né que cela ne s'arrête pas. Quelques minutes plus tard, j'ai entendu du bruit à ma fenêtre. Merde alors, ça commençait vraiment à me taper sur les nerfs et sitôt le matin! Contre mon gré, j'ai dû me lever et c'est en ouvant mon volet que j'ai vu un cercueil descendre de l'étage du dessus à l'aide d'une corde! J'avais alors l'impression de vivre un mauvais rêve où en bas, une bande de croquemorts ridicules poussaient des cris de déménageurs tellement le cercueil semblait lourd. Aussitôt, je devinais que c'était mon voisin du dessus qui venait de mourir, puisque celui-ci fai-sait de son vivant pas moins de 160 kilos à force de regarder la télé en buvant ses 10 litres de coca par jour. Et bien sûr, je vous parlerai pas aussi de ses cornflakes truffés au chocolat qu'il ingurgitait de la même sorte depuis qu'il avait été licencié de sa boite tenue par des fonds de pen-sions américains!

Merci seugneur, ça fera moins de bruit au dessus de mon plafond! m'écria-je comme délivré. Et puis bon débarras, ça fera un chômeur de moins dans l'immeuble et disons-le franchement dans la France toute entière, Ah!Ah!Ah! En fait, ils sont pas si maladroits que ça ces croquemorts, puisqu'en même pas dix minutes le cercueil a été descendu du 15 ème étage et mis bien au frais au fond de leur estafette estampillée PFG. Bref, tout ceci m'a semblé comme un vrai miracle et il y a de forte chance ce matin que j'ai dû être le seul chômeur de l'immeuble qui a le courage de se lever pour aller voir à la fenêtre ce qui se passait. De toute façon, dans cet immeuble de dam-nés, tout le monde est mort depuis belle lurette et que ceux qui le sont à moitié ont dû certain-ement se masturber à travers les persiennes! Tous des fripons les gens de ma génération, pas le moindre courage pour se battre pour leur avenir, telle est ma pensée depuis ces dernières années de dure crise économique. Mais il est mort de quoi au juste, je me demandais? Et merde, si l'épi-démie de fièvre bleue avait commencé son travail? me demandais-je d'un air affolé. Sur mon él-an, j'ouvris mon poste de télévision pour voir si Paris avait disparu de la carte; mais non à pre-mière vue, la télé du matin m'offrait en prime time la gueule fatiguée des présentateurs recalés de l'auditmat; je regardai l'émission quelques minutes, puis l'éteignis où ces gogos me faisaient vraiment chier avec leur dynamisme matinal, leur lever sur les chapeaux de roue et tout le touin touin, le clairon quoi! Bref, je repartis me coucher sous ma couette bien douillette.

184

Chez monsieur Camus..

 J-1

Je me suis préparé un petit bagage pour demain et j' y ai mis le strict minimum. C'est à dire une chemise en flanelle blanche, un pantalon à grosses côtes et une paire de pantoufle au cas où j'au-rais mal au pied sur le sol de ma petite cabane dont le confort ne sera vraiment pas top. Question nourriture, j'y ai mis un saucisson sec des montagnes accompagné d'un petit cidre de normandie, un gros pain de campagne pour tenir au moins plusieurs jours en autosuffisance et puis une gou-rde d'eau minérale. Après cela, j'ai téléphoné à monsieur Crassepoite afin qu'il fasse de même. Le fou, il voulait emmener son ordinateur de bureau avec lui! Ce que je lui ai interdit le faire, sinon il irait se cacher tout seul. Quel taré, ce Crassepoite! Si c'est pas toute la classe politique française qu'il veut sauver de l'épidémie de fièvre bleue, c'est maintenant son petit confort techn-ologique qu'il veut emporter dans une autre civilisation. Oh mon dieu, sauvez- nous! Je lui ai ra-ppelé aussi que demain matin j'irai le chercher à la mairie vers les 11 heures pour emménager notre cabane avant la catastrophe. Car ce gros imbécile pourrait bien déjeuner en ville et se goin-frer de peur le mourir de faim durant les possibles trois jours qu'il nous faudra rester au fond de notre cabane, le temps que l'épidémie fasse ses dégâts et se calme.

Jour J, chez Régis.

Plus de temps à perdre, il faut que j'allume ma télé. Je sais qu'il n'est que 6 heures du matin, mais il faut que je sache si la lettre à dit vrai. Et puis rien de mieux que de suivre l'information en directe, n'est-ce pas? J'appuie sur le bouton et l'image enfin apparaît sur l'écran. Bizarrement, je n'y vois pas apparaître mon émission détestée, télé matin, mais l'image du ciel de Paris en gros plan. Tiens donc, c'est étrange, l'image est toute bleue et je dirai même d'un bleu ténébreux. J'és-saye de régler la couleur avec ma télécomande, mais rien n'y fait, l'écran reste misérablement d' un bleu apocalyptique, non d'un bleu pur, mais d'un bleu hideux à faire vomir des tubes de goua-ches. Je monte le son et j'entends la voix des journalistes qui semble au bord de l'asphixie génér-ale. Mon dieu, ça à l'air d'un requiem télévisuelle et ça commence vraiment à me plaire, Ah!Ah!Ah! Mais c'est quand ils vont crevés, ces salopards? je lançai avec virulence au fond de ma petite cuisine. La voix peinait, mais elle résistait à je ne sais quoi. En fait, ces imbéciles parlaient si vi-te devant leur micro qu'ils en perdaient le souffle. Oh merde, moi qui croyait qu'ils étaient tous en train de crever comme des chimpanzés! Tonnerre de dieu, j'étais déçu, car ils commentaient l'événement avec ni plus ni moins ce qu'on appellait de l'éloquence audiovisuelle. En fait, de vrais pros qui simulaient une asphyxie vocale avant de sombrer dans la mort médiatique, Ah!Ah!Ah!.  

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Sincèrement, je trouvais qu'ils en faisaient un peu trop en étant si bien placé pour respirer l'air de Paris sur le dernier étage de la tour Eiffel. C'est vrai  que j'avais moi aussi le souffle coupé, mais pas pour les mêmes raisons et vous comprendrez très bien pourquoi. Lassé, je changeai de chaine pour voir ce qui s'y racontait de différent et aperçus avec amertume notre PPDA national (Pau-lux Pierre d'Aquitaine). Bref, nous étions bien sur la première chaine de la télévision française soit dit en passant une chaîne indécrottable vu les moyens financiers colossaux qu'ils ont pour raconter des conneries à longueur de journée. PPDA en est sûrement le fleuron, mais lui il le sait et s'en sert à merveille avec son petit air narquois de présenter l'information formatée par l'AFP. Alors, il n'est pas encore mort, ce saligaud? lançai-je furieusement dans ma petite cuisine. Mais tonnerre de dieu, il en met du temps pour crever celui-là! Mais quoi, il veut mourir en direct de-vant des millions de téléspectateurs, le saligaud? Comme Molière, comme un véritable artiste? Faire de sa mort une véritable mise en scène filmée par une caméra de télévision?

En fait, de parler comme il parlait, cela me dégoûtait plus que tout; mais je l'écoutais comme si sa voix caressait ma soumission cathodique. Et comme un petit enfant qui me parlait d'une voix douce et polie, j'étais bien forcé de l'imiter et bien évidemment pour tout ce qu'il pouvait repré-senter à l'égard de l'opinion publique, c'est à dire une popularité conquise et acquise par le jou-rnal de 20 heures durant 20 ans. En fait, j'étais ridicule de le critiquer parce que les gens pourr-aient croire que j'en serai jaloux. Mais alors là pas du tout, puisque je sais que dans 10 minutes au plus l'épidémie l'aura rayé de la carte lui et ses complices de l'audimat et de la désinformati-ion, Ah!Ah!Ah!. Lui aussi parle très vite à en perdre le souffle, c'est ce que j'entends maintenant sur ma télé. Quoi, maintenant il s'enflamme contre ceux qui sont sur la tour Eiffel! Mais qu'est-ce qui lui prend à notre PPDA national, est-il en train de perdre la tête devant cet événement exclusivement parisien pour l'instant? En fait, j'assistais ni plus ni moins en direct au caprice de l'enfant gâté de la télé et une sorte de brouhaha s'ensuivit dans les studios où une voix cavern-euse sortit de la régie pour lui demander de se calmer et de continuer son journal. Mais notre PPDA ne voulait rien savoir et dit à la France toute entière que sa place devait être au plus près de l'action et qu'il irait à ses risques et périls au sommet de la tour Eiffel pour commenter la catastrophe. Son directeur de production était indigné et demanda au directeur de la chaine de le convaincre de ne pas y aller.

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Un dialogue d'enfants gâtés s'ensuivit en direct sur la première chaine et je changeai aussitôt de chaine pour ne pas être dégoûté par ces fils de riches. Retour sur la deuxième chaine, l'équipe de journalistes s'était bien calmée depuis tout à l'heure et l'on entendait presque le bruit du vent souffler autour d'eux. La caméra filmait toujours le ciel de Paris où un gros nuage bleu s'était installé et semblait descendre tout doucement sur la capitale, ce qui ne rassurait aucunement les journalistes ni même les gens de la météo qui avaient été invités à monter sur la tour Eiffel afin d'essayer d'expliquer aux téléspectateurs cet étrange phénomène. Bien évidemment, j'écoutais le-urs explications quelque peu ridicules pour moi sachant qu'ils avaient tout faux. " Oui, il semb-lerait que nous assistions à un phénomène tout nouveau, mais qui en vérité n'en était pas vrai-ment un à proprement parler. Pour être précis, il s'agirait ni plus ni moins d'un phénomène mété-rologique lié à la pollution du ciel de Paris, voyez-vous. Et si les nuages étaient devenus bleus au dessus de nos têtes, c'était dû essentiellement aux molécules d'eaux enfermées dans les nuag-es qui accentueraient ce phénomène, puisque le plomb en suspension dans l'air exciterait les ato-mes d'hydrogènes de l'eau et patati et patata!

L'ensemble, qui semblait fort logique pour l'ingénieur de la météo, ne l'était pas du tout pour les journalistes de la presse people qui semblaient rire jaune en voyant le nuage bleu descendre tout doucement au dessus de leurs têtes. Étrangement, on n'entendait plus aucun cris d'oiseaux dans le ciel, comme s'ils avaient pressenti la catastrophe! Et un grand silence avait remplacé la voix des journalistes où l'on s'inquiétait vraiment pour eux dans les studios de TDF. En fin observa-teur, on voyait le gros nuage bleu comme  titiller le sommet de la tour Eiffel!

Retour sur la première chaine où PPDA en faisait toujours des siennes en répétant qu'il voulait monter en haut de la tour Eiffel afin d'être le premier journaliste de sa chaine au coeur de l'act-ion. Même remue ménage en régie : celui-ci devait impérativement rester au studio pour finir son journal. Son impatience m'avait vraiment donné des boutons, bref, par son impatience ridic-ule à se montrer là où il n'avait rien à faire ni à rien dire et rezappai aussitôt sur la deuxième chaine. Stupeur, le gros nuage bleu avait envahi le dernier étage de la tour Eiffel! et on priait les journalistes de redescendre au plus vite vu le danger que cela pouvait comporter devant ce phén-omène que personne n'avait su expliquer. Les journalistes-météo étaient eux aussi conviés à red-escendre; mais étrangement les choses ne se passèrent pas comme prévue, car un des journaliste, et très certainement en mal de reconnaissance médiatique, voulait rester en haut sinon il se jete-rait du haut de la tour Eiffel et ferait porter la responsabilité à la chaine de télévision! On fit venir  à l'antenne le PDG de la chaine afin de le convaincre de redescendre au plus vite. Bref, l' affaire fut arrangée, on lui confierait les caméras au pied de la tour Eiffel pour qu'il puisse pour-suivre son reportage. Après cet incident, tous les journalistes redescendirent de la tour Eiffel.

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Sincèrement, je trouvais que ce gros nuage bleu méttait bien du temps pour descendre sur la ca-pitale et exterminer toute la population, Ah!Ah!Ah! Et je me demandais même, si ce nuage n'était pas en fait un gros coup médiatique monté par une quelconque agence de pub en mal de rentrée d'argent? En fait, j'étais plutôt gêné de le penser vu nos mentalités d'aujourd'hui où la chose ne fut pas impossible à imaginer, n'est-ce pas? Fatigué, je partis m' allonger sur mon canapé.

Quelques secondes plus tard, Régis s'endormit dans un sommeil profond où la télé à ses côtés crachait des sons métalliques où l'écran s'était obscurci d'une manière si monstrueuse qu'on se demandait si le poste n'était pas tout à fait éteint? Mais non, car en s'y approchant d'un peu plus près, on pouvait observer à travers la faible luminosité, comme de grandes ombres immobiles ressemblant étrangement aux grands monuments de la ville de Paris qu'un épais brouillard avait enveloppé entièrement ainsi que les rues en contre bas. En fait, le brouillard s'était invité lui mê-me chez les humains et dans les moindres recoins de leurs habitations, du wc à la cuisine, du sa-lon jusqu'au bureau. L'Elysée et le champ de mars s'étaient transformés pour l'un en vieux châ-teau écossais et l'autre en port maritime gagné par la brume. La vision était stupéfiante en plein coeur de Paris! Mais qui pouvait bien le voir, sinon les seuls survivants qui regardaient la télé en ce moment? En fait, ils n'étaient pas si nombreux que cela puisque même Régis semblait s'en moquer éperdument : ne dormait-il pas à poings fermés au moment de la catastrophe? Le soleil avait lui aussi disparu et la pièce, où se trouvait Régis, était tombée dans la plus grande obscu-rité et seule la télé dans la pièce émettait quelques rayons ultra violet ou autres. Quand au son, celui-ci crachait une sorte de crachin maritime où se mêlait étrangement le bruit d'une machine en perdition, un navire, un système, une époque, une civilisation?

En fait, on n'en savait rien. 48 heures s'écoulèrent sans que Régis ne rouvrit une seule de ses paupières. Étrangement, il était toujours blotti dans son canapé comme un enfant qui n'arrivait pas à émerger dans la réalité. Peut-être savait-il qu'aucune mère ne viendrait à lui pour le sortir du lit et lui préparer son petit déjeuner, le café au lait ainsi que ses tartines beurrées? Oui, cela en avait tout l'air, car Régis se retourna à nouveau sur son canapé, mais sans vouloir réellement se réveiller, pourtant dehors il faisait jour! Visiblement, il était parti dans un autre monde. La télé, à ses côtés avait retrouvé de la couleur et l'image qu'elle montrait maintenant ressemblait plus à une vision d'horreur qu'à un paradis retrouvé. Une caméra fixe, laissée sur les champs Elysées, non loin de l'arc de triomphe, montrait une image plutôt insolite où l'on y voyait des milliers de véhicules emboutis les uns dans les autres qui n'avançaient plus d'un chouia. La circulation automobile avait été comme figée sur place après le passage du brouillard contenant le virus de la fièvre bleue et tout le monde était mort dans son véhicule sans avoir eu le temps d'éteindre son moteur!

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En fait, l'image montrait ni plus ni moins un carambolage de la taille d'une ville comme Paris. Au loin, on entendait un concert de klaxons digne d'une chanson de Roland et c'était beau et aff-ligeant à la fois. Ca ressemblait à un mauvais film de science fiction qui était devenu réalité. La vie sociale, économique et même artistique avait disparu sur l'ensemble de la capitale et c'était étrange, mais c'était ainsi. Car la caractéristique principale du virus de la fièvre bleue, que le pro-fesseur Banbilock avait inventé, était d'immobiliser la vie dans son mouvement afin de la tuer la plus proprement possible. C'est à dire sans en verser la moindre goutte de sang! En fait, son gén-ie se trouvait ici dans cette vision en tout point futuriste pour les sociétés de demain. Ainsi, qua-nd la société méritera d'être changée, on déversera sur elle et sur ses acteurs, le virus de la fièvre bleue pour la faire disparaître, puis on donnera un grand coup de balai pour se débarrasser des corps afin de rebattir une nouvelle société avec de nouveaux acteurs. Et quand les choses se dét-ériorerons à nouveau, on recommencera cela indéfiniment. La boucle serait ainsi bouclée de la plus impitoyable façon, je ne vous le cacherai pas. Mais c'était bien là le sort de l'humanité, si elle ne se changeait pas en mieux, n'est-ce pas?

Quand Régis rouvrit les yeux, son regard resta pétrifié devant ces images horribles de la télévi-sion et se cacha les yeux pour ne pas le voir. Mon dieu, mon dieu, j'ai soutenu tout cela morale-ment! Mais que vais je devenir maintenant que tous les Hommes sont morts? s'écria-t-il d'une façon poignante.

Driing! Driinig! Mais c'est quoi ça, non de dieu?Driing! Driing! Mais c'est le téléphone! Régis décrocha rapidement afin de savoir qui pouvait bien lui téléphoner après ces instants d'une si rare intensité..

-Allô, vous êtes bien, monsieur Régis Adélaïd?

-Oui, oui, c'est bien moi!

-Ici la société de travail intérimaire, Mégapower. Vous vous êtes bien inscrit chez nous, mons-ieur?

-Oui, oui, mais cela fait si longtemps!

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-Oh, mais rassurez-vous, cela n'a aucune importance. Et si je vous appelle, c'est pour vous prop-oser une mission intérim.

-Ah oui?

-Oui, il s'agirait de dégager les corps des voies publiques et privées suite à l'épidémie qui s'est abattue sur la capitale. Cela vous intéresse t-il?

-Heu?

-Vous savez le salaire est plutôt motivant. Notre client vous propose ni plus ni moins 10 euros par corps enlevé sur la voie publique ou autre. En fait, c'est un salaire qui pourrait facilement vous rendre riche assez rapidement vu que le nombre de survivants est assez faible sur la capita-ale. Alors vous prenez ou quoi?

-Heu, je crois que je vais sréfléchir un peu. Laissez-moi votre numéro de téléphone, je vous rap-pellerai plus tard. La femme de l'agence le lui donna. Merci, Madame, répondit-il avant de racc-rocher.

Régis, écoeuré, plongea au fond de son canapé. Mon dieu, c'est pas possible, la lettre a dit vrai! Et moi dans cette affaire, je fais parti des survivants. Alors là, si j'avais su que le nouveau monde s'ouvrirait sur cette proposition d'emploi plutôt macabre, jamais je n' aurais pris l'antidote. Mais bon, c'est fait et on ne peut plus revenir en arrière, n'est ce pas? Après tout, en y réfléchissant bi-en, ne suis-je pas un privilégié, hein? Incroyable 10 euros par corps dégagé des espaces publiqu-es! Mais c'est la fortune qui s'ouvre à moi! Et sachant qu'à Paris ils sont un peu près 12 millions d'habitants, j'aurai du travail pour au moins plusieurs années. Et ça si c'est pas un cadeau, alors c'est quoi? Bon, bon, je vais les rappeler immédiatement pour leur dire que je suis d'accord pour cette mission intérim un peu spéciale.»

Régis reprit le combiné du téléphone avec le sourire et tenta même une plaisanterie avec la fille qui était à l'autre bout du téléphone. Mais celle-ci, quelque peu déroutée, l'invita plutôt à allez au plus vite chercher son contrat de travail à l'agence. Régis raccrocha, prit son blouson et sortit le coeur léger.

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Quant à monsieur Camus et à monsieur Crassepoite, ces deux là étaient partis dès l'aube visiter les hauts lieux où se tenaient anciennement le pouvoir, c'est à dire au palais de l'Élysée et à l'ass-emblée nationale. La surprise fut à la hauteur de leurs espérances en s'apercevant que tous le mo-nde était mort où aucun de nos soi-disant hommes remarquables n'avaient pu échapper au virus de la fièvre bleue ni le président de la république, monsieur Macador (qui n'avait pas eu le temps de se cacher dans son abri anti-atomique) que Camus découvrit assis et bien mort dans son fau-teuil style Louis 16 en train de lire une revue pornographique! C'est dire le désarroi complet où se trouvait la vie politique française avant la catastrophe, n'est-ce pas? Camus tourna autour de ce fauteuil d'une façon fort étrange avant de lâcher sans prévenir un superbe éclat de rires digne d'un grand souverain en se disant qu'il était sûrement mort dans l'une de ses occupations favori-te, bref, dans une merde intellectuelle pas possible!

Ah!Ah!Ah! le pauvre homme! Ah!Ah!Ah! le misérable! Faut dire que ce rire, jeté à la figure mor-tifiée de l'ancien président de la république, était d'une vérité effrayante qui maintenant résonn-ait d'une façon diabolique dans toutes les pièces du palais de l'Elysée qui était désert, déserté par la vie même où le virus de la fièvre bleue avait fait un travail remarquable! Crassepoite, envoû-té par le rire de son ami, l'imita et son rire grotesque se mélangea à l'autre d'une façon si admi-rable que l'ensemble ressembla étonnement à un concert à deux voix dont le point d'orgue fut comme la vérité mise à nue! Emporté dans son délire, il se dirigea vers le fauteuil du président et le renversa au sol pour regarder le corps statufié du président de la république basculer la tête en avant et se fracasser contre le marbre du cabinet. D'où jaillit de son crâne, un filet de sang d'une extrême rougeur qui se répandit comme une petite mare sur le marbre blanc de Carare. Camus, admiratif devant l'audace de son collègue, en profita pour lui donner un coup de pied aux fesses! où le sang jaillit de nouveau de ce crâne qui soi-disant devait sauver la France des périls à venir!

Son complice témoin de tout cela ria de plus belle et dans le même élan remit le fauteuil du prés-ident sur ses pieds afin ni plus ni moins de l'essayer. Lui, assis dans le fauteuil du président de la république française, était une chose assez comique à voir, je ne vous le cacherai pas. Mais ce dernier lui trouva, malheureusement, le défaut d'être un peu dure au niveau du dos. Quant à Ca-mus, qui l'essaya à son tour, il le trouva un peu mou au niveau des accoudoirs, c'est dire le peu de chose qui les séparait vraiment, n'est-ce pas? Ce fut, semble-t-il, la seule critique qu'ils ava-ient pu faire au fauteuil Louis 16 appartenant à l'ancien président de la république. Après cette visite mémorable de nos deux acolytes au palais de l'Elysée, ils allèrent visiter l'assemblée natio-nale. Je ne vous cacherai pas, mon cher lecteur, que les ministres et les députés avaient tenu séa-nce quand le virus de la fièvre bleue leur était tombé sur le crâne. En fait, tout ce beau monde était figé dans sa dernière action, c'est à dire en train de dormir derrière leur pupitre recouvert de cuir de vache. Lorsque nos deux acolytes entrèrent dans l'hémicycle( lieu interdit au public en te-mps normal), ils furent en vérité à moitié surpris par le tableau même si le président de l' assem-blée faisait semblant de s'énerver en criant dans son micro.

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En fait, celui-ci ne faisait que jouer son rôle à merveille pour lequel il avait été nommé, c'est à dire empêcher les députés et les ministres de s'endormir derrière leurs pupitres afin de ne pas do-nner aux citoyens l'impression que la vie politique française était morte depuis belle lurette et continuait à payer chèrement de simples importunistes sans scrupules. En fait, Camus les trouva très beau dans ce nouveau tableau où les dormeurs professionnels étaient morts derrière leur pu-pitre en cuir de vache. Bref, en étant morts comme ils avaient vécu, c'est à dire en ne faisant stri-ctement rien pour leurs concitoyens, mais seulement pour eux, pour leur progéniture et leur fa-mille politique. En résumé, pour pas grand chose de grand pour leur pays, mais d'exclusivement personnel et de médiocre. La suite serait longue à vous raconter, mon cher lecteur. Mais ce que je peux vous dire, c'est qu'une bonne dizaine de ministres et députées reçurent de la part de mon-sieur Camus et de monsieur Crassepoite un joli coup de pied au cul, mais aussi une bonne paire de baffes pour ceux qui avaient des têtes de cons. Il est vrai que la vengeance est un plat qui se mange froid pour nous tous, soyons francs. Mais moi qui ne suis que le témoin de cette histoire, je ne sais qu'une chose, c'est que celle-ci est me semble-t-il le début d'une grande histoire que seuls nos personnages seront capable d'affronter pour nous raconter les aventures extraordinai-res. Camus, Crassepoite, Régis, le professeur Banbilock, Jean Lamore, le général Parisis et Dje-mila seront les nouveaux héros de cette nouvelle histoire à la limite du nouveau roman d'antic-ipation. La plume me quitte maintenant des mains, car j'entends comme les foudres de la veng-eance s'abattre sur moi. Veuillez m'excuser, mais il me semble en avoir déjà trop dit. J'espère seulement reprendre mon récit quand les éléments se seront calmés. A bientôt!

                                                                                                                    J.J.K

SUITE